Dans son message de condoléances, le président Bouteflika rappelle que l’ancien président Chadli Bendjedid “était un des vaillants fils de l'Algérie qui ont contribué à l'édification de l'État moderne jusqu'à son élection à la tête du pays”.
Mais la contribution du président défunt, “après son élection”, à l’histoire de l’Algérie, pour ambivalente qu’elle fut, mérite d’être aussi rappelée et étudiée.
Avec Zeroual, il aura été un des deux Présidents parvenus à la fonction de chef d’État sans en avoir exprimé ni la vocation ni l’ambition. La nature d’un système reposant sur le pouvoir de l’armée veut que celle-ci n’ait parfois plus que le choix d’aller franchement puiser dans ses propres rangs pour pourvoir à certaines hautes responsabilités.
Et c’est peut-être pour cette raison, celle d’avoir été un Président improvisé, un Président de “moindre mal”, peut-être lui aussi, à son époque, que Chadli aura été le Président de l’ambiguïté.
Émettant d’entrée des signes d’ouverture, comme celui de la suppression de la mémorable “autorisation de sortie” du territoire, il dut battre en retraite en instituant le non moins mémorable “congé valable à l’étranger”. D’emblée, Chadli, consentant ou pas, devait assumer les limites politiques du système qui venait de le promouvoir : dès avril 1980, la répression brutale du Printemps berbère fixait les contours, tout à fait formels, de son “libéralisme”. La suite de sa première décennie de présidence est faite de répressions des manifestations d’Oran en 1982, Annaba en 1983, Laghouat en 1983 et 85, La Casbah (Alger) en 1985, Sétif et Constantine en 1986, jusqu’au soulèvement de 1988, réprimé dans le sang. Outre un bilan tragique de cinq cents morts, cette révolte révéla la réalité de la pratique d’État de la torture.
La crise aiguë d’une économie, à l’époque comme de nos jours, entièrement assujettie au marché des hydrocarbures, interdisait, faute de rente, tout recours à la soupape d’une politique sociale pour contenir le mécontentement populaire et l’effervescence d’une société civile alors encore en vie. À défaut de ressorts socioéconomiques, il ne restait au pouvoir que l’échappatoire d’une réforme politique. Il fallait une dose de courage politique pour assumer les réformes qu’il entreprit, de son gré ou forcé, à partir du début 1989. C’était peut-être là le versant positif de son ambiguïté : renvoyer, formellement s’entend, les officiers du comité central du FLN à la caserne ou envoyer Messaâdia à la retraite politique constituait, en effet, une rupture symbolique à l’époque inespérée, même si l’on peut, a posteriori, y lire la manœuvre tactique. On doit aussi inscrire l’inauguration du multipartisme, même si, dans sa permissivité détachée, il laissa libre cours à l’évolution des ambitions les plus maléfiques, livrant la perspective politique du pays à une espèce de météorologie politique où s’exprimaient les forces les plus dévastatrices. Devant la normalisation d’une classe politique, aujourd’hui composée dans les bureaux du ministère de l’Intérieur, la liberté de la presse écrite, bien que frelatée par l’affairisme et le trafic d’influence, constitue, par les “niches” de liberté d’expression qu’elle renferme encore, le plus précieux héritage de la présidence Chadli.
À l’Histoire, le jour où elle sera libérée, de faire la part des choses.
Mustapha Hammouche- Liberté
Mais la contribution du président défunt, “après son élection”, à l’histoire de l’Algérie, pour ambivalente qu’elle fut, mérite d’être aussi rappelée et étudiée.
Avec Zeroual, il aura été un des deux Présidents parvenus à la fonction de chef d’État sans en avoir exprimé ni la vocation ni l’ambition. La nature d’un système reposant sur le pouvoir de l’armée veut que celle-ci n’ait parfois plus que le choix d’aller franchement puiser dans ses propres rangs pour pourvoir à certaines hautes responsabilités.
Et c’est peut-être pour cette raison, celle d’avoir été un Président improvisé, un Président de “moindre mal”, peut-être lui aussi, à son époque, que Chadli aura été le Président de l’ambiguïté.
Émettant d’entrée des signes d’ouverture, comme celui de la suppression de la mémorable “autorisation de sortie” du territoire, il dut battre en retraite en instituant le non moins mémorable “congé valable à l’étranger”. D’emblée, Chadli, consentant ou pas, devait assumer les limites politiques du système qui venait de le promouvoir : dès avril 1980, la répression brutale du Printemps berbère fixait les contours, tout à fait formels, de son “libéralisme”. La suite de sa première décennie de présidence est faite de répressions des manifestations d’Oran en 1982, Annaba en 1983, Laghouat en 1983 et 85, La Casbah (Alger) en 1985, Sétif et Constantine en 1986, jusqu’au soulèvement de 1988, réprimé dans le sang. Outre un bilan tragique de cinq cents morts, cette révolte révéla la réalité de la pratique d’État de la torture.
La crise aiguë d’une économie, à l’époque comme de nos jours, entièrement assujettie au marché des hydrocarbures, interdisait, faute de rente, tout recours à la soupape d’une politique sociale pour contenir le mécontentement populaire et l’effervescence d’une société civile alors encore en vie. À défaut de ressorts socioéconomiques, il ne restait au pouvoir que l’échappatoire d’une réforme politique. Il fallait une dose de courage politique pour assumer les réformes qu’il entreprit, de son gré ou forcé, à partir du début 1989. C’était peut-être là le versant positif de son ambiguïté : renvoyer, formellement s’entend, les officiers du comité central du FLN à la caserne ou envoyer Messaâdia à la retraite politique constituait, en effet, une rupture symbolique à l’époque inespérée, même si l’on peut, a posteriori, y lire la manœuvre tactique. On doit aussi inscrire l’inauguration du multipartisme, même si, dans sa permissivité détachée, il laissa libre cours à l’évolution des ambitions les plus maléfiques, livrant la perspective politique du pays à une espèce de météorologie politique où s’exprimaient les forces les plus dévastatrices. Devant la normalisation d’une classe politique, aujourd’hui composée dans les bureaux du ministère de l’Intérieur, la liberté de la presse écrite, bien que frelatée par l’affairisme et le trafic d’influence, constitue, par les “niches” de liberté d’expression qu’elle renferme encore, le plus précieux héritage de la présidence Chadli.
À l’Histoire, le jour où elle sera libérée, de faire la part des choses.
Mustapha Hammouche- Liberté
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