Algerie News:
Avec trois morts et quatre-cents blessés, quel
sens peut avoir un billet culturel même si
ce n’est qu’une pauvre malheureuse
périphrase ?! Nous allons donc parler de l’émeute.
Plus précisément de la culture de l’émeute !
Depuis le printemps berbère en 1980, les
Algériens ne se sont plus soulevés que pour des
histoires de «bouffe», ce qui est tout à fait légitime
!
En 2001, nous avons cru à une renaissance des
«Arrac n tmanyin» (Les enfants de 80) chantés
par Matoub, mais la désillusion n’a pas tardé à
venir, à la manière d’un projectile lancé de nulle
part. Donc, depuis 80, la jeunesse algérienne a
rompu avec la revendication culturelle, identitaire,
libertaire, parce qu’un ventre affamé n’a
point d’oreilles pour entendre l’appel de l’intellect
ni d’yeux pour lire les versets sacrés du savoir.
Mais la faim n’est pas toujours physique. Quand
on fait flamber la capitale pour une histoire
d’augmentation des prix des produits alimentaires,
on exprime non seulement un rejet de principe
de cette mesure mais aussi une colère qui
doit beaucoup à la frustration, face à cette autre
catégorie sociale qui a «tout». «Tout» veut dire :
beaucoup d’argent, un frigo plein, de belles
vacances, de belles nanas, de belles voitures, un
bel avenir. Enfin, tout ce qu’il y a de «beau» pour
un jeune chômeur qui n’a vu de la vie que sa face
laide, défigurée par la misère et l’ennui. Quand on
s’élève contre cette injustice, ce n’est pas tant pour
faire baisser les prix de l’huile et du sucre que
pour dire qu’on en a vraiment marre d’un système
inéquitable qui, d’un côté, offre beauté et
confort à une minorité et, de l’autre, inflige laideur
et privations à la grande majorité. D’ailleurs,
les émeutes qui ont secoué le pays, notamment la
capitale, ces trois derniers jours, peuvent être très
intéressants d’un point de vue «esthétique» ! Il
suffit de regarder les émeutiers : leurs visages,
leurs vêtements, leur jargon. N’ayons pas peur de
le dire, car il n’y a aucun risque de représailles (les
émeutiers ne lisent pas les journaux, ils en fournissent
la «matière» !) Donc, osons le dire : tout
cela est d’une laideur exemplaire ! Quand vous
regardez un jeune manifestant de 17 ans, vous lui
en donnez dix de plus. Son visage est noirci par la
haine, la colère et la frustration. Ses mains sont
sales bien qu’il n’ait jamais travaillé. Sa voix semble
avoir été «fabriquée» pour le seul usage du cri
et de l’injure. Il le sait bien, ce jeune émeutier,
qu’il a une apparence plutôt rebutante mais il la
garde, l’entretient, comme une marque de fabrique,
comme un cachet identitaire, comme une
pièce à conviction !
Et à chaque fois qu’il croise à Didouche, à
Hydra ou à Sidi Yahia une belle jeune fille élégante
qui ressemble à Sharon Stone ou un bel
adolescent à la peau de bébé, vêtu comme Justin
Timberlake, il nourrit patiemment, fébrilement,
sa colère, dans l’attente d’une occasion propice
pour la faire «péter» à la gueule de cet Autre
monde, celui des riches, des instruits, des intellos,
des snobinards, des fils à papa… Alors, qu’il
s’agisse d’un relogement minable ou d’un bidon
d’huile à 800 DA, la colère est la même. Ce sont
seulement les prétextes qui changent. Cette
colère, c’est le fruit de toute une culture, de tout
un enseignement indigne que les jeunes d’aujourd’hui
ne veulent plus assimiler. Il n’est plus
question pour eux, en effet, de prendre la leçon de
l’inégalité pour un acquis irréfutable. C’est leur
manière à eux de dénoncer l’ignorance, la rigidité
de la pensée établie et la futilité des beaux discours
qu’ils soient politiques ou intellectuels. A
bien y regarder, leur révolte a, finalement, tout
d’une revendication culturelle, n’en déplaise aux
scribouillards qui, eux, préfèrent faire leurs révolutions
dans les bars et les romans que personne,
du reste, ne lit !
