Le 23 Décembre dernier, s’est éteint Hocine Aït-Ahmed le dernier des dirigeants les plus en vue de la révolution de novembre 1954 qui a amené l’Algérie à la reconquête de son indépendance après 132 ans d’occupation française. Cet homme symbole est mort à Lausanne après un exil forcé qui aura duré plus d’une cinquantaine d’années. Soit depuis l’indépendance du pays.
L’homme qui a été accompagné par tout un peuple à sa dernière demeure, dans son village natal en Kabylie, était un symbole à plus d’un titre. Comme il était, dans sa jeunesse, un symbole de l’opposition au colonialisme il est mort en symbole de l’opposition à un régime qui se caractérise particulièrement par la tyrannie et le despotisme. Comme il avait payé son opposition au colonialisme par une privation de liberté dans les geôles françaises de 1956 à 1962, il paya son opposition au système qui s’est substitué au colonialisme dans l’Algérie indépendante par un séjour en prison de 1964 à 1965. Il ne dut son salut qu’à une spectaculaire évasion quelques mois après la chute de Ahmed Benbella, son ancien bourreau et néanmoins compagnon de cellule à la prison La santé en France durant la guerre de libération, déposé par le colonel Houari Boumediene le 19 juin 1965. Depuis, il vivra en exil, loin du pays pour lequel il avait payé une forte contribution pour le voir libéré du joug colonial.
Même mort, Hocine Aït-Ahmed a continué à faire dans la symbolique. Malgré tous les stratagèmes dont il a usé et abusé, le pouvoir en place a essuyé une série de coups que lui assénait l’homme symbole du fond de son cercueil. En refusant, dans son testament, de se faire inhumer officiellement dans le carré réservé aux officiels au cimetière d’« El-Alia » à Alger, il exprima, du coup, son opposition à toute récupération politique. Sa famille ira dans le même sens en refusant l’avion spécial pour acheminer son cercueil de Lausanne à Alger, une semaine après sa mort. Et dernière estocade de celui que les Algériens surnommaient affectueusement « Da L’Hocine » (père Hocine), elle survint peu avant que sa dépouille ne soit mise sous terre. Le premier ministre algérien et la délégation gouvernementale qui l’accompagnait sont chassés par le peuple lambda venu rendre un dernier hommage à celui qui a vécu en symbole et mort en symbole.
Le premier ministre chassé par la foule
La chasse faite au premier ministre lors des funérailles de Hocine Aït-Ahmed a été la meilleure expression de la rupture définitive qui s’est opérée entre le pouvoir de Bouteflika et le peuple. Certes en 2003 le président Bouteflika avait été chassé aux cris de « pouvoir assassin » par les sinistrés du séisme qui avait frappé la région de Boumèrdes dans le centre du pays, alors qu’il voulait donner l’impression qu’il partageait avec eux leur peine. Mais, cette fois-ci en chassant le premier ministre des obsèques du plus opposant des opposants au régime algérien, la symbolique était très forte. C’était une manière de faire comprendre au pouvoir en place que toutes ses entreprises de récupération du décès de Hocine Aït-Ahmed ont lamentablement échoué.
Il faut dire que le gouvernement algérien n’a pas lésiné sur les moyens pour récupérer politiquement l’évènement. Bien que la famille du défunt n’a pas manqué de refuser publiquement tous les fastes proposés par le pouvoir pour organiser de obsèques officielles, tous les membres du gouvernement et représentants des deux partis au pouvoir (le FLN novelle version et le RND) s’étaient déplacés à l’aéroport et au siège du parti du Front des Forces Socialistes dont Hocine Aït-Ahmed était le fondateur.
Seul le président Bouteflika, cloué dans son lit de malade dans sa résidence médicalisée de Zéralda, dans la banlieue ouest d’Alger n’a pas pu assister aux cérémonies de recueillement. Il a, cependant, décrété un deuil national de 8 jours.
