Le nouveau responsable du MSP vient de rencontrer Abdallah Djaballah. Après leurs conciliabules, les deux hommes s’apprêtent à approcher le FFS dans les tout prochains jours. On serait tenté de croire, à travers ces contacts, que la vie politique a enfin trouvé ses marques et que les décisions, propositions et, éventuellement, les alliances qu’elles appellent se font dans et par la classe politique. C’est mal connaitre le régime algérien qui, même dans ses périodes les plus incertaines, ne perd rien de sa capacité de manœuvre.
Le système algérien est à bout de souffle se plait-on à répéter à longueur de confidences, de déclarations et même, en de rares occasions il est vrai, de contributions. Tout dépend de ce qui est attendu d’un système. S’il s’agit de maintenir sur le marché politique une offre qui a longtemps fait illusion dans le pays et même sur la scène internationale, on peut effectivement considérer que le schéma du clan d’Oujda a vécu. La terreur originelle qui lui a servi de loi fondamentale est dissoute par la généralisation des contestations des nouvelles générations et les algarades affichées sur la scène internationale s’estompent dans les brumes d’une diplomatie erratique et les éclaboussures des scandales financiers à fortes déjections extérieures.
Mais le but ultime du système mis en place avant même l’indépendance avait-il pour vocation de porter une nation avec ses valeurs, ses institutions et ses ambitions ou de créer un modèle où la collectivité nationale sert d’alibi et de garniture à un ordre politique dont la finalité est de se suffire à lui-même. Au regard des manœuvres actuelles, force est de constater que le système algérien n’a rien perdu de son expertise de la manipulation, l’intoxication et, quand il le faut, l’attaque ouverte et brutale pour créer un climat politique qui détourne l’attention, disperse les énergies et conditionne l’opinion autour de thématiques savamment élaborées pendant que l’officine perpétuelle sème, élague et greffe pour régénérer une garrigue d’épineux rabougrie.
Que se passe-t-il présentement ?
Un premier constat saute aux yeux : la meute est lâchée. Le concours de la meilleure estocade contre Bouteflika est ouvert. Et les candidats ne manquent pas.
Sur un autre registre, les séquences d’un scénario écrit de longue date, sont mises en scène avec une maestria digne des réalisateurs de séries B. Le mouvement islamiste doit être recomposé pour servir d’appât et de contrepoids dans la nouvelle production. Trop discrédité par ses compromissions, le MSP, laminé par la bazaria, devait être relifté. Il se voit autorisé à élire un responsable réputé hostile à la stratégie boutiquière de son prédécesseur. La concession a ses risques mais tout cela est bien calculé. Il sera toujours possible de faire culbuter le nouveau promu s’il persiste dans sa radicalité ; le panier à crabes qui l’a intronisé étant parfaitement conditionné pour mordre au moindre appel. Dans la foulée de son installation, les gorges profondes ont persuadé sans peine le nouveau chef du MSP de prendre langue avec Abdallah Djaballah, apparemment déjà remis des ecchymoses de la dernière présidentielle. Prochaine étape, il faut tenter d’agréger à ce duo, le FFS dans le courant de la semaine prochaine. Mission assignée à ce beau monde : demander à Mouloud Hamrouche de bien vouloir se préparer à assumer la gestion d’une phase de transition, le pays ne pouvant se permettre de se lancer dans une réelle ouverture politique.
Concomitamment, d’autres canaux, se réclamant eux aussi du pouvoir de l’ombre, répandent la nouvelle que cette fois, c’est sûr, le tour d’Ali Benflis est arrivé. Et cela semble marcher.
Naturellement, les différents scénarios ont chacun leurs dialoguistes et leur maquilleuses. Aux premiers on explique que M. Hamrouche est le mieux indiqué pour reprendre la situation en main. Après tout il a su garder l’estime des islamistes pour le rôle joué dans les années 90 et il pourrait rassurer certains cercles du régime effarouchés par le sort réservé à leurs congénères dans la région. Aux partisans de Benflis il est susurré que tout cela n’est que ruse et l’armée ne pardonnera jamais à ceux qui se sont rendus coupables de complicité avec le FIS au moment où l’Algérie avait manqué de disparaître.
Certains membres du sérail, sceptiques quant au résultat d’opérations mille fois répétées, tempèrent leur enthousiasme. Qu’à cela ne tienne : on mobilise à leur endroit des escouades de bonimenteurs pour leur dire que, certes, la démarche n’est pas nouvelle mais compte tenu de la conjoncture, il faut savoir être raisonnable et revoir les exigences de réformes à la baisse car le peuple est à la fois fatigué et mécontent. Il n’est pas possible, dans ces conditions, de se lancer dans des élections régulières pouvant garantir un minimum de légitimité au pouvoir car l’électorat, refroidi par les trafics, désertera encore les bureaux de vote. Et, insiste-t-on, la communauté internationale n’accordera aucun crédit à un tel vote. Imparable.
