La cooptation de Bouteflika en 1999 entama une période où le président est un civil sous l’étroite étreinte des services de renseignements militaires.
Rachid Oulebsir (*)
Mutations récentes du système
Un retour donc à la case départ des lendemains de l’indépendance où l’ANP concentrait l’essentiel du pouvoir réel : Elaboration des processus de décision, orientation idéologique du pouvoir, mainmise sur les chainons de réalisation et de répartition de la rente pétrolière, suivi de l’exécution des programmes étatiques de développement par un contrôle des institutions de la république de l’intérieur exercé par le pouvoir parallèle des officiers du département des renseignements et de la sécurité (DRS), héritier de l’ancienne Sécurité Militaire. Ne restait aux institutions formelles, élues ou désignées, qu’un pouvoir apparent à influence limitée sur le fonctionnement de l’Etat et l’évolution de la vie quotidienne des Algériens.
Après le coup d’éventail de 2004 donné à Benflis par le "DeyRS", les analystes avaient alors signalé l’amollissement de l’Etat major de l’ANP qui ne pesait pas lourd devant la structure de son propre département de sécurité. "La fonction prime le grade" dit-on dans la réalité militaire. La présidence était dans un deal fécond avec la tête du DRS, il avait en mains autant de cartes que cette dernière. La mise en retraite du général Lamari fut une conséquence directe de cette lutte interne à la hiérarchie militaire de laquelle Bouteflika tira de gros dividendes politiques profitables à son clan. Contrairement à 1999, l’élection de 2004 a vu le DRS s’aligner derrière le président Bouteflika et non l’inverse. Ce fut une alliance objective qui permettait au DRS de garder sa suprématie sur l’état major.
Durant le troisième mandat de Bouteflika le système politique algérien a connu deux mutations fondamentales dont les renseignements civils et militaires ont sans doute sous-estimés les effets sur la recomposition du pouvoir politique. Les bouleversements fulgurants du contexte régional marqué par les "Printemps arabes" et leurs conséquences à nos frontières avaient permis le siphonage des capacités d’investigation de la lourde bureaucratie des renseignements militaires au profit des bureaux de la présidence ,ce qui permit au président de traiter d’égal à égal avec le puissant général de la police militaire.
L’émergence de nouvelles forces socioéconomiques à forte capacité de nuisance politique satellisées par le clan présidentiel et la nouvelle donne sécuritaire internationale, ont reconfiguré les sphères d’exercice du pouvoir réel impliquant le rétrécissement des espaces d’intervention traditionnel des services du DRS.
L’émergence et la consolidation d’une forte bourgeoisie compradore liée au marché international en alliance stratégique avec la technocratie financière s’est traduite par le tissage d’une toile d’araignée sur l’économie nationale la prenant en tenaille en amont par la maitrise du marché extérieur et en aval par le contrôle quasi-total des circuits de distribution. Instrumentalisant cette force économique émergente par l’arsenal des nouvelles reformes politiques, notamment par la nouvelle loi électorale, le clan présidentiel lui ouvrit un espace politique dans lequel elle allait exprimer politiquement son poids économique de plus en plus important notamment à l’assemblée populaire nationale (APN). Le centre de gravité du pouvoir se déplaça visiblement du noyau militaire vers l’exécutif civil entre les mains du président de la république. Les émeutes juvéniles de janvier 2011, dite "émeutes de l’huile et du sucre" orchestrée par cette nouvelle force économique avaient montré l’inadaptation des services de sécurité dépassés par l’effet de cette mutation interne de la société et de l’économie algériennes et ses conséquences sur le poids politique des clans du pouvoir. L’évolution socio économique marquée par le déclin de la bourgeoisie d’Etat conséquente à la désindustrialisation du pays et la montée des couches sociales qui portent l’économie rentière à bras le corps n’a pas été suivie d’une adaptation des services de sécurité demeurés dans leur carcan classique de contrôle de la hiérarchie de l’administration . Ce phénomène provoqua également un glissement des prérogatives de la lourde bureaucratie militaire des renseignements et de la sécurité vers le pouvoir exécutif aux mains du clan présidentiel.
