DES MISES AU POINT A REFAIRE

C'est d'autant plus nécessaire que cette position de principe que d'aucuns qualifient de «rigide» (la plupart des Etats disent officiellement ne pas payer de rançon mais le font par des moyens détournés pour sauver leurs citoyens pris en otages) était une source de pessimisme. Même si des tractations de ce genre sont nécessairement entourées de secret, la communication zéro n'est plus de mise si les otages sont libres. Les communicateurs officiels doivent savoir que comme pour les autres Etats qui n'ont officiellement rien payé - mais qui ont payé quand même ! -, la suspicion sera de mise. Il faudra nécessairement éclairer par quel biais les terroristes du Mujao ont accepté de libérer les sept otages algériens sans contrepartie.
On peut présumer que le mouvement Ançar Eddine a joué, sous la pression des Algériens, un rôle important dans cette libération. Mais là aussi on risque d'entendre des objections du genre : quelle contrepartie ou garantie politique Alger a donnée à Ançar Eddine ? Bref, on peut se réjouir de la libération de nos diplomates et se féliciter de l'efficacité de l'action menée dans l'ombre, mais le temps de réjouissance risque d'être court. Et dans le cas de la situation au Mali, les motifs de réjouissance n'existent pas. Le comportement des nouveaux «maîtres» du nord du Mali suscite la révulsion alors qu'à Bamako le désordre politique et institutionnel continue de régner. Les éléments mêmes de la «solution politique» souhaitée par l'Algérie et soutenue récemment par les chefs de diplomatie de l'UMA manquent. Mais en même temps, une intervention militaire, défendue avec légèreté - y compris dans certains médias algériens qui reproduisent sans discernement le flux des agences de presse occidentale -, a peu de chance de résoudre le problème. Il manque le préalable d'un retour de l'Etat malien et d'une reconstitution d'une armée malienne délabrée.
La venue, aujourd'hui à Alger, du chef de la diplomatie française devrait être l'occasion de clarifier un peu les intentions. Le chef de la diplomatie française estime qu'après une remise en ordre à Bamako, une intervention armée sera nécessaire. A Alger, on estime aussi que le retour à l'ordre constitutionnel à Bamako est nécessaire. Mais ce retour devrait permettre de négocier une solution politique avec les acteurs maliens du Nord comme du Sud. L'Algérie veut ainsi une démarche inclusive où tous les acteurs maliens, gouvernement, Ançar Eddine comme le Mnla, soient partie prenante afin d'exclure les groupes djihadistes. La démarche n'est cependant pas aussi lisible. Il y a un effort à faire dans ce sens. D'autant qu'on constate déjà un empressement en France à voir dans la libération des otages une opportunité pour que les Algériens interviennent «plus directement pour sécuriser le Sahel». Comme si l'affaire des otages terminée, on signifie que la pression pour une intervention algérienne va devenir plus forte. Il y a probablement quelques mises au point à refaire.
par M. Saadoune
Le Quotidien d'Oran
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