ENTRETIEN DNA. Le premier secrétaire national du Front des forces socialistes ( FFS), Karim Tabbou, a accordé lundi 10 janvier un entretien par écrit à DNA dans lequel il explique la position de son parti sur les événements qui secouent depuis prés d’une semaine l’Algérie. Créé en 1963 par Hocine Ait Ahmed, aujourd’hui exilé en Suisse, le FFS est le plus vieux parti d’opposition dans le pays.
DNA : Des émeutes particulièrement violentes viennent de secouer plusieurs villes du pays. Pour le FFS ce sont des émeutes de l’huile et du sucre ou celles du désespoir ?
Karim Tabbou : Il est incontestable que cette révolte contient une dimension sociale, mais les raisons profondes sont ailleurs. L’ambiance de lassitude, de désespoir et de ras le bol général que vit le pays le prouve bien. Contrairement aux allégations des autorités et les lectures de certains milieux médiatico- politiciennes qui tentent de réduire cette contestation à sa seule dimension sociale, le peuple algériens, particulière la jeunesse, vit un sentiment de désarroi, et d’injustice.
Pourquoi ?
La première de ces injustices est que ces jeunes ne trouvent que la rue pour exprimer leur colère. Les institutions de l’Etat sont tellement décalées de la réalité des algériennes et des algériens, que la rue est devenu le seul « parlement » du peuple. Plus encore, la télévision officielle a mené tout au long de ces journées de contestation une propagande accusatrice contre les jeunes révoltés les traitant de sauvages, de mal éduqués et de manipulés par les milieux occultes.
Là aussi, il est important de rappeler que cette génération de révoltés, qui est entrain de faire l’histoire de ce pays, n’a jamais connu la paix civile et la libre expression. Ces jeunes sont nés en 1992, date du coup d’Etat contre la démocratie et date de l’assassinat d'un chef de l’Etat, de 1994 à 1998 années des massacres à grande échelle et ceux qui avaient 10 en 1999, ont vécu 11 ans de mensonges et de fausses promesses. Cette situation est l’aboutissement d’un long processus de privation, de violence et de mépris à l’égard des algériennes et des algériens. Quand on gère un pays par la violence, il ne faut pas s’étonner des conséquences.
Les Emeutes ont une nouvelle fois donner à constater une faiblesses, l’encadrement de la société par les partis et les syndicats. Ces derniers ont-ils des circonstances atténuantes, empêchés qu’ils sont d’activer librement, ou sont-ils coupables de démission ?
Certains sont coupables de complicité avec le pouvoir. Le système policier et violent qui gère le pays et qui est le seule responsable des crises d’aujourd’hui a été approuvé et soutenu par des « partis politiques », qui ont été crées et protégés par ce même système. Pendant 2 décennies, ces créatures (partis éprouvette) se sont inclinées devant leur créateur.
Certains tentent de se laver les mains de la situation actuelle, alors qu’ils portent une responsabilité écrasante dans l’avènement et la pérennité de ce régime. Qu’ils soient dans l’alliance présidentielle ou dans « l’opposition officielle », ils sont comptables devant le peuple et l’histoire.
Hier ils légitimaient le coup d’Etat, l’Etat d’urgence et l’Etat policier, aujourd’hui ils pleurent avec leur peuple « bien aimé ». En fait ces élites du régime, corrompues et corruptrices, entretiennent la confusion et empêchent toute dynamique de libération et de changement.
Concernant le FFS….
Concernant le FFS, depuis sa création en 1963 par des militants issus du mouvement national, il n’a pas cessé de revendiquer la démocratie, la libre expression, le respect des droits de l’homme, la paix civile, l’Etat de droit…etc. L’histoire de notre pays ne manquera sans doute pas de retenir que le FFS a joué un rôle essentiel dans l’organisation de la résistance politique et populaire à la structuration militaro-policière de l’Etat et de la société le lendemain de l’indépendance et surtout depuis le coup d’Etat militaire de 1992 ainsi que pendant toutes ces années de violence et de fermeture.
Vous évoquez dans votre déclaration, la nécessité de ré encadrement de la société. Mais dans quelle démarche pratique inscrivez-vous cette entreprise ? Votre appel à la solidarité des algériens intègre-t-il la solidarité partisane ?
