Chômeurs : le régime fantasme sur un scénario à la arouch
Ce qui guette assurément le mouvement des chômeurs, ce n’est pas l’essoufflement de ses militants. Mais l’arsenal de subterfuges que le système déploie pour faire imploser le Comité national. Petit manuel du clonage, de la diabolisation et du redressement.
El Watan du 22/03
Ouargla, à la veille de la manifestation du 14 mars. Une dizaine de jeunes, des chômeurs, ont pris place sur les chaises installées dans la salle. Sur le mur, des affiches, déjà abîmées, des dernières législatives rappellent que l’on se trouve dans un local de TAJ, le parti de Amar Ghoul. Un député arrive et s’installe devant eux avec trois autres militants du parti. «Restez chez vous ! Les organisateurs de cette marche obéissent à un agenda étranger visant notre chère patrie !»
Depuis quinze jours, le système tout entier s’est mis en branle pour faire imploser le mouvement des chômeurs. Dans la presse, le leader du Comité, Tahar Belabbès, est accusé de comploter contre l’intégrité de son pays depuis l’étranger, alors que l’administration refuse de lui délivrer un passeport depuis six mois. Sur les réseaux sociaux, journalistes-relais des services ou de la Présidence voient dans la moindre photo «l’implication du Qatar» qui aurait payé les leaders du Comité. Et dans le Sud, les élus et des notables locaux sont mobilisés pour casser l’appel à la marche «Milioniya». Alors que le Comité appelle à un rassemblement à Laghouat et à Oued Souf pour «un Etat de droit», des députés (de TAJ, encore) appellent à une contre-manifestation à Ouargla pour affaiblir le mouvement.
«Ces méthodes sont les méthodes classiques du pouvoir pour affaiblir la protestation sociale depuis les années 1980, explique un ancien leader associatif. Autant la répression directe pouvait fonctionner quand l’opposition agissait dans la clandestinité, autant le système ne pouvait plus y avoir recours une fois les revendications devenues publiques. Alors il a changé de stratégie. Il a utilisé d’autres techniques.» Le noyautage, la récupération, le clonage, la décrédibilisation.
Infiltration
«Le principe est simple : tu crées ton association. On t’envoie des adhérents tous gentils qui finiront pas se retourner contre toi, raconte un proche des chômeurs du Sud. Soit ils y parviennent, ils te sortent et ils vident ton association de sa substance. Soit ils restent minoritaires et montent une dissidence qui deviendra un clone de ton association.» Les associations ne sont pas les seules visées. Les syndicats ont aussi payé très cher leur volonté de s’autonomiser de l’UGTA. Là encore, la technique est imparable : «Là où un véritable syndicat autonome appelle à une grève le samedi, le «faux» syndicat, qui prétend avoir les mêmes objectifs, appelle à une grève un autre jour. Ou la veille, déclare que le gouvernement a accepté la plateforme des revendications et que le mouvement est levé», explique Yacine Zaïd, syndicaliste et militant des droits de l’homme.
En 2009, un rapport toujours d’actualité du Comité international de soutien au syndicalisme autonome algérien écrivait : «Dans l’Algérie des années 2000, animer un syndicat autonome consiste autant à défendre les travailleurs qu’à esquiver les manœuvres incessantes de déstabilisation, d’infiltration et de corruption du pouvoir. Les organisations syndicales indépendantes, en refusant toute sujétion autre que celle due à leurs adhérents, sont la cible principale de l’action des services de la police politique de l’armée, le DRS.»
Le Syndicat national autonome des personnels de l’administration en sait quelque chose (voir encadré ci-contre). En politique, on appelle cette tactique le «redressement». Quasiment tous les partis historiques ont eu à en subir les redoutables effets ces derniers mois. En 2009 déjà, le CISA détaillait la règle du jeu : «Les partis légalisés, ayant encore une base réelle et une direction indépendante du pouvoir, ont été systématiquement depuis 1990 l’objet de manœuvres de divisions internes. Scénario classique : des militants ‘‘dissidents’’, agissant sur ordre, décident d’un congrès de ‘‘redressement’’. Une ‘‘direction’’ est élue dans les conditions les plus illégales et le parti passe sous la coupe du pouvoir.»
