Dans cet entretien accordé à TSA, le premier secrétaire du FFS détaille les actions qui seront menées par son parti dans les prochains jours dans le cadre de son boycott actif de la présidentielle. Il évoque également les choix de son parti, l'initiative lancée par les « trois » (Aït Ahmed, Mehri et Hamrouche), la réouverture des frontières avec le Maroc...INTERVIEW
Karim Tabbou. Boycotter activement le scrutin présidentiel est une réaffirmation du choix du FFS de rester aux côtés de la population et rester fidèle aux principes démocratiques qu'il a toujours défendus. Le caractère actif de ce boycott renvoie d'abord à une action soutenue sur le terrain, avec surtout un refus public de se soumettre aux velléités unicistes et à l'unanimisme que veut imposer le régime aux Algériens. Le boycott actif est une attitude de refus de capituler et surtout une position de fidélité au combat démocratique. En définitive, le FFS a confirmé sa position dans le camp de la majorité des Algériens qui refusent le mensonge et les coups de force.
Mais concrètement, comment allez-vous organiser ce boycott actif ?
L'action soutenue consiste à engager des activités ou des manifestations pour, d'une part, sensibiliser l'opinion publique nationale et internationale et, d'autre part, participer à la mise en place des actions nécessaires avec toutes les forces du changement. Dans cet esprit, nous comptons nous adresser aux chancelleries, aux gouvernements partenaires de l'Algérie, aux ONG, aux partis frères de l'internationale socialiste (IS) ainsi qu'aux associations et à la communauté algérienne établie à l'étranger.
Au niveau national, des actions de proximité sous forme de caravanes de sensibilisation, de meetings, de conférences sont envisagées pour mettre les vrais jalons pour la construction d'un front politique citoyen contre la nouvelle forme de stalinisme.
Vous avez boycotté à plusieurs reprises les élections. Ne craignez-vous d'être accusés de craindre d'affronter les urnes ?
La peur est une idée véhiculée par les « moukhabarates », lesquels tentent de passer le message, selon lequel, celui qui refuse de se rendre complice de la décadence et de la régression a peur de se soumettre aux compétitions politiques. Deux points me semblent importants à signaler :
1) le commun des algériens sait que nos institutions ne sont ni un forum de débat ni des organes de décision. Ces institutions servent de devanture qui amuse un personnel, une certaine galerie, composée essentiellement de postulants aux privilèges alors que la réalité du pouvoir se trouve en dehors de tout cadre institutionnel et ne se soumet à aucun contrôle. Donc, il se pose à tout un chacun le choix suivant : soit garder sa crédibilité auprès de la population, donc rendre possible le retour à la politique et l'investissement politique durable, soit se faire incorporer dans la coupole, plutôt dans le « restaurant national » et donc s'investir dans la logique de la cooptation et de la désignation.
2) Le fait que le suffrage universel n'existe plus. Deux exemples suffisent : jeudi, il y' a eu pratiquement un état d'exception décrété à Alger. Des routes fermées à la circulation, une administration sur le pied de guerre et tous les moyens de l'Etat mobilisés au service d'une personne qui devait officiellement annoncer sa candidature. Deuxième exemple : ce sont les brigades officiellement dénommées «brigades de sensibilisation des électeurs » qui ont des attributs de milices chargées, non seulement de la propagande mais aussi de la persécution de la population. Pour nous limiter à quelques indications sur le scrutin d'avril, on peut citer la déclaration de Belkhadem sur le taux de participation et le retour aux affaires d'Ouyahia, chef de l'industrie de la fraude. Les deux assumant des fonctions de l'Etat, donc sensés s'imposer un minimum d'éthique et de moralité.
Toutefois je dois corriger l'image selon laquelle le FFS est spécialisé dans le boycott. Notre parti a participé à autant d'élections qu'il en a boycotté. Participation aux législatives de 1991, 1997, présidentielle 1999, locales 2002, partielles 2005 et locales 2007 et nous avons boycotté les présidentielles de 1995 et 2004 et les législatives de 2002 et 2007. Le choix du boycott ou de participer pour nous implique une évaluation sur l'impact sur la démocratie et sur la population.
Mais avec tous les griefs que vous retenez contre le pouvoir, vous avez quand même participé aux locales. N'y a t-il pas quelque part une contradiction ?