La démarche pratique consiste à mettre fin aux faux semblants et aux mensonges. La démocratie, la confiance populaire et la crédibilité politique demandent beaucoup d’efforts et d’énormes sacrifices. Toutes celles et tous ceux qui veulent s’engager honnêtement et avec conviction dans le combat pour la démocratie et les droits de l’homme doivent faire l’effort de dépasser toutes les considérations de personnes, d’appareils ou de région. Changer de cap pour aller vers la société implique une rupture avec les pratiques du mensonge, de la cooptation, de la manipulation et de la corruption.
Le FFS s’associe avec toutes les forces politiques et sociales aspirant à la paix et la démocratie pour exiger une ouverture démocratique réelle qui permettra au pays de se doter de partis politiques puissants, d’une société civile autonome et dynamique pour aller vers la construction d’un Etat fort et juste. Notre contrat avec nos partenaires est : Devoir de vérité, devoir de lucidité, devoir de pédagogie et devoir de rendre des comptes.
Pensez vous que le gouvernement, qui a décidé des exonérations fiscales, parafiscales et douanières pour les importateurs et producteurs des deux produits, le sucre et l’huile, a trouvé la réponse adéquate ?
Encore une fausse solution pour de vrais problèmes. Comment voulez vous que ce pays se développe avec des dirigeants qui méprisent la population à ce point. Le pouvoir continu de considérer cette révolte comme une simple colère d’indigènes possible d’atténuer avec des bidons d’huile ou des sacs de sucre !
Depuis plus de 10 années, le pays a connu des révoltes en tous genre, des révoltes de chômage, de gaz, de pain, de lait, de pomme de terre, de médicaments, à l’université, dans le secteur de l’éducation, de la santé…etc.
La révolte est durable ! Tant que l’Algérie continu de fonctionner en dehors des nomes de bonne gouvernance, de transparence et du droit, le pays ne sortira pas de la crise. La logique de 2 collèges qui creuse d’avantage l’écart entre d’un coté les Algériens du dedans privilégiés qui ont l’accès libre et facile aux caisses de l’Etat et de l’autre coté, des Algériens du dehors qui vivent dans la révolte, la misère et l’injustice, conduira inévitablement le pays vers le chaos.
Cette révolte a eu le mérite de réveiller par « ses vacarmes » ces algériens du dedans pour leur rappeler qu’il existe dans ce pays un peuple qui souffre, qui crie et qui proteste. Dans une citation reprise par Mouloud Mammeri dans sa réponse à Kamel Belkacem, il disait : « On peut tromper tout le monde quelque temps, on peut tromper tout le temps quelques hommes, on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps »
Comment expliquez-vous alors cette subite chute de fièvre ? Le soulèvement populaire pouvait-il être manipulé ?
Dans l’absence de mécanismes de fonctionnement démocratique du pouvoir et de la société, les tentatives de manipulations vont exister et des apprentis sorciers seront tentés de s’imposer par population interposée.
Personnellement mon regard est plus tourné vers le contenu politique et social des révoltes, sur les souffrances de la population, sur ses espoirs et ses déceptions que sur les calculs machiavéliques d’un personnel au pouvoir qui refuse de se soumettre à la volonté et au contrôle populaires.
Certains n’ont pourtant pas hésité à entrevoir une interconnexion entre cette insurrection juvénile, le remous organique qui s’est signalé au sein du FLN et l’ambition politique suggérée de Said Bouteflika. Etes-vous d’avis que tout cela participe d’une lutte de clans au sommet de l’Etat autour de la succession à Bouteflika ?
Le pays est l’otage des luttes de clans et d’intérêts depuis des décennies. Le pouvoir réel qui gère et entretien ces luttes ne veut pas laisser la moindre brèche à l’émergence d’une alternative démocratique crédible. Les anciens romains considéraient que « Toute relation sexuelle qui n’est pas faite en vue de la procréation est condamnée comme un « désordre et un péché ».Si toutes ces convulsions faites de luttes de clans, de coup d’Etat, de scandales financiers n’arrivent pas à déboucher sur un vrai débat et n’arrivent pas à franchir les limites fixées par le vrai pouvoir, le pays s’enfoncera dans le « péché et le désordre ».
