Mgr Ghalib Bader (Nouvel archevêque d’Alger)
« L’Algérie est un pays important dans le monde arabe, le symbole du Maghreb »
C’est un intellectuel accompli, polyglotte, rigoureux, philosophe de formation qui préside, depuis quelques jours, aux destinées de l’archevêché d’Alger. Ce Jordanien quinquagénaire pragmatique, qui milite pour le dialogue entre les religions, a un goût prononcé pour l’étude, l’écriture et la lecture. De son père, Moussa, « un montagnard qui travaillait passionnément la terre », il a gardé la rigueur et la rectitude. Au siège de l’archevêché d’Alger, où il nous a courtoisement reçus, Mgr Bader Ghalib, « un Arabe parmi ses frères arabes », a bien voulu répondre à nos questions.
L’Aïd El Adha, c’est demain. Quel message adressez-vous aux Algériens ?
-D’abord un message de paix. Je profite de cette occasion, chère aux musulmans, pour exprimer mes meilleurs vœux aux Algériens et à tous les musulmans. J’espère que l’Aïd apporte la joie et le bonheur au sein des familles, en souhaitant prospérité, progrès et stabilité à ce beau pays qui est le vôtre. Encore une fois, bonne fête à tout le monde et à El Watan qui m’a permis de délivrer ce message.
-Peut-on avoir un aperçu de votre parcours ?
-Je suis né en 1951 à Wahadneh près de Adjloun dans le nord de la Jordanie. Mon père Moussa, paysan faisait vivre la famille de la terre de nos ancêtres dans les massifs montagneux de Jilad, qui ressemblent à la Kabylie en moins grand évidemment. J’ai fait l’école primaire dans mon village natal. A 12 ans, je rentre au séminaire de Bejalah à Jérusalem. Le prêtre, qui me suivait, avait décelé en moi des vocations. J’ai eu mon bac en étant major de promotion. Ce qui m’a valu une bourse que j’ai refusée. Je voulais être prêtre. J’ai fait quatre années d’études en philosophie et en théologie. J’ai été ordonné prêtre en 1975 à 24 ans. Mon premier poste, je l’ai exercé en qualité de secrétaire privé du patriarche de Jérusalem. Parallèlement, j’ai préparé une licence en droit civil à Damas. En 1981, je suis envoyé à Rome, où j’ai poursuivi des études pour obtenir le doctorat en droit canon ecclésiastique, doublé d’un doctorat en philosophie. En 1987, je rentre à Jérusalem, où je suis nommé président du tribunal ecclésiastique. Parallèlement, j’enseigne la philosophie au séminaire et le droit du commerce à l’université de Bethleem. En 1992, je suis désigné comme curé de paroisse en Jordanie, mission que j’ai effectuée jusqu’à ma nomination, il y a quelques jours à Alger.
- Vous vous êtes aussi distingué par vos écrits…
- En effet, j’ai eu à donner de nombreuses conférences traitant de sujets divers. J’ai traduit la bible en plusieurs langues et j’ai à mon actif deux thèses de doctorat : l’une en philosophie (L’un et le multiple) et l’autre en droit (Etude critique du droit de famille en Jordanie). J’ai traduit le code droit de l’Eglise du français à l’arabe et des livres de philosophie et de religion de l’allemand à l’arabe.
- C’est la deuxième fois que vous vous rendez en Algérie. A quand remonte la première et à quelle occasion s’est-elle effectuée ?
- Cela s’est passé en 1998. J’étais l’invité des Rencontres des évêques du Maghreb. Le ministre algérien de la Culture nous avait reçus et nous avait dressé un tableau de la situation du pays qui était à l’époque encore tendue. De prime abord, l’Algérie m’avait plu. J’ai beaucoup aimé la configuration architecturale de la ville d’Alger.
- Vous êtes le premier homme d’Eglise arabe à occuper ce poste en Algérie. Votre arabité est-elle un atout ou un inconvénient ?
