Mustafa Bougouba, ancien moudjahid et écrivain, à Mon Journal :
L’objectif premier de ce militant de la première heure, à travers notamment ses nombreux ouvrages, est de préserver vivante la mémoire des « véritables Chouhada ». Ces martyrs qui ont tout donné pour la mère patrie, pour toutes celles et ceux qui ont sacrifié leur vie, non pas seulement entre 54 et 62, mais durant les 132 années d’un très long combat, un combat pour la liberté, certes, mais un combat pour retrouver avant tout la souveraineté de tout un pays et la dignité de tout un peuple.
C’est donc à travers les méandres des corridors profonds, souvent méconnus, d’une histoire quelque peu obscure et complexe, emplie de non-dits et entachée de nombreux mensonges de toutes les couleurs, que nous conduit Mustapha Bougouba, pour nous faire revivre une partie de sa formidable épopée, à travers plus d’un demi-siècle de vie contée dans son dernier ouvrage, intitulé ; « Nos félons et les colons».
Né en 1939 dans la ville de Koléa, Mustatpha Bougouba fréquenta entre 1944 et 1954, l’école indigène, la Médersa ainsi que les Scouts musulmans.
En novembre 1954, lorsque la Révolution armée éclata, il avait à peine quinze ans. Dès le début de la guerre, il fut remarqué par les nationalistes locaux, qui avaient vu en lui un grand potentiel patriotique de par son activisme et ses prises de position en faveur de la lutte armée contre le colonialisme.
C’est ainsi qu’il fut enrôlé au sein d’une cellule de soutien aux maquisards dès mars 1956. Cette même année, comme il le raconte si bien dans son livre, il fut arrêté et torturé par les forces coloniales, mais en réchappa heureusement vivant.
Tout d’abord, parlons de vos références bibliographiques. Pensez-vous que les informations que vous tirez de la presse coloniale ainsi que d’autres documents d’époque auxquels vous vous référez dans votre ouvrage, sont réellement des sources fiables dans la mesure où leur véracité et leur pertinence restent encore à prouver ?
Malheureusement, nous n’en possédons pas d’autres. C’est-à-dire que j’ai voulu attirer l’attention du grand public à l’arrivée du multipartisme en Algérie.
Ainsi, de nombreux partis politiques, fraîchement débarqués dans les sphères du pouvoir, ont commencé à dénigrer l’époque du « Djihad » et ont même critiqué la gestion durant la période 62-88. Certains membres de ces partis ont entrepris de réécrire l’Histoire de l’Algérie et de sa Révolution, notamment celles d’illustres personnages qui ont brillé par leur bravoure durant cette lutte sanglante.
Comment ces gens-là peuvent-ils prétendre rapporter le parcours de colonels aussi prestigieux, qu’ils n’ont pas connus, pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient même pas encore nés en ce temps-là.
Par ailleurs, les archives de la Bibliothèque nationale à laquelle je me suis rendu pour effectuer mes recherches, ne m’ont rien apporté. En plus d’être pauvres en documentation historique, il est très difficile d’y accéder à cause de la bureaucratie qui y sévit.
On aura tenté par tous les moyens imaginables de m’empêcher d’y accéder. Certaines personnes voyaient mes recherches d’un très mauvais œil. J’ai dû forcer les portes pour pouvoir y accéder, en faisant intervenir certaines de mes connaissances, entre autres. De plus, à chaque fois que je m’y rendais, on trouvait toujours un quelconque prétexte pour me mettre des bâtons dans les roues, comme par exemple, la photocopieuse est en panne, tel document est indisponible, et j’en passe. J’ai même eu recours aux services d’un photographe professionnel, que j’ai amené spécialement de Koléa pour les mettre devant le fait accompli et pouvoir enfin obtenir des copies de certains documents.
D’autre part, et ce que je n’ai appris que plus tard, j’ai été suivi par les services de sécurité pendant un long moment, et ce, à mon insu. Grâce à ce que j’ai pu tirer des maigres références de la Bibliothèque nationale, j’ai organisé une exposition en 1989.
Celle-ci a aussi été suivie par les services de sécurité, ce qui était encore une fois tout à fait normal à cette époque. Cette exposition, je l’ai faite pour démontrer à ceux qui prétendent refaire l’Histoire, que nous détenons encore des preuves.