La solution réside dans la réalisation d’une vraie ouverture politique. Les alternances claniques et autres procédés violents ne peuvent que pérenniser le système de la cooptation et la désignation.
DNA
DNA : Des émeutes particulièrement violentes viennent de secouer plusieurs villes du pays. Pour le FFS ce sont des émeutes de l’huile et du sucre ou celles du désespoir ?
Karim Tabbou : Il est incontestable que cette révolte contient une dimension sociale, mais les raisons profondes sont ailleurs. L’ambiance de lassitude, de désespoir et de ras le bol général que vit le pays le prouve bien. Contrairement aux allégations des autorités et les lectures de certains milieux médiatico- politiciennes qui tentent de réduire cette contestation à sa seule dimension sociale, le peuple algériens, particulière la jeunesse, vit un sentiment de désarroi, et d’injustice.
Pourquoi ?
La première de ces injustices est que ces jeunes ne trouvent que la rue pour exprimer leur colère. Les institutions de l’Etat sont tellement décalées de la réalité des algériennes et des algériens, que la rue est devenu le seul « parlement » du peuple. Plus encore, la télévision officielle a mené tout au long de ces journées de contestation une propagande accusatrice contre les jeunes révoltés les traitant de sauvages, de mal éduqués et de manipulés par les milieux occultes.
Là aussi, il est important de rappeler que cette génération de révoltés, qui est entrain de faire l’histoire de ce pays, n’a jamais connu la paix civile et la libre expression. Ces jeunes sont nés en 1992, date du coup d’Etat contre la démocratie et date de l’assassinat d'un chef de l’Etat, de 1994 à 1998 années des massacres à grande échelle et ceux qui avaient 10 en 1999, ont vécu 11 ans de mensonges et de fausses promesses. Cette situation est l’aboutissement d’un long processus de privation, de violence et de mépris à l’égard des algériennes et des algériens. Quand on gère un pays par la violence, il ne faut pas s’étonner des conséquences.
Les Emeutes ont une nouvelle fois donner à constater une faiblesses, l’encadrement de la société par les partis et les syndicats. Ces derniers ont-ils des circonstances atténuantes, empêchés qu’ils sont d’activer librement, ou sont-ils coupables de démission ?
Certains sont coupables de complicité avec le pouvoir. Le système policier et violent qui gère le pays et qui est le seule responsable des crises d’aujourd’hui a été approuvé et soutenu par des « partis politiques », qui ont été crées et protégés par ce même système. Pendant 2 décennies, ces créatures (partis éprouvette) se sont inclinées devant leur créateur.
Certains tentent de se laver les mains de la situation actuelle, alors qu’ils portent une responsabilité écrasante dans l’avènement et la pérennité de ce régime. Qu’ils soient dans l’alliance présidentielle ou dans « l’opposition officielle », ils sont comptables devant le peuple et l’histoire.
Hier ils légitimaient le coup d’Etat, l’Etat d’urgence et l’Etat policier, aujourd’hui ils pleurent avec leur peuple « bien aimé ». En fait ces élites du régime, corrompues et corruptrices, entretiennent la confusion et empêchent toute dynamique de libération et de changement.
Concernant le FFS….
Concernant le FFS, depuis sa création en 1963 par des militants issus du mouvement national, il n’a pas cessé de revendiquer la démocratie, la libre expression, le respect des droits de l’homme, la paix civile, l’Etat de droit…etc. L’histoire de notre pays ne manquera sans doute pas de retenir que le FFS a joué un rôle essentiel dans l’organisation de la résistance politique et populaire à la structuration militaro-policière de l’Etat et de la société le lendemain de l’indépendance et surtout depuis le coup d’Etat militaire de 1992 ainsi que pendant toutes ces années de violence et de fermeture.
Vous évoquez dans votre déclaration, la nécessité de ré encadrement de la société. Mais dans quelle démarche pratique inscrivez-vous cette entreprise ? Votre appel à la solidarité des algériens intègre-t-il la solidarité partisane ?
