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Sarkozy se defausse sur gueant et hortefeux

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    Sarkozy en difficulté devant les policiers
    23 MARS 2018 PAR FABRICE ARFI ET KARL LASKE
    Mediapart révèle le contenu des auditions de Nicolas Sarkozy face aux policiers lors de sa garde à vue, les 20 et 21 mars. Nous dévoilons aussi l'ensemble de ses déclarations devant les trois juges qui l'ont mis en examen. L'ex-président y apparaît acculé, se défaussant sur ses proches, Claude Guéant et Brice Hortefeux.


    Nicolas Sarkozy a eu le temps de se préparer. Contrairement à ce qu’il a laissé entendre, jeudi 22 mars, sur TF1, l’ancien président de la République était informé depuis le 7 février dernier de sa future audition « en qualité de mis en cause » par les enquêteurs de l’Office anticorruption (OCLCIFF), dans l’affaire des financements libyens. Mais malgré le mois et demi de préparation dont il a pu profiter, l’ex-chef de l’État a montré des signes de faiblesse patents face aux policiers lors des six interrogatoires qu’il a subis en garde à vue les 20 et 21 mars, puis face aux juges d’instruction Serge Tournaire, Aude Buresi et Clément Herbo. Ces derniers lui ont finalement signifié, le 21 mars à 16 h 37, dans les locaux mêmes de la police judiciaire à Nanterre (Hauts-de-Seine), une triple mise en examen pour « corruption passive », « financement illicite de campagne électorale » et « recel de détournements de fonds publics libyens ».

    En un mot, Nicolas Sarkozy est formellement soupçonné par la justice d’avoir été stipendié par une puissance étrangère, et non des moindres : la dictature libyenne de Mouammar Kadhafi (1942-2011). Une première dans l’histoire de la République.

    Le parquet national financier (PNF) a requis un placement judiciaire qui interdit à Nicolas Sarkozy d’entrer en contact avec Claude Guéant, Ziad Takieddine, Alexandre Djouhri, Bachir Saleh (ancien directeur de cabinet de Kadhafi), Moussa Koussa (l'ancien chef des services secrets extérieurs libyens), Brice Hortefeux, Bernard Squarcini (ex-chef des services secrets intérieurs), Cécilia Ciganer-Attias (son ex-épouse jusqu'à fin 2007), Boris Boillon, Dominique de Villepin ou Michel Scarbonchi (ex-eurodéputé), mais aussi de se rendre au Qatar, en Afrique du Sud, aux Émirats arabes unis, en Tunisie, en Égypte et en Libye. Les juges d’instruction ont confirmé le placement sous contrôle judiciaire de l’ancien président, mais nous ne savons pas à cette heure si les termes de celui-ci sont en tous points conformes aux réquisitions du PNF.

    Dès les premières minutes de son audition, le 20 mars à 8 heures du matin, Nicolas Sarkozy a tenu à « contester la nécessité d’une garde à vue », dénonçant « une manipulation grossière d’une ampleur inégalée et qui a eu pour conséquence de [le] faire perdre à l’élection présidentielle de 2012 de 1,5 % et à la primaire […] de novembre 2016 ». « Ce n’est pas dans mes habitudes, mais je veux dire la force de ma colère et la profondeur de mon indignation. Sept ans qu’on me poursuit sur la base de déclarations de voyous, de repris de justice et d’assassins », a-t-il affirmé devant les policiers.

    Sur la forme, Nicolas Sarkozy a montré la même force dans ses démentis que celle dont il a fait preuve lors de son passage au 20 heures de TF1 au lendemain de sa mise en examen. Mais sur le fond, au fil des auditions et jusqu’à son interrogatoire de première comparution devant les juges, il a laissé transparaître un embarras certain face aux questions précises et circonstanciées qui lui étaient opposées, donnant au bout du compte l’impression que tout ce qui a pu être fait de répréhensible dans l’affaire libyenne l’a été dans son dos, hors de sa vue et de sa connaissance.

    Cela est particulièrement vrai s’agissant, par exemple, de l’intermédiaire Ziad Takieddine, déjà mis en examen dans le dossier après avoir avoué qu’il avait transporté, en 2006 et 2007, trois valises de cash libyen au profit de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant pour un montant total de 5 millions d’euros. « Un menteur doublé d’un fou », a dit Nicolas Sarkozy devant les enquêteurs.

