N° 116 du 15 au 21 Avril 2010
Autoroute Est-Ouest : pots-de-vin et avenants alourdissent la facture
Partout dans le monde le kilomètre d'autoroute coûte en moyenne 6 millions de dollars, équipements compris. En Algérie, le même kilomètre a coûté 8 millions, sans les équipements...
Pour l'ancien directeur des programmes nouveaux (DPN) de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), le système de pots-de-vin tournait autour du fameux Pierre Falcone : « Sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% est donnée à Pierre Falcone, domicilié à Pékin, qui distribue une partie de cette manne aux membres de son réseau. » Par ailleurs, une solution proposée par le groupement chinois CITIC-CRCC qui entraînait un surcoût de 60% sur le poste chaussée a été avalisée ! Or, il n'existe pas d'exemple au monde où une chaussée modifiée coûte 60% plus cher qu'une chaussée classique : « Le recours à l'enrobé à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires », nous déclare un spécialiste.
Le scandale des tronçons de l'autoroute Est-Ouest algérienne, réalisée par le groupement chinois CITIC-CRCC, « s'enrichit » de nouveaux éléments qui alourdissent substantiellement la facture de l'ouvrage.
Le numéro deux du Ministère des travaux publics, poursuivi dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, reste en prison. C'est le dernier fait judiciaire de l'affaire révélée par le journal El Watan, qui insiste sur le cas de Mohamed Khelladi, ancien directeur des nouveaux projets (DNP) au niveau de l'Agence nationale des autoroutes (ANA). Celui par qui le « scandale de l'autoroute a éclaté » se retrouve, à la suite d'une plainte du Ministère des travaux publics, poursuivi et placé en détention provisoire.
Mohamed Khelladi aurait livré des informations substantielles sur la manière dont le système de pots-de-vin fonctionnait autour du célèbre Pierre Falcone, et comment cela se traduisait en coûts supplémentaires. Selon lui, « sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% est donnée à Pierre Falcone, domicilié à Pékin, qui distribue une partie de cette manne aux membres de son réseau, dont Chani Mejdoub, homme d'affaires algéro-luxembourgeois actuellement en détention ».
Des neveux de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, faisaient partie du réseau. Selon El Watan, Mohamed Bedjaoui a reçu en personne et en sa qualité de ministre des Affaires étrangères Pierre Falcone. Ce dernier aurait été également reçu par le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul.
8 millions de dollars le km d'autoroute !
Les commissions redistribuées étaient intégrées aux prix unitaires de la soumission présentée par les Chinois. Mohamed Khelladi affirme avoir participé à une commission chargée de comparer les coûts entre l'autoroute Est-Ouest et ce qui se passe dans le reste du monde. La conclusion est sans appel : le kilomètre d'autoroute en Algérie coûte 8 millions de dollars pour la seule réalisation, alors qu'ailleurs le km coûte 6 millions $, une somme qui couvre aussi bien la réalisation que les équipements.
Le chantier phare du plan de relance quinquennal 2004-2009 (150 milliards de dollars) tourne littéralement au cauchemar. Des avenants à la nécessité très contestée sont venus aggraver les coûts de ce « chantier du siècle », qui était initialement de 11,4 milliards de dollars pour 927 kilomètres d'autoroute.
Le groupement CITIC-CRCC chinois avait des contrats de 5,2 milliards de dollars signés au printemps 2006 pour la réalisation des tronçons ouest (399 km) et centre (169 km) . Pour un changement de modèle de chaussée suggéré par les Chinois, l'État algérien va finir par accorder une rallonge de 650 millions de dollars. Le groupement chinois a en effet proposé en mars 2007 une autre solution pour la chaussée que celle prévue par le cahier des charges. Il s'agit du « bitume modifié », largement utilisé dans les pays développés.
