Obsession d'imam !
par K. Selim

Les hommes, pères, frères et fils, admonestés jusqu'à l'écœurement, reviennent de fort mauvaise humeur d'une prière collective censée être un moment particulier d'élévation et de spiritualité. Lassés par cinq semaines d'un numéro bégayant de misogynie échevelée, certains fidèles ont décidé de déserter la mosquée incriminée, d'effectuer la prière du vendredi en solo, ou, ce qui n'est pas simple, de rechercher, un peu plus loin, un imam indemne de fixation pathologique. Mais est-ce la solution ? Il faut peut-être commencer par interpeller les chefs présumés des imams d'Algérie. Est-ce le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs ou le directeur de la Fonction publique qui méritent ce titre ? Les deux puisque l'un «oriente» et l'autre gère les carrières et les salaires. Nul ne demandera à ces tutelles d'interdire aux imams de ressasser des idées aussi sottes qu'archaïques sur les femmes. Respect de la liberté d'expression oblige.
Mais les imams étant payés pour assurer un «service public», le public est en droit d'exiger qu'ils fassent correctement leur travail. Rappelons que l'année, messieurs les chefs des imams, compte 52 vendredis. Le public est prêt à admettre - en désertant éventuellement la mosquée à ces occasions - que les imams abordent avec cette inimitable fureur rédemptrice la «dangereuse» question de la femme durant un vendredi, ou deux à l'extrême limite. Mais pas pendant cinq, dix ou 51 vendredis. Car cela consiste indéniablement en une tromperie sur le service. L'imam n'est pas payé pour marteler à perte de vue un unique sujet, aussi séduisant soit-il. Si un journaliste se présentait chaque jour avec le même article devant son rédacteur en chef, il ne ferait pas long feu dans la profession. Et si un enseignant débitait tous les jours le même cours, il n'aurait plus d'élèves. On ne comprend pas pourquoi il en irait autrement pour ces imams vindicatifs qui ne traitent que de «la» femme.
Par pitié pour nos oreilles malmenées et nos intelligences piétinées, un vendredi annuel suffit amplement messieurs ! Les thèmes alternatifs ne manquent pas. Ainsi, par exemple, ces fonctionnaires, par un léger effort de documentation - Internet existe et Wikipédia en arabe aussi -, pourraient évoquer le miracle du cerveau humain, son potentiel encore inexploré, ses capacités insoupçonnées Il suffirait à ces hommes de religion d'appliquer l'injonction fondatrice au Prophète «Lis !» pour découvrir que tous les vendredis de l'année ne suffiraient pas à effleurer tout ce qui peut intéresser les musulmans Et, pardon, les musulmanes aussi. Celles-ci ne demandent d'ailleurs pas mieux que les imams les oublient et s'occupent de sujets plus urgents. Elles sont nombreuses à concéder qu'elles ne méritent pas de monopoliser leurs obscures préoccupations.
Et les fidèles qui ont déserté le prêche hebdomadaire ou s'apprêtent à le faire pourraient établir une liste interminable mais non exhaustive de sujets importants à traiter. Ils sont prêts à aider ces imams à se renouveler et à dépasser leur détestation morbide des femmes. Qu'ils se libèrent donc ou qu'ils s'assument ! En attendant, il serait légitime de demander à l'Etat d'exiger de ses fonctionnaires qu'ils «travaillent» en sanctionnant la manifestation évidente de paresse qui se révèle dans la répétition éhontée de la même péroraison tous les vendredis que Dieu fait.
Le Quotidien d'Oran
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