Ghazi Hidouci : «Je viens d’apprendre que je ne peux aller en Algérie»

Je viens d’apprendre que je ne peux aller en Algérie. Récapitulons l’affichage de la position que nous avons développée dans le détail au regard de notre vision de la politique à venir. Je le ferai sur deux points : le premier personnel, bien pénible, mais hélas nécessaire ; le second politique, l’un et l’autre, je pense définitifs.
1 - Parenthèse personnelle :
Pourquoi parler de mes affaires personnelles ? Parce que je ne rentre pas en fin de compte en Algérie, par crainte de l’arbitraire policier non-dit et parce que la presse dite «peu connue» et pas «responsable», vingt ans après mon départ, mais qui dit, continue de m’interpeller sur le ton et avec le même discours purement crasseux, totalement mensonger, haineux et de caniveau. On me dira que l’on n’y peut rien, sauf démentir. C’est là que le bât blesse parce qu’on ne démentit pas et je sais que l’actionnaire de ce journal An Nahar est tout de même conseiller important du Président et est fatalement à son image. Pour ne pas faire de jaloux, et penser comme le dit le journal que j’en veux à ce président, il est depuis près de trente ans, sous tous les présidents, chargé de la désinformation.
Tout le monde le niera ; alors que vaut le démenti et de qui ? Si on peut le nier en ne présentant pas de preuves, c’est qu’on en a honte, qu’on ne peut faire autrement et que ceci, au-delà de tout discours, signe dans la plus grande clarté le caractère «secret, sinistre et délinquant» du système de direction et de pouvoir. Je ne me battrai pas en Don Quichotte contre l’opacité de cette direction, ni contre les menaces, à peine voilées, qui me sont parvenues contre ma manière de penser la politique dans notre pays. Je suis conscient des enjeux en cette période d’énervement où tout mouvement contraire est celui d’un ennemi et où le régime nerveux cherche de mille manières des boucs émissaires. J’en suis conscient et je réponds une dernière fois tout simplement à trois accusations lancinantes, toujours reprises, et cette fois encore alors que ma participation à un séminaire sur la cause arabe est annoncée à Alger. J’ai demandé l’assurance formelle de la sécurité qu’elle ne s’opposerait pas à ma venue. Je ne l’ai pas obtenue.
La réponse est donc claire et je me sens, en fin de compte, moralement rassuré auprès des miens sur mon impossibilité de venir à Alger. Le journal En Nahar dit que ce n’est pas possible que je puisse parler pour trois raisons :
1- je serai «en mission» pour dire du mal du Président, alors qu’il est bon et a ouvert la porte à la critique ;
2 - son ouverture bonne est abusée par moi, parce que je trahis l’Algérie en tant que juif, habitant l’étranger et pire que Bernard-Henri Levy dont tout le mal nous vient,…
3. je vis dans le bonheur des détourneurs grassement payés, riches et heureux du bénéfice de la liberté.
Relativement au premier point, ce que j’écris dans le papier illustre bien à quel point je suis fondamentalement séparé de l’Etat (Président et autres commis) stratégiquement et radicalement. A propos du second point, je réponds ce que j’ai dit aux mêmes et à bien d’autres, que ma filiation ne fait pas de doute, que ma famille est connue ainsi que la mairie de ma naissance et que mes opinions sont écrites et ici présentes. J’insiste aussi pour signaler que je n’aurais par ailleurs nullement été gêné d’être juif et que c’est une grande insulte à notre culture et à notre histoire que de vils harkis crapuleux puissent régulièrement ternir cette image.
Enfin, s’agissant de Bernard-Henri Levy, qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de connaître par ailleurs, je préciserai toutefois que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il est connu et flatté au pouvoir en Algérie. Il l’a été, en 1996, alors que nous étions absents et que j’étais exilé, lorsque les généraux étaient là et qu’il fallait organiser les campagnes de dénonciation des islamistes et de protection de l’Etat contre les crimes. C’est l’argent public qui lui ouvrit les colonnes du Monde et les réceptions officielles pour le «qui tue qui». Alors, le vaillant actionnaire de En Nahar était là, dirigeant la désinformation et la calomnie, visible et bien influent. Je le dis surtout pour les gens dont la mémoire, pourrie par la propagande malsaine, pourrait faillir et qui nourrissent la «fitna» entre Algériens par leur courte vue.
