Aïssa entre Hubble et Hanbal
par Kamel Daoud
Une autre « nuit du doute ». Mais, cette fois, avec une petite révolution audacieuse chez le ministre des Affaires religieuses (toutes les religions comme il l'a affirmé avec courage). Mohammed Aïssa, qui a tenu tête aux salafistes bas de gamme et les corporations des imams tarifés, a donc fixé la nuit du doute le mercredi et le ramadan pour le jeudi. « La tradition du Prophète nous invite à guetter la naissance du croissant lunaire et nous le faisons physiquement par l'œil nu, mais aussi par des télescopes. Cela est autorisé juridiquement et aussi dans la religion. Mais nous conjuguons cela avec la donne scientifique. Quand cette dernière atteste qu'il est impossible de voir la naissance du croissant lunaire, on se réfère sur ça et on ne statue pas sur la naissance et le commencement du jeûne ». Sa déclaration est habile : elle laisse la main libre à la tradition de « l'œil », mais elle fixe la date du jeûne au jeudi par calcul scientifique. C'est une révolution en soi, courageuse. En petits pas de pédagogie pour Koreich et associant associés. L'Algérie sort donc de la caravane et se permet l'audace de fixer le jour R par décision calendaire calculée par cette antique science de l'astronomie qui voit dans les astres nos origines et nos futurs, à la fois. Immense même si on ne mesure pas ce qu'a osé ce ministre. Car c'est le premier pas vers un calendrier stable, « scientifique », étudié. Ceci pour la forme. Pour le fond, le bonhomme réintroduit le « et pourtant elle tourne ! » dans l'univers religieux de la terre plate. Face à l'Internationale wahabite qui a contaminé le pays et ses élites et ses instituions et ses rites et croyances, le ministre vient de faire l'éloge de l'autre voie : le télescope, face à l'œil nu. Subrepticement. L'avantage étant donné à Hubble pas à Hanbal. Et ce n'est pas un détail et il faut le répéter. Car, en face, le contrepoids est aveugle : journaux islamistes, Mouloudia de Koreich qui contrôlent les mosquées ou leur parages, l'Arabie Saoudite et sa Fatwa Valley, l'abrutissement généralisé en Algérie et les intégrismes épars. Oser fixer le jour du jeûne en contournant la soporifique commission, en sauvant l'économie d'une journée de flottement, en coupant cours à la polémique détestable du Moyen-Âge face à la Nasa, ce ministre a fait un grand saut. Les contradicteurs ne vont pas le laisser en paix : dès demain, la meute des dromadaires enragés va se déchaîner, cela est certain.
Un geste courageux, en attendant celui d'un soutien franc aux libertés de chacun face à au jeûne, pour un rite entre l'homme et son Dieu et pas entre l'homme et les chasseurs de déjeuneurs.
Bon ramadan pour tous. Sans cannibalismes habituels, on l'espère.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
par Kamel Daoud
Une autre « nuit du doute ». Mais, cette fois, avec une petite révolution audacieuse chez le ministre des Affaires religieuses (toutes les religions comme il l'a affirmé avec courage). Mohammed Aïssa, qui a tenu tête aux salafistes bas de gamme et les corporations des imams tarifés, a donc fixé la nuit du doute le mercredi et le ramadan pour le jeudi. « La tradition du Prophète nous invite à guetter la naissance du croissant lunaire et nous le faisons physiquement par l'œil nu, mais aussi par des télescopes. Cela est autorisé juridiquement et aussi dans la religion. Mais nous conjuguons cela avec la donne scientifique. Quand cette dernière atteste qu'il est impossible de voir la naissance du croissant lunaire, on se réfère sur ça et on ne statue pas sur la naissance et le commencement du jeûne ». Sa déclaration est habile : elle laisse la main libre à la tradition de « l'œil », mais elle fixe la date du jeûne au jeudi par calcul scientifique. C'est une révolution en soi, courageuse. En petits pas de pédagogie pour Koreich et associant associés. L'Algérie sort donc de la caravane et se permet l'audace de fixer le jour R par décision calendaire calculée par cette antique science de l'astronomie qui voit dans les astres nos origines et nos futurs, à la fois. Immense même si on ne mesure pas ce qu'a osé ce ministre. Car c'est le premier pas vers un calendrier stable, « scientifique », étudié. Ceci pour la forme. Pour le fond, le bonhomme réintroduit le « et pourtant elle tourne ! » dans l'univers religieux de la terre plate. Face à l'Internationale wahabite qui a contaminé le pays et ses élites et ses instituions et ses rites et croyances, le ministre vient de faire l'éloge de l'autre voie : le télescope, face à l'œil nu. Subrepticement. L'avantage étant donné à Hubble pas à Hanbal. Et ce n'est pas un détail et il faut le répéter. Car, en face, le contrepoids est aveugle : journaux islamistes, Mouloudia de Koreich qui contrôlent les mosquées ou leur parages, l'Arabie Saoudite et sa Fatwa Valley, l'abrutissement généralisé en Algérie et les intégrismes épars. Oser fixer le jour du jeûne en contournant la soporifique commission, en sauvant l'économie d'une journée de flottement, en coupant cours à la polémique détestable du Moyen-Âge face à la Nasa, ce ministre a fait un grand saut. Les contradicteurs ne vont pas le laisser en paix : dès demain, la meute des dromadaires enragés va se déchaîner, cela est certain.
Un geste courageux, en attendant celui d'un soutien franc aux libertés de chacun face à au jeûne, pour un rite entre l'homme et son Dieu et pas entre l'homme et les chasseurs de déjeuneurs.
Bon ramadan pour tous. Sans cannibalismes habituels, on l'espère.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
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