Quelques extraits du rapport de Zeddine (1re partie)
Décembre 1948, alors âgé de 22 ans, Hocine Aït Ahmed, président de l’Organisation Secrète et membre du bureau politique du PPA, expose un rapport aux membres du comité central élargi, à Zeddine, sur les problèmes stratégiques et tactiques pour le déclenchement de la Révolution. Dans son rapport, riche en références et très dense, Hocine Aït Ahmed «pense» la Révolution dans tous ses aspects : politique, militaire, financier et diplomatique. C’est le document référence qui a tracé la voie du combat libérateur du peuple algérien.
En voici quelques extraits.
Nous nous proclamons un parti révolutionnaire. Le mot révolutionnaire est dans les propos de nos militants et de nos responsables. Notre vocabulaire est dominé par des formules à l’emporte-pièce, extrémistes, magiques, telles que «le problème algérien est un problème de force», «nous sommes pour l’action, contre les discours», en attendant, nous ne cessons de discourir. (…)
Aujourd’hui que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le mouvement de libération tourne à vide, qu’ile st bloqué, il importe que nous débloquions d’abord notre circuit théorique, notre pensée des usages frelatés que nous faisons de quelques notions abstraites afin de permettre à ce mouvement de reprendre son moment historique. Aujourd’hui, nous devons faire notre examen de conscience, nous avons le devoir de nous remettre en cause, de remettre en cause sans faux-fuyants notre orientation et nos conceptions de travail. (…) Des idées fumeuses, voire saugrenues, bouchent notre conscience.
En parlant de soulèvement, certains y voient une forme d’insurrection «généralisée», à l’exemple de celle de 1871, étendue à l’ensemble du territoire national. D’autres croient au terrorisme «généralisé». On nous parle de «zone franche», à «généraliser» aussi probablement. Il a été question récemment d’une espèce de seconde mouture de la Révolution française. Il paraît qu’il faut et qu’il suffit d’organiser des manifestations grandioses autour du palais Carnot pour obliger «l’Assemblée algérienne» à se proclamer Assemblée constituante souveraine. (…)
Les réponses à ces questions soulèvent en toile de fond le problème de l’orientation idéologique et politique de notre mouvement. Le peuple algérien s’interroge sur le genre de cité, les valeurs sociales et politiques pour lesquelles nous lui demandons de se battre. Il ne peut se contenter de recettes sentimentales, de «lendemains qui chantent ou qui dansent». Il faudra épuiser le débat pour trouver l’expression juste des intérêts et des sentiments populaires.
Certes, le but de ce rapport est limité au cadre de notre organisation. Mais les tâches qui lui ont été confiées débordent les aspects techniques : elles posent le problème de la révolution dans toutes ses données, idéologiques, militaires et politiques. Le but de ce rapport est de préciser la donnée principale de la révolution : la ou les formes de lutte que doit revêtir la lutte de libération. (…) L’heure de solutions inconséquentes, des hésitations et de l’empirisme borné est passée, si le parti veut vraiment réponde aux exigences de la libération.
1re partie – Quelle forme prendra la lutte de libération ?
La lutte de Libération ne sera pas un soulèvement en masse. L’idée de soulèvement en masse, est en effet courante. L’homme de la rue pense que le peuple algérien peur facilement détruire le colonialisme grâce à sa supériorité numérique : 10 contre 1. Il suffira de généraliser à l’Algérie entière un soulèvement populaire. Au lieu de libérer la pensée des masses de cette fraction simpliste, de ce rapport mystificateur, les militants du parti semblent céder à son pouvoir. C’est beau d’être optimiste, mais penser qu’il n’ y a plus de problèmes oui d’équation, c’est de l’inconscience. (…)
1- Evoquant l’histoire militaire de l’Europe, Clausewitz accorde une grande importance à la supériorité numérique, mais quand il s’agit d’«armées qui se ressemblent au point de vue de l’équipement, de l’organisation et des connaissances techniques de tout genre»... et qu’il s’agit de batailles stratégiques. L’insurrection de 1871 a échoué, moins parce qu’elle était géographiquement limitée qu’en raison de son caractère spontané, improvisé et des conceptions militaires erronées de ses dirigeants.
