Un citoyen, ayant vécu une scène bureaucratique insolite, m’a inspiré cette chronique. Notre administration est épique, et plus épiques encore les fonctionnaires qui y fonctionnent. Chacun peut y aller de son anecdote cocasse, qui pour se faire délivrer un 12 S, qui pour se faire légaliser un document, qui pour encaisser un chèque. Djeha est né chez nous, il faut lui faire confiance, comme dit une superbe pub, bien de chez nous. Aussi, notre quotidien est «djehaïsé», à souhait ; comme si nous ne pouvons pas vivre sans se mettre ou provoquer une situation cocasse. D’aucuns disent que ça fait le charme de l’Algérie, et que l’Algérien s’ennuie sans ces intermèdes qui lui font sentir qu’il existe ; intermèdes qu’il exporte, du reste. Au fait, exportons-nous autre chose ?
Ce citoyen, donc, est propriétaire d’un lot de terrain, en commun avec son frère, frère de père et de mère. C’est bien de préciser certaines données. Le livret foncier prêt, après une procédure assez longue, les deux frangins se présentent au service concerné, par un matin de grosse chaleur, et se font recevoir par une préposée bien de chez nous. Après les salamalecs d’usage, la dame leur exige (tenez-vous bien) une procuration pour que l’un des deux frères puisse récupérer ledit livret, au nom de l’autre frère. Il faut bien suivre les données. Ils sont deux administrés : donc ils ne peuvent pas prétendre à récupérer le document en question, à deux. Selon la logique cocasse de notre fonctionnaire, l’un doit faire une procuration à l’autre frère, pour que celui-ci puisse retirer le livret, en leur nom, à deux. C’est du Kafka, ya kho ! Même présents à deux dans le service, ils ne peuvent pas prétendre à récupérer le fameux document. C’est cocasse, c’est vrai. Mais dramatique, somme toute. Je n’invente rien. Je vends comme j’achète. L’histoire m’a été racontée par un citoyen qui, ce jour-là, avait toute sa raison. Encore que garder sa raison après une (més)aventure pareille, il faut avoir les nerfs solides. Voilà pourquoi les Algériens, et moi avec, ont un cerveau câblé. N’essayez pas de comprendre, il n’y a rien à comprendre. Le pouvoir a installé un Monsieur débureaucratisation, un wali, un vrai de la territoriale, qui a promis monts et merveilles, puis une fois le quatrième mandat acquis, plus rien. Au fait, que devient le Monsieur débureaucratisation ? Un autre ministère ? C’est bien !
Et nous autres administrés, à quelle cocasserie allons-nous être bouffés ?
Un autre citoyen, je crois bien que c’est le même, se plaint que son passeport biométrique a mis du temps à être confectionné. On nous a promis un mois d’attente, je crois. L’autre a attendu plus de quarante-cinq jours. Il s’est senti en droit de se plaindre. Oh la gaffe de lèse-bureaucratie ! Pas touche ! Le sacro-saint bureau est un temple qu’il ne faut pas toucher. Ni juger. Sa toute-puissance risque de vous priver de votre passeport. Mieux encore, pire devrais-je dire, le bureau pourra vous exiger une procuration notariée pour vous-même, afin de retirer le document de voyage. Après cette plongée dans l’irrationnel, le citoyen reçoit, éberlué, cette réponse : «L’administration a tardé, parce qu’on a supprimé l’enquête de police.» Ouais, vous avez bien lu. Qu’on revienne alors à l’enquête de police pour que les délais raccourcissent ! Et vive l’Algérie !
Une autre cocasserie algérienne que je voudrais vous servir pour le s’hour : si, un jour, vous avez le toupet de perdre un document administratif, n’importe lequel, un kaghett ya kho, alors là, laissez votre toupet de côté, et surtout n’allez pas titiller l’adminsitration pour obtenir un duplicata. Ce vocable n’existe pas dans le dictionnaire bureaucratique de notre pays. Wech ? Wech mel âam ? 1990 ! Tu nous renvoies à la préhistoire de notre adminstration. Mais vous disposez des archives. Quelles archives, ya kho ? On a déménagé par-là. On a mis les archives à la cave, par-ci. Le Monsieur archive est en retraite… Et alors, en quoi ça me regarde, c’est l’administration. Monsieur, vous n’avez pas à perdre votre document ; nous aussi, on perd nos archives. Fin de l’histoire. Cocasse, non ?
Ah, si vous perdez, par le pur des hasards, votre carte d’identité, ça peut arriver, vous allez au commissariat, et là, on vous demande le numéro de votre carte d’identité. Ouais, c’est comme ça. Cocasse, non ? Alors, vous, Algériens qui perdez vos documents, comme moi, ne les perdez plus, s’il vous plaît. Soyez sympas avec le bureau, laissez-le dorloter sa bureaucratie.