Cap sur l’élection présidentielle
Le remaniement gouvernemental précipité qui était en attente dans les tuyaux de la présidence de la république nous donne au moins deux clés de lecture de la démarche conquérante du président : La mise en ordre de bataille de son clan avec un maximum d’atouts dans l’élection présidentielle qui ouvrira le quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika avec un score Brejnévien d’une part et la préfiguration de la mouture de la future constitution où le penchant pour le pouvoir absolu se traduirait par un régime présidentiel dur avec un mandat de sept ans et des prérogatives renforcées pour le premier ministre dans un schéma de neutralisation du parlement réduit à des missions décoratives d’enjoliveur démocratique !
Toutes les forces du clan présidentiel sont désormais mobilisées pour la prochaine bataille électorale au sommet : un gouvernement où les postes de souveraineté, notamment l’intérieur et la justice, qui préparent et supervisent les élections, sont spécialement occupés par les hommes les plus fidèles du président. Un parti politique légitimiste, le FLN, et son appareil reconquis avec ses importantes finances et purifié de ses "redresseurs" fidèles à Benflis. Un Département des renseignements et de la sécurité (DRS) purgé de ses bureaux actifs qui tenaient le clan présidentiel sous l’épée de Damoclès avec les enquêtes sur les affaires de corruption, un état-major des armées fidélisé par un renforcement de ses prérogatives et un rapprochement de son chef du clan présidentiel ! Un conseil constitutionnel dirigé par un fidèle parmi les fidèles.
Avec un tel arsenal politique l’instauration du pouvoir absolu n’est pas une vue de l’esprit. Aucun espace n’est laissé à l’opposition atomisée face à ce rouleau compresseur sans éthique ni retenue constitutionnelle. Le clan Bouteflika, ne lui laisse que les strapontins de l’allégeance à la future alliance présidentielle structurée sur l’ancien schéma autour du FLN, noyau nationaliste légitimiste satellisant des électrons de la mouvance islamiste-maison segmentaire articulée autour de l’opportuniste TAJ d’Amar Ghoul et les groupuscules dits démocrates où la dispute pour le leadership commence déjà entre le MPA de Benyounès et le RND étêté dont le futur chef (Cherif Rahmani ?) devra représenter les régions du sud dans le schéma tribal de l’organigramme du régime pour absorber leurs nuisances récemment exprimées politiquement par leurs chômeurs.
Les analystes qui nous servent l’option d’une prolongation du mandat de Bouteflika pour deux ans pour faire l’économie d’une élection, font dans la diversion. "On ne peut préparer la fête de mariage et reporter les noces", dit un dicton du terroir. Le cap est bien mis sur les presidentielles, l’intérêt sera de savoir lequel des Bouteflika sera le candidat le vieux Abdelaziz ou le jeune Said ? Cette élection scellera la fin de la bipolarisation du pouvoir et le retour à l’ancienne structure du regime sous le parti unique.
Le pouvoir symbiotique des frères Bouteflika
Dans une pathétique mise au point truffée de contradictions, Ahmed Fattani le directeur du quotidien L’Expression dit ses "vérités sur les mensonges de l’été". Le glissement de la réalité du pouvoir des mains du général Toufik aux mains des frères Bouteflika est ainsi officiellement assumé par la mise à l’écart du général Mehenna Djebbar, et le passage des principaux bureaux du DRS sous l’autorité du général Gaid Salah promu vice-ministre de la Défense malgré ses 80 ans. Fattani officialise donc la fin de la bipolarisation du pouvoir en écartant le DRS du pouvoir politique, affirmant qu'"Il n’a aucune prétention… à influer sur le choix politique du futur président de la république tel que certains s’obstinent à lui prêter l’intention". Il terminera sa diatribe en déclarant son allégeance au clan présidentiel : "L’Algérie de Bouteflika n’a pas subi les drames qui ont ensanglanté le monde arabe depuis deux ans. Ne devrions-nous pas nous réjouir d’avoir été épargnés par les démons de la discorde…?"
La prolongation de deux ans du mandat actuel du président par un artifice constitutionnel introduit dans la loi fondamentale, option avancée par Rahabi, un enfant du système qui a servi dans l’exécutif du président Bouteflika, est contredite par les moyens mis en œuvre par le président. Autant d’instruments institutionnels mobilisés ne peuvent l’être que pour une présidence à vie. Si Le président, amoindri physiquement ne peut rempiler pour un 4ème mandat, Le jeune frère Saïd sera le futur candidat à la magistrature suprême. Durant tout le troisième mandat, ce n’est un secret pour personne, ce fut Saïd, le conseiller du président, qui était à la manœuvre.
