Le Dr Salah Mouhoubi, politologue et économiste algérien, observateur averti de la scène maghrébine et sahélienne, nous livre ses impressions sur les derniers évènements qui ont eu lieu au Sahel, apportant ainsi un éclairage intéressant sur une région guettée par une nébuleuse appelée AQMI et des desseins d’ingérences militaires occidentales. Cet ancien chargé de mission à la présidence de la République et ex-directeur général adjoint du Centre africain d’études monétaires de Dakar (Sénégal) n’omet pas de souligner que l’Algérie a toujours été contre l’idée même d’une présence étrangère à ses frontières.
Le Jeune Indépendant : Quelle première lecture faites-vous des derniers évènements survenus au Sahel ?
Dr Mouhoubi : D’abord, je constate que le Sahel flambe épisodiquement sous la pression de la conjoncture. Donc, ce qui est arrivé tout dernièrement dans la région est naturellement à replacer dans ce contexte. D’ailleurs, l’attaque mauritanienne contre un groupe terroriste tapi dans le désert, affublé de l’étiquette AQMI, a révélé au grand jour des stratégies, on peut dire concoctées dans des officines connues.
De quelles stratégies voulez-vous parler ?
Il faut savoir que s’il y a un pays au monde qui a tant souffert et continue de souffrir du terrorisme, c’est bien l’Algérie. On peut comprendre donc qu’elle ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe à ses frontières sud. Il faut peut-être ajouter que les incursions terroristes qu’elle subit proviennent des pays limitrophes, comme l’atteste l’attaque terroriste de Tinzaouatine qui a coûté la vie à 11 gendarmes algériens. Par conséquent, le seul souci de l’Algérie, un souci légitime, est de voir la sécurité restaurée à ses frontières. C’est la raison pour laquelle elle a toujours plaidé pour la mise en œuvre d’une politique concertée avec les pays voisins du Sud pour atteindre cet objectif, sans oublier qu’eux aussi ils font face à la menace terroriste. Donc, il est clair que cette politique dérange certaines puissances dont les stratégies recherchent des objectifs occultes aux antipodes de la sécurité et de la solidarité au niveau de la région.
Qu’est-ce qui dérange ?
Il faut réitérer les positions de principe de l’Algérie : ce sont des principes légitimes pour éviter que la région soit un champ clos des rivalités de puissances étrangères. L’Algérie défend fermement la souveraineté des Etats, cela est important et indiscutable : pas de présence militaire sous quelque forme que ce soit. C’est d’ailleurs un point cardinal pour l’Algérie qui a toujours refusé l’idée même, par exemple, d’un commandement américain ayant son siège dans la région et demandé une coopération entre les Etats concernés par la lutte contre le terrorisme.
Quel est l’impact du Comité d’état-major unifié installé à Tamanrasset et qui regroupe l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie ?
Il faut peut-être rappeler le précédent malien qui a fissuré cette politique de solidarité et de concertation pour lutter contre le terrorisme. Ce précédent n’a pu se produire que grâce à des interférences extérieures, notamment françaises. L’Algérie en a tiré des enseignements tout en poursuivant ses efforts pour conforter la politique commune des pays du Sahel. Malheureusement, un autre cas, celui de l’action de la Mauritanie contre des terroristes pour libérer un otage français, a porté atteinte à cette politique. Il faut dire les choses plus clairement : sans interférences extérieures et pour des raisons de politique politicienne, la Mauritanie n’aurait peut-être pas songé à contribuer, elle aussi, à fissurer l’édifice commun que veut construite l’Algérie en collaboration avec tous les pays concernés.
Quelle est la politique que doit mener l’Algérie à l’avenir ?
Il faut bien convenir que l’Algérie ne peut pas lutter contre Al-Qaïda qui est partout et nulle part et qui mobilise l’hyperpuissance mondiale. Il est facile de relever que là où Al-Qaïda se manifeste, les Etats-Unis s’y précipitent. Les Américains la pourchassent dans la péninsule arabique, en Afghanistan, au Pakistan, au Sahel et bientôt en Afrique de l’Est et dans les régions des Grands Lacs après les attentats de Kampala. Une telle nébuleuse qui ne s’en prend par hasard qu’à des pays musulmans dont la plupart sont pauvres et démunis.
Il est dans l’intérêt de tous ceux qui souhaitent que la paix et la sécurité soient restaurées dans la région du Sahel afin de soutenir les efforts de l’Algérie pour créer un front commun pour éradiquer le terrorisme. Cela veut dire qu’il faut mettre un terme aux interférences extérieures qui ne peuvent que contribuer à embraser davantage la région. Après l’attaque menée par les Mauritaniens, l’AQMI a proféré des menaces de représailles qui vont certainement être coûteuses en vies humaines et en destructions. Il faut cesser de jeter de l’huile sur le feu et de vouloir dans le même temps jouer au pompier.
L’Algérie doit tenir compte de la faiblesse des pays voisins du Sud pour concevoir une stratégie dans la région dont la finalité est d’assurer d’abord sa sécurité par tous les moyens. Elle ne peut pas compter sur des pays sensibles aux pressions extérieures, comme l’attestent les cas malien et mauritanien. Cette conception doit reposer sur une puissance militaire dissuasive.
