Chems Eddine Chitour
When an old person dies, it’s a library burning down », « Quand une personne âgée meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » Amadou Hampaté Bâ immense écrivain poète africain
L’idée de cette contribution m’est venue après un coup de colère contre d’abord nous même pour la mauvaise image que nous donnons au monde dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Cette mauvaise image est attestée par l’enquête PISA qui a classé l’Algérie avant dernière d’une enquête visant à décrire l’éducation dans 72 pays en se basant sur les mathématiques et sur les sciences.
Pour avoir observé le système éducatif pendant plus de trente ans, je constate qu’au fil des ans, nous n’avons pas pu, du fait d’une massification importante, d’une démographie galopante et d’une vision privilégiant la paix sociale et l’aspect quantitatif au détriment de l’acte pédagogique que le système éducatif est devenu un train fou que personne ne peut arrêter. Par ailleurs, les tentatives pour corriger les dérives criantes sont de plus torpillées par des franges d’Algériens pour qui rien ne doit changer. Plusieurs faits à priori sans relation me permettent de mesurer la condition misérable du système éducatif. Il s’agit d’abord de la lente déliquescence de l’acte pédagogique sous l’oeil impuissant des responsables pour qui la priorité est de sauver l’année, peu important qu’on y apprend, l’essentiel est qu’il n’y ait pas de vagues. Graduellement l’aspect social a pris le dessus et nous assistons à des années scolaires de plus en plus courtes notamment dans les classes terminales avec le scandale de la ‘atba seuil limite du programme.
Pour ne rien oublier nous devons signaler comme autre travers, les scandales à répétition des fuites au bac –examen mythique qui ne sert à rien et abandonné par beaucoup de pays mais que nous gardons en Algérie du fait d’une programmation coloniale qui dure encore- les enseignants chasseurs de primes qui vendent du rêve aux candidats au bac dans des conditions de rémunération scandaleuses et impunies.
Enfin last but not least je veux dénoncer l’exemple d’une société qui glorifie le paraitre, les parcours parallèles qui ne font pas appel à l’intelligence et au mérite, je veux parler des salaires scandaleux de footballeurs qui gagnent en une année ce que gagnent en une carrière des professeurs d’université en 32 ans de bons et loyaux services. Si on y ajoute pour enfoncer le clou à titre d’exemple et à contrario que des chercheurs algériens ont réussi à fabriquer trois satellites qui ont été lancés par un lanceur spatial indien, dans l’anonymat le plus strict , à la fois des médias et des pouvoirs publics. A l’évidence le savoir ne mène nulle part en Algérie, l’image que donne notre école est des plus exécrable. L’Ecole ne fait plus rêver, elle ne joue plus son rôle d’ascenseur social.
Ceux qui l’ont servi d’une façon fidèle meurent dans l’anonymat le plus strict et avec eux les bibliothèques immatérielles qu’ils ont construites par leur savoir intrinsèque. L’exemple nous est donné il y a quelques années par la disparition du vénérable professeur Abdelaziz Ouabdesselam spécialiste des statistiques, premier recteur de l’Université Algérienne de l’indépendance, et premier Directeur de l’Ecole Polytechnique d’Alger. A son enterrement aucun écho ni officiel ni des médias, contrairement aux mobilisations des plus hautes autorités du pouvoir et même de la presse pour donner une visibilité médiatique à des personnes aussi responsables soient elles dans le domaine artistique. N’étant pas dans le logiciel du « système » qui soupèse toujours le poids social – pas scientifique en terme d’apport pour l’édification d’une société éduquée- en terme de visibilité de rentabilité voire de capacité de nuisance.
La dimension irrationnelle envahit le système éducatif
D’une façon insidieuse et lente, l’irrationalité gagne le système éducatif et graduellement nous abdiquons les savoirs des sciences exactes au profit de l’approximation. Une première alerte nous est donnée récemment, par une enseignante qui envoie sur internet une vidéo avec ses élèves, vidéo dans laquelle elle vante la langue arabe comme langue du paradis au lieu d’enseigner d’une façon rigoureuse et démonstrative la rigueur de la beauté de la langue arabe autrement que par l’amalgame avec le divin.