Ce qui guette assurément le mouvement des chômeurs, ce n’est pas l’essoufflement de ses militants. Mais l’arsenal de subterfuges que le système déploie pour faire imploser le Comité national. Petit manuel du clonage, de la diabolisation et du redressement.
El Watan du 22/03
Ouargla, à la veille de la manifestation du 14 mars. Une dizaine de jeunes, des chômeurs, ont pris place sur les chaises installées dans la salle. Sur le mur, des affiches, déjà abîmées, des dernières législatives rappellent que l’on se trouve dans un local de TAJ, le parti de Amar Ghoul. Un député arrive et s’installe devant eux avec trois autres militants du parti. «Restez chez vous ! Les organisateurs de cette marche obéissent à un agenda étranger visant notre chère patrie !»
Depuis quinze jours, le système tout entier s’est mis en branle pour faire imploser le mouvement des chômeurs. Dans la presse, le leader du Comité, Tahar Belabbès, est accusé de comploter contre l’intégrité de son pays depuis l’étranger, alors que l’administration refuse de lui délivrer un passeport depuis six mois. Sur les réseaux sociaux, journalistes-relais des services ou de la Présidence voient dans la moindre photo «l’implication du Qatar» qui aurait payé les leaders du Comité. Et dans le Sud, les élus et des notables locaux sont mobilisés pour casser l’appel à la marche «Milioniya». Alors que le Comité appelle à un rassemblement à Laghouat et à Oued Souf pour «un Etat de droit», des députés (de TAJ, encore) appellent à une contre-manifestation à Ouargla pour affaiblir le mouvement.
«Ces méthodes sont les méthodes classiques du pouvoir pour affaiblir la protestation sociale depuis les années 1980, explique un ancien leader associatif. Autant la répression directe pouvait fonctionner quand l’opposition agissait dans la clandestinité, autant le système ne pouvait plus y avoir recours une fois les revendications devenues publiques. Alors il a changé de stratégie. Il a utilisé d’autres techniques.» Le noyautage, la récupération, le clonage, la décrédibilisation.
Infiltration
«Le principe est simple : tu crées ton association. On t’envoie des adhérents tous gentils qui finiront pas se retourner contre toi, raconte un proche des chômeurs du Sud. Soit ils y parviennent, ils te sortent et ils vident ton association de sa substance. Soit ils restent minoritaires et montent une dissidence qui deviendra un clone de ton association.» Les associations ne sont pas les seules visées. Les syndicats ont aussi payé très cher leur volonté de s’autonomiser de l’UGTA. Là encore, la technique est imparable : «Là où un véritable syndicat autonome appelle à une grève le samedi, le «faux» syndicat, qui prétend avoir les mêmes objectifs, appelle à une grève un autre jour. Ou la veille, déclare que le gouvernement a accepté la plateforme des revendications et que le mouvement est levé», explique Yacine Zaïd, syndicaliste et militant des droits de l’homme.
En 2009, un rapport toujours d’actualité du Comité international de soutien au syndicalisme autonome algérien écrivait : «Dans l’Algérie des années 2000, animer un syndicat autonome consiste autant à défendre les travailleurs qu’à esquiver les manœuvres incessantes de déstabilisation, d’infiltration et de corruption du pouvoir. Les organisations syndicales indépendantes, en refusant toute sujétion autre que celle due à leurs adhérents, sont la cible principale de l’action des services de la police politique de l’armée, le DRS.»
Le Syndicat national autonome des personnels de l’administration en sait quelque chose (voir encadré ci-contre). En politique, on appelle cette tactique le «redressement». Quasiment tous les partis historiques ont eu à en subir les redoutables effets ces derniers mois. En 2009 déjà, le CISA détaillait la règle du jeu : «Les partis légalisés, ayant encore une base réelle et une direction indépendante du pouvoir, ont été systématiquement depuis 1990 l’objet de manœuvres de divisions internes. Scénario classique : des militants ‘‘dissidents’’, agissant sur ordre, décident d’un congrès de ‘‘redressement’’. Une ‘‘direction’’ est élue dans les conditions les plus illégales et le parti passe sous la coupe du pouvoir.»
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