    Les juges ont rétorqué : « Vous avez émis des jugements très négatifs sur Ziad Takieddine. Or, des documents découverts dans le cadre d'une autre affaire tendent à montrer que celui-ci a joué un rôle dans les négociations entre la France et la Libye dans le cadre de vos visites en Libye comme ministre de l'intérieur, puis président de la République. Il était notamment en contact avec Claude Guéant et Brice Hortefeux. On peut difficilement concevoir que vous ayez ignoré ces éléments. »

    Manifestement embarrassé, Nicolas Sarkozy a renvoyé la balle judiciaire dans le camp de ses deux fidèles lieutenants, quitte à les mettre en difficulté. « Que Brice Hortefeux à titre personnel ait pu le fréquenter, c’est sa décision », a-t-il d’abord déclaré au sujet de son ami de quarante ans, ancien ministre de l’intérieur. « Je ne sais pas quand, et combien de fois, [Ziad Takieddine] a vu M. Guéant, il s’en expliquera », a-t-il ensuite dit de celui qui fut longtemps son bras droit, directeur de cabinet au ministère de l’intérieur, directeur de campagne durant l’élection de 2007, puis secrétaire général de l’Élysée après 2007.

    « Je suis sans doute celui qui a le moins côtoyé M. Takieddine […]. Il est juste que je sois responsable de ce que j’ai fait. Et si jamais Brice Hortefeux ou Claude Guéant disait “c’est Nicolas Sarkozy qui nous l’a demandé”, vous pourriez considérer que cela relève de ma responsabilité, mais ce n’est pas vrai, ils ne l’ont jamais dit », a poursuivi Nicolas Sarkozy, qui semble théoriser ici les vertus de l’omerta en politique. Cette posture lui a d’ailleurs valu cette réflexion des magistrats : « Nous vous rappelons que c’était dans le cadre de leurs fonctions et alors qu’ils étaient sous votre autorité hiérarchique. »

    Face aux enquêteurs de la PJ, Nicolas Sarkozy a assuré n’avoir rencontré Ziad Takieddine personnellement qu’à deux reprises : une fois en 2002, présenté par l’ancien président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin, et une deuxième fois en 2003, au ministère de l’intérieur, dans le cadre des négociations d’un contrat d’armement avec l’Arabie saoudite. Sur ce marché, dit “Miksa”, Ziad Takieddine devait percevoir 350 millions d’euros de commissions occultes, ainsi que Mediapart l’a déjà rapporté.

    De nombreux documents récupérés par les policiers prouvent formellement l’intervention de Ziad Takieddine auprès de Claude Guéant pour ce contrat saoudien. « Vous m’apprenez l’existence de ces notes et je n’en savais rien », a botté en touche Nicolas Sarkozy devant les policiers.

    S’agissant de ce même contrat saoudien, l’ex-président a également assuré que Brice Hortefeux, alors proche collaborateur place Beauvau, n’avait « jamais » été associé aux négociations. Entendu au même moment sous le statut de « suspect libre », Brice Hortefeux a pourtant reconnu l’inverse : « Les autorités saoudiennes ont fait savoir qu'elles souhaitaient connaître l'entourage du ministre de l'intérieur, son principal collaborateur son directeur de cabinet et un proche, en l'occurrence moi. Ce qui, m'avait-on expliqué, était une pratique courante. »

    La contradiction est d’autant plus embarrassante que ce contrat avait été perçu en son temps comme une possible pompe à finance sarkozyste dans la perspective de l’élection présidentielle de 2007. L’équipe du président Jacques Chirac à l’Élysée, alors en guerre ouverte avec le clan Sarkozy, avait mis un terme brutal aux négociations. Or c’est de cet échec saoudien qu’est né le rapprochement entre le cabinet Sarkozy et la dictature libyenne, toujours grâce à l’intermédiaire Ziad Takieddine et toujours dans la perspective de l’élection de 2007, selon l’enquête judiciaire.

    La relation entre la Libye et Nicolas Sarkozy a d’abord été l’histoire d’une lune de miel sans commune mesure à l’échelle internationale (l’accueil fastueux du dictateur à Paris en décembre 2007, la vente d’armes, la promesse du nucléaire, etc.), suivie d’une guerre qui, déclenchée à la hâte en mars 2011, a conduit huit mois plus tard à l’élimination du tyran.