S. H
Avec trois morts et quatre-cents blessés, quel
sens peut avoir un billet culturel même si
ce n’est qu’une pauvre malheureuse
périphrase ?! Nous allons donc parler de l’émeute.
Plus précisément de la culture de l’émeute !
Depuis le printemps berbère en 1980, les
Algériens ne se sont plus soulevés que pour des
histoires de «bouffe», ce qui est tout à fait légitime
!
En 2001, nous avons cru à une renaissance des
«Arrac n tmanyin» (Les enfants de 80) chantés
par Matoub, mais la désillusion n’a pas tardé à
venir, à la manière d’un projectile lancé de nulle
part. Donc, depuis 80, la jeunesse algérienne a
rompu avec la revendication culturelle, identitaire,
libertaire, parce qu’un ventre affamé n’a
point d’oreilles pour entendre l’appel de l’intellect
ni d’yeux pour lire les versets sacrés du savoir.
Mais la faim n’est pas toujours physique. Quand
on fait flamber la capitale pour une histoire
d’augmentation des prix des produits alimentaires,
on exprime non seulement un rejet de principe
de cette mesure mais aussi une colère qui
doit beaucoup à la frustration, face à cette autre
catégorie sociale qui a «tout». «Tout» veut dire :
beaucoup d’argent, un frigo plein, de belles
vacances, de belles nanas, de belles voitures, un
bel avenir. Enfin, tout ce qu’il y a de «beau» pour
un jeune chômeur qui n’a vu de la vie que sa face
laide, défigurée par la misère et l’ennui. Quand on
s’élève contre cette injustice, ce n’est pas tant pour
faire baisser les prix de l’huile et du sucre que
pour dire qu’on en a vraiment marre d’un système
inéquitable qui, d’un côté, offre beauté et
confort à une minorité et, de l’autre, inflige laideur
et privations à la grande majorité. D’ailleurs,
les émeutes qui ont secoué le pays, notamment la
capitale, ces trois derniers jours, peuvent être très
intéressants d’un point de vue «esthétique» ! Il
suffit de regarder les émeutiers : leurs visages,
leurs vêtements, leur jargon. N’ayons pas peur de
le dire, car il n’y a aucun risque de représailles (les
émeutiers ne lisent pas les journaux, ils en fournissent
la «matière» !) Donc, osons le dire : tout
cela est d’une laideur exemplaire ! Quand vous
regardez un jeune manifestant de 17 ans, vous lui
en donnez dix de plus. Son visage est noirci par la
haine, la colère et la frustration. Ses mains sont
sales bien qu’il n’ait jamais travaillé. Sa voix semble
avoir été «fabriquée» pour le seul usage du cri
et de l’injure. Il le sait bien, ce jeune émeutier,
qu’il a une apparence plutôt rebutante mais il la
garde, l’entretient, comme une marque de fabrique,
comme un cachet identitaire, comme une
pièce à conviction !
Et à chaque fois qu’il croise à Didouche, à
Hydra ou à Sidi Yahia une belle jeune fille élégante
qui ressemble à Sharon Stone ou un bel
adolescent à la peau de bébé, vêtu comme Justin
Timberlake, il nourrit patiemment, fébrilement,
sa colère, dans l’attente d’une occasion propice
pour la faire «péter» à la gueule de cet Autre
monde, celui des riches, des instruits, des intellos,
des snobinards, des fils à papa… Alors, qu’il
s’agisse d’un relogement minable ou d’un bidon
d’huile à 800 DA, la colère est la même. Ce sont
seulement les prétextes qui changent. Cette
colère, c’est le fruit de toute une culture, de tout
un enseignement indigne que les jeunes d’aujourd’hui
ne veulent plus assimiler. Il n’est plus
question pour eux, en effet, de prendre la leçon de
l’inégalité pour un acquis irréfutable. C’est leur
manière à eux de dénoncer l’ignorance, la rigidité
de la pensée établie et la futilité des beaux discours
qu’ils soient politiques ou intellectuels. A
bien y regarder, leur révolte a, finalement, tout
d’une revendication culturelle, n’en déplaise aux
scribouillards qui, eux, préfèrent faire leurs révolutions
dans les bars et les romans que personne,
du reste, ne lit !
S. H
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