Rachid Oulebsir (*)
Mutations récentes du système
Un retour donc à la case départ des lendemains de l’indépendance où l’ANP concentrait l’essentiel du pouvoir réel : Elaboration des processus de décision, orientation idéologique du pouvoir, mainmise sur les chainons de réalisation et de répartition de la rente pétrolière, suivi de l’exécution des programmes étatiques de développement par un contrôle des institutions de la république de l’intérieur exercé par le pouvoir parallèle des officiers du département des renseignements et de la sécurité (DRS), héritier de l’ancienne Sécurité Militaire. Ne restait aux institutions formelles, élues ou désignées, qu’un pouvoir apparent à influence limitée sur le fonctionnement de l’Etat et l’évolution de la vie quotidienne des Algériens.
Après le coup d’éventail de 2004 donné à Benflis par le "DeyRS", les analystes avaient alors signalé l’amollissement de l’Etat major de l’ANP qui ne pesait pas lourd devant la structure de son propre département de sécurité. "La fonction prime le grade" dit-on dans la réalité militaire. La présidence était dans un deal fécond avec la tête du DRS, il avait en mains autant de cartes que cette dernière. La mise en retraite du général Lamari fut une conséquence directe de cette lutte interne à la hiérarchie militaire de laquelle Bouteflika tira de gros dividendes politiques profitables à son clan. Contrairement à 1999, l’élection de 2004 a vu le DRS s’aligner derrière le président Bouteflika et non l’inverse. Ce fut une alliance objective qui permettait au DRS de garder sa suprématie sur l’état major.
Durant le troisième mandat de Bouteflika le système politique algérien a connu deux mutations fondamentales dont les renseignements civils et militaires ont sans doute sous-estimés les effets sur la recomposition du pouvoir politique. Les bouleversements fulgurants du contexte régional marqué par les "Printemps arabes" et leurs conséquences à nos frontières avaient permis le siphonage des capacités d’investigation de la lourde bureaucratie des renseignements militaires au profit des bureaux de la présidence ,ce qui permit au président de traiter d’égal à égal avec le puissant général de la police militaire.
L’émergence de nouvelles forces socioéconomiques à forte capacité de nuisance politique satellisées par le clan présidentiel et la nouvelle donne sécuritaire internationale, ont reconfiguré les sphères d’exercice du pouvoir réel impliquant le rétrécissement des espaces d’intervention traditionnel des services du DRS.
L’émergence et la consolidation d’une forte bourgeoisie compradore liée au marché international en alliance stratégique avec la technocratie financière s’est traduite par le tissage d’une toile d’araignée sur l’économie nationale la prenant en tenaille en amont par la maitrise du marché extérieur et en aval par le contrôle quasi-total des circuits de distribution. Instrumentalisant cette force économique émergente par l’arsenal des nouvelles reformes politiques, notamment par la nouvelle loi électorale, le clan présidentiel lui ouvrit un espace politique dans lequel elle allait exprimer politiquement son poids économique de plus en plus important notamment à l’assemblée populaire nationale (APN). Le centre de gravité du pouvoir se déplaça visiblement du noyau militaire vers l’exécutif civil entre les mains du président de la république. Les émeutes juvéniles de janvier 2011, dite "émeutes de l’huile et du sucre" orchestrée par cette nouvelle force économique avaient montré l’inadaptation des services de sécurité dépassés par l’effet de cette mutation interne de la société et de l’économie algériennes et ses conséquences sur le poids politique des clans du pouvoir. L’évolution socio économique marquée par le déclin de la bourgeoisie d’Etat conséquente à la désindustrialisation du pays et la montée des couches sociales qui portent l’économie rentière à bras le corps n’a pas été suivie d’une adaptation des services de sécurité demeurés dans leur carcan classique de contrôle de la hiérarchie de l’administration . Ce phénomène provoqua également un glissement des prérogatives de la lourde bureaucratie militaire des renseignements et de la sécurité vers le pouvoir exécutif aux mains du clan présidentiel.
