Un remake de 2014 en cours: l’Algérie hors du temps (et le peuple hors champ... )
huffpost maghreb - 18 Janvier 2019 - par Saïd Djaafer
Une élection présidentielle normale dans un pays normal avec une vie politique correcte est un moment important dans la vie d’un pays.
Dans un pays normal, le débat politique n’aurait pas attendu quelques mois avant la tenue des élections pour se faire et les candidats potentiels auraient eu le temps d’émerger et de se faire connaître. A chaque échéance, le pays aurait un peu plus progressé pour s’occuper de problèmes nouveaux grâce à un débat politique soutenu, à l’action des militants de tous les horizons et à l’implication des citoyens.
Dans un pays normal, les élections sont des moments d’une dynamique vertueuse, de changements pacifiques et d’une revitalisation des institutions.
Ce n’est pas le cas en Algérie où l’obsession du pouvoir de tout contrôler et d’empêcher les Algériens d’accéder à l’âge de la politique.
L’élection présidentielle, toujours “fermée”, est un moment de détresse citoyenne en Algérie, celui où l’on prend, une fois de plus; la mesure que les jeux sont déjà fait ailleurs.
Les Algériens sont convoqués aux urnes le 18 avril 2019 dans un remake, encore plus surréaliste, de la présidentielle de 2014. C’était le 17 avril 2014 et elles débouchaient, pour le pays et ses citoyens, sur un 18 rue de l’impasse. Le pays et son État ne sont plus au temps du monde, ils sont au temps de Bouteflika, de sa santé et de son espérance de vie. Ses ressources ou ce qui en reste sont au service de cette mise en suspension du pays à la fin de vie d’un homme.
Cela est, hélas, symptomatique, de l’interminable agonie du régime mis en place par la bifurcation 1962.
Ce régime n’a plus de ressort pour imposer un peu de rationalité et ses acteurs, qui peuvent être intelligents en privé, sont littéralement paralysés à l’idée de penser, réfléchir, se projeter.
Certains tentent de (se) rassurer en suggérant que le régime ne fait qu’accompagner Bouteflika vers une sortie en poste et qu’il y a une réflexion sur “l’après”. Mais au vu de l’état des institutions et d’un champ politique transformé en makhzen, on peut légitimement en douter.
Les projections en matière économique sont inquiétantes et 2021 pourrait être celui du grand choc.
Et la mise en hibernation politique du pays depuis 1992 n’y prépare pas alors que les mécontentements s’accumulent et que le pays continue de perdre sa sève.
Et il est clair que ce n’est pas le subterfuge proposé par Abderrezak Makri qui pouvait éviter aux Algériens, au-delà du spectacle que nous offrons d’un pays d’une “stabilité” morbide, la fuite en avant du pouvoir.
Le plus grand tort que cette gestion autoritaire, même si elle a permis de la redistribution, est que le régime va encore dégoûter encore plus le peu d’Algériens qui faisaient l’effort de s’intéresser à la politique. L’espace-nation est encore plus obstrué que jamais par un régime qui fait semblant d’inviter les Algériens à faire semblant de jouer à la démocratie pendant deux mois en cinq ans.
Cette présidence jusqu’à fin de vie -car c’est de cela dont il est question et non d’une élection- est l’illustration que le régime ne peut rien imaginer hormis la perpétuation du statu quo.
Et depuis 2000, nous avons la preuve que ce n’est pas faute de ressources financières, mais en raison de ressources financières que les tenants du pouvoir figent dangereusement le pays hors du temps en rappelant régulièrement les drames et les peurs des années 90 et en invoquant des menaces extérieures et des présumés complots printaniers.
C’est pourtant ce terrible aveuglement du pouvoir qui mine, plus gravement que les complots ourdis, les fondements du pays. Cette mise en hibernation du pays ne fabrique rien de positif, elle provoque les replis et des divisions stériles -dont les réseaux sociaux sont le miroir- alors que plus que jamais l’Algérie a besoin d’une implication civique de ses enfants. Il faudra aux Algériens puiser au plus profond d’eux-mêmes pour garder l’espoir qu’il puisse y avoir des sorties vertueuses qui nous éviteraient les coûts monstrueux de l’aveuglement au pouvoir.
Par Said Jaafer - 18 Jan 2019 -- Huffpost maghreb
huffpost maghreb - 18 Janvier 2019 - par Saïd Djaafer
Une élection présidentielle normale dans un pays normal avec une vie politique correcte est un moment important dans la vie d’un pays.