S’agissant enfin de ma richesse, elle peut interroger les gens manquant de tout et croulant derrière les avantages et les envies. Je vis loin de l’Algérie uniquement parce que j’ai fait mon devoir dans un gouvernement et que ce devoir a déplu. Aux gens de juger de ce que j’ai fait publiquement et individuellement et de juger ce qu’ont fait les autres. Je tiens en outre solennellement disponible à qui le veut et qui me le signale, l’ensemble de mes revenus, de leurs sources et des déclarations fiscales depuis que j’ai quitté Alger en janvier 1992. J’y ajoute mes relevés bancaires, mes contrats d’enseignant et de consultant et mes biens et autorise toute banque à livrer ses secrets. Quant à mes biens en Algérie, que quelqu’un signale quoi que ce soit, soit un avantage acquis quel qu’en soit le titre. C’est tout ce que je peux dire. A qui que ce soit, d’en faire autant ! J’en ai fini avec cela et je pense définitivement. Ce qui importe, c’est de se nettoyer ; j’espère que je ne reviendrai plus aux toilettes de cette presse si appréciée par le régime.
(in le Maghrebin)
Une voix qui dérange
A l’heure où on parle de réformer l’Etat, de réformer les mœurs politiques, le discours de l’exclusion et de la haine revient à chaque fois pour mettre une couche de doute sur les intentions des tenants du pouvoir. Lorsque des campagnes et appels à la vindicte populaire sont lancés contre des personnalités qui s’opposent à la voie tracée par les tenants du pouvoir, il y a de quoi être inquiété sur le devenir de ce pays.
Ghazi Hidouci est un économiste algérien de renom dont le seul «tort» est de dire que le pouvoir algérien fait fausse route. Ancien ministre de l’Economie dans l’équipe du gouvernement de Mouloud Hamrouche, de septembre 1989 jusqu’à juin 1991, Ghazi Hidouci figure parmi les initiateurs du programme de réformes politiques et économiques à cette époque.
Avant d’être appelé à assurer cette fonction, Hidouci était conseiller économique de Chadli, entre 1984 et 1989, période durant laquelle il avait tenté de moderniser la gestion économique du pays. Il figurait aussi, dans les années 1970, dans le staff de l’administration centrale du Plan.
Depuis son exil en 1991 en France, Ghazi Hidouci exerce comme consultant économique, enseignant et est l’auteur de nombreuses contributions sur notamment la gestion des transitions économiques. Auteur de Algérie, la libération inachevée, et de nombreux articles critiques sur les choix politiques et économiques de l’Algérie, Hidouci n’a eu de cesse d’alerter sur les risques qu’encourt le pays à suivre la voie aventureuse de la rente et de l’autoritarisme.
El Watan

Je viens d’apprendre que je ne peux aller en Algérie. Récapitulons l’affichage de la position que nous avons développée dans le détail au regard de notre vision de la politique à venir. Je le ferai sur deux points : le premier personnel, bien pénible, mais hélas nécessaire ; le second politique, l’un et l’autre, je pense définitifs.
1 - Parenthèse personnelle :
Pourquoi parler de mes affaires personnelles ? Parce que je ne rentre pas en fin de compte en Algérie, par crainte de l’arbitraire policier non-dit et parce que la presse dite «peu connue» et pas «responsable», vingt ans après mon départ, mais qui dit, continue de m’interpeller sur le ton et avec le même discours purement crasseux, totalement mensonger, haineux et de caniveau. On me dira que l’on n’y peut rien, sauf démentir. C’est là que le bât blesse parce qu’on ne démentit pas et je sais que l’actionnaire de ce journal An Nahar est tout de même conseiller important du Président et est fatalement à son image. Pour ne pas faire de jaloux, et penser comme le dit le journal que j’en veux à ce président, il est depuis près de trente ans, sous tous les présidents, chargé de la désinformation.
Tout le monde le niera ; alors que vaut le démenti et de qui ? Si on peut le nier en ne présentant pas de preuves, c’est qu’on en a honte, qu’on ne peut faire autrement et que ceci, au-delà de tout discours, signe dans la plus grande clarté le caractère «secret, sinistre et délinquant» du système de direction et de pouvoir. Je ne me battrai pas en Don Quichotte contre l’opacité de cette direction, ni contre les menaces, à peine voilées, qui me sont parvenues contre ma manière de penser la politique dans notre pays. Je suis conscient des enjeux en cette période d’énervement où tout mouvement contraire est celui d’un ennemi et où le régime nerveux cherche de mille manières des boucs émissaires. J’en suis conscient et je réponds une dernière fois tout simplement à trois accusations lancinantes, toujours reprises, et cette fois encore alors que ma participation à un séminaire sur la cause arabe est annoncée à Alger. J’ai demandé l’assurance formelle de la sécurité qu’elle ne s’opposerait pas à ma venue. Je ne l’ai pas obtenue.
