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Code communal: Le pouvoir central enterre le pouvoir local

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  • Code communal: Le pouvoir central enterre le pouvoir local

    En Algérie, le Conseil des ministres a adopté le nouveau code communal. Il y a de fortes chances qu’il soit promulgué par ordonnance. Mais le pouvoir peut aussi l’habiller d’une façade démocratique en le soumettant au débat à l’APN, puisqu’il sait qu’il ne court aucun risque et que son code passera comme une lettre à la poste.

    Comme toujours, les députés de la coalition gouvernementale donneront leur véritable avis dans les coulisses et autres travées de l’APN. S’agissant du code de wilaya qui doit logiquement cadrer avec le principe de la régionalisation, il est tout simplement renvoyé aux calendes grecques. Quant aux finances locales et plus particulièrement le prélèvement de l’impôt, ce code communal donne une idée claire sur l’hégémonie que le pouvoir central compte toujours imposer au pouvoir local.

    Terrains : acquis et blocages

    Ce texte, tant attendu, y compris par les partis du pouvoir, coupe court à tout espoir consistant à donner au peuple de citoyens un minimum de transparence et d’initiative dans la gestion des affaires publiques à travers ses représentants locaux. Le régime ne veut rien céder. Il doit encore et toujours tout contrôler. Le RCD et à sa tête son président a souvent eu à dénoncer une administration perverse qui se donne comme mission capitale le contrôle et non le développement du pays. Ce travers vient d’être confirmé, et par certains aspects, amplifié par le nouveau code. Le pouvoir justifie cyniquement ses choix liberticides par «l’inexpérience et l’incompétence des élus locaux». Nous sommes en pleine comédie. Les élus de la coalition gouvernementale doivent être recrutés parmi les clans. Les candidats doivent être dociles et même, si possible, chargés de quelques dossiers judiciaires pour s’assurer de leur soumission. Et on voudrait avoir des élus intègres et compétents avec de telles méthodes. C’est la quadrature du cercle. L’élu crédible accepte de sortir d’un scrutin transparent. Il doit dire non aux parrains qui veulent l’impliquer dans la prédation du patrimoine local et, le cas échéant, il se donne le droit de démissionner. Au RCD, nous avons conditionné la candidature de chaque postulant à son adhésion à la charte de l’élu. Il faut cependant avoir le courage de dire que, malgré cette procédure, trois P/APC ont renié leur engagement. Le Rassemblement a pris ses responsabilités. Il a alerté les citoyens sur ces cas afin que l’électeur sache que sa confiance est suivie, respectée et protégée. C’est là un message adressé aux populations, aux officines qui encouragent ces dérapages et aux autres élus quant à ce qui est attendu d’eux. Cette pédagogie paie, puisque la quasi-totalité des APC gérées par le RCD donne annuellement son bilan en public. Quand la volonté de jouer la transparence et la loyauté existe, il y a possibilité d’avancer tout en insérant dans les mœurs la notion d’un service public assaini, équitable et mis à la disposition du plus grand nombre. Le pouvoir ne peut pas structurer l’Etat par le clanisme et la soumission et déplorer les conséquences de sa stratégie.

    Lourd passif

    Que se passe t-il réellement sur le terrain ?

    Y a-t-il une élection où l’administration est restée neutre dans la confection des listes en choisissant les candidats des partis au pouvoir ? Y a-t-il une élection où le choix de ces candidats ne s’est pas fait par la fraude au détriment des candidats de l’opposition ?

    A-t-on laissé travailler un P/APC ou des élus qui ont voulu mettre leur compétence et leur dévouement au seul profit de leurs concitoyens et non pas au service des barons locaux couverts par cette même administration ?

    Peut-on oublier le P/APC RCD de la commune de Berriane qui a voulu exercer son mandat en toute liberté en s’opposant à un chef de daïra, parrain de la mafia locale ? Ce P/APC fut destitué par l’administration avec un vote de défiance organisé dans les couloirs de la commune et en totale violation du code communal. Plus grave, il fut remplacé par un élu qui n’est même pas issu de sa liste. La justice saisie tarde à dire le droit sur cette affaire.