- Elle est l’occasion de la défense d’un bilan de la part d’un président sortant et de son équipe face à des opposants (et leurs équipes) et de la présentation d’un programme pour le mandat à venir.
- Elle est, pour les candidats d’opposition (et leurs équipes) une opportunité de faire, eux aussi, un bilan et de proposer un autre programme.
Dans un pays normal, le débat politique n’aurait pas attendu quelques mois avant la tenue des élections pour se faire et les candidats potentiels auraient eu le temps d’émerger et de se faire connaître. A chaque échéance, le pays aurait un peu plus progressé pour s’occuper de problèmes nouveaux grâce à un débat politique soutenu, à l’action des militants de tous les horizons et à l’implication des citoyens.
Dans un pays normal, les élections sont des moments d’une dynamique vertueuse, de changements pacifiques et d’une revitalisation des institutions.
Ce n’est pas le cas en Algérie où l’obsession du pouvoir de tout contrôler et d’empêcher les Algériens d’accéder à l’âge de la politique.
L’élection présidentielle, toujours “fermée”, est un moment de détresse citoyenne en Algérie, celui où l’on prend, une fois de plus; la mesure que les jeux sont déjà fait ailleurs.
Les Algériens sont convoqués aux urnes le 18 avril 2019 dans un remake, encore plus surréaliste, de la présidentielle de 2014. C’était le 17 avril 2014 et elles débouchaient, pour le pays et ses citoyens, sur un 18 rue de l’impasse. Le pays et son État ne sont plus au temps du monde, ils sont au temps de Bouteflika, de sa santé et de son espérance de vie. Ses ressources ou ce qui en reste sont au service de cette mise en suspension du pays à la fin de vie d’un homme.
Cela est, hélas, symptomatique, de l’interminable agonie du régime mis en place par la bifurcation 1962.
Ce régime n’a plus de ressort pour imposer un peu de rationalité et ses acteurs, qui peuvent être intelligents en privé, sont littéralement paralysés à l’idée de penser, réfléchir, se projeter.
Certains tentent de (se) rassurer en suggérant que le régime ne fait qu’accompagner Bouteflika vers une sortie en poste et qu’il y a une réflexion sur “l’après”. Mais au vu de l’état des institutions et d’un champ politique transformé en makhzen, on peut légitimement en douter.
Les projections en matière économique sont inquiétantes et 2021 pourrait être celui du grand choc.
Et la mise en hibernation politique du pays depuis 1992 n’y prépare pas alors que les mécontentements s’accumulent et que le pays continue de perdre sa sève.
Et il est clair que ce n’est pas le subterfuge proposé par Abderrezak Makri qui pouvait éviter aux Algériens, au-delà du spectacle que nous offrons d’un pays d’une “stabilité” morbide, la fuite en avant du pouvoir.
Le plus grand tort que cette gestion autoritaire, même si elle a permis de la redistribution, est que le régime va encore dégoûter encore plus le peu d’Algériens qui faisaient l’effort de s’intéresser à la politique. L’espace-nation est encore plus obstrué que jamais par un régime qui fait semblant d’inviter les Algériens à faire semblant de jouer à la démocratie pendant deux mois en cinq ans.
Cette présidence jusqu’à fin de vie -car c’est de cela dont il est question et non d’une élection- est l’illustration que le régime ne peut rien imaginer hormis la perpétuation du statu quo.
Et depuis 2000, nous avons la preuve que ce n’est pas faute de ressources financières, mais en raison de ressources financières que les tenants du pouvoir figent dangereusement le pays hors du temps en rappelant régulièrement les drames et les peurs des années 90 et en invoquant des menaces extérieures et des présumés complots printaniers.
C’est pourtant ce terrible aveuglement du pouvoir qui mine, plus gravement que les complots ourdis, les fondements du pays. Cette mise en hibernation du pays ne fabrique rien de positif, elle provoque les replis et des divisions stériles -dont les réseaux sociaux sont le miroir- alors que plus que jamais l’Algérie a besoin d’une implication civique de ses enfants. Il faudra aux Algériens puiser au plus profond d’eux-mêmes pour garder l’espoir qu’il puisse y avoir des sorties vertueuses qui nous éviteraient les coûts monstrueux de l’aveuglement au pouvoir.
Par Said Jaafer - 18 Jan 2019 -- Huffpost maghreb

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