Marché de l’automobile
Les concessionnaires font plier le gouvernement
Le soir du 18/05/15
Deux mois seulement après sa promulgation dans le Journal officiel, l’arrêté fixant le cahier des charges relatif à l’activité automobile en Algérie connaît déjà une première modification.
Le ministère de l’Industrie vient de publier un autre arrêté dans l’édition n°24 du JO datée du 13 mai courant et qui apporte un changement significatif concernant les équipements de sécurité exigés sur les véhicules importés.
Il annule de ce fait la disposition imposant précédemment l’ESP et deux airbags latéraux. Une mesure éliminatoire qui allait profondément perturber le segment des petites voitures, notamment celles des segments A et B dont la part dans le volume global des ventes dépasse les 60% du marché national. Seuls sont désormais exigibles deux airbags avant, ABS, limiteur ou régulateur de vitesse, ceintures de sécurité pour tous les passagers, système de rappel de bouclage de la ceinture de sécurité… C’est dire surtout que cette disposition allait entraîner inévitablement une révision substantielle à la hausse des prix et rendre la voiture encore moins accessible pour les bourses moyennes. Le même arrêté publié par le Journal officiel apporte dans son article 2 une précision de taille qui ne manquera pas de susciter des interrogations, «les véhicules automobiles neufs dont les opérations d’importation ont fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant le 15 avril 2015, ne sont pas concernés par les dispositions de l’article 23 du cahier des charges prévu à l’article 3 ci-dessous». Or, dans un communiqué diffusé le 31 mars dernier, le ministère de l’Industrie annonçait la signature de ce fameux cahier des charges par le ministre Abdeslem Bouchouareb le 23 mars 2015 et que «les commandes de véhicules automobiles neufs passées et ayant fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant la date de signature de cet arrêté ne sont pas concernées par les dispositions de l’article 23 relatives aux équipements de sécurité.»
L’efficacité des lobbies
Rappelons également que quelques jours après la promulgation de cet arrêté, le Premier ministre, et par le biais d’une note adressée aux établissements bancaires, avertissait que certains concessionnaires ont doublé, voire triplé leurs importations de modèles non conformes aux nouvelles dispositions relatives aux équipements de sécurité en un temps très court et bien en dessus de leurs opérations habituelles.
La réaction des banques et des autres institutions de l’Etat concernées par cette activité ne s’est pas fait attendre, le blocage immédiat de toutes les opérations d’importation de véhicules est décidé, y compris pour les véhicules répondant aux nouvelles normes.
La panique s’empare des concessionnaires, des bateaux avec leurs cargaisons de milliers de véhicules, et après plusieurs jours en rade au large de Jijel, sont renvoyés à leur expéditeur, la confusion s’installe et les horizons s’assombrissent.
Tout récemment encore, des informations rapportées par la presse faisaient état d’une enquête qui serait diligentée par les services de la présidence de la République sur les incidences de ce nouveau cahier des charges sur les prix des voitures et sur les capacités des citoyens à y accéder.
Ceci étant, que doit-on retenir de ce charivari qui a semé le doute sur une activité propulsée soudainement au-devant de la scène nationale ? Et que dire de ce revirement aussi inattendu que surprenant du gouvernement à un moment où les uns et les autres entamaient déjà une phase d’adaptation à cette nouvelle situation ?
L’on serait naturellement tenté de mettre en avant un travail de lobying mené efficacement par certaines marques ciblées par le chef de l’exécutif. Ce sont, notamment, les constructeurs français qui ont naturellement fait actionner leurs relais politiques, économiques et diplomatiques à divers niveaux pour amener le gouvernement de Sellal à revoir sa copie. D’autant que les trois marques françaises détiennent à elles seules presque la moitié des parts de marché de l’automobile en Algérie.
Précipitation et manque de discernement
Comme on peut également évoquer le travail de «proximité» mené depuis la promulgation du texte en question par des concessionnaires pas comme les autres, puissants et influents et qui se voyaient marginalisés par le cahier des charges de Bouchouareb. En public comme en privé, ils n’ont pas dissimulé leur ras-le-bol et dénonçaient «la complicité d’une partie des membres de l’AC2A» qui auraient cautionné la proposition du ministère de l’Industrie. De même qu’on peut évoquer une précipitation et un manque de discernement évident dans l’étude et la préparation de la disposition relative aux équipements de sécurité. Il était incompréhensible que l’on aille directement à des seuils aussi sélectifs et exigeants dans un marché comme le nôtre.
Le plus sensé est effectivement de procéder par étapes et éviter ce genre de situation qui a impacté négativement la crédibilité du pays.
Le report de l’échéance limite au 15 avril propose ainsi une régularisation de toutes les situations complexes de commandes effectuées avant cette date et dont les procédures de paiement ont déjà été engagées et pour certaines payées au fournisseur, alors que les véhicules ne pouvaient pas être importés, débarqués ou dédouanés.
En tout état de cause, le soulagement était de rigueur, hier, dans les concessions automobiles.
On salue cette décision qui vient redonner de l’espoir à certaines marques qui désespéraient de leur avenir en Algérie, dès lors que l’essentiel de leur gamme est dépourvu de série de ces équipements considérés, du reste, comme «superflus» dans le segment des petites voitures.
Néanmoins, d’autres concessionnaires se sont précipités à opérer des augmentations importantes des prix de leurs véhicules compte tenu de ces exigences sécuritaires du cahier des charges. Seront-ils aussi prompts à les réajuster selon cette nouvelle donne inespérée et qui profitera en définitive aux petites bourses ?
