Vieillissement latéral et l'encanaillement du «néo-Peuple»
par Kamel Daoud
par Kamel Daoud

Le visage du «nouvel Algérien» est hideux, rapace, n'offrant rien des aspérités généreuses des aînés trop humains et donc trop idiots, réduit à des quêtes animales de territoires ou de viandes, impénétrable à tout discours autre que celui de la violence ou du tarif. On n'y voit pas son propre reflet comme il se doit pour toute communauté saine. On a peur d'y laisser un bras en y plongeant pour y chercher le coeur. C'est le visage d'une génération «d'irrespect», selon les aînés, mais ce mot n'y suffit pas car il ne s'agit plus des outrances sexuelles du langage. Il faut dire et lire génération de «rien du tout», ex nihilo, sans filiation. Le but de cette démographie sans humanité est de se placer dans le circuit alimentation, de jouer du coude pour arriver au fruit, de prendre un morceau de foncier ou de s'allier au plus fort pour protéger ses flancs. Pas de poésie ni de politesse. Juste les dents et les ongles. Ce n'est plus la nationalité de Bennabi, ni celle des «humbles» missionnaires des écoles algériennes des années 60-70. N'en déplaise aux bonnes moeurs éditoriales, c'est le retour à l'état sauvage qui se dessine en Algérie, avec le volant, la matraque, le galon, le barrage routier, le pas de porte, le sachet d'ordures ou le kamis. Cela semble même irréversible et on se découvre parfois, assis au bout de ses lèvres, à regarder ce pays se faire manger comme un gros ventre par des enfants mal-nés.
C'est presque le dernier épisode d'un gros phénomène de mimétisme. Pour vivre comme le Pouvoir, le nouveau peuple a compris: il faut s'encanailler comme lui. Ou pire encore. Et c'est là que l'on découvre l'autre évidence: on a vieilli. Mais latéralement, au lieu que cela soit chronologiquement.
Le Quotidien d'oran .
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