Le général Giap, héros de la guerre d’indépendance du Vietnam, nous a légué son immortelle phrase : “L’impérialisme est un mauvais élève !” Mon cher général, en méditant sur ce qui se produit autour de nous, ce qui se passe chez nous, permettez-moi mon général d’emprunter votre expression afin de caractériser une autre situation de “mauvais élève”, la nôtre ! Nous sommes “un mauvais élève” ! En ce temps de Daesh, temps de haine, temps de sabre, temps de folie et de feu, il y a de cela quelques jours, une manifestation a traversé la ville d’Alger, jadis Alger la Blanche, et dont les manifestants n’ont pas hésité à hurler des slogans du FIS. Vous vous rappelez quelque chose nommée : FIS ? Oui, nous sommes “un mauvais élève” ! Un mauvais élève, mon général, c’est celui qui oublie la leçon d’hier ! Avons-nous oublié ce que nous avions endossé pendant la décennie noire, la décennie des malheurs, des larmes, des morts, des institutions massacrées, des écoles démolies, des âmes vidées d’âme !? Aujourd’hui, en entendant des voix d’égarés appelant le retour du FIS, hurlant son slogan-phare cauchemardesque des années quatre-vingt-dix dans les rues d’Alger : alaiha nahyia wa alia namout wa alayha nalka Allah ! (C’est pour cela “l’État islamique” que nous vivons, c’est pour cela que nous mourrons, c’est pour cela que nous rencontrerons Dieu), je répète avec vous mon général : nous sommes un mauvais élève ! Mais pourquoi sommes-nous “un mauvais élève” ? Pourquoi sommes-nous dans ce gouffre idéologique ? Proie du destin maléfique, maudit ? Il faut le dire, clairement le dire : nous vivons dans une société où l’islam contemporain est pauvre en culture. L’islam de nos jours, celui de nos mosquées infertiles, celui des prédicateurs et des prêcheurs cruels et coléreux est une religion sans âmes culturelles. Sans profondeurs culturelles et civilisationnelles. L’islam de nos jours est victime, otage de la politique politicienne. De l’idéologie des fatwas. Et nous sommes un mauvais élève ! Jadis l’islam était grand et fort par ses différentes cultures qu’il a su comment les incarner, comment les embrasser. Comment les intégrer dans sa civilisation plurielle. Les musulmans qui se réclamaient appartenir à cette religion, l’islam de jadis, vivaient en bon voisinage et en bon partenariat avec les autres croyants des autres religions. Avec ceux qui ne croyaient en rien. Dans le respect et le travail et avec un seul souci c’est celui de fonder une civilisation humaine commune. Il y avait une ville modèle appelée Tolède ! Nous sommes un mauvais élève ! Les différents intellectuels du monde musulman, le monde musulman de jadis : les laïcs, les salafistes, les athées, les libéraux, les zanadikas, les brigands, les rationalistes, les spirituels… tous étaient le fruit d’un islam cultivé, l’islam de jadis. Une brève lecture dans les biographies de tous les écrivains, les poètes, les fékihs et les philosophes sans exception aucune, les Abou Nouas, les Bachar Ibn Bourd, les Abou El-Alaâ El-Maâri, les Ghazali, les Ibn Rouchd, les Al Razy, les Omar Khayyam… et d’autres… tous avaient le Coran dans la tête ou dans le cœur. Tous avaient débuté leur parcours d’apprentissage par le Coran, par le Coran d’abord. Tous, avec leur diversité, dans leur contradiction, par leur différence, sont les fils de la mosquée universelle “el Jamè3”, la mosquée de jadis. Ces enfants ont tous passé des jours et des mois les fesses collées à la natte d’alfa de l’école coranique, l’école coranique de jadis ! Nous sommes “un mauvais élève” ! Parce que nous avons égaré l’islam cultivé. Nous sommes “un mauvais élève”, tout simplement parce que nous sommes le fruit de cet islam sans culture, vidé de tout souffle universel.
Amin Zaoui
02/2015
Amin Zaoui
02/2015
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