- Avant d’être un atout, je dirais que c’est un geste de bienveillance et de respect de la part de l’Eglise catholique, à l’égard de l’Algérie. Maintenant, pour répondre à votre question, je dirais que c’est une arme à double tranchant. Cela peut être considéré positivement par certains et négativement par d’autres. En tout cas cela ne change rien au caractère de l’Eglise d’Algérie, une église cosmopolite composée de fidèles venus de tous les horizons.
- Mgr Teissier, votre prédécesseur, avait déclaré que tous les évêques qui sont passés par l’Algérie depuis 1837 étaient Français. En 2008, le pape en choisissant un Jordanien a signé une nouvelle étape. En quoi cette nouvelle étape se distingue-t-elle, en plus désormais qu’elle ne fait plus partie de l’héritage de l’ère coloniale ?
- L’Eglise, quoiqu’on dise, n’a jamais de nationalité. Elle n’appartient à aucune nation et est ouverte à tous. De plus, la séparation est faite entre l’Eglise et l’Etat. La religion c’est notre rapport à Dieu. La nationalité, c’est notre rapport au pays. Parler de rupture, je crois que c’est trop dire. J’espère que le fait d’être Arabe m’aidera à régler quelques problèmes encore en suspens ?
- Par exemple…
- Les problèmes de permis de séjour, de visas, de liberté de déplacements. Je m’attacherai à faire le maximum et je ne ménagerai aucun effort pour coopérer avec les autorités algériennes. De toute manière, je me considère comme Algérien à cent pour cent. Ce n’est pas une simple déclaration d’intention. J’ai quitté mon pays pour travailler ici. Je ne suis pas un ambassadeur. C’est ce pays que je vais servir, aimer. C’est ce pays, qui j’espère m’accordera la nationalité algérienne. Pour la petite histoire, l’autre jour, j’en avais parlé au ministre des Affaires religieuses qui m’a dit qu’il faut y résider au moins cinq ans pour pouvoir l’obtenir… J’en ai pris acte.
« L’Algérie est un pays important dans le monde arabe, le symbole du Maghreb »
C’est un intellectuel accompli, polyglotte, rigoureux, philosophe de formation qui préside, depuis quelques jours, aux destinées de l’archevêché d’Alger. Ce Jordanien quinquagénaire pragmatique, qui milite pour le dialogue entre les religions, a un goût prononcé pour l’étude, l’écriture et la lecture. De son père, Moussa, « un montagnard qui travaillait passionnément la terre », il a gardé la rigueur et la rectitude. Au siège de l’archevêché d’Alger, où il nous a courtoisement reçus, Mgr Bader Ghalib, « un Arabe parmi ses frères arabes », a bien voulu répondre à nos questions.
L’Aïd El Adha, c’est demain. Quel message adressez-vous aux Algériens ?
-D’abord un message de paix. Je profite de cette occasion, chère aux musulmans, pour exprimer mes meilleurs vœux aux Algériens et à tous les musulmans. J’espère que l’Aïd apporte la joie et le bonheur au sein des familles, en souhaitant prospérité, progrès et stabilité à ce beau pays qui est le vôtre. Encore une fois, bonne fête à tout le monde et à El Watan qui m’a permis de délivrer ce message.
-Peut-on avoir un aperçu de votre parcours ?