Les concessionnaires font plier le gouvernement
Le soir du 18/05/15
Deux mois seulement après sa promulgation dans le Journal officiel, l’arrêté fixant le cahier des charges relatif à l’activité automobile en Algérie connaît déjà une première modification.
Le ministère de l’Industrie vient de publier un autre arrêté dans l’édition n°24 du JO datée du 13 mai courant et qui apporte un changement significatif concernant les équipements de sécurité exigés sur les véhicules importés.
Il annule de ce fait la disposition imposant précédemment l’ESP et deux airbags latéraux. Une mesure éliminatoire qui allait profondément perturber le segment des petites voitures, notamment celles des segments A et B dont la part dans le volume global des ventes dépasse les 60% du marché national. Seuls sont désormais exigibles deux airbags avant, ABS, limiteur ou régulateur de vitesse, ceintures de sécurité pour tous les passagers, système de rappel de bouclage de la ceinture de sécurité… C’est dire surtout que cette disposition allait entraîner inévitablement une révision substantielle à la hausse des prix et rendre la voiture encore moins accessible pour les bourses moyennes. Le même arrêté publié par le Journal officiel apporte dans son article 2 une précision de taille qui ne manquera pas de susciter des interrogations, «les véhicules automobiles neufs dont les opérations d’importation ont fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant le 15 avril 2015, ne sont pas concernés par les dispositions de l’article 23 du cahier des charges prévu à l’article 3 ci-dessous». Or, dans un communiqué diffusé le 31 mars dernier, le ministère de l’Industrie annonçait la signature de ce fameux cahier des charges par le ministre Abdeslem Bouchouareb le 23 mars 2015 et que «les commandes de véhicules automobiles neufs passées et ayant fait l’objet d’une domiciliation bancaire avant la date de signature de cet arrêté ne sont pas concernées par les dispositions de l’article 23 relatives aux équipements de sécurité.»
L’efficacité des lobbies
Rappelons également que quelques jours après la promulgation de cet arrêté, le Premier ministre, et par le biais d’une note adressée aux établissements bancaires, avertissait que certains concessionnaires ont doublé, voire triplé leurs importations de modèles non conformes aux nouvelles dispositions relatives aux équipements de sécurité en un temps très court et bien en dessus de leurs opérations habituelles.
La réaction des banques et des autres institutions de l’Etat concernées par cette activité ne s’est pas fait attendre, le blocage immédiat de toutes les opérations d’importation de véhicules est décidé, y compris pour les véhicules répondant aux nouvelles normes.
La panique s’empare des concessionnaires, des bateaux avec leurs cargaisons de milliers de véhicules, et après plusieurs jours en rade au large de Jijel, sont renvoyés à leur expéditeur, la confusion s’installe et les horizons s’assombrissent.
Tout récemment encore, des informations rapportées par la presse faisaient état d’une enquête qui serait diligentée par les services de la présidence de la République sur les incidences de ce nouveau cahier des charges sur les prix des voitures et sur les capacités des citoyens à y accéder.
Ceci étant, que doit-on retenir de ce charivari qui a semé le doute sur une activité propulsée soudainement au-devant de la scène nationale ? Et que dire de ce revirement aussi inattendu que surprenant du gouvernement à un moment où les uns et les autres entamaient déjà une phase d’adaptation à cette nouvelle situation ?
L’on serait naturellement tenté de mettre en avant un travail de lobying mené efficacement par certaines marques ciblées par le chef de l’exécutif. Ce sont, notamment, les constructeurs français qui ont naturellement fait actionner leurs relais politiques, économiques et diplomatiques à divers niveaux pour amener le gouvernement de Sellal à revoir sa copie. D’autant que les trois marques françaises détiennent à elles seules presque la moitié des parts de marché de l’automobile en Algérie.
Précipitation et manque de discernement
Comme on peut également évoquer le travail de «proximité» mené depuis la promulgation du texte en question par des concessionnaires pas comme les autres, puissants et influents et qui se voyaient marginalisés par le cahier des charges de Bouchouareb. En public comme en privé, ils n’ont pas dissimulé leur ras-le-bol et dénonçaient «la complicité d’une partie des membres de l’AC2A» qui auraient cautionné la proposition du ministère de l’Industrie. De même qu’on peut évoquer une précipitation et un manque de discernement évident dans l’étude et la préparation de la disposition relative aux équipements de sécurité. Il était incompréhensible que l’on aille directement à des seuils aussi sélectifs et exigeants dans un marché comme le nôtre.
Le plus sensé est effectivement de procéder par étapes et éviter ce genre de situation qui a impacté négativement la crédibilité du pays.
Le report de l’échéance limite au 15 avril propose ainsi une régularisation de toutes les situations complexes de commandes effectuées avant cette date et dont les procédures de paiement ont déjà été engagées et pour certaines payées au fournisseur, alors que les véhicules ne pouvaient pas être importés, débarqués ou dédouanés.
En tout état de cause, le soulagement était de rigueur, hier, dans les concessions automobiles.
On salue cette décision qui vient redonner de l’espoir à certaines marques qui désespéraient de leur avenir en Algérie, dès lors que l’essentiel de leur gamme est dépourvu de série de ces équipements considérés, du reste, comme «superflus» dans le segment des petites voitures.
Néanmoins, d’autres concessionnaires se sont précipités à opérer des augmentations importantes des prix de leurs véhicules compte tenu de ces exigences sécuritaires du cahier des charges. Seront-ils aussi prompts à les réajuster selon cette nouvelle donne inespérée et qui profitera en définitive aux petites bourses ?
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