Même l’ennemi a reconnu notre cause et notre combat. Par cette parade, mon but était de marquer le point à ceux, nouvellement installés dans les APC, l’Assemblée populaire nationale et autres grandes institutions de l’Etat, en leur faisant clairement comprendre, que si eux, refusent ou même réfutent la vérité sur le dur combat que nous autres, les « vrais moudjahidine » avons livré jusqu’au sang, nous possédons les preuves nécessaires pour les contredire.
Pour cette raison, j’ai eu recours à la presse coloniale, d’autant plus que c’était la seule disponible à cette époque-là. J’ai même gardé certains exemplaires d’éditions se référant à la guerre de Libération.
J’ai eu la chance aussi d’avoir reçu une éducation aussi bien à la « Madrassa » que chez les Scouts musulmans, ajoutez le fait que j’ai séjourné durant plus d’une année en France pour mon stage d’apprentissage de carreleur. Tous ces éléments ont fait que, contrairement à beaucoup de jeunes Algériens de mon âge à cette époque-là, je maîtrisais très bien, et l’arabe et le français, ce qui me permettait de me documenter et de me renseigner au niveau de la presse.
De plus, à Koléa, ma ville natale, on avait la chance d’avoir, non pas un mais deux cinémas, ce qui a grandement contribué à m’enrichir en informations de toutes sortes.
J’ai commencé à fréquenter le cinéma très jeune, je ne devais pas dépasser les 13-14 ans. Avec les autres « Indigènes » comme nous appelaient les colons et autres pieds-noirs de l’époque, l’on nous entassait dans des espaces très étroits, que l’on nommait « la cage à poules».
Nous y étions certes à l’étroit, mais nous pouvions tout de même assister à la projection et donc avoir des nouvelles du reste du pays et de la France, même si ces informations étaient distillées au compte-gouttes.
Votre longue pratique et vos recherches dans les couloirs oubliés de l’histoire de l’Algérie, vous ont amené à découvrir des objets cachés, souvent méconnus ou même carrément ignorés, dans de nombreux cas, du grand public, et qui vont à l’encontre de l’histoire officielle. Quelles peuvent être pour vous les plus importantes découvertes de la face cachée de cette histoire tant controversée, en tant que l’un des derniers témoins de cette sombre époque ?
Comme je l’ai cité dans mon livre, il y en a plusieurs. L’un des points marquants de cette guerre, qui est aussi très peu connue de beaucoup d’Algériens, parce que omise dans de nombreux ouvrages historiques, est le dénigrement qu’a subi la Wilaya V historique, à savoir «l’Oranie », durant la Révolution. C’était pourtant la plus vaste d’entre toutes, puisqu’elle était composée de neuf zones, alors que les autres wilayas n’en comptaient pas plus de cinq du nord au sud.
Et quelles sont, selon vous, les raisons de ce dénigrement ? Par quoi pouvez-vous l’expliquer ?
Cet acharnement s’explique essentiellement par le fait qu’on ait voulu mettre au pas cette région. Je m’explique : la vie que menaient les dirigeants de l’époque n’est pas ce que la plupart des Algériens pensent qu’elle était.
Comme exemple, je vous cite celui du Congrès historique de la Soummam de 1956, que beaucoup d’anciens révolutionnaires, à l’instar du colonel Benaouda, commencent sérieusement à critiquer. D’abord, parce que tous les organisateurs du 1er Novembre 54 auraient dû y être présents, ce qui n’a pas été le cas. Mostafa Ben Boulaïd était déjà mort (paix à son âme). Son frère Omar s’est présenté à sa place en tant que responsable de la Wilaya I historique, on l’en a tout simplement empêché, refusant de le reconnaître, alors qu’il avait déjà été parmi les combattants de sa région.
Ce refus de le laisser accéder à cette réunion, trouve sa source dans les manigances de certains révolutionnaires qui agissaient surtout de l’extérieur du pays, de l’Egypte d’abord, de la Tunisie par la suite. Ces derniers ont accaparé le pouvoir et se sont arrangés pour mettre à l’écart les combattants de la première heure. Il faut savoir aussi, que le premier responsable d’une wilaya, avant d’être accepté par les dirigeants du CCE (Comité de coordination et d’exécution), devait être reconnu par les trois B, à savoir, Belkacem, Boussouf et Bentobbal, qui étaient en charge de la gestion de la lutte armée et qui représentaient chacun l’état-major d’une région : Est, Ouest et Centre…
Personne n’avait dans l’idée d’écrire l’histoire à cette époque là.
