Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Vue de Vienne: le crime d'une caricature vivante

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Vue de Vienne: le crime d'une caricature vivante

    Vue de Vienne: le crime d'une caricature vivante



    Vienne, l'angle calme de l'Europe. Dans une église, la nuit brumeuse, on peut écouter, à la veille des fêtes, la lente remontée du violon vers les cieux. C'est un concert d'orchestre. «Leur» religion ne craint pas l'image et l'icone comme une tentation malsaine : l'épopée de la foi est racontée en statuettes d'anges et de saints en arrière place. La pierre est sublimée par la courbe au point de vouloir se faire nuage et prières. L'Eglise Saint Charles, Karlskirche, est haute, profonde, avec une voûte qui apparemment frôlait le ciel dans la tête de ses bâtisseurs. « Que faisions nous à l'époque où eux construisait ces merveilles ? » se demande une Algérienne accompagnatrice. La même chose que hier et que aujourd'hui : cruellement coincés entre l'héroïsme et la débilité. En alternance le long de l'histoire de notre terre. Pour le moment, quand on apprend qu'un caricaturiste va être jugé à cause d'une « délation » d'un employeur qui n'a pas voulu le payer et pour le chef d'inculpation d'une caricature non publiée sur la maladie de Bouteflika, on peut ouvrir le registre de la débilité. Le jeune Ghanem, de « la voix de l'Oranie » va y passer et vient d'être licencié par un employeur qui refuse de le payer et va être jugé par ces juges algériens inaccessibles à la philosophie du droit, procéduriers et en mode distributeur automatique de verdicts qui les mène au surréalisme, à l'abus ou à l'excès de prudence.

    Le débile est aussi chez ce sombre Kessentini, le salarié des droits de l'homme. Il vient d'offrir à Bouteflika le prix national des droits de l'homme. On ne parlera pas du comique de l'offreur du don : il vit dans un monde de courbettes et à besoin de briller et de justifier son statut ou, même son existence.

    On parlera de Bouteflika. Le chroniqueur l'a toujours perçu comme un être complexe et torturé et rusé et très intelligent. Mais accepter ce genre de rite nord-coréen procède de la débilité. A la vielle de l'enterrement mondial d'un leader comme Mandela, dans un pays où on a encore en prison un mangeur du ramadan, un blogueur, un facebookiste et où on va juger un caricaturiste, c'est franchement comique. L'offreur de ce prix est le pur produit de ces années de zèle et d'aplatissement de la décennie Bouteflika. On y a démarré dans la fanfare de l'homme attendu, pour finir dans ces étranges folklores de la glorification du Guide suprême.

    Là, on n'est déjà plus loin du cas d'un ex-pays de l'URSS : on aura un jour, si l'on continue avec Kessentini, un livre vert de Bouteflika, un yaourt Bouteflika, des billets de banques avec Bouteflika en portrait, des pièces de monnaies, des statues géantes, des chevaux, des tapis, des miniatures, des tee-shirt et des manuels scolaires sur son épopée durant la guerre, des photos de Bouteflika avec l'Emir Abd El Kader, avec Massinissa et avec Messali et même sur la lune.

    A Kessentini, le peuple décerne le prix national des droits de l'homme qui renonce à ses droits d'être un homme.

    Question dernière: Doit-on juger une caricature vivante ou une caricature qui n'a jamais été publiée?

    Qu'est-ce qui est le plus proche de la philosophie de la justice?


    par Kamel Daoud


    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
Chargement...
X