La réponse est donc claire et je me sens, en fin de compte, moralement rassuré auprès des miens sur mon impossibilité de venir à Alger. Le journal En Nahar dit que ce n’est pas possible que je puisse parler pour trois raisons :
1- je serai «en mission» pour dire du mal du Président, alors qu’il est bon et a ouvert la porte à la critique ;
2 - son ouverture bonne est abusée par moi, parce que je trahis l’Algérie en tant que juif, habitant l’étranger et pire que Bernard-Henri Levy dont tout le mal nous vient,…
3. je vis dans le bonheur des détourneurs grassement payés, riches et heureux du bénéfice de la liberté.
Relativement au premier point, ce que j’écris dans le papier illustre bien à quel point je suis fondamentalement séparé de l’Etat (Président et autres commis) stratégiquement et radicalement. A propos du second point, je réponds ce que j’ai dit aux mêmes et à bien d’autres, que ma filiation ne fait pas de doute, que ma famille est connue ainsi que la mairie de ma naissance et que mes opinions sont écrites et ici présentes. J’insiste aussi pour signaler que je n’aurais par ailleurs nullement été gêné d’être juif et que c’est une grande insulte à notre culture et à notre histoire que de vils harkis crapuleux puissent régulièrement ternir cette image.
Enfin, s’agissant de Bernard-Henri Levy, qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de connaître par ailleurs, je préciserai toutefois que ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il est connu et flatté au pouvoir en Algérie. Il l’a été, en 1996, alors que nous étions absents et que j’étais exilé, lorsque les généraux étaient là et qu’il fallait organiser les campagnes de dénonciation des islamistes et de protection de l’Etat contre les crimes. C’est l’argent public qui lui ouvrit les colonnes du Monde et les réceptions officielles pour le «qui tue qui». Alors, le vaillant actionnaire de En Nahar était là, dirigeant la désinformation et la calomnie, visible et bien influent. Je le dis surtout pour les gens dont la mémoire, pourrie par la propagande malsaine, pourrait faillir et qui nourrissent la «fitna» entre Algériens par leur courte vue.
S’agissant enfin de ma richesse, elle peut interroger les gens manquant de tout et croulant derrière les avantages et les envies. Je vis loin de l’Algérie uniquement parce que j’ai fait mon devoir dans un gouvernement et que ce devoir a déplu. Aux gens de juger de ce que j’ai fait publiquement et individuellement et de juger ce qu’ont fait les autres. Je tiens en outre solennellement disponible à qui le veut et qui me le signale, l’ensemble de mes revenus, de leurs sources et des déclarations fiscales depuis que j’ai quitté Alger en janvier 1992. J’y ajoute mes relevés bancaires, mes contrats d’enseignant et de consultant et mes biens et autorise toute banque à livrer ses secrets. Quant à mes biens en Algérie, que quelqu’un signale quoi que ce soit, soit un avantage acquis quel qu’en soit le titre. C’est tout ce que je peux dire. A qui que ce soit, d’en faire autant ! J’en ai fini avec cela et je pense définitivement. Ce qui importe, c’est de se nettoyer ; j’espère que je ne reviendrai plus aux toilettes de cette presse si appréciée par le régime.
(in le Maghrebin)
Une voix qui dérange
A l’heure où on parle de réformer l’Etat, de réformer les mœurs politiques, le discours de l’exclusion et de la haine revient à chaque fois pour mettre une couche de doute sur les intentions des tenants du pouvoir. Lorsque des campagnes et appels à la vindicte populaire sont lancés contre des personnalités qui s’opposent à la voie tracée par les tenants du pouvoir, il y a de quoi être inquiété sur le devenir de ce pays.
Ghazi Hidouci est un économiste algérien de renom dont le seul «tort» est de dire que le pouvoir algérien fait fausse route. Ancien ministre de l’Economie dans l’équipe du gouvernement de Mouloud Hamrouche, de septembre 1989 jusqu’à juin 1991, Ghazi Hidouci figure parmi les initiateurs du programme de réformes politiques et économiques à cette époque.
Avant d’être appelé à assurer cette fonction, Hidouci était conseiller économique de Chadli, entre 1984 et 1989, période durant laquelle il avait tenté de moderniser la gestion économique du pays. Il figurait aussi, dans les années 1970, dans le staff de l’administration centrale du Plan.
Depuis son exil en 1991 en France, Ghazi Hidouci exerce comme consultant économique, enseignant et est l’auteur de nombreuses contributions sur notamment la gestion des transitions économiques. Auteur de Algérie, la libération inachevée, et de nombreux articles critiques sur les choix politiques et économiques de l’Algérie, Hidouci n’a eu de cesse d’alerter sur les risques qu’encourt le pays à suivre la voie aventureuse de la rente et de l’autoritarisme.
El Watan
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