    Mais c’est aussi, à la lecture de ses auditions devant les policiers et les juges, une histoire de perte de mémoire récurrente pour Nicolas Sarkozy sur un certain nombre de points précis du dossier.

    Entendue, une ancienne traductrice du Quai d’Orsay a assuré avoir accompagné « après vérification » à trois reprises Nicolas Sarkozy en Libye, deux fois en tant que ministre de l’intérieur et une en tant que président de la République. Seulement voilà, il n’y a que deux voyages officiels de Sarkozy en Libye. Face aux policiers, Nicolas Sarkozy n’a étrangement pas fermé la porte à un voyage secret à Tripoli : « À ma connaissance, je n’ai retrouvé aucune trace d’un troisième voyage, mais sinon qu’on me dise à quelle date et dans quel cadre, et je pourrais réviser ma position. »

    Par la suite, l’ancien président français s’est montré en difficulté face aux éléments matériels présentés par les policiers qui prouvent les diligences de Ziad Takieddine au profit de Claude Guéant sur le dossier libyen, entre 2005 et 2007. Guéant a d’ailleurs lui-même reconnu en audition les interventions de Takieddine : « Honnêtement, il a joué un rôle car il était en liaison très fréquente avec le beau-frère de Kadhafi, qui s’appelait Abdallah Senoussi et il me donnait de temps à autre un peu la température, le climat du côté libyen », avait-il avoué aux enquêteurs, tout en démentant tout financement.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Nicolas Sarkozy, lui, tombe des nues : « Jamais Claude Guéant ne m’a informé de ses contacts avec Takieddine. » Claude Guéant était pourtant à l’époque le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire son collaborateur le plus proche, son numéro 2, sa doublure.

    Plus embarrassant encore, les policiers ont interrogé Nicolas Sarkozy sur une note préparatoire à un déplacement de Guéant à Tripoli en septembre 2005, note rédigée par Takieddine et dans laquelle il était question d’une discrétion nécessaire pour aborder « l’autre sujet important, de la manière la plus directe » avec les Libyens. Question des enquêteurs : « Que concernait ce sujet si important et qui nécessite autant de discrétion ? » Nicolas Sarkozy ne sait pas.

    « Je n’en ai aucune idée »
    Au sujet de sa première rencontre à Tripoli avec le colonel Kadhafi, le 6 octobre 2005, Nicolas Sarkozy a confirmé avoir eu un tête-à-tête avec le dictateur d’une durée d’une quinzaine de minutes, selon lui. Des témoins libyens ont évoqué la possibilité que ce soit durant ce tête-à-tête qu’une première discussion de financement politique ait eu lieu entre les deux hommes. La traductrice du Quai d’Orsay, interrogée sur ce point, a refusé de démentir ou de confirmer. « Je ne me souviens pas de l’originalité de ce tête-à-tête à quatre (avec les traducteurs), d’autant moins que tous ceux qui ont rencontré Kadhafi vous le diront, il était friand de monologues interminables et “perchés” où il était question de décolonisation, de la misère du monde, de son rôle à la tête de l’Afrique, etc. », a répondu pour sa part Sarkozy, qui a évidemment démenti toute discussion d’ordre financier.

    Il a en revanche reconnu que le Guide libyen lui avait parlé de la situation judiciaire d’Abdallah Senoussi, chef des services de renseignement militaires, qui est surtout, aux yeux de la France, le principal condamné – à la réclusion criminelle à perpétuité – dans l’affaire de l’attentat contre l’avion de ligne DC-10 d’UTA (170 morts, dont 54 Français). Ne s’étant jamais présenté devant la justice française, il est depuis visé par un mandat d’arrêt international.


    Or un mois après la première visite de Sarkozy à Tripoli, des échanges par fax signalent que Thierry Herzog, l’avocat personnel et ami de Nicolas Sarkozy, a été impliqué dans la défense des intérêts de Senoussi pour rendre inopérant son mandat d’arrêt dans le dossier du DC10 d’UTA. « Oui, ce Monsieur a essayé de contacter un avocat qui m’est proche […]. Ce Monsieur Senoussi a essayé par tous les moyens de bénéficier des compétences de Thierry Herzog », a reconnu Nicolas Sarkozy, tout en jurant que le mandat en faveur de Me Herzog avait été « mis à la corbeille ». Problème : d’autres éléments prouvent que des diligences ont bien été menées, au moins jusqu’en 2009, par un avocat proche de Me Herzog pour faire tomber le mandat d’arrêt de Senoussi. Une réunion a même eu lieu à l’Élysée sur ce sujet en mai 2009, d’après les archives personnelles de Ziad Takieddine, désormais aux mains des policiers.