Outre qu’elle fut conduite par des féodaux qui n’ont pas su préparer et mobiliser les paysans en profondeur, sur le plan militaire elle fut une régression par rapport à la guerre de résistance conduite par Abdelkader jusqu’en 1847 et poursuivie en Kabylie jusqu’en 1858. La bataille d’lcherriden en est un témoignage. Les Algériens, en s’y engageant, ont signé leur perte. ( …) Aux yeux des militants qui ont éprouvé directement les conséquences de· «l’ordre et du contre-ordre d’insurrection», l’histoire «du cheval blanc» et du «drapeau vert» est plus qu’une anecdote humoristique. «La guerre reste toujours un moyen sérieux en vue d’un but sérieux.»
2. La lutte de Libération ne sera pas le terrorisme généralisé
De nombreux dirigeants préconisent le terrorisme, c’est-à-dire la liquidation physique des agents colonialistes les plus nocifs, commissaires de la PR07, «auxiliaires indigènes». Certains prêchent l’assassinat d’adversaires politiques. En somme, le combat libérateur se résumerait à faire disparaître les méchants et les traîtres, sans se soucier du système et des forces sociales qui les sécrètent. (…) Se faire justice soi-même fait partie des réflexes des Maghrébins, mais ne participe nullement d’une réflexion sur les conditions et les forces qui doivent conduire au succès l’entreprise de libération. (…)
«Pourquoi risquer ma vie dans un combat truqué ou le vainqueur est connu d’avance, je préfère prendre des risques pour quelque chose qui en vaille la peine.» Telle est l’opinion courante des Algériens, des militants et de nombreux dirigeants ici présents qui se sont retrouvés à Barberousse et non au palais Carnot Il y a incontestablement, impasse, usure et danger de démoralisation. (…)
Le terrorisme ne peut être qu’une aventure sans issue et tragique, conçue comme moyen de détruire le système colonial. (…) L’expérience irlandaise des combats patriotiques nous apporte de riches enseignements dans ce domaine. Elle a connu sa phase terroriste. Mais n’allons pas si loin, l’expérience du soulèvement avorté du 23 mai 1945 est plus proche de nous, que l’échec de la révolution en 1905, ou la débâcle des patriotes irlandais lors de l’insurrection de Pâques 1916 et du terrorisme qui la suivit. De plus, c’est notre propre expérience; elle a profondément marqué les militants qui l’ont vécue et qui en ont tiré les leçons pour eux-mêmes et pour le parti. (…)
Dans le meilleur des cas, réussirions-nous aujourd’hui à liquider tous les auxiliaires indigènes des autorités coloniales, à terroriser nos adversaires politiques, nous ne ferions que précipiter l’épreuve avec l’armée française. A la tête de chaque douar, elle enverrait un officier. Nous revoilà au temps des «bureaux arabes». Et après ? A quoi le terrorisme nous aurait alors avancés ? Au contraire, l’armée française, qui est une machine écrasante, se verrait disposer de l’atout stratégique: l’initiative du «où ?», «quand?», «comment ?» Cette triple détermination qui, selon Clause Witz, confère la victoire.
En termes politiques, ce sera une provocation qui nous mettra en face d’une machine de guerre contre laquelle il nous faudrait tout le souffle de la nation et toutes les ressources techniques et tactiques dont nous pouvons disposer. La forme de lutte individuelle conduit à nous mettre en position de moindre efficacité et de moindre résistance. Le peuple essoufflé et l’organisation réduite au départ par les foudres de la répression. Nous devons rejeter sans ambages l’action terroriste comme vecteur principal du combat libérateur.