    Combien de délibérations d’assemblées communales attendent la confirmation des chefs de daïra et qui dépassent souvent le délai requis par la réglementation, à savoir un mois ?

    Revenons au retrait de confiance ciblant des P/APC indélicats. Le nouveau code complique la destitution du P/APC par ses pairs, mais celle-ci reste très facile pour le wali. La convocation de l’assemblée, qui pouvait se décider par le tiers des élus, nécessitera désormais les deux tiers. Les seules destitutions qui sont mises effectivement à exécution par l’administration sont celles qui sont télécommandées. Même les partis de la coalition gouvernementale peinent à suivre les valses des décisions de leur tutelle. Certains de leurs P/APC soumis à l’épreuve du vote de défiance ont été destitués, d’autres non. En vérité, on destitue les élus qui gênent la répartition occulte de la rente. En ma qualité de député, les différentes discussions que j’ai eues avec les élus locaux des autres partis politiques m’ont permis d’évaluer leur état d’esprit. Ils disent : «Je n’ai pas à entrer en conflit avec l’administration parce que je ne suis pas sûr d’être défendu par mon parti.» Sur cette question, les élus du RCD savent qu’ils ne sont pas seuls quand il s’agit de défendre leurs prérogatives.

    Sur le fond, certaines bribes du texte rapportées par la presse peuvent donner à penser que du positif marquerait la nouvelle démarche. Puisque «les assemblées communales doivent consulter les citoyens sur tout ce qui a trait à la cité». Cela est bien. Mais ce que ces commentateurs ne mettent pas en avant, ce sont les verrous qui sont mis en place pour vider de sa substance cette affirmation. Même cette consultation qui est suivie d’une délibération peut être refusée par l’administration.

    Que dire de la nécessité d’avoir l’autorisation du wali pour la tenue d’une assemblée extraordinaire dans une institution élue ?! C’est une hérésie. La soumission à l’autorisation préalable des walis pour les réunions de l’assemblée en dehors des locaux de la commune renseigne sur les desseins du régime quant à la prorogation de fait de l’état d’urgence et la main-mise sur toute expression associative démocratique.

    Quelle marge de manœuvre laisse-t-on aux représentants du peuple ? En fait, le nouveau code signe le retour à la période des DEC.

    Message funeste

    Que recherche le pouvoir à travers ce texte ? Le message est clair : la disqualification de toute représentation populaire démocratique et de l’acte électoral.

    Devant cette situation, qu’en sera-t-il du développement décentralisé, qui doit, en principe, générer des richesses financières à même de booster l’économie locale si à chaque fois il faut l’accord de l’administration centrale pour toute initiative engageant le quotidien du citoyen ? Pourtant, nos voisins l’ont bien compris. Même si à bien des égards, ils ne sont pas un exemple de démocratie, on observe chez eux une avancée significative quant au développement de la gestion locale et de la démocratie de proximité. Le pouvoir algérien ne veut tirer aucun bilan d’un demi-siècle d’opacité et de centralisation.

    Cette fuite en avant devant ce qui est appelé «la spécificité algérienne» est un désastre national.

    Beaucoup de pays s’inspirent des modes de gestion locale et régionale décentralisée pour plus de justice et de performance. La fonction, l’organisation et les prérogatives de la commune, première institution de l’Etat républicain, renseignent plus que tout autre discours sur les intentions et les objectifs d’un régime. De ce point de vue, le nouveau code communal ne laisse aucune illusion quant à l’émergence d’une représentation crédible et performante dans nos municipalités. La démobilisation citoyenne, déjà importante, ne pourra que s’aggraver. A-t-on le droit de confisquer l’avenir de tout un peuple pour la survie d’un système clanique érigé en Etat parallèle ? Le RCD dit non.

    Par Mohamed Khendek Député, secrétaire national chargé des élections et des élus au RCD, Le Soir
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