Alger, d'ordinaire un peu triste le week-end et dépressive le reste de la semaine, a fêté avec une joie non dissimulée la victoire de l'équipe nationale sur l'Egypte, ennemi consensuel s'il en est. C'était la fête dimanche soir, tout Alger était dehors, musique, fumigènes et klaxons, tout le monde était dehors, femmes, jeunes, vieux, enfants, à chanter et danser dans les rues de la capitale. Les policiers, si rapides habituellement à verbaliser et à mettre de l'ordre dans le semblant de désordre, étaient dépassés. Les bras ballants et la tête ailleurs, ils regardaient passer les fêtards, canettes de bières en main ou simplement drapeau au cou, raï hurlant des autoradios et derboukas en bandoulière. A l'image des islamistes d'Alger qui eux, ne fêtent jamais rien, les 4000 policiers d'Alger étaient tristes et absents, se contenant de regarder un spectacle auquel ils n'étaient pas conviés. Cette joie en a surpris plus d'un, chacun étant habitué au cynisme algérois qui se veut grinçant et grognon, qui prend systématiquement du recul et s'interdit, en dehors des supporters de football, toute manifestation trop visible de joie.
Le plus marquant dans ce genre de débordement positif, sont les slogans. En dehors de ceux, hostiles au pouvoir ou à l'Egypte (comme l'intraduisible « Misr oum eddounia ou hna din babaha »), à ceux qui chantent la harga et l'exil marin, les Algérois possèdent une foule de slogans qui déterminent leur condition actuelle et la tendance globale, comme l'hédoniste « li ma i3amarch rassou, ma ya3rafch slahou » (littéralement, celui qui ne se remplit pas la tête ne connait pas son intérêt), allusion claire à l'alcool et aux drogues. Sur le thème « drugs, foot and raï », l'espace d'une nuit, Alger est redevenue une ville festive et extravertie à l'issue d'un match.
Impossible d'avancer et dans la foule qui se serrait, voiture contre voiture, descendant Didouche Mourad comme on descend un fleuve en liesse, j'ai rencontré Kader Qadous, ivre mort et hurlant, qui lui aussi, avait l'air surpris. Bien sûr, pour lui, cette victoire n'est qu'un prétexte, comme pour les autres. « Ce n'est pourtant qu'un match », m'a-t-il dit, et encore, « ce n'est même pas une victoire contre le Brésil ou l'Allemagne », grandes nations de football. Pour KQ, cette victoire s'apparente à une défaite historique des Pharaons contre les turbulentes tribus lybico-berbères à l'Ouest du Nil, 3000 ans derrière. C'est bien sûr surtout un besoin de fête et de victoire, dans un pays où la joie visible est devenue suspecte et en dehors des normes, et bien sûr, dans un pays où les défaites, économiques, politiques, culturelles ou simplement sécuritaires, sont aussi nombreuses que les raisons qui poussent tout le monde à partir.
Même Nedjma était contente, et je suis passé en voiture devant chez elle, tard dans la nuit. Nedjma était en short à son balcon, lançant des youyous en agitant un drapeau algérien. Elle m'a vu et fait de grands signes. Quelques minutes après, elle m'envoyait un SMS très bref, où il était écrit en lettres capitales, « je t'aime ». Je crois que je vais sérieusement m'intéresser au football. Quitte à recevoir des « je te déteste » à chaque défaite.
TSA
Le plus marquant dans ce genre de débordement positif, sont les slogans. En dehors de ceux, hostiles au pouvoir ou à l'Egypte (comme l'intraduisible « Misr oum eddounia ou hna din babaha »), à ceux qui chantent la harga et l'exil marin, les Algérois possèdent une foule de slogans qui déterminent leur condition actuelle et la tendance globale, comme l'hédoniste « li ma i3amarch rassou, ma ya3rafch slahou » (littéralement, celui qui ne se remplit pas la tête ne connait pas son intérêt), allusion claire à l'alcool et aux drogues. Sur le thème « drugs, foot and raï », l'espace d'une nuit, Alger est redevenue une ville festive et extravertie à l'issue d'un match.
Impossible d'avancer et dans la foule qui se serrait, voiture contre voiture, descendant Didouche Mourad comme on descend un fleuve en liesse, j'ai rencontré Kader Qadous, ivre mort et hurlant, qui lui aussi, avait l'air surpris. Bien sûr, pour lui, cette victoire n'est qu'un prétexte, comme pour les autres. « Ce n'est pourtant qu'un match », m'a-t-il dit, et encore, « ce n'est même pas une victoire contre le Brésil ou l'Allemagne », grandes nations de football. Pour KQ, cette victoire s'apparente à une défaite historique des Pharaons contre les turbulentes tribus lybico-berbères à l'Ouest du Nil, 3000 ans derrière. C'est bien sûr surtout un besoin de fête et de victoire, dans un pays où la joie visible est devenue suspecte et en dehors des normes, et bien sûr, dans un pays où les défaites, économiques, politiques, culturelles ou simplement sécuritaires, sont aussi nombreuses que les raisons qui poussent tout le monde à partir.
Même Nedjma était contente, et je suis passé en voiture devant chez elle, tard dans la nuit. Nedjma était en short à son balcon, lançant des youyous en agitant un drapeau algérien. Elle m'a vu et fait de grands signes. Quelques minutes après, elle m'envoyait un SMS très bref, où il était écrit en lettres capitales, « je t'aime ». Je crois que je vais sérieusement m'intéresser au football. Quitte à recevoir des « je te déteste » à chaque défaite.
TSA
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