-Je suis né en 1951 à Wahadneh près de Adjloun dans le nord de la Jordanie. Mon père Moussa, paysan faisait vivre la famille de la terre de nos ancêtres dans les massifs montagneux de Jilad, qui ressemblent à la Kabylie en moins grand évidemment. J’ai fait l’école primaire dans mon village natal. A 12 ans, je rentre au séminaire de Bejalah à Jérusalem. Le prêtre, qui me suivait, avait décelé en moi des vocations. J’ai eu mon bac en étant major de promotion. Ce qui m’a valu une bourse que j’ai refusée. Je voulais être prêtre. J’ai fait quatre années d’études en philosophie et en théologie. J’ai été ordonné prêtre en 1975 à 24 ans. Mon premier poste, je l’ai exercé en qualité de secrétaire privé du patriarche de Jérusalem. Parallèlement, j’ai préparé une licence en droit civil à Damas. En 1981, je suis envoyé à Rome, où j’ai poursuivi des études pour obtenir le doctorat en droit canon ecclésiastique, doublé d’un doctorat en philosophie. En 1987, je rentre à Jérusalem, où je suis nommé président du tribunal ecclésiastique. Parallèlement, j’enseigne la philosophie au séminaire et le droit du commerce à l’université de Bethleem. En 1992, je suis désigné comme curé de paroisse en Jordanie, mission que j’ai effectuée jusqu’à ma nomination, il y a quelques jours à Alger.
- Vous vous êtes aussi distingué par vos écrits…
- En effet, j’ai eu à donner de nombreuses conférences traitant de sujets divers. J’ai traduit la bible en plusieurs langues et j’ai à mon actif deux thèses de doctorat : l’une en philosophie (L’un et le multiple) et l’autre en droit (Etude critique du droit de famille en Jordanie). J’ai traduit le code droit de l’Eglise du français à l’arabe et des livres de philosophie et de religion de l’allemand à l’arabe.
- C’est la deuxième fois que vous vous rendez en Algérie. A quand remonte la première et à quelle occasion s’est-elle effectuée ?
- Cela s’est passé en 1998. J’étais l’invité des Rencontres des évêques du Maghreb. Le ministre algérien de la Culture nous avait reçus et nous avait dressé un tableau de la situation du pays qui était à l’époque encore tendue. De prime abord, l’Algérie m’avait plu. J’ai beaucoup aimé la configuration architecturale de la ville d’Alger.
- Vous êtes le premier homme d’Eglise arabe à occuper ce poste en Algérie. Votre arabité est-elle un atout ou un inconvénient ?
- Avant d’être un atout, je dirais que c’est un geste de bienveillance et de respect de la part de l’Eglise catholique, à l’égard de l’Algérie. Maintenant, pour répondre à votre question, je dirais que c’est une arme à double tranchant. Cela peut être considéré positivement par certains et négativement par d’autres. En tout cas cela ne change rien au caractère de l’Eglise d’Algérie, une église cosmopolite composée de fidèles venus de tous les horizons.
- Mgr Teissier, votre prédécesseur, avait déclaré que tous les évêques qui sont passés par l’Algérie depuis 1837 étaient Français. En 2008, le pape en choisissant un Jordanien a signé une nouvelle étape. En quoi cette nouvelle étape se distingue-t-elle, en plus désormais qu’elle ne fait plus partie de l’héritage de l’ère coloniale ?
- L’Eglise, quoiqu’on dise, n’a jamais de nationalité. Elle n’appartient à aucune nation et est ouverte à tous. De plus, la séparation est faite entre l’Eglise et l’Etat. La religion c’est notre rapport à Dieu. La nationalité, c’est notre rapport au pays. Parler de rupture, je crois que c’est trop dire. J’espère que le fait d’être Arabe m’aidera à régler quelques problèmes encore en suspens ?
- Par exemple…
- Les problèmes de permis de séjour, de visas, de liberté de déplacements. Je m’attacherai à faire le maximum et je ne ménagerai aucun effort pour coopérer avec les autorités algériennes. De toute manière, je me considère comme Algérien à cent pour cent. Ce n’est pas une simple déclaration d’intention. J’ai quitté mon pays pour travailler ici. Je ne suis pas un ambassadeur. C’est ce pays que je vais servir, aimer. C’est ce pays, qui j’espère m’accordera la nationalité algérienne. Pour la petite histoire, l’autre jour, j’en avais parlé au ministre des Affaires religieuses qui m’a dit qu’il faut y résider au moins cinq ans pour pouvoir l’obtenir… J’en ai pris acte.
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