La démarche pratique consiste à mettre fin aux faux semblants et aux mensonges. La démocratie, la confiance populaire et la crédibilité politique demandent beaucoup d’efforts et d’énormes sacrifices. Toutes celles et tous ceux qui veulent s’engager honnêtement et avec conviction dans le combat pour la démocratie et les droits de l’homme doivent faire l’effort de dépasser toutes les considérations de personnes, d’appareils ou de région. Changer de cap pour aller vers la société implique une rupture avec les pratiques du mensonge, de la cooptation, de la manipulation et de la corruption.
Le FFS s’associe avec toutes les forces politiques et sociales aspirant à la paix et la démocratie pour exiger une ouverture démocratique réelle qui permettra au pays de se doter de partis politiques puissants, d’une société civile autonome et dynamique pour aller vers la construction d’un Etat fort et juste. Notre contrat avec nos partenaires est : Devoir de vérité, devoir de lucidité, devoir de pédagogie et devoir de rendre des comptes.
Pensez vous que le gouvernement, qui a décidé des exonérations fiscales, parafiscales et douanières pour les importateurs et producteurs des deux produits, le sucre et l’huile, a trouvé la réponse adéquate ?
Encore une fausse solution pour de vrais problèmes. Comment voulez vous que ce pays se développe avec des dirigeants qui méprisent la population à ce point. Le pouvoir continu de considérer cette révolte comme une simple colère d’indigènes possible d’atténuer avec des bidons d’huile ou des sacs de sucre !
Depuis plus de 10 années, le pays a connu des révoltes en tous genre, des révoltes de chômage, de gaz, de pain, de lait, de pomme de terre, de médicaments, à l’université, dans le secteur de l’éducation, de la santé…etc.
La révolte est durable ! Tant que l’Algérie continu de fonctionner en dehors des nomes de bonne gouvernance, de transparence et du droit, le pays ne sortira pas de la crise. La logique de 2 collèges qui creuse d’avantage l’écart entre d’un coté les Algériens du dedans privilégiés qui ont l’accès libre et facile aux caisses de l’Etat et de l’autre coté, des Algériens du dehors qui vivent dans la révolte, la misère et l’injustice, conduira inévitablement le pays vers le chaos.
Cette révolte a eu le mérite de réveiller par « ses vacarmes » ces algériens du dedans pour leur rappeler qu’il existe dans ce pays un peuple qui souffre, qui crie et qui proteste. Dans une citation reprise par Mouloud Mammeri dans sa réponse à Kamel Belkacem, il disait : « On peut tromper tout le monde quelque temps, on peut tromper tout le temps quelques hommes, on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps »
Comment expliquez-vous alors cette subite chute de fièvre ? Le soulèvement populaire pouvait-il être manipulé ?
Dans l’absence de mécanismes de fonctionnement démocratique du pouvoir et de la société, les tentatives de manipulations vont exister et des apprentis sorciers seront tentés de s’imposer par population interposée.
Personnellement mon regard est plus tourné vers le contenu politique et social des révoltes, sur les souffrances de la population, sur ses espoirs et ses déceptions que sur les calculs machiavéliques d’un personnel au pouvoir qui refuse de se soumettre à la volonté et au contrôle populaires.
Certains n’ont pourtant pas hésité à entrevoir une interconnexion entre cette insurrection juvénile, le remous organique qui s’est signalé au sein du FLN et l’ambition politique suggérée de Said Bouteflika. Etes-vous d’avis que tout cela participe d’une lutte de clans au sommet de l’Etat autour de la succession à Bouteflika ?
Le pays est l’otage des luttes de clans et d’intérêts depuis des décennies. Le pouvoir réel qui gère et entretien ces luttes ne veut pas laisser la moindre brèche à l’émergence d’une alternative démocratique crédible. Les anciens romains considéraient que « Toute relation sexuelle qui n’est pas faite en vue de la procréation est condamnée comme un « désordre et un péché ».Si toutes ces convulsions faites de luttes de clans, de coup d’Etat, de scandales financiers n’arrivent pas à déboucher sur un vrai débat et n’arrivent pas à franchir les limites fixées par le vrai pouvoir, le pays s’enfoncera dans le « péché et le désordre ».
La solution réside dans la réalisation d’une vraie ouverture politique. Les alternances claniques et autres procédés violents ne peuvent que pérenniser le système de la cooptation et la désignation.
DNA
Commentaire