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«Déception», «non événement»… La presse algérienne ne tarissait pas de qualificatifs peu élogieux pour rendre compte de la dernière prestation télévisée du président Bouteflika qui annonçait à l’occasion une série de réformes : mise en place d’une commission pour modifier la Constitution de 1996, révision de la loi électorale, de la loi sur les partis politiques et du code de l’information. «En se gardant de fixer une échéance et un calendrier précis à cette révision, le président donne la nette impression de vouloir gagner du temps», estime le journal les Dernières nouvelles d’Algérie. Pour rappel, la constitution algérienne a été amendée dans l’urgence en 2009, par voie parlementaire et non référendaire, juste pour permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat, ce qui était interdit dans la précédente mouture. Le président «s’est fait la voix d’un système qui veut garder les choses en main en faisant miroiter des réformes qui ne le sont pas», analyse pour sa part El Watan, qui soupçonne lui aussi Abdelaziz Bouteflika de chercher à «gagner du temps».
Même le microcosme politique est resté très circonspect suite à ce discours. Pour Abdelhamid Mehri, une ancienne figure de proue du FLN, «réduire la réforme à la révision des textes revient à ignorer une grande vérité : l’impuissance du régime et ses imperfections découlent plus de ses pratiques et de ses règles de travail que des textes, qu’il s’agisse de la constitution ou des lois». Dans le même ordre d’idées, Mustapha Bouchachi, président de la Ligue pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) dit penser «que changer des textes ou amender la constitution n’est pas la meilleure façon pour aller vers un changement du système en Algérie parce que le problème en Algérie est que les institutions civiles et militaires agissent en dehors des lois». Pour lui, les réformes «ne doivent pas être conduites par des institutions mal élues qui symbolisent la régression démocratique en Algérie». Quant à maître Ali Yahia Abdennour, membre de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), il a estimé que «dans son discours à la nation qui n’était qu’un exercice laborieux et une lecture difficile, le Président est apparu à la télévision physiquement affaibli, usé, le geste lent, la voix inaudible par moments. Il a donné l’image pathétique d’un homme épuisé par la maladie, incapable d’assumer sa fonction». De ce fait il a exigé, en vertu de l’article 88 de la Constitution, le départ du président Abdelaziz Bouteflika.
Cet article prévoit que si le chef de l’Etat n’est pas en mesure d’assurer son mandat, il doit être démis de ses fonctions et remplacé par le président du Sénat. Mais démis par qui, justement ? Cela ne peut l’être que par la rue ou par l’armée. Or cette dernière, en exposant Bouteflika à un moment où il était au paroxysme de sa faiblesse, a voulu signifier à la très active CNCD que l’ère Bouteflika est en train de toucher, naturellement, à sa fin, et qu’elle doit patienter plutôt que de continuer de maintenir le mot d’ordre des manifestations organisées chaque samedi à travers tout le pays. Ce message vient d’être relayé par la presse algérienne qui annonce, en guise de «révélation»: «Comme Bouteflika, le général Taoufiq bientôt remplacé !» (titre d’algérie-fcus.com du 28 avril). Autant dire qu’en mettant dans le même panier le puissant et inamovible chef des renseignements algériens (DRS), aujourd’hui malade et âgé de 70 ans, et le chef de l’Etat dont le mandat expire en 2014, l’armée pense ainsi pouvoir faire avorter la gestation de la nouvelle révolution algérienne. Peine perdue, puisque les initiateurs de la percée dans «le mur de la peur» ont déjà appelé à maintenir la pression sur le pouvoir pour faire aboutir leur révolution. Celle de la vraie libération de l’Algérie.
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