Liberation-09/04/09 ALGER, envoyé spécial CHRISTOPHE AYAD
Faute de réels concurrents, le scrutin tourne au référendum en faveur du Président sortant
Une élection ? Un plébiscite plutôt. Les affiches de campagne d’Abdelaziz Bouteflika, qui tapissent littéralement la capitale, le disent : elles sont sous-titrées d’un «oui», qui résume la nature du scrutin d’aujourd’hui. Depuis le 12 novembre, l’élection présidentielle algérienne est une formalité. Ce jour-là, les députés avaient adopté, comme un seul homme à main levée, la révision constitutionnelle levant la limitation du nombre de mandats. Sauf surprise, Bouteflika, 72 ans, dirigera le pays jusqu’à sa mort.
Santé. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’aucun poids lourd - ni Aït-Ahmed du FFS, ni Saadi du RCD, ni les ex-Premiers ministres Hamrouche et Ghozali, ni l’islamiste modéré Ibrahimi - n’ait souhaité se ridiculiser en participant au scrutin. En fait, le seul adversaire de Bouteflika est l’abstention, mais il y a fort à parier qu’un mélange de mobilisation, de menaces et de fraude permettront un résultat honorable.
En fait, il faut remonter au printemps dernier pour comprendre qu’un marché a été passé au sommet. D’un côté, les «décideurs», ces généraux qui dirigent le pays dans l’ombre, à commencer par Toufik, surnom du général Médiene, dont on ne connaît pas le visage et qui est à la tête du DRS, les services de renseignements, depuis deux décennies.
De l’autre, Bouteflika, à la santé chancelante depuis son opération, en novembre 2005 à Paris, officiellement d’un ulcère hémorragique. Entre les deux, les relations sont complexes. C’est l’armée qui a tiré l’ancien ministre préféré de Boumédiene d’une retraite - une disgrâce en fait - de vingt ans en 1999. A l’époque, l’Algérie et son armée sont comme pestiférées. Les caisses sont vides, le crédit du régime largement entamé par les atrocités commises pendant la sale guerre civile. Bouteflika rassure, il a un carnet d’adresses international. Son projet de concorde civile, qui revient à amnistier ceux qui déposent les armes et sont censés ne pas avoir participé à de grands massacres, permet de vider une bonne partie des maquis, au prix de l’impunité. Il a été suivi par un référendum sur la réconciliation nationale.
Désormais, Bouteflika parle d’une amnistie générale et d’un nouveau référendum. «Tout cela repose sur un marché, déplore un intellectuel. On ne demande pas de comptes au FIS pour ses atrocités ; en échange, on ne reconnaît pas qu’on lui a volé la victoire en 1992. Tant qu’on ne sortira pas de ce double mensonge, on ne pourra rien bâtir.» D’autant que les attentats du 11 Septembre et l’envolée du brut ont rendu à l’Algérie une place de choix aux yeux des Occidentaux. Mais les généraux reprochent à «Boutef» son inefficacité. Ils ne supportent pas ses concessions aux islamistes : le Président, de plus en plus pieux depuis sa maladie, veut construire la plus grande mosquée du monde dans la baie d’Alger… Surtout, ils n’admettent pas sa volonté de placer à tous les échelons des responsables originaires de sa région, Tlemcen, dans l’ouest algérien.
Rêve. De son côté, Bouteflika a écarté quelques-uns de ses encombrants parrains, dont les généraux Nezzar et Lamari, après sa réélection en 2004. Mais il sait qu’en dernier ressort c’est eux qui décideront de le reconduire ou pas. Or Bouteflika a un rêve, mourir au pouvoir, comme Boumédiene. Le marché passé a été : la présidence à vie pour Bouteflika, mais il abandonne aux «décideurs» le soin de régler la succession. D’où le remplacement express, l’été dernier, d’Abdelaziz Belkhadem par Ahmed Ouyahia au poste de Premier ministre. Le premier, patron du FLN, était jugé trop proche des islamistes. Le second, patron du RND, un énarque proche des services de renseignements, a tout pour devenir le Poutine algérien
Faute de réels concurrents, le scrutin tourne au référendum en faveur du Président sortant
Une élection ? Un plébiscite plutôt. Les affiches de campagne d’Abdelaziz Bouteflika, qui tapissent littéralement la capitale, le disent : elles sont sous-titrées d’un «oui», qui résume la nature du scrutin d’aujourd’hui. Depuis le 12 novembre, l’élection présidentielle algérienne est une formalité. Ce jour-là, les députés avaient adopté, comme un seul homme à main levée, la révision constitutionnelle levant la limitation du nombre de mandats. Sauf surprise, Bouteflika, 72 ans, dirigera le pays jusqu’à sa mort.