Une autre descente aux enfers nous est donnée par le triste spectacle mis en scène par une chaine de télévision qui présente un savant qui a inventé un médicament miracle contre le diabète Le médicament Rahmet Rabbi ( miséricorde de Dieu ! Tout un programme !) : Un annonciateur dangereux de l’irrationalité qui fait que nous avons encore une société influençable et qui a abdiqué la rationalité. On peut comprendre que les malades concernés au premier chef s’accrochent à toutes les bouées possibles pour guérir, mais la publicité qui a été faite par une chaine de télévision qui a carrément investi d’une façon intensive pour l’image du Docteur faiseur de miracle est coupable elle aussi de « complicité car en l’occurrence il s’agit d’un gigantesque canular qui a des proportions énormes et qui décrit en creux le degré de décrépitude auquel est parvenue la société algérienne et le pouvoir qui a dans un premier temps laissé faire.
D’une façon décapante le journaliste Aziz Benyahia écrit : « Cependant il nous décrit en creux toute la tragédie de la société algérienne qui a mis le cap sur l’irrationalité Autant dire que le laboratoire qui mettra au point le traitement tant espéré gagnera, en plus d’une fortune colossale, la reconnaissance de la terre entière et pourquoi pas la…miséricorde de Dieu(…) j’ajouterai que l’on ne joue pas avec l’avenir des jeunes ; veut on en faire des jeunes à l’esprit rationnel capables de décoder les tentatives d’embrigadement dus à une Ecole de l’échec, une école de la soumission, une école de la peur de la science et qui glorifie l’irrationalité (1)
« Pourquoi a-t-on associé le nom de Dieu à une invention humaine? Eh bien parce que « l’inventeur » connait sa clientèle qui n’est jamais parvenue au stade de pouvoir séparer la Foi de la raison. L’évocation de Dieu est dangereuse car c’est le cap vers la sorcellerie. Il a fallu l’hospitalisation d’un certain nombre de malades victimes de cette escroquerie pour que l’inventeur s’empresse de préciser que « Rahmate Rabbi », n’est qu’un complément alimentaire comme des milliers d’autres. Heureusement le ministre a mis fin à la polémique en annonçant que le « médicament ne sera ni commercialisé ni vendu ! »
Quand au chercheur qui aurait refusé le Nobel aux dernières nouvelles il n’aurait pas fait ses études comme il le prétend ni même suivi aucun enseignement à l’université de Genève d’après les responsables de cette université. Où nous allons s’il n’y a plus de coup d’arrêt à l’irrationalité ?
Etat des lieux du système éducatif
C’est un fait, tous les gouvernements qui se sont succédés ont mis à disposition des moyens. Près de 10,5 millions d’élèves avec un budget de 1 050 milliards de dinars (20% du budget de fonctionnement de l’Etat) soit une moyenne de 100 000 DA, soit encore 8 à 10 fois moins par comparaison avec les pays européens (8 000 à 13 000 euros), 90% de ce budget sont constitués par une masse salariale. Pour rappel 700 000 enseignants insuffisamment formés et recyclés La formation professionnelle est devenue un repoussoir. Pourtant nous manquons cruellement de diplômes intermédiaires. Il y a pléthore de médecins, la situation actuelle fait que l’on s’installe dans la fatalité ; car sur le plan qualitatif là aussi les résultats ne sont pas encourageants. Par ailleurs, force est de constater que nous ne savons pas récompenser l’effort et le mérite. Tout le monde est logé à la même enseigne. Ce qui stérilise toute initiative pour l’amélioration de l’acte pédagogique qui n’a pas été jusqu’à présent la priorité. De fait, le pays donne l’impression d’avancer sans son école et sans son université.
Certes la massification de l’éducation était incontournable au vu de la situation de l’éducation en 1962. Moins d’un millier de diplômés en 132 ans d’œuvre positive. Quatre millions de diplômés ont été formés par l’université algérienne en cinquante ans d’existence. Cependant il y eut une lente détérioration de l’acte pédagogique, le niveau a cruellement baissé, les bacheliers que nous recevons ne maîtrisent aucune langue, de plus les disciplines scientifiques ont régressé dangereusement qualitativement et quantitativement. Il y eut même disparition des lycées techniques avec aussi la disparition inexorable des bacs maths techniques.
Enfin, un constat grave, il y a un total clivage entre les trois sous-systèmes ; chacun s’occupe de sa chapelle et chacun est jaloux de ses prérogatives, ce qui fait que des gisements de productivité aux interfaces sont ignorés surtout par ces temps de vaches maigres. De plus, par manque de sanctions dissuasives, le plagiat et le copier-coller font des ravages.