Des avenants et un surcoût de plus de 600 millions $
La Direction des programmes nouveaux (DPN) de l'Agence nationale des autoroutes (ANA) a commandé une étude sur la compétitivité de la solution du maître d'œuvre chinois. Chose faite en quelques mois et avalisée alors que la solution proposée entraînait un surcoût de 60% sur le poste chaussée !
Un record de cherté dans la réalisation d'une autoroute. Le surcoût de plus de 600 millions de dollars laisse les experts perplexes. Il n'existe pas d'exemple au monde où une chaussée modifiée coûte 60% plus cher qu'une chaussée classique. Un spécialiste européen, consultant auprès d'une entreprise publique algérienne, souligne que dans les cas les plus limites « le recours à l'enrobé à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires ». Cet avenant, accepté de manière trop légère selon les avis des experts, risque d'être un élément de plus dans une affaire à rebondissements.
Des affaires qui pèsent
L'autoroute et les affaires Sonatrach pèsent désormais lourdement sur la vie politique et sociale du pays. Même les contestations sociales pour des augmentations de salaires ont pris un tout plus dur en raison de ces affaires sur lesquelles les autorités s'abstiennent de communiquer.
Par contre, les révélations par voie de presse se poursuivent à la même cadence. Cinq cadres de Sonatrach Aval à Oran, direction que chapeautait l'actuel DG par intérim Feghouli, ont été placés en détention provisoire dans une affaire de transaction douteuse.
Mais il semble que les « affaires » du secteur de l'énergie connaîtront une « pause », l'Algérie devant accueillir la 16° Conférence internationale et exposition sur le gaz naturel liquéfié (GNL 16), prévue du 18 au 21 avril 2010. Un petit répit pour Chakib Khelil, le ministre de l'Energie, qui sera le grand officiant de la rencontre.
Par Sana Harb, Alger
Pierre Falcone, accusé d'avoir orchestré le système des pots-de-vin
Autoroute Est-Ouest : pots-de-vin et avenants alourdissent la facture
Partout dans le monde le kilomètre d'autoroute coûte en moyenne 6 millions de dollars, équipements compris. En Algérie, le même kilomètre a coûté 8 millions, sans les équipements...
Pour l'ancien directeur des programmes nouveaux (DPN) de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), le système de pots-de-vin tournait autour du fameux Pierre Falcone : « Sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% est donnée à Pierre Falcone, domicilié à Pékin, qui distribue une partie de cette manne aux membres de son réseau. » Par ailleurs, une solution proposée par le groupement chinois CITIC-CRCC qui entraînait un surcoût de 60% sur le poste chaussée a été avalisée ! Or, il n'existe pas d'exemple au monde où une chaussée modifiée coûte 60% plus cher qu'une chaussée classique : « Le recours à l'enrobé à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires », nous déclare un spécialiste.
Le scandale des tronçons de l'autoroute Est-Ouest algérienne, réalisée par le groupement chinois CITIC-CRCC, « s'enrichit » de nouveaux éléments qui alourdissent substantiellement la facture de l'ouvrage.
Le numéro deux du Ministère des travaux publics, poursuivi dans le cadre de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, reste en prison. C'est le dernier fait judiciaire de l'affaire révélée par le journal El Watan, qui insiste sur le cas de Mohamed Khelladi, ancien directeur des nouveaux projets (DNP) au niveau de l'Agence nationale des autoroutes (ANA). Celui par qui le « scandale de l'autoroute a éclaté » se retrouve, à la suite d'une plainte du Ministère des travaux publics, poursuivi et placé en détention provisoire.
Mohamed Khelladi aurait livré des informations substantielles sur la manière dont le système de pots-de-vin fonctionnait autour du célèbre Pierre Falcone, et comment cela se traduisait en coûts supplémentaires. Selon lui, « sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% est donnée à Pierre Falcone, domicilié à Pékin, qui distribue une partie de cette manne aux membres de son réseau, dont Chani Mejdoub, homme d'affaires algéro-luxembourgeois actuellement en détention ».