Contradiction, certainement. Nous sommes dans un pays anormal. Ce qui me semble important à signaler, c'est qu'une différence existe entre les institutions nationales qui dans leur fonctionnement, leurs compositions sont devenues des institutions de proximité avec le régime et les institutions locales qui elles demeurent des espaces proches de la population. Nous, en tant que mouvement de résistance, nous participons aux élections locales pour essayer d'éviter que des régions soient appropriées par la mafia locale, bras long du régime.
Comme vous savez que les institutions locales sont les cellules de base du l'organisation de l'Etat et face à la métastase mafieuse, nous essayons de protéger ce tissu cellulaire. Nous avons conscience de la difficulté de combattre le cancer. Il nécessite plus qu'une chimiothérapie politique, mais un sacrifice énorme et un engagement permanent pour éviter la contagion. Préserver le forum de dialogue local qui est l'assemblée locale est un des moyens de préserver le maigre acquis démocratique qui reste.
Dans vote résolution, vous dites que le peuple attend un projet alternatif. Il se trouve que vous êtes aujourd'hui dans la même tranchée que d'autres partis qui rejettent l'élection. A quand une alternative démocratique unitaire ?
Le FFS, dans sa résolution, a lancé un appel aux forces du changement, c'est un appel par lequel le FFS espère renégocier un contrat de confiance avec la population. C'est parce que le FFS considère que la politique est un contrat public que les forces de changement, de notre point de vue, doivent répondre à un profil, à un standard démocratique qu'on peut résumer en quelques conditions :
1) autonomie de réflexion et de décision,
2) mettre fin aux allégeances et aux arrangements souterrains et revenir à la construction des démarches et des dynamiques politiques basées sur la mobilisation de la population. Je suis impressionné par le combat des magistrats au Pakistan, les avocats en Egypte, les paysans de Bolivie et par la résistance des hommes et des femmes face à Israël. Les forces de changement, ce sont les médecins, les avocats, les étudiants, les journalistes, les militants des droits de l'homme qui refusent l'indignité et qui chacun dans sa corporation, son lieu de travail est en train de résister. Aujourd'hui y'a un mouvement de colère non structuré. Il appartient aux politiques, à l'élite qui résistent à la compromission d'en faire une énergie politique. Il faut sortir du galvaudage des concepts, et il faut sortir des alliances du hasard et des consensus populistes. Il faut enfin sortir des assemblages et alliances aux relents ethnicistes et tribalistes. Nous sommes disposés au FFS à travailler avec tous les acteurs politiques sociaux et autonomes partageant avec nous nos valeurs, nos principes et nos objectifs, en un mot ont le même langage que nous.
Le FFS discute avec Hamrouche et Mehri alors qu'ils ont appartenu au système...
J'interprète les trois comme la rencontre de trois expériences, trois itinéraires différents autour d'un appel commun pour la démocratisation de l'Etat et de la société. L'initiative des trois est la réunion d'une opinion d'opposition au système incarnée par Aït Ahmed, à une expérience de gestion et de projet de réforme incarnée par Hamrouche et la troisième qui prend ses racines dans la culture du compromis pour essayer de construire un avenir basé sur l'unité nationale, le débat apaisé et l'alternative démocratique. Cette initiative qui va au-delà d'une échéance électorale doit prendre de la chair et reste ouverte à toute personne qui partage le contenu et les objectifs proclamés. Mehri avait expliqué que l'appel était un appel à initiatives.
Vous avez récemment appelé à la réouverture des frontières avec le Maroc...
Il est malheureux de voir le Maghreb rester la seule région du monde qui n'est pas unifiée. La question de la réouverture des frontières est importante, le FFS plaide pour la reprise immédiate du droit à la circulation des personnes. Ces frontières sont fermées aux citoyens, mais savez-vous que la mafia n'a pas de frontières et que les trafiquants et les affairistes de tous bords ne sont nullement gênés par la fermeture des frontières ? S'entêter à maintenir ces barricades entre des peuples qui étaient unis sous le colonialisme, c'est faire pire que le colonialisme.
Quand verra-t-on Hocine Aït Ahmed en Algérie ?