When an old person dies, it’s a library burning down », « Quand une personne âgée meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » Amadou Hampaté Bâ immense écrivain poète africain
L’idée de cette contribution m’est venue après un coup de colère contre d’abord nous même pour la mauvaise image que nous donnons au monde dans le secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Cette mauvaise image est attestée par l’enquête PISA qui a classé l’Algérie avant dernière d’une enquête visant à décrire l’éducation dans 72 pays en se basant sur les mathématiques et sur les sciences.
Pour avoir observé le système éducatif pendant plus de trente ans, je constate qu’au fil des ans, nous n’avons pas pu, du fait d’une massification importante, d’une démographie galopante et d’une vision privilégiant la paix sociale et l’aspect quantitatif au détriment de l’acte pédagogique que le système éducatif est devenu un train fou que personne ne peut arrêter. Par ailleurs, les tentatives pour corriger les dérives criantes sont de plus torpillées par des franges d’Algériens pour qui rien ne doit changer. Plusieurs faits à priori sans relation me permettent de mesurer la condition misérable du système éducatif. Il s’agit d’abord de la lente déliquescence de l’acte pédagogique sous l’oeil impuissant des responsables pour qui la priorité est de sauver l’année, peu important qu’on y apprend, l’essentiel est qu’il n’y ait pas de vagues. Graduellement l’aspect social a pris le dessus et nous assistons à des années scolaires de plus en plus courtes notamment dans les classes terminales avec le scandale de la ‘atba seuil limite du programme.
Pour ne rien oublier nous devons signaler comme autre travers, les scandales à répétition des fuites au bac –examen mythique qui ne sert à rien et abandonné par beaucoup de pays mais que nous gardons en Algérie du fait d’une programmation coloniale qui dure encore- les enseignants chasseurs de primes qui vendent du rêve aux candidats au bac dans des conditions de rémunération scandaleuses et impunies.
Enfin last but not least je veux dénoncer l’exemple d’une société qui glorifie le paraitre, les parcours parallèles qui ne font pas appel à l’intelligence et au mérite, je veux parler des salaires scandaleux de footballeurs qui gagnent en une année ce que gagnent en une carrière des professeurs d’université en 32 ans de bons et loyaux services. Si on y ajoute pour enfoncer le clou à titre d’exemple et à contrario que des chercheurs algériens ont réussi à fabriquer trois satellites qui ont été lancés par un lanceur spatial indien, dans l’anonymat le plus strict , à la fois des médias et des pouvoirs publics. A l’évidence le savoir ne mène nulle part en Algérie, l’image que donne notre école est des plus exécrable. L’Ecole ne fait plus rêver, elle ne joue plus son rôle d’ascenseur social.
Ceux qui l’ont servi d’une façon fidèle meurent dans l’anonymat le plus strict et avec eux les bibliothèques immatérielles qu’ils ont construites par leur savoir intrinsèque. L’exemple nous est donné il y a quelques années par la disparition du vénérable professeur Abdelaziz Ouabdesselam spécialiste des statistiques, premier recteur de l’Université Algérienne de l’indépendance, et premier Directeur de l’Ecole Polytechnique d’Alger. A son enterrement aucun écho ni officiel ni des médias, contrairement aux mobilisations des plus hautes autorités du pouvoir et même de la presse pour donner une visibilité médiatique à des personnes aussi responsables soient elles dans le domaine artistique. N’étant pas dans le logiciel du « système » qui soupèse toujours le poids social – pas scientifique en terme d’apport pour l’édification d’une société éduquée- en terme de visibilité de rentabilité voire de capacité de nuisance.
La dimension irrationnelle envahit le système éducatif
D’une façon insidieuse et lente, l’irrationalité gagne le système éducatif et graduellement nous abdiquons les savoirs des sciences exactes au profit de l’approximation. Une première alerte nous est donnée récemment, par une enseignante qui envoie sur internet une vidéo avec ses élèves, vidéo dans laquelle elle vante la langue arabe comme langue du paradis au lieu d’enseigner d’une façon rigoureuse et démonstrative la rigueur de la beauté de la langue arabe autrement que par l’amalgame avec le divin.
