Délocalisation: Renault cède au gouvernement français et les leçons pour l'Algérie
Yazid Slimani
C'est une nouvelle qui est passée inaperçue en Algérie mais qui pourrait s'avérer riche d'enseignements pour le pays.
Dimanche, le constructeur automobile français Renault a décidé de ne pas délocaliser entièrement la production d'un de ces modèles en Turquie pour sauvegarder un site français de la marque, et cela après un lobbying intense du gouvernement français, particulièrement du président Nicolas Sarkozy.
Petit retour en arrière. Renault souhaitait, pour des raisons de réduction de coûts, produire l'intégralité de sa nouvelle Clio 4 en Turquie, au détriment du site de production de Flins-sur-Seine, dans la banlieue parisienne. L'entreprise possède déjà un site à Bursa en Turquie, où sont produites la majorité des Clio troisième génération. Immédiatement, cette décision a soulevé l'indignation du gouvernement et plus largement de la classe politique française.
Brans le bas de combat au sommet de l'Etat, actionnaire à 15% de Renault. Plusieurs ministres mettent la pression sur le constructeur, menaçant d'augmenter la part de l'Etat dans le capital de l'entreprise. Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, est convoqué par le président Nicolas Sarkozy, qui lui demande de renoncer à ce projet. Et finalement, un compromis est trouvé: Renault accepte de maintenir une partie de la production de la future Clio 4 en France.
Cet épisode montre que l'Etat français sait user de son influence et de son rôle d'actionnaire dans le développement stratégique de Renault.
Cette intervention peut avoir une certaine résonnance ici en Algérie car elle rappelle la polémique qui était née après la décision de Renault, en 2007, de construire une usine de montage au Maroc, alors que les officiels algériens auraient souhaité que l'entreprise s'installe en Algérie où elle réalise la moitié de ses ventes au Maghreb.
Certes, d'un point de vue strictement économique, le choix de l'entreprise était indiscutable. Le climat des affaires (foncier, fiscalité, infrastructures) était bien plus favorable au voisin marocain. Mais à l'époque, les critiques avaient été nombreuses contre l'Etat français et sa représentation à Alger, qui avaient été accusés de ne pas avoir suffisamment défendu la cause de l'Algérie. De son côté, la France avait affirmé qu'elle ne pouvait intervenir dans les décisions d'une entreprise commerciale. « Renault est une entreprise commerciale qui ne dépend pas du gouvernement » ont affirmé des officiels français en réponse aux critiques algériennes.
En réalité, les deux affaires ne sont en rien comparables. Dans un cas, l'Etat français demande des comptes à Renault qui a bénéficié d'un plan d'aide de plusieurs millions d'euros pour passer le cap de la crise économique. Et surtout, le gouvernement tente d'empêcher la délocalisation d'une partie de la production de Renault, afin de ne pas faire peser le risque de suppressions d'emplois sur le site de Flins. En effet, en cette période crise et de chômage croissant en France, l'opinion publique n'aurait pas compris que l'Etat, principal actionnaire du constructeur, ne fasse rien.
En revanche, dans le deuxième cas, quel intérêt aurait eu la France à intervenir pour convaincre Renault de réaliser une usine de montage en Algérie? Aucune. Ici, l'intérêt de l'entreprise était le seul argument dans la balance.
Cet épisode pourrait ainsi nous permettre, en Algérie, de tirer au moins une leçon. Certes quand la France veut, la France peut, parfois au moins, ou en tout cas se donne le droit d'agir. Mais elle prend ses décisions dans une logique d'arbitrage entre l'intérêt de l'entreprise dont elle est actionnaire et les conséquences politiques en France de ces décisions. Dans le cas de l'affaire Renault-Truquie, cela a tourné à l'avantage de l'apaisement de l'opinion publique, dans le cas de Renault-Algérie, à l'avantage de la logique stratégique de l'entreprise.
19/01/2010
Tout sur l'Algérie
Yazid Slimani
C'est une nouvelle qui est passée inaperçue en Algérie mais qui pourrait s'avérer riche d'enseignements pour le pays.
Dimanche, le constructeur automobile français Renault a décidé de ne pas délocaliser entièrement la production d'un de ces modèles en Turquie pour sauvegarder un site français de la marque, et cela après un lobbying intense du gouvernement français, particulièrement du président Nicolas Sarkozy.
Petit retour en arrière. Renault souhaitait, pour des raisons de réduction de coûts, produire l'intégralité de sa nouvelle Clio 4 en Turquie, au détriment du site de production de Flins-sur-Seine, dans la banlieue parisienne. L'entreprise possède déjà un site à Bursa en Turquie, où sont produites la majorité des Clio troisième génération. Immédiatement, cette décision a soulevé l'indignation du gouvernement et plus largement de la classe politique française.
Brans le bas de combat au sommet de l'Etat, actionnaire à 15% de Renault. Plusieurs ministres mettent la pression sur le constructeur, menaçant d'augmenter la part de l'Etat dans le capital de l'entreprise. Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, est convoqué par le président Nicolas Sarkozy, qui lui demande de renoncer à ce projet. Et finalement, un compromis est trouvé: Renault accepte de maintenir une partie de la production de la future Clio 4 en France.
Cet épisode montre que l'Etat français sait user de son influence et de son rôle d'actionnaire dans le développement stratégique de Renault.
Cette intervention peut avoir une certaine résonnance ici en Algérie car elle rappelle la polémique qui était née après la décision de Renault, en 2007, de construire une usine de montage au Maroc, alors que les officiels algériens auraient souhaité que l'entreprise s'installe en Algérie où elle réalise la moitié de ses ventes au Maghreb.
Certes, d'un point de vue strictement économique, le choix de l'entreprise était indiscutable. Le climat des affaires (foncier, fiscalité, infrastructures) était bien plus favorable au voisin marocain. Mais à l'époque, les critiques avaient été nombreuses contre l'Etat français et sa représentation à Alger, qui avaient été accusés de ne pas avoir suffisamment défendu la cause de l'Algérie. De son côté, la France avait affirmé qu'elle ne pouvait intervenir dans les décisions d'une entreprise commerciale. « Renault est une entreprise commerciale qui ne dépend pas du gouvernement » ont affirmé des officiels français en réponse aux critiques algériennes.
En réalité, les deux affaires ne sont en rien comparables. Dans un cas, l'Etat français demande des comptes à Renault qui a bénéficié d'un plan d'aide de plusieurs millions d'euros pour passer le cap de la crise économique. Et surtout, le gouvernement tente d'empêcher la délocalisation d'une partie de la production de Renault, afin de ne pas faire peser le risque de suppressions d'emplois sur le site de Flins. En effet, en cette période crise et de chômage croissant en France, l'opinion publique n'aurait pas compris que l'Etat, principal actionnaire du constructeur, ne fasse rien.
En revanche, dans le deuxième cas, quel intérêt aurait eu la France à intervenir pour convaincre Renault de réaliser une usine de montage en Algérie? Aucune. Ici, l'intérêt de l'entreprise était le seul argument dans la balance.
Cet épisode pourrait ainsi nous permettre, en Algérie, de tirer au moins une leçon. Certes quand la France veut, la France peut, parfois au moins, ou en tout cas se donne le droit d'agir. Mais elle prend ses décisions dans une logique d'arbitrage entre l'intérêt de l'entreprise dont elle est actionnaire et les conséquences politiques en France de ces décisions. Dans le cas de l'affaire Renault-Truquie, cela a tourné à l'avantage de l'apaisement de l'opinion publique, dans le cas de Renault-Algérie, à l'avantage de la logique stratégique de l'entreprise.
19/01/2010
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