L’histoire a fait justice des conceptions «élitistes» car elles sont incapables de mobiliser les masses. Elles germent dans l’ambiance de la petite bourgeoisie qui ne fait pas confiance à ces masses de peur d’être dépassée par elles. Par contre le terrorisme sous sa forme défensive ou d’appoint c’est-à-dire le contreterrorisme peut jouer un rôle dans le cadre de la guerre populaire comme en Indochine. (…)
3. La lutte de libération ne peut se résumer en la constitution d’une zone franche
Il existe une «marotte» chez certains responsables, c’est l’idée de «zone franche». Partant de quelques données — faiblesse de nos effectifs, présence de régions montagneuses peu habitées où, par défaut, la population n’aurait pas à souffrir — on conclut qu’il faut concentrer nos éléments pour plus d’efficacité dans une zone déterminée. Cette conception se base sur des références historiques. Exemples de la Grande Marche chinoise et de la résistance yougoslave. La question qui vient à l’esprit est d’abord : a-t-on une connaissance sérieuse des exemples cités pour en tirer des enseignements ? Quelles formes de luttes principales y-a-t-il eu dans ces cas ? Si «zones franches» il y a eu, où, quand et comment par rapport à ces formes de lutte principale ?
Si l’exposé d’un cas historique doit prouver quelque vérité d’ordre général, ce cas doit être développé avec exactitude et minutie sur tous les points qui se rapportent à l’affirmation... De fait, un exemple historique peut étayer les opinions les plus contradictoires ; la traversée des Alpes par Bonaparte (ou, ajouterons-nous, par Annibal et ses guerriers Iguechthoulen) peut être soit une merveille de résolution, soit un coup de tête de véritable extravagance. Le risque d’extravagance est plus grand quand l’inspiration provient d’une vision cinématographique.
Simplifier l’héroïque et complexe guerre populaire des peuples yougoslaves et la réduire à un parachutage de la RAF dans une zone franche, c’est choisir un angle de vision frivole et dangereux. Les idées (les images) fixées tiennent lieu de réflexion. En Chine comme en Yougoslavie, il y a eu guerre populaire sur l’ensemble du territoire, avec des formes de luttes multiples.
Dans le cas de la Chine comme dans celui de la Yougoslavie, la «zone franche» n’est pas une forme de lutte. C’est une phase de la lutte, phase stratégique ou tactique. (…) La défense d’une zone libérée suppose l’appui des masses, une armée déjà dotée d’une puissance de feu minimum, des défenses naturelles : forêts vierges, immensités montagneuses, frontières communes avec une puissance amie capable de prendre des risques militaires et diplomatiques afin d’assurer un appui logistique permanent, entre autres.
Décembre 1948, alors âgé de 22 ans, Hocine Aït Ahmed, président de l’Organisation Secrète et membre du bureau politique du PPA, expose un rapport aux membres du comité central élargi, à Zeddine, sur les problèmes stratégiques et tactiques pour le déclenchement de la Révolution. Dans son rapport, riche en références et très dense, Hocine Aït Ahmed «pense» la Révolution dans tous ses aspects : politique, militaire, financier et diplomatique. C’est le document référence qui a tracé la voie du combat libérateur du peuple algérien.
En voici quelques extraits.
Nous nous proclamons un parti révolutionnaire. Le mot révolutionnaire est dans les propos de nos militants et de nos responsables. Notre vocabulaire est dominé par des formules à l’emporte-pièce, extrémistes, magiques, telles que «le problème algérien est un problème de force», «nous sommes pour l’action, contre les discours», en attendant, nous ne cessons de discourir. (…)
Aujourd’hui que nous sommes tous d’accord pour reconnaître que le mouvement de libération tourne à vide, qu’ile st bloqué, il importe que nous débloquions d’abord notre circuit théorique, notre pensée des usages frelatés que nous faisons de quelques notions abstraites afin de permettre à ce mouvement de reprendre son moment historique. Aujourd’hui, nous devons faire notre examen de conscience, nous avons le devoir de nous remettre en cause, de remettre en cause sans faux-fuyants notre orientation et nos conceptions de travail. (…) Des idées fumeuses, voire saugrenues, bouchent notre conscience.
En parlant de soulèvement, certains y voient une forme d’insurrection «généralisée», à l’exemple de celle de 1871, étendue à l’ensemble du territoire national. D’autres croient au terrorisme «généralisé». On nous parle de «zone franche», à «généraliser» aussi probablement. Il a été question récemment d’une espèce de seconde mouture de la Révolution française. Il paraît qu’il faut et qu’il suffit d’organiser des manifestations grandioses autour du palais Carnot pour obliger «l’Assemblée algérienne» à se proclamer Assemblée constituante souveraine. (…)
Les réponses à ces questions soulèvent en toile de fond le problème de l’orientation idéologique et politique de notre mouvement. Le peuple algérien s’interroge sur le genre de cité, les valeurs sociales et politiques pour lesquelles nous lui demandons de se battre. Il ne peut se contenter de recettes sentimentales, de «lendemains qui chantent ou qui dansent». Il faudra épuiser le débat pour trouver l’expression juste des intérêts et des sentiments populaires.
