« Et si l’Afrique émergente était une fable ? »
PAR FRANÇOIS GIOVALUCCHI - Le monde du 29/08/2018
Pour le chercheur François Giovalucchi, le discours sur l’avenir radieux du continent, très en vogue à Paris, entre en résonance avec la pensée néolibérale.
Temps de lecture : 6 min
Tribune. « L’Afrique émerge ! » Au fil d’ouvrages destinés au grand public, de rapports administratifs, d’études de think tanks et d’interviews de faiseurs d’opinion, un raisonnement simple et globalisant s’est diffusé, sans les précautions et réserves qui parsèment le discours des annonciateurs les plus subtils de l’émergence. Une vulgate assimilée par de nombreux décideurs, des chefs d’entreprise aux gouvernants, sous le regard au mieux sceptique mais le plus souvent amusé, voire consterné, des gens de terrain et des africanistes.
Ce storytelling peut ainsi se résumer : l’Afrique connaît une croissance soutenue ; selon la vieille rhétorique administrative, sa population jeune et croissante est un défi, mais avant tout une chance ; la technologie, où ses entrepreneurs excellent, lui permettra de brûler les étapes du développement ; des classes moyennes émergent et se ruent dans les centres commerciaux. L’Afrique constitue donc la nouvelle frontière de l’économie mondiale.
On se plaît ainsi à rêver d’un start-up continent comme on rêve d’une start-up nation : les récentes retrouvailles de la France et du Rwanda ont eu lieu à l’occasion d’un salon consacré aux jeunes pousses de l’économie. Plus prosaïquement, en léninistes qui s’ignorent, les chantres de l’émergence africaine imaginent compenser les tendances lourdes au ralentissement de nos économies par la recherche de débouchés exotiques.
des dépenses. Le service de la dette s’envole.
L’industrialisation ne progresse guère et certains Etats sont au contraire frappés par une désindustrialisation précoce. Les rendements agricoles stagnent ou régressent. Les anciennes filières d’excellence (café, caoutchouc, coton, palmier à huile…) sont marginalisées sur les marchés internationaux. Cette crise africaine n’est donc pas comparable à la crise asiatique de la fin des années 1990, d’origine largement financière et ne reflétant pas le défaut d’évolution structurelle des économies.
PAR FRANÇOIS GIOVALUCCHI - Le monde du 29/08/2018
Pour le chercheur François Giovalucchi, le discours sur l’avenir radieux du continent, très en vogue à Paris, entre en résonance avec la pensée néolibérale.
Temps de lecture : 6 min
Tribune. « L’Afrique émerge ! » Au fil d’ouvrages destinés au grand public, de rapports administratifs, d’études de think tanks et d’interviews de faiseurs d’opinion, un raisonnement simple et globalisant s’est diffusé, sans les précautions et réserves qui parsèment le discours des annonciateurs les plus subtils de l’émergence. Une vulgate assimilée par de nombreux décideurs, des chefs d’entreprise aux gouvernants, sous le regard au mieux sceptique mais le plus souvent amusé, voire consterné, des gens de terrain et des africanistes.
Ce storytelling peut ainsi se résumer : l’Afrique connaît une croissance soutenue ; selon la vieille rhétorique administrative, sa population jeune et croissante est un défi, mais avant tout une chance ; la technologie, où ses entrepreneurs excellent, lui permettra de brûler les étapes du développement ; des classes moyennes émergent et se ruent dans les centres commerciaux. L’Afrique constitue donc la nouvelle frontière de l’économie mondiale.
On se plaît ainsi à rêver d’un start-up continent comme on rêve d’une start-up nation : les récentes retrouvailles de la France et du Rwanda ont eu lieu à l’occasion d’un salon consacré aux jeunes pousses de l’économie. Plus prosaïquement, en léninistes qui s’ignorent, les chantres de l’émergence africaine imaginent compenser les tendances lourdes au ralentissement de nos économies par la recherche de débouchés exotiques.
des dépenses. Le service de la dette s’envole.
L’industrialisation ne progresse guère et certains Etats sont au contraire frappés par une désindustrialisation précoce. Les rendements agricoles stagnent ou régressent. Les anciennes filières d’excellence (café, caoutchouc, coton, palmier à huile…) sont marginalisées sur les marchés internationaux. Cette crise africaine n’est donc pas comparable à la crise asiatique de la fin des années 1990, d’origine largement financière et ne reflétant pas le défaut d’évolution structurelle des économies.
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