UNE METEO MAGHREBINE INCERTAINE
Le porte-parole de Moncef Marzouki soutient que le sommet maghrébin devrait avoir lieu comme prévu le 10 octobre prochain mais que le président tunisien ne s'opposerait pas à un éventuel ajournement si un pays membre en faisait la demande. C'est en quelque sorte le grand écart qui permet de prendre une assurance et d'éviter une éventuelle déconvenue. Le président tunisien qui s'est engagé avec force pour réveiller l'Union maghrébine sait que l'éventuelle défection du président Abdelaziz Bouteflika ou du roi Mohammed VI ferait du sommet de Tabarka un échec. Et qu'il est préférable de ne pas le tenir dans une telle éventualité en jouant sur le thème de l'ajournement.
En proie, en interne, à des critiques virulentes, pas toujours fondées mais qui sont le signe d'une vitalité démocratique, le président Marzouki ne peut se permettre un «mini-sommet» de l'UMA. Avec une certaine dose de mauvaise foi, comme la politique en connaît, ce sera un échec qui lui sera reproché par ses adversaires politiques en Tunisie. Ce qui serait totalement injuste. Le président tunisien et la Tunisie aussi peuvent bien essayer de faire bouger les choses, susciter les bonnes volontés, agiter des idées, comme l'excellente vision sur les «cinq libertés» pour les Maghrébins, ils ne peuvent pas jouer les médiateurs entre l'Algérie et le Maroc. Tenir un sommet en présence des chefs d'Etat de l'Algérie et du Maroc est déjà une gageure mais qui semblait faisable dans le cadre d'un regain en apparence unanime d'appels à la relance de l'UMA. Ce n'est un mystère pour personne que les autres pays de l'UMA ont été continuellement embarrassés par les contentieux entre l'Algérie et le Maroc qui portent sur des thèmes où il n'existe pas de positions médianes possibles.
Il y a eu ces jours-ci un échange entre Rabat et Alger qui a subitement fait passer le sommet prévu à Tabarka de «certain» à un peu moins certain. Il était admis que la démarche la plus constructive consiste à ne pas s'attarder sur les différends et à œuvrer à faire avancer les choses là où c'est possible. C'est à peu près ce qui se passe depuis deux ans entre l'Algérie et le Maroc à travers la mise en œuvre d'actions de coopération sectorielles. Rabat l'a plus ou moins accepté avec l'objectif de hâter la réouverture des frontières et d'engager un début de normalisation qui ne peut que lui être utile en ces temps de difficultés économiques. La sortie «millimétrée» du Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, assortissant pratiquement la tenue du sommet à la réouverture des frontières traduit d'abord une impatience marocaine. Mais le Premier ministre marocain, qui a parlé probablement avec l'aval du Palais, a commis une maladresse psychologique.
On voit en effet mal Alger accepter une telle «conditionnalité». Et, une fois n'est pas coutume, un diplomate algérien faussement anonyme s'est chargé de dire, via l'AFP, que la question de l'ouverture des frontières est une «question exclusivement bilatérale, non liée à un sommet maghrébin» et s'inscrit «exclusivement dans le cadre de l'évolution des relations bilatérales ». Avant la déclaration de Benkirane, la question des frontières aurait probablement été évoquée par les deux chefs d'Etat de manière «bilatérale» lors de l'éventuel sommet de Tabarka. En introduisant cette conditionnalité, Rabat pousse Alger à verrouiller les choses : au sommet de l'UMA, on ne parlera pas des frontières entre l'Algérie et le Maroc. On parlera de l'UMA. Il faudra manifestement à Marzouki beaucoup de diplomatie pour réunir un sommet qui ne se tient plus depuis 18 ans.
par M. Saadoune
Le Quotidien d'Oran
Commentaire