La révision de la constitution et le divorce définitif
Les obsèques de celui qui fut l’un des artisans de l’indépendance de l’Algérie ont été, aux yeux de nombreux observateurs, une preuve de plus que le pouvoir algérien n’est plus en odeur de sainteté auprès du peuple. Tout ce qui vient de lui est automatiquement rejeté. Cela avait commencé par le boycott des différentes joutes électorales qui ont battu tous les records sous le régime de Bouteflika. Faut-il rappeler que le parti FLN qui a remporté la majorité parlementaire aux dernières législatives du 10 mai 2012 a obtenu le dérisoire score de 1 million de voix sur les 20 millions inscrits sur les listes électorales ?. Bouteflika lui-même, malgré une fraude électorale prouvée matériellement par son plus sérieux rival Ali Benflis dans le livre blanc qu’il avait publié quelques mois après l’élection présidentielle, n’avait pas obtenu plus de 9 millions de voix selon les chiffres officiels. Une élection marquée par l’absence totale du candidat Bouteflika qui n’avait pas fait la moindre apparition ou prononcé le moindre mot à l’adresse des électeurs. Un fait unique dans les annales de l’histoire de l’humanité que ce soit sous les régimes totalitaires ou démocratiques. Une singularité bien algérienne dont l’artisan principal n’est autre que Saïd Bouteflika, le frère cadet du président et prétendant à la succession à la tête de l’Etat algérien.
Prenant acte de son impopularité, le pouvoir algérien persiste dans son mépris à l’encontre du peuple en faisant comme si de rien n’était. Ainsi, il ne se gêne plus de l’absence du chef de l’Etat de la scène politique depuis son AVC du mois d’avril 2013. Une absence qui remonte, en réalité, au 8 mai 2012, date à laquelle le président Bouteflika s’était adressé pour la dernière fois au peuple algérien par un discours qui semblait celui des adieux en annonçant que sa génération a fait son temps et qu’il fallait céder la place aux jeunes en lançant sa fameuse phrase « tab jnanna » (notre potager a mûri) et qui signifie dans le jargon algérien qu’il est temps d’enlever la récolte sinon elle risque de pourrir. Et c’est ce pourrissement qu’a atteint le pouvoir algérien en refusant de partir.
La gérontocratie qui règne officiellement sur le pays a passé les clés à une oligarchie composée de nouveaux riches sans niveau d’instruction et sans culture propre aux investisseurs sérieux. Le rôle de cette caste est d’ouvrir la voie de la succession au frère cadet du président. Elle n’a pas d’autre choix puisque l’avenir de tout ce beau monde est intimement lié à celui de Saïd Bouteflika. Ils ont tous un dénominateur commun avec ce dernier nommé : leur implication dans les scandales de corruption qui ont secoué la vie du pays tout au long du règne de l’actuel président.
Comme il ne suffit pas de compter sur une oligarchie dénoncée quotidiennement par la vox-populi relayée par quelques rares partis de l’opposition et de rares titres de la presse qui osent braver l’interdit, le pouvoir tente d’amadouer le peuple dans une dernière tentative en lui proposant une révision de la constitution qui se veut l’expression de quelques avancées démocratiques. A la tête de ces avancées miroitées dans la mouture proposée, la reconnaissance de la Tamazight (le berbère) comme langue officielle et nationale. L’arrière pensée de cette étonnante proposition de la part du pouvoir n’a pas échappé aux Algériens. Tout le monde a compris que l’officialisation de la langue berbère ne sera pas matérialisée avant 20 ans si toutes les bonnes volontés se plieraient en quatre pour lui préparer les instruments nécessaires pour ce faire. Et si le pouvoir la sort aujourd’hui de son chapeau c’est juste dans le but de récupérer la Kabylie, cette région frondeuse qui menace de plus en plus de se détacher de l’Algérie.
C’est dans cette région qu’a vu le jour le premier mouvement indépendantiste sous la conduite de Ferhat Mehenni, un militant du mouvement démocratique depuis les années 70 du siècle dernier. Ces velléités indépendantistes ou autonomistes commencent à foisonner dans d’autres régions. Ce sont là les prémices de l’effondrement de l’Etat algérien auquel a mené la politique de Bouteflika et de nombreuses personnalités politiques ne cessent de tirer la sonnette d’alarme en appelant à sauver l’Etat algérien de l’effondrement qui devient de plus en plus pesant.
Toujours, dans le chapitre de la révision de la constitution et comme pour rassurer ce qui reste de la classe politique, le pouvoir revient à la limitation des mandats présidentiels à deux. Ce n’est là qu’un désaveu de la révision de la loi fondamentale du pays en 2008 quand Bouteflika voulait s’offrir un 3ème mandat.
Le reste des amendements proposé sont sans importance. Et c’est pourquoi le peuple et les partis de l’opposition ont considéré la proposition de révision de la constitution comme un non-évènement. Ce que n’ignore pas le pouvoir en se gardant de soumettre la révision à un référendum populaire. Le risque de recevoir une claque de plus est plus que certain. C’est à un parlement élu par moins de 43% du corps électoral selon les chiffres officiels (en réalité moins de 20%) que reviendra le rôle d’adopter les amendements proposés. Il aura, ainsi, accompli son rôle de chambre d’enregistrement.
