Rachid Tlemçani, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Alger III, a animé une communication, «Etat sécuritaire : armée, corruption politique et islamisme », lors du symposium ayant pour thème «Penser le changement en Algérie», au Crasc d’Oran. Il a bien voulu répondre à nos questions.
- Le rapport annuel 2012 de Transparency International classe l’Algérie à la 105e place sur un total de 176 pays. Que vous inspire ce classement ?
Selon ce rapport et bien d’autres, l’Algérie reste parmi l’un des pays les plus corrompus au monde. Le phénomène de la corruption continue de ronger les rouages de l’Etat et une grande partie de la société. Il a pris, ces derniers temps, des proportions alarmantes en dépit de la mise en place d’organes de lutte contre la corruption. Il n’y a pas aujourd’hui une institution qui échappe au phénomène de la corruption et de la dilapidation des deniers publics. Pour rappel, les effets du terrorisme furent dévastateurs sur l’ensemble de la société et les institutions du pays. La corruption n’a pas pour autant faibli ou fait une «pause» durant la décennie rouge. Bien au contraire, le phénomène de la corruption s’est accéléré et s’est répandu à travers tout le territoire national, de la petite commune au fin fond du pays jusqu’ à l’administration centrale en passant par les entreprises publiques et privées. Le grand vainqueur est la corruption, l’acteur «gagnant-gagnant». La corruption est «sortie» de cette rude épreuve plus forte qu’avant, il s’est avéré que c’est l’institution la plus stable alors que les autres ont été profondément secouées.
- Peut-on évaluer l’étendue de la corruption ?
Aujourd’hui, le phénomène de la corruption s’est répandu à toutes les activités de l’économie nationale. Il ne faut pas, toutefois, confondre la petite corruption et la grande corruption. La petite corruption vise les petits bureaucrates. Elle permet à ces fonctionnaires d’arrondir les fins de mois. Le moindre service public est aujourd’hui monnayé. Les pouvoirs publics laissent faire et encouragent de fait la corruption des élites locales. La petite corruption n’est pas vraiment un problème financier qu’on ne peut pas évalué d’ailleurs. Le problème réel est plutôt social et politique. La petite corruption a perverti les relations sociales. Au niveau politique, elle n’encourage pas la lutte organisée dans un cadre syndical ou partisan. Chaque citoyen tente de tirer son épingle du jeu en faisant appel au système D. Lorsque ce système est bloqué, l’émeute devient l’intermédiation entre citoyens et pouvoirs publics.
- La grande corruption a-t-elle pris une nouvelle dimension au regard de nombreux scandales qui ont éclaté ces derniers temps ?
Ces scandales révèlent que la grande corruption se répand comme une trainée de poudre quand les revenus pétroliers augmentent. L’Etat rentier dépense sans compter les deniers publics lorsque des enseignants, par ailleurs, ont recours à la grève de la faim. La grande corruption se manifeste lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat d’équipements collectifs, d’armements et prêts bancaires. Le contrat gré à gré au lieu d’être l’exception est devenu la règle. Ce sont les commis d’Etat en connivence avec les lobbies de l’économie de bazar qui sont impliqués dans la grande corruption. Là où le bât blesse, une fraction importante de ces avoirs est placée frauduleusement à l’étranger, elle n’est pas réinvestie pour la création d’emplois. La corruption politique porte atteinte à l’intérêt national et menace la sécurité nationale.
- Plusieurs organes ont été créés, ces dernières années, pour lutter contre la corruption. Les résultats escomptés sont très limités, comment expliquez-vous cela ?
Pour faire croire que l’Etat est résolument engagé à moraliser la gestion des deniers publics, plusieurs organes sont mis en place. Notons la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, l’Office central de répression de la corruption. Très peu de moyens humains et autres sont affectés à ces organes. Par exemple, la Cour des comptes dispose moins de 200 magistrats, ce nombre devrait être multiplié par 5 ou 6 afin de couvrir tout le territoire et contrôler toutes les institutions publiques. Ce dysfonctionnement n’est finalement qu’un alibi pour masquer la réalité de la justice algérienne, une justice qui ne respecte pas sa propre loi. Par exemple, la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, qui traite de la notion de déclaration de patrimoine des agents publics (chef de l’Etat, ministres, ambassadeurs, magistrats, élus nationaux et locaux, fonctionnaires, etc.), n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. Plus de 10 années après le vote de cette loi, très peu de déclarations ont été publiées au Journal officiel.
