Que faire de nos fous?
par Abdelkader Leklek- Le quotidien d'Oran
Appel à l'application immédiate de la loi du talion, mentionnée dans le coran, en cas d'homicide, à la sourat II, verset 178, mais en pleine place publique, d'après certains. Et selon un journal arabophone, daté du 17 mars 2013, un ancien officier de police à la retraite, se dit être volontaire pour exécuter lui même la peine de mort contre les auteurs de l'horrible assassinat des deux petits garçons innocents de tout. Et qui ne demandaient qu'à vivre. Et tous rappelaient que sous Boumediene, les exécutions se passaient à El-Kharouba, à Alger, tôt le matin.
Il est en effet des crimes trop atroces pour que leurs auteurs puissent les expier autrement qu'au prix de leur vie. Oui mais, est-ce l'exclusive, la plus adéquate et l'absolue solution ? Des photos des corps des petites victimes, étalées sur les unes de certains journaux, sans aucun respect pour leur dignité, ni de celle de leurs parents affligés. Mais aussi, indigne pour toute l'humanité. Certains et certaines, dans cette profession de journaliste, dont la fonction est d'informer, confondent entre le scoop, l'exclusivité et le sensationnel haïssable, répulsif et ordurier. Pareillement, des photos des présumés assassins sont publiées sur plusieurs supports médiatiques, et repris par les réseaux sociaux qu'offre internet. Sans le moindre respect du secret de l'instruction pénale, de la présomption d'innocence, et de la protection des familles de ces potentiels coupables. Des actions de mobilisation sont entreprises dans la précipitation, pour organiser des manifestations populaires, marches et des opérations villes mortes. Mais après ces réactions, somme toute, humaines, avec une très forte charge émotionnelle collective, face à des comportements également humains, cependant abominables, monstrueux et hideux. N'est-il pas temps de se poser cette question.
Que faire de nos fous ? Ici l'option du possessif est prise à dessein, parce que nous sommes tous concernés. Et j'ai choisi épithète qualifiante à escient. Le premier c'est pour associer à ce drame, tous mes compatriotes, le second c'est parce que les maladies mentales sont nombreuses et diverses, pour les enfermer dans une seule catégorie générique, qui ne renseigne qu'imparfaitement sur le qualifié.
L'éventail en la matière est très large. Toutefois ce qui nous interpelle en ces moments douloureux, ce sont les cas de délinquants assassins d'enfants, après enlèvement, reconnus coupables, et/ou non responsables, pour cause de troubles mentaux. Depuis déjà trois mois la liste ne cesse de s'allonger et la fréquence de commission de ces épouvantes est de plus en plus courte et rapprochée. Le lâche assassinat de Haroun et Brahim à Constantine, et bien avant, ceux de Chaïma à Mehalma, de Soundous à Baba H'sen, de Yacine, et j'en oublie sûrement d'autres gosses suppliciés. Selon un communiqué de la DGSN, daté du 20 mars 2013, il y a eu onze (11) cas d'enlèvement d'enfants suivis d'abus sexuels et d'assassinats, entre 2003 et 2013. Cela donne violemment froid dans le dos. Mais aux chiffres, selon ce que l'on cherche à transmettre, on peut subjectivement tout faire dire. Est-ce normal ? Serait-ce ordinaire, comparativement à ce que subissent d'autres enfants ailleurs ? Néanmoins, le singulièrement remarquable, durant cette funeste semaine de l'infâme assassinat des gosses de la nouvelle ville de Ali Mendjli, dans la banlieue de Constantine, c'est qu'une personnalité, que la république a honorablement mandatée pour promouvoir et protéger les droits de l'homme, s'était gratuitement exposée. Elle s'est distinguée en bavassant une litote. Elle affirmait : « être pour l'abolition de la peine de mort sauf dans certains crimes tels que les enlèvements d'enfants suivis d'assassinats. Elle doit être prononcée à leur encontre de façon exceptionnelle». D'une part le code pénal algérien prévoit dans son chapitre premier, consacré aux peines, le châtiment par la mort comme peine principale en matière criminelle, en son article 5. Et de l'autre, respectueuse des droits de l'homme et de la femme aussi, la république algérienne, d'une manière responsable et policée, avait parrainé et voté favorablement la résolution 65/206 de l'Assemblée générale des Nations unies, relative à l'adoption d'un moratoire sur l'application de la peine de mort, en 2010.