L’homme qui a été accompagné par tout un peuple à sa dernière demeure, dans son village natal en Kabylie, était un symbole à plus d’un titre. Comme il était, dans sa jeunesse, un symbole de l’opposition au colonialisme il est mort en symbole de l’opposition à un régime qui se caractérise particulièrement par la tyrannie et le despotisme. Comme il avait payé son opposition au colonialisme par une privation de liberté dans les geôles françaises de 1956 à 1962, il paya son opposition au système qui s’est substitué au colonialisme dans l’Algérie indépendante par un séjour en prison de 1964 à 1965. Il ne dut son salut qu’à une spectaculaire évasion quelques mois après la chute de Ahmed Benbella, son ancien bourreau et néanmoins compagnon de cellule à la prison La santé en France durant la guerre de libération, déposé par le colonel Houari Boumediene le 19 juin 1965. Depuis, il vivra en exil, loin du pays pour lequel il avait payé une forte contribution pour le voir libéré du joug colonial.
Même mort, Hocine Aït-Ahmed a continué à faire dans la symbolique. Malgré tous les stratagèmes dont il a usé et abusé, le pouvoir en place a essuyé une série de coups que lui assénait l’homme symbole du fond de son cercueil. En refusant, dans son testament, de se faire inhumer officiellement dans le carré réservé aux officiels au cimetière d’« El-Alia » à Alger, il exprima, du coup, son opposition à toute récupération politique. Sa famille ira dans le même sens en refusant l’avion spécial pour acheminer son cercueil de Lausanne à Alger, une semaine après sa mort. Et dernière estocade de celui que les Algériens surnommaient affectueusement « Da L’Hocine » (père Hocine), elle survint peu avant que sa dépouille ne soit mise sous terre. Le premier ministre algérien et la délégation gouvernementale qui l’accompagnait sont chassés par le peuple lambda venu rendre un dernier hommage à celui qui a vécu en symbole et mort en symbole.
Le premier ministre chassé par la foule
La chasse faite au premier ministre lors des funérailles de Hocine Aït-Ahmed a été la meilleure expression de la rupture définitive qui s’est opérée entre le pouvoir de Bouteflika et le peuple. Certes en 2003 le président Bouteflika avait été chassé aux cris de « pouvoir assassin » par les sinistrés du séisme qui avait frappé la région de Boumèrdes dans le centre du pays, alors qu’il voulait donner l’impression qu’il partageait avec eux leur peine. Mais, cette fois-ci en chassant le premier ministre des obsèques du plus opposant des opposants au régime algérien, la symbolique était très forte. C’était une manière de faire comprendre au pouvoir en place que toutes ses entreprises de récupération du décès de Hocine Aït-Ahmed ont lamentablement échoué.
Il faut dire que le gouvernement algérien n’a pas lésiné sur les moyens pour récupérer politiquement l’évènement. Bien que la famille du défunt n’a pas manqué de refuser publiquement tous les fastes proposés par le pouvoir pour organiser de obsèques officielles, tous les membres du gouvernement et représentants des deux partis au pouvoir (le FLN novelle version et le RND) s’étaient déplacés à l’aéroport et au siège du parti du Front des Forces Socialistes dont Hocine Aït-Ahmed était le fondateur.
Seul le président Bouteflika, cloué dans son lit de malade dans sa résidence médicalisée de Zéralda, dans la banlieue ouest d’Alger n’a pas pu assister aux cérémonies de recueillement. Il a, cependant, décrété un deuil national de 8 jours.
La révision de la constitution et le divorce définitif
Les obsèques de celui qui fut l’un des artisans de l’indépendance de l’Algérie ont été, aux yeux de nombreux observateurs, une preuve de plus que le pouvoir algérien n’est plus en odeur de sainteté auprès du peuple. Tout ce qui vient de lui est automatiquement rejeté. Cela avait commencé par le boycott des différentes joutes électorales qui ont battu tous les records sous le régime de Bouteflika. Faut-il rappeler que le parti FLN qui a remporté la majorité parlementaire aux dernières législatives du 10 mai 2012 a obtenu le dérisoire score de 1 million de voix sur les 20 millions inscrits sur les listes électorales ?. Bouteflika lui-même, malgré une fraude électorale prouvée matériellement par son plus sérieux rival Ali Benflis dans le livre blanc qu’il avait publié quelques mois après l’élection présidentielle, n’avait pas obtenu plus de 9 millions de voix selon les chiffres officiels. Une élection marquée par l’absence totale du candidat Bouteflika qui n’avait pas fait la moindre apparition ou prononcé le moindre mot à l’adresse des électeurs. Un fait unique dans les annales de l’histoire de l’humanité que ce soit sous les régimes totalitaires ou démocratiques. Une singularité bien algérienne dont l’artisan principal n’est autre que Saïd Bouteflika, le frère cadet du président et prétendant à la succession à la tête de l’Etat algérien.