C’est-à-dire…
L’Algérie doit être la puissance militaire dominante dans la région pour se protéger et protéger ses intérêts.
Propos recueillis par Djamel Zerrouk
Le Jeune Indépendant.
Le Jeune Indépendant : Quelle première lecture faites-vous des derniers évènements survenus au Sahel ?
Dr Mouhoubi : D’abord, je constate que le Sahel flambe épisodiquement sous la pression de la conjoncture. Donc, ce qui est arrivé tout dernièrement dans la région est naturellement à replacer dans ce contexte. D’ailleurs, l’attaque mauritanienne contre un groupe terroriste tapi dans le désert, affublé de l’étiquette AQMI, a révélé au grand jour des stratégies, on peut dire concoctées dans des officines connues.
De quelles stratégies voulez-vous parler ?
Il faut savoir que s’il y a un pays au monde qui a tant souffert et continue de souffrir du terrorisme, c’est bien l’Algérie. On peut comprendre donc qu’elle ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe à ses frontières sud. Il faut peut-être ajouter que les incursions terroristes qu’elle subit proviennent des pays limitrophes, comme l’atteste l’attaque terroriste de Tinzaouatine qui a coûté la vie à 11 gendarmes algériens. Par conséquent, le seul souci de l’Algérie, un souci légitime, est de voir la sécurité restaurée à ses frontières. C’est la raison pour laquelle elle a toujours plaidé pour la mise en œuvre d’une politique concertée avec les pays voisins du Sud pour atteindre cet objectif, sans oublier qu’eux aussi ils font face à la menace terroriste. Donc, il est clair que cette politique dérange certaines puissances dont les stratégies recherchent des objectifs occultes aux antipodes de la sécurité et de la solidarité au niveau de la région.
Qu’est-ce qui dérange ?
Il faut réitérer les positions de principe de l’Algérie : ce sont des principes légitimes pour éviter que la région soit un champ clos des rivalités de puissances étrangères. L’Algérie défend fermement la souveraineté des Etats, cela est important et indiscutable : pas de présence militaire sous quelque forme que ce soit. C’est d’ailleurs un point cardinal pour l’Algérie qui a toujours refusé l’idée même, par exemple, d’un commandement américain ayant son siège dans la région et demandé une coopération entre les Etats concernés par la lutte contre le terrorisme.
Quel est l’impact du Comité d’état-major unifié installé à Tamanrasset et qui regroupe l’Algérie, le Niger, le Mali et la Mauritanie ?
Il faut peut-être rappeler le précédent malien qui a fissuré cette politique de solidarité et de concertation pour lutter contre le terrorisme. Ce précédent n’a pu se produire que grâce à des interférences extérieures, notamment françaises. L’Algérie en a tiré des enseignements tout en poursuivant ses efforts pour conforter la politique commune des pays du Sahel. Malheureusement, un autre cas, celui de l’action de la Mauritanie contre des terroristes pour libérer un otage français, a porté atteinte à cette politique. Il faut dire les choses plus clairement : sans interférences extérieures et pour des raisons de politique politicienne, la Mauritanie n’aurait peut-être pas songé à contribuer, elle aussi, à fissurer l’édifice commun que veut construite l’Algérie en collaboration avec tous les pays concernés.
Quelle est la politique que doit mener l’Algérie à l’avenir ?
Il faut bien convenir que l’Algérie ne peut pas lutter contre Al-Qaïda qui est partout et nulle part et qui mobilise l’hyperpuissance mondiale. Il est facile de relever que là où Al-Qaïda se manifeste, les Etats-Unis s’y précipitent. Les Américains la pourchassent dans la péninsule arabique, en Afghanistan, au Pakistan, au Sahel et bientôt en Afrique de l’Est et dans les régions des Grands Lacs après les attentats de Kampala. Une telle nébuleuse qui ne s’en prend par hasard qu’à des pays musulmans dont la plupart sont pauvres et démunis.
Il est dans l’intérêt de tous ceux qui souhaitent que la paix et la sécurité soient restaurées dans la région du Sahel afin de soutenir les efforts de l’Algérie pour créer un front commun pour éradiquer le terrorisme. Cela veut dire qu’il faut mettre un terme aux interférences extérieures qui ne peuvent que contribuer à embraser davantage la région. Après l’attaque menée par les Mauritaniens, l’AQMI a proféré des menaces de représailles qui vont certainement être coûteuses en vies humaines et en destructions. Il faut cesser de jeter de l’huile sur le feu et de vouloir dans le même temps jouer au pompier.
L’Algérie doit tenir compte de la faiblesse des pays voisins du Sud pour concevoir une stratégie dans la région dont la finalité est d’assurer d’abord sa sécurité par tous les moyens. Elle ne peut pas compter sur des pays sensibles aux pressions extérieures, comme l’attestent les cas malien et mauritanien. Cette conception doit reposer sur une puissance militaire dissuasive.
C’est-à-dire…
L’Algérie doit être la puissance militaire dominante dans la région pour se protéger et protéger ses intérêts.
Propos recueillis par Djamel Zerrouk
Le Jeune Indépendant.
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