Comme 150 états sur les 193 membres de l'O N U. Donc la question qui se pose sociétalement à nous n'est pas finalement celle de la peine de mort. Mais celle de la protection de nos enfants et de la préservation de leurs droits contre des comportements bestiaux. Car les auteurs de ces crimes agissent comme des bêtes et non comme des animaux. Ainsi, pour faire la distinction entre les deux classifications, je reprends pour éclairer le lecteur, ce que dit l'écrivain et philosophe français, Abdennour Bidar, à ce sujet: « des bêtes et non des animaux qui gardent, eux, la pleine possession de leurs facultés d'espèce. La bête, au contraire, est un être dégénéré, qui ne peut plus exercer ses facultés». Oui mais, naît-on dans notre espèce, fatalement, animal, bête ou bien humain ? Naturellement les hommes naissent humains cependant et hélas, ils peuvent devenir des créatures à comportement bestial et animal.
C'est ce qui n'est ni naturel, ni normal. Oui mais, encore une fois. Qu'est ce qui ferait basculer un être vivant d'une espèce douée de raison, dans le champ réservé forcément et avec évidence certaine, à une autre, qu'il dépasse originellement en facultés ? Ne parle-t-on pas des propres de l'homme, des attributs qu'il possède seul, à l'exclusion de toutes les autres créatures.
Le sourire, le pleur, la réflexion et jusqu'à un certain degré l'intelligence? Ai-je la réponse ? Ce serait très prétentieux de ma part, et aventureux d'y répondre. Toutes les sciences qui traitent de la psyché, sur certains points relatifs à l'espèce humaine, proposent des explications aléatoires, sinon à contours souvent imprécis et difficilement cernable. Hama El Fahem, mon ami de toujours, me dit souvent ceci : le jour où l'on aura compris toute la chimie qui fait un homme, je m'en irais tranquillisé et sans regret, ni nostalgie, en quittant l'astre bleu. Sacré Hama, lui qui a souvent hésité, et encore en frémissant, avant de choisir entre une brune ou bien une blonde. Des cigarettes, ici, s'entend, quand elles étaient à la mode et à des prix, parfois contraignant au choix. Hama qui ne fume plus depuis belle lurette, était finalement contre ce système sélectif par le prix, disait-t-il, en philosophe. Pour lui un dinar valait un autre, et tout autre entendement décourageant soit-il, dépendait de la façon d'avoir gagné ce dinar. Alors comment qualifier un être humain capable de kidnapper un gosse, incapable lui, de discernement et de résistance, et de commettre sur lui un acte sexuel bestial, pour le tuer après, selon la plus cruelle des façons ? Ces actes là sont au premier chef, réprouvés par la morale, pénalement condamnables et punissables par la justice. Mais ils intéressent la médecine aussi. Les auteurs de ces atrocités sont souvent des malades qui s'ignorent. Ils ont eux même des difficultés à vivre normalement, ils sont inaptes à s'assumer, ils éprouvent des difficultés à avoir et à maintenir des contacts avec d'autres personnes normalement constituées.
Souvent ils se ghettoïsent, et vivent entre eux, selon leurs propres codes, en périphérie de leur milieu social d'origine. Ces personnes sont inadaptées. On découvre souvent trop tard, que ce sont elles mêmes, d'anciennes victimes de mauvais traitements. Elles sont malades et souffrent de psychopathologies. Dans ce cas, est-ce que la solution pour les empêcher de nuire et de souvent récidiver, serait-elle, de les mettre à mort ? Tous les criminologues affirment que la peine de mort et son exécution n'ont jamais prouvé leur efficacité en termes de dissuasion, ni en termes de technique répressive.
A suivre ...
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