Certes, le but de ce rapport est limité au cadre de notre organisation. Mais les tâches qui lui ont été confiées débordent les aspects techniques : elles posent le problème de la révolution dans toutes ses données, idéologiques, militaires et politiques. Le but de ce rapport est de préciser la donnée principale de la révolution : la ou les formes de lutte que doit revêtir la lutte de libération. (…) L’heure de solutions inconséquentes, des hésitations et de l’empirisme borné est passée, si le parti veut vraiment réponde aux exigences de la libération.
1re partie – Quelle forme prendra la lutte de libération ?
La lutte de Libération ne sera pas un soulèvement en masse. L’idée de soulèvement en masse, est en effet courante. L’homme de la rue pense que le peuple algérien peur facilement détruire le colonialisme grâce à sa supériorité numérique : 10 contre 1. Il suffira de généraliser à l’Algérie entière un soulèvement populaire. Au lieu de libérer la pensée des masses de cette fraction simpliste, de ce rapport mystificateur, les militants du parti semblent céder à son pouvoir. C’est beau d’être optimiste, mais penser qu’il n’ y a plus de problèmes oui d’équation, c’est de l’inconscience. (…)
1- Evoquant l’histoire militaire de l’Europe, Clausewitz accorde une grande importance à la supériorité numérique, mais quand il s’agit d’«armées qui se ressemblent au point de vue de l’équipement, de l’organisation et des connaissances techniques de tout genre»... et qu’il s’agit de batailles stratégiques. L’insurrection de 1871 a échoué, moins parce qu’elle était géographiquement limitée qu’en raison de son caractère spontané, improvisé et des conceptions militaires erronées de ses dirigeants.
Outre qu’elle fut conduite par des féodaux qui n’ont pas su préparer et mobiliser les paysans en profondeur, sur le plan militaire elle fut une régression par rapport à la guerre de résistance conduite par Abdelkader jusqu’en 1847 et poursuivie en Kabylie jusqu’en 1858. La bataille d’lcherriden en est un témoignage. Les Algériens, en s’y engageant, ont signé leur perte. ( …) Aux yeux des militants qui ont éprouvé directement les conséquences de· «l’ordre et du contre-ordre d’insurrection», l’histoire «du cheval blanc» et du «drapeau vert» est plus qu’une anecdote humoristique. «La guerre reste toujours un moyen sérieux en vue d’un but sérieux.»
2. La lutte de Libération ne sera pas le terrorisme généralisé
De nombreux dirigeants préconisent le terrorisme, c’est-à-dire la liquidation physique des agents colonialistes les plus nocifs, commissaires de la PR07, «auxiliaires indigènes». Certains prêchent l’assassinat d’adversaires politiques. En somme, le combat libérateur se résumerait à faire disparaître les méchants et les traîtres, sans se soucier du système et des forces sociales qui les sécrètent. (…) Se faire justice soi-même fait partie des réflexes des Maghrébins, mais ne participe nullement d’une réflexion sur les conditions et les forces qui doivent conduire au succès l’entreprise de libération. (…)
«Pourquoi risquer ma vie dans un combat truqué ou le vainqueur est connu d’avance, je préfère prendre des risques pour quelque chose qui en vaille la peine.» Telle est l’opinion courante des Algériens, des militants et de nombreux dirigeants ici présents qui se sont retrouvés à Barberousse et non au palais Carnot Il y a incontestablement, impasse, usure et danger de démoralisation. (…)
Le terrorisme ne peut être qu’une aventure sans issue et tragique, conçue comme moyen de détruire le système colonial. (…) L’expérience irlandaise des combats patriotiques nous apporte de riches enseignements dans ce domaine. Elle a connu sa phase terroriste. Mais n’allons pas si loin, l’expérience du soulèvement avorté du 23 mai 1945 est plus proche de nous, que l’échec de la révolution en 1905, ou la débâcle des patriotes irlandais lors de l’insurrection de Pâques 1916 et du terrorisme qui la suivit. De plus, c’est notre propre expérience; elle a profondément marqué les militants qui l’ont vécue et qui en ont tiré les leçons pour eux-mêmes et pour le parti. (…)
Dans le meilleur des cas, réussirions-nous aujourd’hui à liquider tous les auxiliaires indigènes des autorités coloniales, à terroriser nos adversaires politiques, nous ne ferions que précipiter l’épreuve avec l’armée française. A la tête de chaque douar, elle enverrait un officier. Nous revoilà au temps des «bureaux arabes». Et après ? A quoi le terrorisme nous aurait alors avancés ? Au contraire, l’armée française, qui est une machine écrasante, se verrait disposer de l’atout stratégique: l’initiative du «où ?», «quand?», «comment ?» Cette triple détermination qui, selon Clause Witz, confère la victoire.