La présence d'Ait Ahmed en Algérie se mesure et se calcule par l'utilité politique et la possibilité de l'action. Bien sûr, Aït Ahmed est disposé à mener des actions, concourir à un travail sérieux et participer à toute initiative sérieuse, responsable pour le changement démocratique...
Karim Tabbou. Boycotter activement le scrutin présidentiel est une réaffirmation du choix du FFS de rester aux côtés de la population et rester fidèle aux principes démocratiques qu'il a toujours défendus. Le caractère actif de ce boycott renvoie d'abord à une action soutenue sur le terrain, avec surtout un refus public de se soumettre aux velléités unicistes et à l'unanimisme que veut imposer le régime aux Algériens. Le boycott actif est une attitude de refus de capituler et surtout une position de fidélité au combat démocratique. En définitive, le FFS a confirmé sa position dans le camp de la majorité des Algériens qui refusent le mensonge et les coups de force.
Mais concrètement, comment allez-vous organiser ce boycott actif ?
L'action soutenue consiste à engager des activités ou des manifestations pour, d'une part, sensibiliser l'opinion publique nationale et internationale et, d'autre part, participer à la mise en place des actions nécessaires avec toutes les forces du changement. Dans cet esprit, nous comptons nous adresser aux chancelleries, aux gouvernements partenaires de l'Algérie, aux ONG, aux partis frères de l'internationale socialiste (IS) ainsi qu'aux associations et à la communauté algérienne établie à l'étranger.
Au niveau national, des actions de proximité sous forme de caravanes de sensibilisation, de meetings, de conférences sont envisagées pour mettre les vrais jalons pour la construction d'un front politique citoyen contre la nouvelle forme de stalinisme.
Vous avez boycotté à plusieurs reprises les élections. Ne craignez-vous d'être accusés de craindre d'affronter les urnes ?
La peur est une idée véhiculée par les « moukhabarates », lesquels tentent de passer le message, selon lequel, celui qui refuse de se rendre complice de la décadence et de la régression a peur de se soumettre aux compétitions politiques. Deux points me semblent importants à signaler :
1) le commun des algériens sait que nos institutions ne sont ni un forum de débat ni des organes de décision. Ces institutions servent de devanture qui amuse un personnel, une certaine galerie, composée essentiellement de postulants aux privilèges alors que la réalité du pouvoir se trouve en dehors de tout cadre institutionnel et ne se soumet à aucun contrôle. Donc, il se pose à tout un chacun le choix suivant : soit garder sa crédibilité auprès de la population, donc rendre possible le retour à la politique et l'investissement politique durable, soit se faire incorporer dans la coupole, plutôt dans le « restaurant national » et donc s'investir dans la logique de la cooptation et de la désignation.
2) Le fait que le suffrage universel n'existe plus. Deux exemples suffisent : jeudi, il y' a eu pratiquement un état d'exception décrété à Alger. Des routes fermées à la circulation, une administration sur le pied de guerre et tous les moyens de l'Etat mobilisés au service d'une personne qui devait officiellement annoncer sa candidature. Deuxième exemple : ce sont les brigades officiellement dénommées «brigades de sensibilisation des électeurs » qui ont des attributs de milices chargées, non seulement de la propagande mais aussi de la persécution de la population. Pour nous limiter à quelques indications sur le scrutin d'avril, on peut citer la déclaration de Belkhadem sur le taux de participation et le retour aux affaires d'Ouyahia, chef de l'industrie de la fraude. Les deux assumant des fonctions de l'Etat, donc sensés s'imposer un minimum d'éthique et de moralité.
Toutefois je dois corriger l'image selon laquelle le FFS est spécialisé dans le boycott. Notre parti a participé à autant d'élections qu'il en a boycotté. Participation aux législatives de 1991, 1997, présidentielle 1999, locales 2002, partielles 2005 et locales 2007 et nous avons boycotté les présidentielles de 1995 et 2004 et les législatives de 2002 et 2007. Le choix du boycott ou de participer pour nous implique une évaluation sur l'impact sur la démocratie et sur la population.
Mais avec tous les griefs que vous retenez contre le pouvoir, vous avez quand même participé aux locales. N'y a t-il pas quelque part une contradiction ?