Puisque l’exploit de 1982 n’a pas été réédité aujourd’hui par notre équipe nationale, même à la demande de notre Président, je voudrais réconforter les supporters, surtout ceux qui sont au Brésil, toute bonne chose a une fin, malheureusement. Sauf le mandat présidentiel qui, lui, fait des prolongations, à n’en plus finir. Cocasse, non ? Dire que l’autre a préparé un pont aérien. On a failli envahir le Brésil ! Maintenant, il faut qu’ils reviennent de leurs illusions, et vivre avec nous le mercure qui «stoïcise» notre espérance. L’autre cocasserie algérienne veut que nous sortions fêter l’événement footballistique, en France, en brûlant des voitures et en donnant du grain à moudre à l’extrême-droite française. Je n’ose imaginer une Coupe du monde algérienne, j’ai peur de l’impact sociétal.
Qui de nous n’a pas remarqué ces commerçants qui colonisent des bouts de trottoirs, en plaçant des chaises, des bidons, des briques… comme si la portion de voie publique se privatisait, par la seule volonté de ces gens-là. Cocasse, non ? Tu t’amènes avec ta dernière Sunny, tu vas pour stationner, et là, hop, un quidam vous indique, d’un air péremptoire, l’obstacle. Réservé, ya kho. Il te faut des lunettes, ou quoi ? Va mettre ton tas de ferraille ailleurs. Wallah, j’exagère. Juste un brin. Je suis collé à la réalité, malheureusement. Tu déplaces ta guimbarde, tu fais le tour du pâté de maisons, tu trouves enfin un coin où garer. Tu commences à négocier ta marche arrière, un autre quidam arrive, péremptoire, non, menaçant, et t’informe en aboyant : parking gardé ! Maênatouha, tu dois payer, rubis sur l’ongle. Si tu as de la chance, tu débourseras juste 50 dinars algériens. Cocasse, non ? Ne t’avise surtout pas de contester cet abus de droit, la force violente réglera le dilemme. En votre défaveur. Un nez brisé. Une dent cassée. Voire plus ! Alors, paye et tais-toi ! Le stationnement chez nous, c’est comme l’IRG, il se prend à la source.
Une autre cocasserie que je vous propose : qui sont ces gens qui décident, comme ça, de placer les ralentisseurs. Ou dos-d’âne. Un sac de ciment. Une brouette de sable fin. Et j’installe un ralentisseur, près de chez moi. Je n’ai de compte à rendre à personne, c’est devant chez moi. Mes enfants jouent devant ma maison. Un accident est vite arrivé. Aussi, toutes nos routes ont été dodanisées, par la grâce de nos cocasseries. Ne faites pas les faux derches, chers lecteurs, vous vivez ceci comme une contrainte majeure. Aussi, ai-je le plaisir de vous proposer d’adopter un nouveau verbe, spécifiquement algérien, que les Français nous envieraient, le verbe «cocasser». Alors, cocassons, cocassez, il en restera bien quelque chose. One, two, three, viva nous !
Youcef Merahi.le soir
P.S. : cette chronique est dédiée à Y. Saïd.
Ce citoyen, donc, est propriétaire d’un lot de terrain, en commun avec son frère, frère de père et de mère. C’est bien de préciser certaines données. Le livret foncier prêt, après une procédure assez longue, les deux frangins se présentent au service concerné, par un matin de grosse chaleur, et se font recevoir par une préposée bien de chez nous. Après les salamalecs d’usage, la dame leur exige (tenez-vous bien) une procuration pour que l’un des deux frères puisse récupérer ledit livret, au nom de l’autre frère. Il faut bien suivre les données. Ils sont deux administrés : donc ils ne peuvent pas prétendre à récupérer le document en question, à deux. Selon la logique cocasse de notre fonctionnaire, l’un doit faire une procuration à l’autre frère, pour que celui-ci puisse retirer le livret, en leur nom, à deux. C’est du Kafka, ya kho ! Même présents à deux dans le service, ils ne peuvent pas prétendre à récupérer le fameux document. C’est cocasse, c’est vrai. Mais dramatique, somme toute. Je n’invente rien. Je vends comme j’achète. L’histoire m’a été racontée par un citoyen qui, ce jour-là, avait toute sa raison. Encore que garder sa raison après une (més)aventure pareille, il faut avoir les nerfs solides. Voilà pourquoi les Algériens, et moi avec, ont un cerveau câblé. N’essayez pas de comprendre, il n’y a rien à comprendre. Le pouvoir a installé un Monsieur débureaucratisation, un wali, un vrai de la territoriale, qui a promis monts et merveilles, puis une fois le quatrième mandat acquis, plus rien. Au fait, que devient le Monsieur débureaucratisation ? Un autre ministère ? C’est bien !
Et nous autres administrés, à quelle cocasserie allons-nous être bouffés ?