- Le rapport annuel 2012 de Transparency International classe l’Algérie à la 105e place sur un total de 176 pays. Que vous inspire ce classement ?
Selon ce rapport et bien d’autres, l’Algérie reste parmi l’un des pays les plus corrompus au monde. Le phénomène de la corruption continue de ronger les rouages de l’Etat et une grande partie de la société. Il a pris, ces derniers temps, des proportions alarmantes en dépit de la mise en place d’organes de lutte contre la corruption. Il n’y a pas aujourd’hui une institution qui échappe au phénomène de la corruption et de la dilapidation des deniers publics. Pour rappel, les effets du terrorisme furent dévastateurs sur l’ensemble de la société et les institutions du pays. La corruption n’a pas pour autant faibli ou fait une «pause» durant la décennie rouge. Bien au contraire, le phénomène de la corruption s’est accéléré et s’est répandu à travers tout le territoire national, de la petite commune au fin fond du pays jusqu’ à l’administration centrale en passant par les entreprises publiques et privées. Le grand vainqueur est la corruption, l’acteur «gagnant-gagnant». La corruption est «sortie» de cette rude épreuve plus forte qu’avant, il s’est avéré que c’est l’institution la plus stable alors que les autres ont été profondément secouées.
- Peut-on évaluer l’étendue de la corruption ?
Aujourd’hui, le phénomène de la corruption s’est répandu à toutes les activités de l’économie nationale. Il ne faut pas, toutefois, confondre la petite corruption et la grande corruption. La petite corruption vise les petits bureaucrates. Elle permet à ces fonctionnaires d’arrondir les fins de mois. Le moindre service public est aujourd’hui monnayé. Les pouvoirs publics laissent faire et encouragent de fait la corruption des élites locales. La petite corruption n’est pas vraiment un problème financier qu’on ne peut pas évalué d’ailleurs. Le problème réel est plutôt social et politique. La petite corruption a perverti les relations sociales. Au niveau politique, elle n’encourage pas la lutte organisée dans un cadre syndical ou partisan. Chaque citoyen tente de tirer son épingle du jeu en faisant appel au système D. Lorsque ce système est bloqué, l’émeute devient l’intermédiation entre citoyens et pouvoirs publics.
- La grande corruption a-t-elle pris une nouvelle dimension au regard de nombreux scandales qui ont éclaté ces derniers temps ?
Ces scandales révèlent que la grande corruption se répand comme une trainée de poudre quand les revenus pétroliers augmentent. L’Etat rentier dépense sans compter les deniers publics lorsque des enseignants, par ailleurs, ont recours à la grève de la faim. La grande corruption se manifeste lors des passations de contrats de réalisation de projets d’infrastructures, de l’achat d’équipements collectifs, d’armements et prêts bancaires. Le contrat gré à gré au lieu d’être l’exception est devenu la règle. Ce sont les commis d’Etat en connivence avec les lobbies de l’économie de bazar qui sont impliqués dans la grande corruption. Là où le bât blesse, une fraction importante de ces avoirs est placée frauduleusement à l’étranger, elle n’est pas réinvestie pour la création d’emplois. La corruption politique porte atteinte à l’intérêt national et menace la sécurité nationale.
- Plusieurs organes ont été créés, ces dernières années, pour lutter contre la corruption. Les résultats escomptés sont très limités, comment expliquez-vous cela ?
Pour faire croire que l’Etat est résolument engagé à moraliser la gestion des deniers publics, plusieurs organes sont mis en place. Notons la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption, l’Office central de répression de la corruption. Très peu de moyens humains et autres sont affectés à ces organes. Par exemple, la Cour des comptes dispose moins de 200 magistrats, ce nombre devrait être multiplié par 5 ou 6 afin de couvrir tout le territoire et contrôler toutes les institutions publiques. Ce dysfonctionnement n’est finalement qu’un alibi pour masquer la réalité de la justice algérienne, une justice qui ne respecte pas sa propre loi. Par exemple, la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, qui traite de la notion de déclaration de patrimoine des agents publics (chef de l’Etat, ministres, ambassadeurs, magistrats, élus nationaux et locaux, fonctionnaires, etc.), n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. Plus de 10 années après le vote de cette loi, très peu de déclarations ont été publiées au Journal officiel.
Commentaire