    Abdallah Senoussi est un problème pour Nicolas Sarkozy. C’est lui qui, de son propre aveu, confirmé ensuite par ceux de Takieddine, a envoyé cinq millions d’euros en espèces fin 2006 et début 2007 pour financer la campagne victorieuse de l’ancien président.

    Quand les policiers annoncent à Nicolas Sarkozy que des constatations démontrent que « Ziad Takieddine a bien réalisé les voyages qu’il évoque dans ses déclarations sur les remises d’espèces », il répond : « La question n’est pas de savoir si Takieddine est en Libye. La question est de savoir s’il m’a remis de l’argent, ce n’est quand même pas la même chose. » Sur procès-verbal, Nicolas Sarkozy parle de Takieddine comme d’« un déséquilibré profond ».

    Si Nicolas Sarkozy a assuré n’avoir jamais rencontré Senoussi de sa vie, à cause du mandat d’arrêt qui le vise, ce n’est pas le cas de son lieutenant le plus fidèle depuis quatre décennies, Brice Hortefeux. Celui-ci s’était rendu à Tripoli en décembre 2005, en tant que ministre des collectivités territoriales… françaises, à l’occasion d’une visite qui n’avait « pas grand sens », selon les mots de l’ambassadeur français alors en poste à Tripoli, Jean-Luc Sibiude. Hortefeux a reconnu en audition avoir rencontré durant son séjour libyen Abdallah Senoussi, et ce en présence de Takieddine. « Vous me l’apprenez. Moi, je ne savais pas », dit Sarkozy aux policiers.

    Ceux-ci poussent leur avantage et précisent que « Brice Hortefeux s’est rendu à ce rendez-vous sans l’ambassadeur, sans interprète, sans officier de sécurité ». « Je ne le savais pas, cela ne s’est pas fait à ma demande », répète Nicolas Sarkozy qui, quand il était ministre de l’intérieur, fut manifestement l’homme le moins bien informé de France.

    Interrogé ensuite sur de récentes déclarations de Senoussi selon lesquelles des fonds auraient été transférés à la demande de Brice Hortefeux, en plus des versements en espèces, via la Libyan Foreign Bank, Nicolas Sarkozy répond : « Si ce compte existe, cela devrait être facile de le retrouver, de retrouver son titulaire. »
    Les policiers approuvent : « L’enquête a permis d’identifier qu’un virement de 2 millions d’euros a bien été adressé le 21 novembre 2006 depuis un compte de la Libyan Foreign bank. Il s’agit de la banque citée par M. Senoussi. Ce virement a été crédité sur le compte d’une société offshore, la société Rossfield Trading Limited dont le bénéficiaire économique était Ziad Takieddine. Ce transfert ne correspondrait-il pas à la commission de M. Takieddine pour avoir organisé le soutien financier dont vous auriez pu bénéficier dans le cadre de la campagne électorale ? »

    Nicolas Sarkozy : « Que M. Takieddine ait reçu de l’argent de M. Kadhafi, c’est certain […]. Il y a autre chose qui ne fait pas de doute, c’est que les rapports entre M. Takieddine et moi n’ont jamais existé à aucun moment et sur aucun plan : politique, financier et amical. »

    Les policiers enfoncent le clou : « M. Takieddine a éprouvé des difficultés à s’expliquer sur cette opération de 2 millions d’euros. En revanche, il a reconnu avoir transporté 5 millions en espèces qu’il a reconnu avoir récupérées auprès de M. Senoussi et qu’il aurait déposées à Paris, au ministère de l’intérieur, dans le bureau de Claude Guéant et dans le vôtre. Ces transports d’espèces auraient été opérés eux aussi à la fin de l’année 2006 et au début de l’année 2007. »

    « Je crois avoir démontré l’impossibilité absolue pour M. Takieddine comme pour qui que ce soit d’autre de rentrer dans le ministère de l’intérieur sans avoir un rendez-vous en bonne et due forme. Pour le reste, les déclarations de Takieddine sont celles d’un déséquilibré dont la crédibilité est nulle », répète une fois encore Nicolas Sarkozy.