Une autre descente aux enfers nous est donnée par le triste spectacle mis en scène par une chaine de télévision qui présente un savant qui a inventé un médicament miracle contre le diabète Le médicament Rahmet Rabbi ( miséricorde de Dieu ! Tout un programme !) : Un annonciateur dangereux de l’irrationalité qui fait que nous avons encore une société influençable et qui a abdiqué la rationalité. On peut comprendre que les malades concernés au premier chef s’accrochent à toutes les bouées possibles pour guérir, mais la publicité qui a été faite par une chaine de télévision qui a carrément investi d’une façon intensive pour l’image du Docteur faiseur de miracle est coupable elle aussi de « complicité car en l’occurrence il s’agit d’un gigantesque canular qui a des proportions énormes et qui décrit en creux le degré de décrépitude auquel est parvenue la société algérienne et le pouvoir qui a dans un premier temps laissé faire.
D’une façon décapante le journaliste Aziz Benyahia écrit : « Cependant il nous décrit en creux toute la tragédie de la société algérienne qui a mis le cap sur l’irrationalité Autant dire que le laboratoire qui mettra au point le traitement tant espéré gagnera, en plus d’une fortune colossale, la reconnaissance de la terre entière et pourquoi pas la…miséricorde de Dieu(…) j’ajouterai que l’on ne joue pas avec l’avenir des jeunes ; veut on en faire des jeunes à l’esprit rationnel capables de décoder les tentatives d’embrigadement dus à une Ecole de l’échec, une école de la soumission, une école de la peur de la science et qui glorifie l’irrationalité (1)
« Pourquoi a-t-on associé le nom de Dieu à une invention humaine? Eh bien parce que « l’inventeur » connait sa clientèle qui n’est jamais parvenue au stade de pouvoir séparer la Foi de la raison. L’évocation de Dieu est dangereuse car c’est le cap vers la sorcellerie. Il a fallu l’hospitalisation d’un certain nombre de malades victimes de cette escroquerie pour que l’inventeur s’empresse de préciser que « Rahmate Rabbi », n’est qu’un complément alimentaire comme des milliers d’autres. Heureusement le ministre a mis fin à la polémique en annonçant que le « médicament ne sera ni commercialisé ni vendu ! »
Quand au chercheur qui aurait refusé le Nobel aux dernières nouvelles il n’aurait pas fait ses études comme il le prétend ni même suivi aucun enseignement à l’université de Genève d’après les responsables de cette université. Où nous allons s’il n’y a plus de coup d’arrêt à l’irrationalité ?
Etat des lieux du système éducatif
C’est un fait, tous les gouvernements qui se sont succédés ont mis à disposition des moyens. Près de 10,5 millions d’élèves avec un budget de 1 050 milliards de dinars (20% du budget de fonctionnement de l’Etat) soit une moyenne de 100 000 DA, soit encore 8 à 10 fois moins par comparaison avec les pays européens (8 000 à 13 000 euros), 90% de ce budget sont constitués par une masse salariale. Pour rappel 700 000 enseignants insuffisamment formés et recyclés La formation professionnelle est devenue un repoussoir. Pourtant nous manquons cruellement de diplômes intermédiaires. Il y a pléthore de médecins, la situation actuelle fait que l’on s’installe dans la fatalité ; car sur le plan qualitatif là aussi les résultats ne sont pas encourageants. Par ailleurs, force est de constater que nous ne savons pas récompenser l’effort et le mérite. Tout le monde est logé à la même enseigne. Ce qui stérilise toute initiative pour l’amélioration de l’acte pédagogique qui n’a pas été jusqu’à présent la priorité. De fait, le pays donne l’impression d’avancer sans son école et sans son université.
Certes la massification de l’éducation était incontournable au vu de la situation de l’éducation en 1962. Moins d’un millier de diplômés en 132 ans d’œuvre positive. Quatre millions de diplômés ont été formés par l’université algérienne en cinquante ans d’existence. Cependant il y eut une lente détérioration de l’acte pédagogique, le niveau a cruellement baissé, les bacheliers que nous recevons ne maîtrisent aucune langue, de plus les disciplines scientifiques ont régressé dangereusement qualitativement et quantitativement. Il y eut même disparition des lycées techniques avec aussi la disparition inexorable des bacs maths techniques.
Enfin, un constat grave, il y a un total clivage entre les trois sous-systèmes ; chacun s’occupe de sa chapelle et chacun est jaloux de ses prérogatives, ce qui fait que des gisements de productivité aux interfaces sont ignorés surtout par ces temps de vaches maigres. De plus, par manque de sanctions dissuasives, le plagiat et le copier-coller font des ravages.
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