L’objectif premier de ce militant de la première heure, à travers notamment ses nombreux ouvrages, est de préserver vivante la mémoire des « véritables Chouhada ». Ces martyrs qui ont tout donné pour la mère patrie, pour toutes celles et ceux qui ont sacrifié leur vie, non pas seulement entre 54 et 62, mais durant les 132 années d’un très long combat, un combat pour la liberté, certes, mais un combat pour retrouver avant tout la souveraineté de tout un pays et la dignité de tout un peuple.
C’est donc à travers les méandres des corridors profonds, souvent méconnus, d’une histoire quelque peu obscure et complexe, emplie de non-dits et entachée de nombreux mensonges de toutes les couleurs, que nous conduit Mustapha Bougouba, pour nous faire revivre une partie de sa formidable épopée, à travers plus d’un demi-siècle de vie contée dans son dernier ouvrage, intitulé ; « Nos félons et les colons».
Né en 1939 dans la ville de Koléa, Mustatpha Bougouba fréquenta entre 1944 et 1954, l’école indigène, la Médersa ainsi que les Scouts musulmans.
En novembre 1954, lorsque la Révolution armée éclata, il avait à peine quinze ans. Dès le début de la guerre, il fut remarqué par les nationalistes locaux, qui avaient vu en lui un grand potentiel patriotique de par son activisme et ses prises de position en faveur de la lutte armée contre le colonialisme.
C’est ainsi qu’il fut enrôlé au sein d’une cellule de soutien aux maquisards dès mars 1956. Cette même année, comme il le raconte si bien dans son livre, il fut arrêté et torturé par les forces coloniales, mais en réchappa heureusement vivant.
Tout d’abord, parlons de vos références bibliographiques. Pensez-vous que les informations que vous tirez de la presse coloniale ainsi que d’autres documents d’époque auxquels vous vous référez dans votre ouvrage, sont réellement des sources fiables dans la mesure où leur véracité et leur pertinence restent encore à prouver ?
Malheureusement, nous n’en possédons pas d’autres. C’est-à-dire que j’ai voulu attirer l’attention du grand public à l’arrivée du multipartisme en Algérie.
Ainsi, de nombreux partis politiques, fraîchement débarqués dans les sphères du pouvoir, ont commencé à dénigrer l’époque du « Djihad » et ont même critiqué la gestion durant la période 62-88. Certains membres de ces partis ont entrepris de réécrire l’Histoire de l’Algérie et de sa Révolution, notamment celles d’illustres personnages qui ont brillé par leur bravoure durant cette lutte sanglante.
Comment ces gens-là peuvent-ils prétendre rapporter le parcours de colonels aussi prestigieux, qu’ils n’ont pas connus, pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient même pas encore nés en ce temps-là.
Par ailleurs, les archives de la Bibliothèque nationale à laquelle je me suis rendu pour effectuer mes recherches, ne m’ont rien apporté. En plus d’être pauvres en documentation historique, il est très difficile d’y accéder à cause de la bureaucratie qui y sévit.
On aura tenté par tous les moyens imaginables de m’empêcher d’y accéder. Certaines personnes voyaient mes recherches d’un très mauvais œil. J’ai dû forcer les portes pour pouvoir y accéder, en faisant intervenir certaines de mes connaissances, entre autres. De plus, à chaque fois que je m’y rendais, on trouvait toujours un quelconque prétexte pour me mettre des bâtons dans les roues, comme par exemple, la photocopieuse est en panne, tel document est indisponible, et j’en passe. J’ai même eu recours aux services d’un photographe professionnel, que j’ai amené spécialement de Koléa pour les mettre devant le fait accompli et pouvoir enfin obtenir des copies de certains documents.
D’autre part, et ce que je n’ai appris que plus tard, j’ai été suivi par les services de sécurité pendant un long moment, et ce, à mon insu. Grâce à ce que j’ai pu tirer des maigres références de la Bibliothèque nationale, j’ai organisé une exposition en 1989.
Celle-ci a aussi été suivie par les services de sécurité, ce qui était encore une fois tout à fait normal à cette époque. Cette exposition, je l’ai faite pour démontrer à ceux qui prétendent refaire l’Histoire, que nous détenons encore des preuves.