Cap sur l’élection présidentielle
Le remaniement gouvernemental précipité qui était en attente dans les tuyaux de la présidence de la république nous donne au moins deux clés de lecture de la démarche conquérante du président : La mise en ordre de bataille de son clan avec un maximum d’atouts dans l’élection présidentielle qui ouvrira le quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika avec un score Brejnévien d’une part et la préfiguration de la mouture de la future constitution où le penchant pour le pouvoir absolu se traduirait par un régime présidentiel dur avec un mandat de sept ans et des prérogatives renforcées pour le premier ministre dans un schéma de neutralisation du parlement réduit à des missions décoratives d’enjoliveur démocratique !
Toutes les forces du clan présidentiel sont désormais mobilisées pour la prochaine bataille électorale au sommet : un gouvernement où les postes de souveraineté, notamment l’intérieur et la justice, qui préparent et supervisent les élections, sont spécialement occupés par les hommes les plus fidèles du président. Un parti politique légitimiste, le FLN, et son appareil reconquis avec ses importantes finances et purifié de ses "redresseurs" fidèles à Benflis. Un Département des renseignements et de la sécurité (DRS) purgé de ses bureaux actifs qui tenaient le clan présidentiel sous l’épée de Damoclès avec les enquêtes sur les affaires de corruption, un état-major des armées fidélisé par un renforcement de ses prérogatives et un rapprochement de son chef du clan présidentiel ! Un conseil constitutionnel dirigé par un fidèle parmi les fidèles.
Avec un tel arsenal politique l’instauration du pouvoir absolu n’est pas une vue de l’esprit. Aucun espace n’est laissé à l’opposition atomisée face à ce rouleau compresseur sans éthique ni retenue constitutionnelle. Le clan Bouteflika, ne lui laisse que les strapontins de l’allégeance à la future alliance présidentielle structurée sur l’ancien schéma autour du FLN, noyau nationaliste légitimiste satellisant des électrons de la mouvance islamiste-maison segmentaire articulée autour de l’opportuniste TAJ d’Amar Ghoul et les groupuscules dits démocrates où la dispute pour le leadership commence déjà entre le MPA de Benyounès et le RND étêté dont le futur chef (Cherif Rahmani ?) devra représenter les régions du sud dans le schéma tribal de l’organigramme du régime pour absorber leurs nuisances récemment exprimées politiquement par leurs chômeurs.
Les analystes qui nous servent l’option d’une prolongation du mandat de Bouteflika pour deux ans pour faire l’économie d’une élection, font dans la diversion. "On ne peut préparer la fête de mariage et reporter les noces", dit un dicton du terroir. Le cap est bien mis sur les presidentielles, l’intérêt sera de savoir lequel des Bouteflika sera le candidat le vieux Abdelaziz ou le jeune Said ? Cette élection scellera la fin de la bipolarisation du pouvoir et le retour à l’ancienne structure du regime sous le parti unique.
Le pouvoir symbiotique des frères Bouteflika
Dans une pathétique mise au point truffée de contradictions, Ahmed Fattani le directeur du quotidien L’Expression dit ses "vérités sur les mensonges de l’été". Le glissement de la réalité du pouvoir des mains du général Toufik aux mains des frères Bouteflika est ainsi officiellement assumé par la mise à l’écart du général Mehenna Djebbar, et le passage des principaux bureaux du DRS sous l’autorité du général Gaid Salah promu vice-ministre de la Défense malgré ses 80 ans. Fattani officialise donc la fin de la bipolarisation du pouvoir en écartant le DRS du pouvoir politique, affirmant qu'"Il n’a aucune prétention… à influer sur le choix politique du futur président de la république tel que certains s’obstinent à lui prêter l’intention". Il terminera sa diatribe en déclarant son allégeance au clan présidentiel : "L’Algérie de Bouteflika n’a pas subi les drames qui ont ensanglanté le monde arabe depuis deux ans. Ne devrions-nous pas nous réjouir d’avoir été épargnés par les démons de la discorde…?"
La prolongation de deux ans du mandat actuel du président par un artifice constitutionnel introduit dans la loi fondamentale, option avancée par Rahabi, un enfant du système qui a servi dans l’exécutif du président Bouteflika, est contredite par les moyens mis en œuvre par le président. Autant d’instruments institutionnels mobilisés ne peuvent l’être que pour une présidence à vie. Si Le président, amoindri physiquement ne peut rempiler pour un 4ème mandat, Le jeune frère Saïd sera le futur candidat à la magistrature suprême. Durant tout le troisième mandat, ce n’est un secret pour personne, ce fut Saïd, le conseiller du président, qui était à la manœuvre.
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