    Mais les policiers n’ont pas dit leur dernier mot : « Pour compléter, lors de l’interrogatoire de M. Senoussi réalisé en Libye en présence de son avocat, il a déclaré avoir tenté de convaincre le colonel Kadhafi de financer à hauteur de 20 millions d’euros demandés pour le soutien à votre campagne. Seulement, le Guide n’aurait accepté ce soutien que dans la limite de 7 millions. Or, il apparaît que M. Takieddine reconnaît avoir déposé 5 millions en espèces et il y a ce transfert bancaire de 2 millions supplémentaires reçus par M. Takieddine qui n’a pas pour habitude de travailler gratuitement. Finalement les déclarations de M. Senoussi semblent confirmer les éléments matériels recueillis et sans qu’il n’ait pu en avoir connaissance, étant détenu depuis plusieurs années. Que dites-vous face à ces propos ? »

    Nicolas Sarkozy est comme sec : « Je n’ai aucun commentaire à faire. C’est une association de voyous et de malfaiteurs. »

    La démonstration n’est pas finie. Quand Nicolas Sarkozy attaque les policiers en leur disant qu’il est « extravagant qu’avec tout cet argent prétendu, tous ces porteurs allégués, le nombre des mallettes et des comptes, on n’ait aucun élément qui de près ou de loin les rattache à moi ou à ma campagne », les enquêteurs sortent une nouvelle carte qui, elle aussi, laisse sans voix l’ancien président : la location par Claude Guéant, pendant le temps de la campagne présidentielle de 2007, d’une chambre forte dans une agence de la BNP à Paris, si grande qu’un homme pouvait y entrer debout dedans.

    « Je ne savais pas qu’il y avait cette location avant de l’apprendre par la presse », répond Sarkozy, démuni.

    Les policiers rappellent alors que, directeur de campagne de Nicolas Sarkozy pendant l’élection de 2007, Claude Guéant était probablement l’un des hommes les plus occupés de France. Et ils s’interrogent : « Pour quelles raisons Claude Guéant a-t-il pris le temps, durant cette période si dense pour lui, de se rendre dans cette chambre forte à sept reprises entre mars et juillet 2007 ? »

    Nicolas Sarkozy : « Je n’en ai aucune idée. Il ne m’en informait pas. »

    « Je n’ai aucun élément à vous fournir »
    Durant l’enquête judiciaire, Claude Guéant, qui est déjà mis en examen dans l’affaire libyenne, s’est défendu d’avoir loué cette chambre forte pour y dissimuler des espèces, prétendant y avoir entreposé des archives personnelles et… des discours de Nicolas Sarkozy. Une affirmation qui a plongé dans l’embarras ou la colère les nombreux anciens salariés de la campagne entendus par l’enquête, certains faisant part de leur certitude que c’était bien d’espèces que le coffre était garni.

    D’ailleurs, comme un premier rapport de synthèse l’a déjà avancé, la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy a été l’occasion de la circulation d’importantes sommes en espèces, qui n’ont pas été déclarées aux autorités de contrôle, donc illégales. Éric Woerth, trésorier de la campagne, n’a pas eu d’autre choix que de confirmer les faits.
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    • #3
      Nicolas Sarkozy, lui, n’a toujours rien à dire. « Je n’ai aucun élément à vous fournir sur le sujet […]. M. Woerth a toute ma confiance. Je suis sûr que tout cela est conforme aux règles et tant que l’on ne me démontre pas le contraire, je lui conserve ma confiance », a-t-il dit aux enquêteurs. Interrogé sur des « distributions occultes de sommes d’argent », il a également répondu : « Je ne peux vous apporter aucun élément à ce sujet. »


      Nicolas Sarkozy a un autre point faible dans le dossier. Il s’appelle Bachir Saleh, du nom de l’ancien directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, sa boîte noire, l’homme de tous les secrets du régime. D’après des témoignages obtenus en Libye par les enquêteurs, Bachir Saleh est celui qui a conservé, au moment de l’éclatement de la guerre en Libye, l’essentiel de la documentation sur les financements libyens du clan Sarkozy. C’est aussi celui envers qui la France de Sarkozy a redoublé d’efforts pour l’exfiltrer d’une Libye en pleine guerre, grâce aux concours de la Direction générale des services extérieurs (DGSE), dont plusieurs notes déclassifiées ont été obtenues par les juges.