Même l’ennemi a reconnu notre cause et notre combat. Par cette parade, mon but était de marquer le point à ceux, nouvellement installés dans les APC, l’Assemblée populaire nationale et autres grandes institutions de l’Etat, en leur faisant clairement comprendre, que si eux, refusent ou même réfutent la vérité sur le dur combat que nous autres, les « vrais moudjahidine » avons livré jusqu’au sang, nous possédons les preuves nécessaires pour les contredire.
Pour cette raison, j’ai eu recours à la presse coloniale, d’autant plus que c’était la seule disponible à cette époque-là. J’ai même gardé certains exemplaires d’éditions se référant à la guerre de Libération.
J’ai eu la chance aussi d’avoir reçu une éducation aussi bien à la « Madrassa » que chez les Scouts musulmans, ajoutez le fait que j’ai séjourné durant plus d’une année en France pour mon stage d’apprentissage de carreleur. Tous ces éléments ont fait que, contrairement à beaucoup de jeunes Algériens de mon âge à cette époque-là, je maîtrisais très bien, et l’arabe et le français, ce qui me permettait de me documenter et de me renseigner au niveau de la presse.
De plus, à Koléa, ma ville natale, on avait la chance d’avoir, non pas un mais deux cinémas, ce qui a grandement contribué à m’enrichir en informations de toutes sortes.
J’ai commencé à fréquenter le cinéma très jeune, je ne devais pas dépasser les 13-14 ans. Avec les autres « Indigènes » comme nous appelaient les colons et autres pieds-noirs de l’époque, l’on nous entassait dans des espaces très étroits, que l’on nommait « la cage à poules».
Nous y étions certes à l’étroit, mais nous pouvions tout de même assister à la projection et donc avoir des nouvelles du reste du pays et de la France, même si ces informations étaient distillées au compte-gouttes.
Votre longue pratique et vos recherches dans les couloirs oubliés de l’histoire de l’Algérie, vous ont amené à découvrir des objets cachés, souvent méconnus ou même carrément ignorés, dans de nombreux cas, du grand public, et qui vont à l’encontre de l’histoire officielle. Quelles peuvent être pour vous les plus importantes découvertes de la face cachée de cette histoire tant controversée, en tant que l’un des derniers témoins de cette sombre époque ?
Comme je l’ai cité dans mon livre, il y en a plusieurs. L’un des points marquants de cette guerre, qui est aussi très peu connue de beaucoup d’Algériens, parce que omise dans de nombreux ouvrages historiques, est le dénigrement qu’a subi la Wilaya V historique, à savoir «l’Oranie », durant la Révolution. C’était pourtant la plus vaste d’entre toutes, puisqu’elle était composée de neuf zones, alors que les autres wilayas n’en comptaient pas plus de cinq du nord au sud.
Et quelles sont, selon vous, les raisons de ce dénigrement ? Par quoi pouvez-vous l’expliquer ?
Cet acharnement s’explique essentiellement par le fait qu’on ait voulu mettre au pas cette région. Je m’explique : la vie que menaient les dirigeants de l’époque n’est pas ce que la plupart des Algériens pensent qu’elle était.
Comme exemple, je vous cite celui du Congrès historique de la Soummam de 1956, que beaucoup d’anciens révolutionnaires, à l’instar du colonel Benaouda, commencent sérieusement à critiquer. D’abord, parce que tous les organisateurs du 1er Novembre 54 auraient dû y être présents, ce qui n’a pas été le cas. Mostafa Ben Boulaïd était déjà mort (paix à son âme). Son frère Omar s’est présenté à sa place en tant que responsable de la Wilaya I historique, on l’en a tout simplement empêché, refusant de le reconnaître, alors qu’il avait déjà été parmi les combattants de sa région.
Ce refus de le laisser accéder à cette réunion, trouve sa source dans les manigances de certains révolutionnaires qui agissaient surtout de l’extérieur du pays, de l’Egypte d’abord, de la Tunisie par la suite. Ces derniers ont accaparé le pouvoir et se sont arrangés pour mettre à l’écart les combattants de la première heure. Il faut savoir aussi, que le premier responsable d’une wilaya, avant d’être accepté par les dirigeants du CCE (Comité de coordination et d’exécution), devait être reconnu par les trois B, à savoir, Belkacem, Boussouf et Bentobbal, qui étaient en charge de la gestion de la lutte armée et qui représentaient chacun l’état-major d’une région : Est, Ouest et Centre…
Personne n’avait dans l’idée d’écrire l’histoire à cette époque là.
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