La Coupede notre monde
par Kamel Daoud
par Kamel Daoud

Le néonassérisme déclenché par un simple match de foot montre que ce pays n'a pas encore réglé la question de son obésité historique : il se prend encore pour le centre de notre monde. D'où l'enjeu de ce match : c'est la coupe de « notre monde » à nous, un monde triste et horizontal où le leadership se joue en écrasant les autres au lieu de les mener à la victoire.
Les Algériens savent depuis longtemps ce qu'est un pays ennemi ; ce qu'il ne savent pas cependant, c'est quoi un « pays frère ». Comment définir cette expression, cette fraternité orale dont l'utopisme nous étouffe et dont la redondance nous fait grimacer par son hypocrisie ? C'est quoi être un pays frère ? Est-ce que cela se mange et nourrit son homme et son peuple ? Est-ce que cela s'exprime comme le doigts de la main ou en poussant Yussef dans le puits ? Est-ce que cela nous sert quelque part lorsqu'on se fait malmener en terres étrangères ? Presque pas.
Maintenant, si même avant le résultat du match, nous savons que l'Egypte a perdu quelque chose, l'autre question est « qu'avons-nous gagné nous ? ». Une première conclusion : il faut désormais qu'on soit fier d'être des Algériens et pas des produits dérivés du panarabisme décadent. Deux : ils peuvent nous concurrencer notre arabité ; mais si on accepte notre algérianité, celle-là personne ne peut nous la voler. Trois : nous avons une équipe, un drapeau et un peuple : il ne nous manque que l'indépendance vis-à-vis du panarabisme démodé et des colonisations internes. Quatre : désormais, nous n'avons plus à imiter l'Egypte, ni personne d'autre que les nôtres. Cinq : il faut demander à tous nos officiels de parler algérien et de ne pas baragouiner dans une langue classique, là où même les Egyptiens n'hésitent pas à parler égyptien tout en se déclarant d'un arabisme pur à plusieurs castes. Six : nous n'avons plus à avoir honte de nous-mêmes, de nos prénoms, de notre vraie langue nationale et de notre culture: nous ne sommes la photocopie de personne, ni d'aucune origine certifiée. Ce n'est peut-être qu'un match, mais il a suffi à démonter l'essentiel : nous pouvons être simplement algériens et l'être superbement et sans artifices importés.
Le Quotidien d'ORAN
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