      Là encore, Nicolas Sarkozy, chef de l’État au moment des faits, chef des armées pendant la guerre, n’est pas au courant. « Je ne sais rien des conditions de départ de Libye de Bachir Saleh », glisse-t-il aux policiers. Et quand Bachir Saleh dit à la DGSE, tel que cela ressort d’une note, qu’il a remercié Sarkozy pour tout ce qu’il a fait pour lui, l’ancien président rétorque : « Je ne m’en souviens plus. »

      Par deux fois, la France de Sarkozy a sauvé la mise à Bachir Saleh. En mai 2012, cinq jours après des révélations de Mediapart sur les financements libyens, les autorités françaises ont organisé, avec le concours de l’intermédiaire Alexandre Djouhri, la fuite de l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, alors qu’il était visé par une notice rouge d’Interpol – soit un mandat d’arrêt international.

      Sur cette cavale spectaculaire, qui avait fait la une des médias, Nicolas Sarkozy n’était au courant de rien non plus. Pas plus qu’il ne savait, jure-t-il, que Bachir Saleh se trouvait sur le territoire français… Les policiers sont interdits : « Comprenez-vous que nous puissions nous interroger sur la position de M. Guéant, ministre de l’intérieur et supérieur de hiérarchique de M. Squarcini [chef des services secrets impliqué dans la fuite de Saleh – ndlr], compte tenu de sa proximité avec vous, et notamment sur le fait qu’il ne vous avait pas informé ou rendu compte de l’exfiltration de M. Saleh à un moment où celui-ci fait la Une de la presse. »

      Une fois de plus, Sarkozy lâche Guéant : « Claude Guéant a été pendant des années un collaborateur remarquable, qui a exercé des missions que je lui ai confiées de manière infatigable, professionnelle et loyale. À la minute où il est nommé ministre de l’intérieur, il n’est plus mon collaborateur […]. Il avait dès lors sa propre existence politique, sa propre marge de manœuvre opérationnelle comme ministre. »

      Quelques heures plus tard, les juges confient eux aussi leur incrédulité à Nicolas Sarkozy : « Il semble difficilement concevable que le ministre de l’intérieur et le directeur du renseignement aient pu organiser entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012 l’exfiltration du territoire français de Bachir Saleh, ancien directeur de cabinet de Kadhafi, sans que vous l’ayez su, au moment même où vous proclamiez dans les médias qu’il serait arrêté s’il était découvert en France ? […] Nous vous rappelons qu’il serait parti avec l’aide des autorités alors que vous étiez chef de l’État. »

      Nicolas Sarkozy répond : « Quelles autorités ? Pas la mienne. À ce que je sache, M. Djouhri ne faisait pas partie des autorités. Et quelqu’un a-t-il dit que j’avais demandé ou autorisé cette exfiltration. Bien sûr que non ! »

      À un moment de l’audition, les policiers rappellent à Nicolas Sarkozy que Bachir Saleh, après l’avoir longtemps soutenu, a commencé à confirmer la thèse du financement libyen de sa campagne, notamment à deux journalistes du Monde auxquels il a déclaré récemment : « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois plus Kadhafi que Sarkozy. » Confronté à cette déclaration, Nicolas Sarkozy parle de « propos manipulés par le journal Le Monde dont on sait le soutien qu’ils ont toujours tenu à m’apporter ».

      Les policiers rappellent à Sarkozy que « Bachir Saleh s’est fait récemment tirer dessus en Afrique du Sud » et que, selon la presse, « il s’apprêtait à communiquer des éléments susceptibles d’intéresser la présente enquête ». « J’espère que personne n’ose imaginer, que de près ou de loin, je serais pour quelque chose dans une opération de règlement de comptes », se défend Nicolas Sarkozy, alors que la question ne lui était pas vraiment posée.

      Prenant les devants dans la foulée, l’ancien président évoque de lui-même le sort tragique de Choukri Ghanem, ancien premier ministre et ministre du pétrole libyen, dont un carnet personnel a été retrouvé par les enquêteurs. Une pièce majeure du dossier : il s’agit du journal manuscrit de l’ancien dignitaire, dans lequel il consignait en 2007 certains des versements du régime Kadhafi en faveur de la campagne Sarkozy. À l’époque où Choukri Ghanem écrivait ces lignes – avril 2007 –, la lune de miel est totale entre la France et la Libye. Ce document vient à lui seul ruiner l’argumentaire sarkozyste, selon lequel l’affaire libyenne est un « complot » ourdi par un régime aux abois à l’aube de la guerre de 2011. Comment Choukri Ghanem pouvait-il prévoir quatre ans à l’avance la guerre ?