Contradiction, certainement. Nous sommes dans un pays anormal. Ce qui me semble important à signaler, c'est qu'une différence existe entre les institutions nationales qui dans leur fonctionnement, leurs compositions sont devenues des institutions de proximité avec le régime et les institutions locales qui elles demeurent des espaces proches de la population. Nous, en tant que mouvement de résistance, nous participons aux élections locales pour essayer d'éviter que des régions soient appropriées par la mafia locale, bras long du régime.
Comme vous savez que les institutions locales sont les cellules de base du l'organisation de l'Etat et face à la métastase mafieuse, nous essayons de protéger ce tissu cellulaire. Nous avons conscience de la difficulté de combattre le cancer. Il nécessite plus qu'une chimiothérapie politique, mais un sacrifice énorme et un engagement permanent pour éviter la contagion. Préserver le forum de dialogue local qui est l'assemblée locale est un des moyens de préserver le maigre acquis démocratique qui reste.
Dans vote résolution, vous dites que le peuple attend un projet alternatif. Il se trouve que vous êtes aujourd'hui dans la même tranchée que d'autres partis qui rejettent l'élection. A quand une alternative démocratique unitaire ?
Le FFS, dans sa résolution, a lancé un appel aux forces du changement, c'est un appel par lequel le FFS espère renégocier un contrat de confiance avec la population. C'est parce que le FFS considère que la politique est un contrat public que les forces de changement, de notre point de vue, doivent répondre à un profil, à un standard démocratique qu'on peut résumer en quelques conditions :
1) autonomie de réflexion et de décision,
2) mettre fin aux allégeances et aux arrangements souterrains et revenir à la construction des démarches et des dynamiques politiques basées sur la mobilisation de la population. Je suis impressionné par le combat des magistrats au Pakistan, les avocats en Egypte, les paysans de Bolivie et par la résistance des hommes et des femmes face à Israël. Les forces de changement, ce sont les médecins, les avocats, les étudiants, les journalistes, les militants des droits de l'homme qui refusent l'indignité et qui chacun dans sa corporation, son lieu de travail est en train de résister. Aujourd'hui y'a un mouvement de colère non structuré. Il appartient aux politiques, à l'élite qui résistent à la compromission d'en faire une énergie politique. Il faut sortir du galvaudage des concepts, et il faut sortir des alliances du hasard et des consensus populistes. Il faut enfin sortir des assemblages et alliances aux relents ethnicistes et tribalistes. Nous sommes disposés au FFS à travailler avec tous les acteurs politiques sociaux et autonomes partageant avec nous nos valeurs, nos principes et nos objectifs, en un mot ont le même langage que nous.
Le FFS discute avec Hamrouche et Mehri alors qu'ils ont appartenu au système...
J'interprète les trois comme la rencontre de trois expériences, trois itinéraires différents autour d'un appel commun pour la démocratisation de l'Etat et de la société. L'initiative des trois est la réunion d'une opinion d'opposition au système incarnée par Aït Ahmed, à une expérience de gestion et de projet de réforme incarnée par Hamrouche et la troisième qui prend ses racines dans la culture du compromis pour essayer de construire un avenir basé sur l'unité nationale, le débat apaisé et l'alternative démocratique. Cette initiative qui va au-delà d'une échéance électorale doit prendre de la chair et reste ouverte à toute personne qui partage le contenu et les objectifs proclamés. Mehri avait expliqué que l'appel était un appel à initiatives.
Vous avez récemment appelé à la réouverture des frontières avec le Maroc...
Il est malheureux de voir le Maghreb rester la seule région du monde qui n'est pas unifiée. La question de la réouverture des frontières est importante, le FFS plaide pour la reprise immédiate du droit à la circulation des personnes. Ces frontières sont fermées aux citoyens, mais savez-vous que la mafia n'a pas de frontières et que les trafiquants et les affairistes de tous bords ne sont nullement gênés par la fermeture des frontières ? S'entêter à maintenir ces barricades entre des peuples qui étaient unis sous le colonialisme, c'est faire pire que le colonialisme.
Quand verra-t-on Hocine Aït Ahmed en Algérie ?
La présence d'Ait Ahmed en Algérie se mesure et se calcule par l'utilité politique et la possibilité de l'action. Bien sûr, Aït Ahmed est disposé à mener des actions, concourir à un travail sérieux et participer à toute initiative sérieuse, responsable pour le changement démocratique...
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