Des neveux de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, faisaient partie du réseau. Selon El Watan, Mohamed Bedjaoui a reçu en personne et en sa qualité de ministre des Affaires étrangères Pierre Falcone. Ce dernier aurait été également reçu par le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul.
8 millions de dollars le km d'autoroute !
Les commissions redistribuées étaient intégrées aux prix unitaires de la soumission présentée par les Chinois. Mohamed Khelladi affirme avoir participé à une commission chargée de comparer les coûts entre l'autoroute Est-Ouest et ce qui se passe dans le reste du monde. La conclusion est sans appel : le kilomètre d'autoroute en Algérie coûte 8 millions de dollars pour la seule réalisation, alors qu'ailleurs le km coûte 6 millions $, une somme qui couvre aussi bien la réalisation que les équipements.
Le chantier phare du plan de relance quinquennal 2004-2009 (150 milliards de dollars) tourne littéralement au cauchemar. Des avenants à la nécessité très contestée sont venus aggraver les coûts de ce « chantier du siècle », qui était initialement de 11,4 milliards de dollars pour 927 kilomètres d'autoroute.
Le groupement CITIC-CRCC chinois avait des contrats de 5,2 milliards de dollars signés au printemps 2006 pour la réalisation des tronçons ouest (399 km) et centre (169 km) . Pour un changement de modèle de chaussée suggéré par les Chinois, l'État algérien va finir par accorder une rallonge de 650 millions de dollars. Le groupement chinois a en effet proposé en mars 2007 une autre solution pour la chaussée que celle prévue par le cahier des charges. Il s'agit du « bitume modifié », largement utilisé dans les pays développés.
Des avenants et un surcoût de plus de 600 millions $
La Direction des programmes nouveaux (DPN) de l'Agence nationale des autoroutes (ANA) a commandé une étude sur la compétitivité de la solution du maître d'œuvre chinois. Chose faite en quelques mois et avalisée alors que la solution proposée entraînait un surcoût de 60% sur le poste chaussée !
Un record de cherté dans la réalisation d'une autoroute. Le surcoût de plus de 600 millions de dollars laisse les experts perplexes. Il n'existe pas d'exemple au monde où une chaussée modifiée coûte 60% plus cher qu'une chaussée classique. Un spécialiste européen, consultant auprès d'une entreprise publique algérienne, souligne que dans les cas les plus limites « le recours à l'enrobé à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires ». Cet avenant, accepté de manière trop légère selon les avis des experts, risque d'être un élément de plus dans une affaire à rebondissements.
Des affaires qui pèsent
L'autoroute et les affaires Sonatrach pèsent désormais lourdement sur la vie politique et sociale du pays. Même les contestations sociales pour des augmentations de salaires ont pris un tout plus dur en raison de ces affaires sur lesquelles les autorités s'abstiennent de communiquer.
Par contre, les révélations par voie de presse se poursuivent à la même cadence. Cinq cadres de Sonatrach Aval à Oran, direction que chapeautait l'actuel DG par intérim Feghouli, ont été placés en détention provisoire dans une affaire de transaction douteuse.
Mais il semble que les « affaires » du secteur de l'énergie connaîtront une « pause », l'Algérie devant accueillir la 16° Conférence internationale et exposition sur le gaz naturel liquéfié (GNL 16), prévue du 18 au 21 avril 2010. Un petit répit pour Chakib Khelil, le ministre de l'Energie, qui sera le grand officiant de la rencontre.
Par Sana Harb, Alger
Le kilomètre d'autoroute en Algérie
coûte 8 millions de dollars pour la
seule réalisation, alors qu'ailleurs le
km coûte 6 millions $, une somme
qui couvre aussi bien la réalisation
que les équipements
.coûte 8 millions de dollars pour la
seule réalisation, alors qu'ailleurs le
km coûte 6 millions $, une somme
qui couvre aussi bien la réalisation
que les équipements
Pierre Falcone, accusé d'avoir orchestré le système des pots-de-vin
Commentaire