Restent ceux qui sont extérieurs au sérail et qui pointent du doigt l’incohérence de la démarche en rétorquant que plus on fraude moins il y aura de participation dans les élections, plus on censure moins il y aura de débats pour faire émerger un compromis qui entraîne l’adhésion des citoyens et plus on corrompt moins il y aura de confiance entre l’administration et la société. La logique est implacable : faire perdurer une vision qui est à l’origine du mal qu’on déplore ne peut que prolonger et aggraver le problème. Dans ce cas de figure, la position ne se prête à aucune manœuvre.
Là aussi le cas de figure est anticipé. Echourouk, Ennahar, El Djazair News et une profusion d’autres titres sont entrainés et lourdement équipés pour réagir. Les irréductibles qui ne veulent pas participer à la figuration connaîtront le sort que le clan d’Oujda a réservé à ceux qui, pendant la guerre, avait dénoncé et combattu la substitution d’un système opaque et violent au projet démocratique et social qui avait fédéré les énergies patriotiques autour du mot d’ordre de l’indépendance. A une différence près. En 1957, on étranglait les récalcitrants au Maroc ou on les passait par les armes à Ghadimaou ; aujourd’hui on essaie de provoquer la mort politique et symbolique de ceux qui assument et prolongent leur message.
On le voit, on aurait tort de considérer que la faillite économique, sociale, culturelle ou, même, le naufrage diplomatique se traduit mécaniquement par la disparition ou le renoncement à la politique de la manipulation.
Singulière Algérie où des femmes et des hommes dotés de la plénitude de leurs moyens accompagnent des orientations dont ils connaissent les dangers et la vanité qui plus est sont, pour beaucoup, le contraire de leurs convictions et attentes.
Un peu comme pour ces productions cinématographiques dont on tourne plusieurs versions pour les accommoder au goût du jour, le script et le casting du film « vive le statut quo » sont fin prêts.
Il y a pourtant une faille dans cette recette. Elle n’est opérationnelle qu’auprès des clientèles du système. Or ces dernières ne sont aujourd’hui ni les plus nombreuses, ni les plus crédibles ni les plus actives. De plus, elles sont sans emprise sur une dynamique sociale explosive. Dictée par la peur, l’intérêt ou les deux, l’adhésion de ces catégories n’est garante d’aucune fiabilité. Que de fois a-t-on vu récemment des groupes de courtisans se disperser comme une nuée de moineaux quand arrive le moment de vérité.
Rachid Bali
Le système algérien est à bout de souffle se plait-on à répéter à longueur de confidences, de déclarations et même, en de rares occasions il est vrai, de contributions. Tout dépend de ce qui est attendu d’un système. S’il s’agit de maintenir sur le marché politique une offre qui a longtemps fait illusion dans le pays et même sur la scène internationale, on peut effectivement considérer que le schéma du clan d’Oujda a vécu. La terreur originelle qui lui a servi de loi fondamentale est dissoute par la généralisation des contestations des nouvelles générations et les algarades affichées sur la scène internationale s’estompent dans les brumes d’une diplomatie erratique et les éclaboussures des scandales financiers à fortes déjections extérieures.
Mais le but ultime du système mis en place avant même l’indépendance avait-il pour vocation de porter une nation avec ses valeurs, ses institutions et ses ambitions ou de créer un modèle où la collectivité nationale sert d’alibi et de garniture à un ordre politique dont la finalité est de se suffire à lui-même. Au regard des manœuvres actuelles, force est de constater que le système algérien n’a rien perdu de son expertise de la manipulation, l’intoxication et, quand il le faut, l’attaque ouverte et brutale pour créer un climat politique qui détourne l’attention, disperse les énergies et conditionne l’opinion autour de thématiques savamment élaborées pendant que l’officine perpétuelle sème, élague et greffe pour régénérer une garrigue d’épineux rabougrie.
Que se passe-t-il présentement ?
Un premier constat saute aux yeux : la meute est lâchée. Le concours de la meilleure estocade contre Bouteflika est ouvert. Et les candidats ne manquent pas.