      L’intéressé ne peut pas répondre à la question. Il a été retrouvé noyé dans le Danube, à Vienne (Autriche), en avril 2012. Une « mort hautement suspecte », d’après un proche de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton. « Ce n’est pas moi. Est-ce qu’on peut arrêter de délirer ? », lance Sarkozy aux policiers, alors que la question ne lui était pas posée.

      L’ancien président a tenu à désamorcer l’importance du carnet Ghanem en déclarant qu’il avait été découvert après la guerre. Les policiers le recadrent : « Sauf que ce carnet ne nous est pas remis spontanément. Il a été saisi par les autorités autrichiennes qui l’ont évoqué auprès des Norvégiens et il nous a été transmis par les Hollandais. Donc vraisemblablement, ces affirmations sont faites avant le déclenchement de la guerre en 2011 par un individu qui, à ce moment-là, ne vous en voulait pas. » « Je conteste formellement l’idée selon laquelle ce carnet aurait été rédigé avant le déclenchement des hostilités. Rien ne permet de l’affirmer », veut croire Sarkozy.

      Un autre mort intrigue les policiers : Mouammar Kadhafi, exécuté en octobre 2011 dans des conditions pour partie encore incertaines aujourd’hui. « Que pouvez-nous dire des circonstances dans lesquelles le colonel Kadhafi a trouvé la mort ? », demandent-ils au gardé à vue. « Rien. Je ne suis pas général », esquive l’ancien président, qui fut pourtant chef des armées au moment des faits.

      Nicolas Sarkozy s’est enfin montré très elliptique sur Alexandre Djouhi, intermédiaire au cœur du dossier actuellement incarcéré à Londres dans le cadre de cette affaire.

      Taquins, les policiers ont interrogé Nicolas Sarkozy sur Djouhri en ces termes : « Quelle est la nature des relations que vous entretenez avec Alexandre Djouhri, lequel termine certaines des conversations téléphoniques qu’il a avec vous par un affectueux : “Je t’embrasse” ? »
      Nicolas Sarkozy : « Alexandre Djouhri est un homme sympathique, du Sud, et je puis vous dire que dans sa personnalité, le fait d’embrasser son interlocuteur n’est pas un acte qui témoigne d’une affection ou d’une singularité, c’est quelque chose qu’il fait dans sa propre culture. »

      L’ancien président a juré avoir rencontré Djouhri en 2006. Claude Guéant parle, lui, d’une « vieille connaissance » de Sarkozy et Djouhri lui-même, dans une écoute téléphonique, a dit connaître Sarkozy depuis 1986. « Peut-être l’ai-je croisé à un moment ou à un autre. Mais je n’en ai gardé aucun souvenir », esquive l’ancien président.

      Face aux enquêteurs, Nicolas Sarkozy dit ne rien savoir des relations précises qui unissaient Claude Guéant et Alexandre Djouhri. Dire le contraire pourrait, de fait, mettre Nicolas Sarkozy dans une position judiciaire encore plus inconfortable. L’enquête a en effet déjà démontré que Djouhri se cachait avec Bachir Saleh derrière le versement en mars 2008 de 500 000 euros, qui ont permis à Claude Guéant de s’offrir un bel appartement derrière l’Arc de triomphe, à Paris.

      Lors d’une perquisition menée au domicile de Djouhri, à Genève, les policiers ont mis la main sur d’innombrables documents montrant la porosité qui existait entre l’intermédiaire et l’Élysée sous Nicolas Sarkozy : des courriers adressés par Sarkozy à des dignitaires saoudiens, une lettre de son ancien directeur de cabinet à l’Élysée… Les policiers ont également à leur disposition plusieurs éléments matériels prouvant des interventions de Brice Hortefeux ou Éric Woerth, quand ils travaillaient à Bercy, en faveur d’une société liée à Alexandre Djouhri quand celle-ci connaissait des déboires fiscaux. « Vous me l’apprenez », a assuré Nicolas Sarkozy, dont les derniers mots en garde à vue ont été : « Mediapart conduit une opération politique qui donne la nausée. »
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