Prenant acte de son impopularité, le pouvoir algérien persiste dans son mépris à l’encontre du peuple en faisant comme si de rien n’était. Ainsi, il ne se gêne plus de l’absence du chef de l’Etat de la scène politique depuis son AVC du mois d’avril 2013. Une absence qui remonte, en réalité, au 8 mai 2012, date à laquelle le président Bouteflika s’était adressé pour la dernière fois au peuple algérien par un discours qui semblait celui des adieux en annonçant que sa génération a fait son temps et qu’il fallait céder la place aux jeunes en lançant sa fameuse phrase « tab jnanna » (notre potager a mûri) et qui signifie dans le jargon algérien qu’il est temps d’enlever la récolte sinon elle risque de pourrir. Et c’est ce pourrissement qu’a atteint le pouvoir algérien en refusant de partir.
La gérontocratie qui règne officiellement sur le pays a passé les clés à une oligarchie composée de nouveaux riches sans niveau d’instruction et sans culture propre aux investisseurs sérieux. Le rôle de cette caste est d’ouvrir la voie de la succession au frère cadet du président. Elle n’a pas d’autre choix puisque l’avenir de tout ce beau monde est intimement lié à celui de Saïd Bouteflika. Ils ont tous un dénominateur commun avec ce dernier nommé : leur implication dans les scandales de corruption qui ont secoué la vie du pays tout au long du règne de l’actuel président.
Comme il ne suffit pas de compter sur une oligarchie dénoncée quotidiennement par la vox-populi relayée par quelques rares partis de l’opposition et de rares titres de la presse qui osent braver l’interdit, le pouvoir tente d’amadouer le peuple dans une dernière tentative en lui proposant une révision de la constitution qui se veut l’expression de quelques avancées démocratiques. A la tête de ces avancées miroitées dans la mouture proposée, la reconnaissance de la Tamazight (le berbère) comme langue officielle et nationale. L’arrière pensée de cette étonnante proposition de la part du pouvoir n’a pas échappé aux Algériens. Tout le monde a compris que l’officialisation de la langue berbère ne sera pas matérialisée avant 20 ans si toutes les bonnes volontés se plieraient en quatre pour lui préparer les instruments nécessaires pour ce faire. Et si le pouvoir la sort aujourd’hui de son chapeau c’est juste dans le but de récupérer la Kabylie, cette région frondeuse qui menace de plus en plus de se détacher de l’Algérie.
C’est dans cette région qu’a vu le jour le premier mouvement indépendantiste sous la conduite de Ferhat Mehenni, un militant du mouvement démocratique depuis les années 70 du siècle dernier. Ces velléités indépendantistes ou autonomistes commencent à foisonner dans d’autres régions. Ce sont là les prémices de l’effondrement de l’Etat algérien auquel a mené la politique de Bouteflika et de nombreuses personnalités politiques ne cessent de tirer la sonnette d’alarme en appelant à sauver l’Etat algérien de l’effondrement qui devient de plus en plus pesant.
Toujours, dans le chapitre de la révision de la constitution et comme pour rassurer ce qui reste de la classe politique, le pouvoir revient à la limitation des mandats présidentiels à deux. Ce n’est là qu’un désaveu de la révision de la loi fondamentale du pays en 2008 quand Bouteflika voulait s’offrir un 3ème mandat.
Le reste des amendements proposé sont sans importance. Et c’est pourquoi le peuple et les partis de l’opposition ont considéré la proposition de révision de la constitution comme un non-évènement. Ce que n’ignore pas le pouvoir en se gardant de soumettre la révision à un référendum populaire. Le risque de recevoir une claque de plus est plus que certain. C’est à un parlement élu par moins de 43% du corps électoral selon les chiffres officiels (en réalité moins de 20%) que reviendra le rôle d’adopter les amendements proposés. Il aura, ainsi, accompli son rôle de chambre d’enregistrement.
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