Sur un autre registre, les séquences d’un scénario écrit de longue date, sont mises en scène avec une maestria digne des réalisateurs de séries B. Le mouvement islamiste doit être recomposé pour servir d’appât et de contrepoids dans la nouvelle production. Trop discrédité par ses compromissions, le MSP, laminé par la bazaria, devait être relifté. Il se voit autorisé à élire un responsable réputé hostile à la stratégie boutiquière de son prédécesseur. La concession a ses risques mais tout cela est bien calculé. Il sera toujours possible de faire culbuter le nouveau promu s’il persiste dans sa radicalité ; le panier à crabes qui l’a intronisé étant parfaitement conditionné pour mordre au moindre appel. Dans la foulée de son installation, les gorges profondes ont persuadé sans peine le nouveau chef du MSP de prendre langue avec Abdallah Djaballah, apparemment déjà remis des ecchymoses de la dernière présidentielle. Prochaine étape, il faut tenter d’agréger à ce duo, le FFS dans le courant de la semaine prochaine. Mission assignée à ce beau monde : demander à Mouloud Hamrouche de bien vouloir se préparer à assumer la gestion d’une phase de transition, le pays ne pouvant se permettre de se lancer dans une réelle ouverture politique.
Concomitamment, d’autres canaux, se réclamant eux aussi du pouvoir de l’ombre, répandent la nouvelle que cette fois, c’est sûr, le tour d’Ali Benflis est arrivé. Et cela semble marcher.
Naturellement, les différents scénarios ont chacun leurs dialoguistes et leur maquilleuses. Aux premiers on explique que M. Hamrouche est le mieux indiqué pour reprendre la situation en main. Après tout il a su garder l’estime des islamistes pour le rôle joué dans les années 90 et il pourrait rassurer certains cercles du régime effarouchés par le sort réservé à leurs congénères dans la région. Aux partisans de Benflis il est susurré que tout cela n’est que ruse et l’armée ne pardonnera jamais à ceux qui se sont rendus coupables de complicité avec le FIS au moment où l’Algérie avait manqué de disparaître.
Certains membres du sérail, sceptiques quant au résultat d’opérations mille fois répétées, tempèrent leur enthousiasme. Qu’à cela ne tienne : on mobilise à leur endroit des escouades de bonimenteurs pour leur dire que, certes, la démarche n’est pas nouvelle mais compte tenu de la conjoncture, il faut savoir être raisonnable et revoir les exigences de réformes à la baisse car le peuple est à la fois fatigué et mécontent. Il n’est pas possible, dans ces conditions, de se lancer dans des élections régulières pouvant garantir un minimum de légitimité au pouvoir car l’électorat, refroidi par les trafics, désertera encore les bureaux de vote. Et, insiste-t-on, la communauté internationale n’accordera aucun crédit à un tel vote. Imparable.
Restent ceux qui sont extérieurs au sérail et qui pointent du doigt l’incohérence de la démarche en rétorquant que plus on fraude moins il y aura de participation dans les élections, plus on censure moins il y aura de débats pour faire émerger un compromis qui entraîne l’adhésion des citoyens et plus on corrompt moins il y aura de confiance entre l’administration et la société. La logique est implacable : faire perdurer une vision qui est à l’origine du mal qu’on déplore ne peut que prolonger et aggraver le problème. Dans ce cas de figure, la position ne se prête à aucune manœuvre.
Là aussi le cas de figure est anticipé. Echourouk, Ennahar, El Djazair News et une profusion d’autres titres sont entrainés et lourdement équipés pour réagir. Les irréductibles qui ne veulent pas participer à la figuration connaîtront le sort que le clan d’Oujda a réservé à ceux qui, pendant la guerre, avait dénoncé et combattu la substitution d’un système opaque et violent au projet démocratique et social qui avait fédéré les énergies patriotiques autour du mot d’ordre de l’indépendance. A une différence près. En 1957, on étranglait les récalcitrants au Maroc ou on les passait par les armes à Ghadimaou ; aujourd’hui on essaie de provoquer la mort politique et symbolique de ceux qui assument et prolongent leur message.
On le voit, on aurait tort de considérer que la faillite économique, sociale, culturelle ou, même, le naufrage diplomatique se traduit mécaniquement par la disparition ou le renoncement à la politique de la manipulation.
Singulière Algérie où des femmes et des hommes dotés de la plénitude de leurs moyens accompagnent des orientations dont ils connaissent les dangers et la vanité qui plus est sont, pour beaucoup, le contraire de leurs convictions et attentes.
Un peu comme pour ces productions cinématographiques dont on tourne plusieurs versions pour les accommoder au goût du jour, le script et le casting du film « vive le statut quo » sont fin prêts.
Il y a pourtant une faille dans cette recette. Elle n’est opérationnelle qu’auprès des clientèles du système. Or ces dernières ne sont aujourd’hui ni les plus nombreuses, ni les plus crédibles ni les plus actives. De plus, elles sont sans emprise sur une dynamique sociale explosive. Dictée par la peur, l’intérêt ou les deux, l’adhésion de ces catégories n’est garante d’aucune fiabilité. Que de fois a-t-on vu récemment des groupes de courtisans se disperser comme une nuée de moineaux quand arrive le moment de vérité.
Rachid Bali
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