En termes politiques, ce sera une provocation qui nous mettra en face d’une machine de guerre contre laquelle il nous faudrait tout le souffle de la nation et toutes les ressources techniques et tactiques dont nous pouvons disposer. La forme de lutte individuelle conduit à nous mettre en position de moindre efficacité et de moindre résistance. Le peuple essoufflé et l’organisation réduite au départ par les foudres de la répression. Nous devons rejeter sans ambages l’action terroriste comme vecteur principal du combat libérateur.
L’histoire a fait justice des conceptions «élitistes» car elles sont incapables de mobiliser les masses. Elles germent dans l’ambiance de la petite bourgeoisie qui ne fait pas confiance à ces masses de peur d’être dépassée par elles. Par contre le terrorisme sous sa forme défensive ou d’appoint c’est-à-dire le contreterrorisme peut jouer un rôle dans le cadre de la guerre populaire comme en Indochine. (…)
3. La lutte de libération ne peut se résumer en la constitution d’une zone franche
Il existe une «marotte» chez certains responsables, c’est l’idée de «zone franche». Partant de quelques données — faiblesse de nos effectifs, présence de régions montagneuses peu habitées où, par défaut, la population n’aurait pas à souffrir — on conclut qu’il faut concentrer nos éléments pour plus d’efficacité dans une zone déterminée. Cette conception se base sur des références historiques. Exemples de la Grande Marche chinoise et de la résistance yougoslave. La question qui vient à l’esprit est d’abord : a-t-on une connaissance sérieuse des exemples cités pour en tirer des enseignements ? Quelles formes de luttes principales y-a-t-il eu dans ces cas ? Si «zones franches» il y a eu, où, quand et comment par rapport à ces formes de lutte principale ?
Si l’exposé d’un cas historique doit prouver quelque vérité d’ordre général, ce cas doit être développé avec exactitude et minutie sur tous les points qui se rapportent à l’affirmation... De fait, un exemple historique peut étayer les opinions les plus contradictoires ; la traversée des Alpes par Bonaparte (ou, ajouterons-nous, par Annibal et ses guerriers Iguechthoulen) peut être soit une merveille de résolution, soit un coup de tête de véritable extravagance. Le risque d’extravagance est plus grand quand l’inspiration provient d’une vision cinématographique.
Simplifier l’héroïque et complexe guerre populaire des peuples yougoslaves et la réduire à un parachutage de la RAF dans une zone franche, c’est choisir un angle de vision frivole et dangereux. Les idées (les images) fixées tiennent lieu de réflexion. En Chine comme en Yougoslavie, il y a eu guerre populaire sur l’ensemble du territoire, avec des formes de luttes multiples.
Dans le cas de la Chine comme dans celui de la Yougoslavie, la «zone franche» n’est pas une forme de lutte. C’est une phase de la lutte, phase stratégique ou tactique. (…) La défense d’une zone libérée suppose l’appui des masses, une armée déjà dotée d’une puissance de feu minimum, des défenses naturelles : forêts vierges, immensités montagneuses, frontières communes avec une puissance amie capable de prendre des risques militaires et diplomatiques afin d’assurer un appui logistique permanent, entre autres.
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