Santé. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’aucun poids lourd - ni Aït-Ahmed du FFS, ni Saadi du RCD, ni les ex-Premiers ministres Hamrouche et Ghozali, ni l’islamiste modéré Ibrahimi - n’ait souhaité se ridiculiser en participant au scrutin. En fait, le seul adversaire de Bouteflika est l’abstention, mais il y a fort à parier qu’un mélange de mobilisation, de menaces et de fraude permettront un résultat honorable.
En fait, il faut remonter au printemps dernier pour comprendre qu’un marché a été passé au sommet. D’un côté, les «décideurs», ces généraux qui dirigent le pays dans l’ombre, à commencer par Toufik, surnom du général Médiene, dont on ne connaît pas le visage et qui est à la tête du DRS, les services de renseignements, depuis deux décennies.
De l’autre, Bouteflika, à la santé chancelante depuis son opération, en novembre 2005 à Paris, officiellement d’un ulcère hémorragique. Entre les deux, les relations sont complexes. C’est l’armée qui a tiré l’ancien ministre préféré de Boumédiene d’une retraite - une disgrâce en fait - de vingt ans en 1999. A l’époque, l’Algérie et son armée sont comme pestiférées. Les caisses sont vides, le crédit du régime largement entamé par les atrocités commises pendant la sale guerre civile. Bouteflika rassure, il a un carnet d’adresses international. Son projet de concorde civile, qui revient à amnistier ceux qui déposent les armes et sont censés ne pas avoir participé à de grands massacres, permet de vider une bonne partie des maquis, au prix de l’impunité. Il a été suivi par un référendum sur la réconciliation nationale.
Désormais, Bouteflika parle d’une amnistie générale et d’un nouveau référendum. «Tout cela repose sur un marché, déplore un intellectuel. On ne demande pas de comptes au FIS pour ses atrocités ; en échange, on ne reconnaît pas qu’on lui a volé la victoire en 1992. Tant qu’on ne sortira pas de ce double mensonge, on ne pourra rien bâtir.» D’autant que les attentats du 11 Septembre et l’envolée du brut ont rendu à l’Algérie une place de choix aux yeux des Occidentaux. Mais les généraux reprochent à «Boutef» son inefficacité. Ils ne supportent pas ses concessions aux islamistes : le Président, de plus en plus pieux depuis sa maladie, veut construire la plus grande mosquée du monde dans la baie d’Alger… Surtout, ils n’admettent pas sa volonté de placer à tous les échelons des responsables originaires de sa région, Tlemcen, dans l’ouest algérien.
Rêve. De son côté, Bouteflika a écarté quelques-uns de ses encombrants parrains, dont les généraux Nezzar et Lamari, après sa réélection en 2004. Mais il sait qu’en dernier ressort c’est eux qui décideront de le reconduire ou pas. Or Bouteflika a un rêve, mourir au pouvoir, comme Boumédiene. Le marché passé a été : la présidence à vie pour Bouteflika, mais il abandonne aux «décideurs» le soin de régler la succession. D’où le remplacement express, l’été dernier, d’Abdelaziz Belkhadem par Ahmed Ouyahia au poste de Premier ministre. Le premier, patron du FLN, était jugé trop proche des islamistes. Le second, patron du RND, un énarque proche des services de renseignements, a tout pour devenir le Poutine algérien