Un autre citoyen, je crois bien que c’est le même, se plaint que son passeport biométrique a mis du temps à être confectionné. On nous a promis un mois d’attente, je crois. L’autre a attendu plus de quarante-cinq jours. Il s’est senti en droit de se plaindre. Oh la gaffe de lèse-bureaucratie ! Pas touche ! Le sacro-saint bureau est un temple qu’il ne faut pas toucher. Ni juger. Sa toute-puissance risque de vous priver de votre passeport. Mieux encore, pire devrais-je dire, le bureau pourra vous exiger une procuration notariée pour vous-même, afin de retirer le document de voyage. Après cette plongée dans l’irrationnel, le citoyen reçoit, éberlué, cette réponse : «L’administration a tardé, parce qu’on a supprimé l’enquête de police.» Ouais, vous avez bien lu. Qu’on revienne alors à l’enquête de police pour que les délais raccourcissent ! Et vive l’Algérie !
Une autre cocasserie algérienne que je voudrais vous servir pour le s’hour : si, un jour, vous avez le toupet de perdre un document administratif, n’importe lequel, un kaghett ya kho, alors là, laissez votre toupet de côté, et surtout n’allez pas titiller l’adminsitration pour obtenir un duplicata. Ce vocable n’existe pas dans le dictionnaire bureaucratique de notre pays. Wech ? Wech mel âam ? 1990 ! Tu nous renvoies à la préhistoire de notre adminstration. Mais vous disposez des archives. Quelles archives, ya kho ? On a déménagé par-là. On a mis les archives à la cave, par-ci. Le Monsieur archive est en retraite… Et alors, en quoi ça me regarde, c’est l’administration. Monsieur, vous n’avez pas à perdre votre document ; nous aussi, on perd nos archives. Fin de l’histoire. Cocasse, non ?
Ah, si vous perdez, par le pur des hasards, votre carte d’identité, ça peut arriver, vous allez au commissariat, et là, on vous demande le numéro de votre carte d’identité. Ouais, c’est comme ça. Cocasse, non ? Alors, vous, Algériens qui perdez vos documents, comme moi, ne les perdez plus, s’il vous plaît. Soyez sympas avec le bureau, laissez-le dorloter sa bureaucratie.
Puisque l’exploit de 1982 n’a pas été réédité aujourd’hui par notre équipe nationale, même à la demande de notre Président, je voudrais réconforter les supporters, surtout ceux qui sont au Brésil, toute bonne chose a une fin, malheureusement. Sauf le mandat présidentiel qui, lui, fait des prolongations, à n’en plus finir. Cocasse, non ? Dire que l’autre a préparé un pont aérien. On a failli envahir le Brésil ! Maintenant, il faut qu’ils reviennent de leurs illusions, et vivre avec nous le mercure qui «stoïcise» notre espérance. L’autre cocasserie algérienne veut que nous sortions fêter l’événement footballistique, en France, en brûlant des voitures et en donnant du grain à moudre à l’extrême-droite française. Je n’ose imaginer une Coupe du monde algérienne, j’ai peur de l’impact sociétal.
Qui de nous n’a pas remarqué ces commerçants qui colonisent des bouts de trottoirs, en plaçant des chaises, des bidons, des briques… comme si la portion de voie publique se privatisait, par la seule volonté de ces gens-là. Cocasse, non ? Tu t’amènes avec ta dernière Sunny, tu vas pour stationner, et là, hop, un quidam vous indique, d’un air péremptoire, l’obstacle. Réservé, ya kho. Il te faut des lunettes, ou quoi ? Va mettre ton tas de ferraille ailleurs. Wallah, j’exagère. Juste un brin. Je suis collé à la réalité, malheureusement. Tu déplaces ta guimbarde, tu fais le tour du pâté de maisons, tu trouves enfin un coin où garer. Tu commences à négocier ta marche arrière, un autre quidam arrive, péremptoire, non, menaçant, et t’informe en aboyant : parking gardé ! Maênatouha, tu dois payer, rubis sur l’ongle. Si tu as de la chance, tu débourseras juste 50 dinars algériens. Cocasse, non ? Ne t’avise surtout pas de contester cet abus de droit, la force violente réglera le dilemme. En votre défaveur. Un nez brisé. Une dent cassée. Voire plus ! Alors, paye et tais-toi ! Le stationnement chez nous, c’est comme l’IRG, il se prend à la source.
Une autre cocasserie que je vous propose : qui sont ces gens qui décident, comme ça, de placer les ralentisseurs. Ou dos-d’âne. Un sac de ciment. Une brouette de sable fin. Et j’installe un ralentisseur, près de chez moi. Je n’ai de compte à rendre à personne, c’est devant chez moi. Mes enfants jouent devant ma maison. Un accident est vite arrivé. Aussi, toutes nos routes ont été dodanisées, par la grâce de nos cocasseries. Ne faites pas les faux derches, chers lecteurs, vous vivez ceci comme une contrainte majeure. Aussi, ai-je le plaisir de vous proposer d’adopter un nouveau verbe, spécifiquement algérien, que les Français nous envieraient, le verbe «cocasser». Alors, cocassons, cocassez, il en restera bien quelque chose. One, two, three, viva nous !
Youcef Merahi.le soir
P.S. : cette chronique est dédiée à Y. Saïd.
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