Aux sources de l'Oued Saoura (1ère partie)
par Farouk Zahi

Le triptyque «Sport, culture et tourisme» est le thème récurrent de ces joutes sportives qui sont à leur douzième année. Abdelmadjid Rezkane, manager général de l'entreprise, aura réussi le pari là où de nombreuses tentatives ont échoué au bout d'une ou deux éditions. Le froid cinglant des matins sahariens fouette les visages des compétiteurs venus d'ici et d'ailleurs ; ils sautillent pour se réchauffer les membres inférieurs engourdis par la gelée matinale. Si l'été est connu pour être torride dans ces contrées, le froid continental n'est pas moins indisposant jusqu'au lever franc du jour. La longue procession, constituée de bus et de 4x4, quitte le camp de jeunes de Taghit, fraîchement réceptionné et mis à la disposition des organisateurs. Implanté sur le plateau du village naissant de Zaouïa El Fougania, il est prévu pour recevoir 500 hôtes dont la moitié en camping libre, offrant ainsi la sécurité du gîte et le confort tout relatif propre à la randonnée saharienne.
Encadrée par un service d'ordre impeccable constitué de la Gendarmerie nationale, la Sûreté nationale et de Services annexes (Santé et Protection civile), la caravane se dirige sur Igli à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Taghit. La route revêtue à l'enrobé et nettement matérialisée rend le parcours plus plaisant. Elle permet au regard de fouiller ces immensités ocres. Monotone certes, la platitude de la hamada offre une myriade de tons agréables à la vue. La pureté du ciel et la lumière profuse permettent aux éminences rocheuses d'exhiber, dans une sorte de ballet clair-obscur muet, des tableaux époustouflants d'ombres chinoises. Le couvert végétal fait de touffes herbeuses steppiques agrémente l'espace saharien et lutte crânement contre la désertification sablonneuse.
Les quelques maigres champs rencontrés, qui semblent lutter contre l'adversité climatique, sont semés de jeunes plants d'oliviers et de palmiers. Le PPDRI, cher à Rachid Benaïssa, fera-il sortir le Sud de sa torpeur séculaire par le développement durable ? Seul l'avenir nous le dira.
La pente douce amorcée par la route préfigure de l'approche d'Igli qui, comme tous les groupements humains oasiens, se blottit dans un vallon creusé par un cours d'eau. Un chantier des travaux publics s'affaire à jeter un pont sur un oued immensément large dont seul le grand Sud en détient le secret. L'œuvre d'art de plusieurs centaines de mètres, construite sur d'imposants cubes creux en béton, mettra probablement fin à l'isolement occasionné épisodiquement par les crues impétueuses de ces «fleuves» du désert.
La route qui serpente doucement entre les blocs rocheux fait découvrir un petit cimetière veillé par un mausolée maraboutique. La localité verdoyante, au vieux bâti en pisé clairsemé de bâtiments modernes des administrations et services, respire la sérénité. A la lisière ouest de l'Erg occidental, elle se calfeutre dans sa palmeraie vieillissante, dernier rempart à la menace spectrale du cordon dunaire qui semble guetter l'oasis. Un pont relativement récent enjambe l'Oued Saoura qui naît ici même de la jonction des Oueds Zouzfana et Guir, ce dernier dévalant des territoires marocains voisins. L'auberge de jeunesse flambant neuve accroche irrésistiblement le regard, par une architecture pour le moins paradoxale, du moins en ce qui concerne sa façade faite de verre fumé enserré dans un châssis en aluminium. Hormis l'effet de serre certainement étouffant en période estivale, ce matériau jure par son incongruité dans l'immobilier oasien. A ce rythme, il ne restera plus beaucoup de repères identitaires pour la préservation du patrimoine ksourien qui a, malgré les turpitudes de toutes sortes, traversé le temps.
En dépit de l'apparente fragilité de la brique de terre, le bâti oasien est encore là après au moins quatre siècles d'existence. Le mausolée de Sidi Benothman, patron de la cité oasienne, en est la preuve irréfutable s'il en était besoin.
Au milieu du village, un réservoir d'eau, en forme de pyramide tronquée, trône sur une butte rocheuse. En parfaite harmonie avec l'environnement, se fondant dans le décor, il est à peine perceptible. Presque en vis-à-vis, un autre, mais cette fois-ci de conception moderne, jure par son intrusion inopportune. Hissé sur une hideuse colonne en béton, peint en bleu, il fait violence par son décalage temporel au patrimoine ancestral.
La fébrilité festive est perceptible au centre du village. Les larges rues sont enguirlandées de drapeaux et d'apprêts multicolores. Le baroud tonne bruyamment dans un nuage de fumée et fait tressaillir les convives du moment qui sourient nerveusement. Le regard est cependant curieux et interrogateur. Le Marathon des Dunes a réuni plusieurs nationalités européennes dont une forte délégation italienne. Les Franco-algériens de tous sexes et âges «connaissant la musique» semblaient dire aux étrangers : «Regardez notre pays comme il est beau !» Ils prenaient probablement leur revanche sur l'adversité de l'ostracisme communautaire dans lequel ils ont été toujours confinés ou du moins leur ascendance. Assis à même le sol, les vieux autochtones, amusés par les jeunes qui s'égaillent au gré de l'attraction: «Allez voir le spectacle nous, nous l'avons plusieurs fois vécu», tel semblait être leur propos. Les jeunes filles en costume traditionnel joliment bigarré, la moitié du visage voilée, évoluaient en grappes rieuses. Les jeunes gens style «hip hop» à la tignasse «gelée» et aux jambes enserrées dans des jeans, portant volontiers oreillette sur le pavillon, se chahutaient bruyamment, manière de dire que nous sommes non seulement «in», mais nous fréquentons aussi l'université ou le lycée.
On apprenait par la bouche de M. Kouider Brahimi, maire de la cité, que cette commune de près de 7.000 âmes est un fief ancestral du savoir. Et pour étayer le propos, il annonçait fièrement que la majorité des foyers comprenait de 2 jusqu'à 3 bacheliers. La jolie résidence de la commune recevait ses hôtes avec le binôme coutumier (dattes et lait) et l'inévitable verre de thé. Kamel Bouchama et Hamid Berchiche, anciens ministres de la Jeunesse et des Sports, respectivement ancien ambassadeur et sénateur, étaient «pris à partie» pour la photo souvenir. Les jeunes avides de considération et de reconnaissance profitaient de l'aubaine. Ils étaient tout simplement heureux, ne serait-ce que l'espace d'un marathon. Yacine Ould Moussa, expert international en économie et enseignant universitaire, devisait avec les responsables locaux sur les opportunités de développement du tourisme saharien, et dont Igli en détient une bonne part. Le dynamique office local du tourisme, dirigé par M. Boudjemaa Bentayeb, n'a pas manqué de distribuer, à l'occasion, un dossier promotionnel relatant le site.
(à suivre)
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