Mourad Benachenhou
Entre le coup d'Etat militaire qui a mis fin, en 1909, sous le leadership de Enver Pacha, au règne despotique du Sultan Abdelhamid, et la naissance d'un système politique démocratique, dans le sens plein du terme, il a fallu que la Turquie moderne passe par plusieurs épreuves sanglantes, d'une série de guerres dans les Balkans et en Libye, en passant par les dures batailles pour la défense de son territoire au cours du premier conflit mondial, sans compter le combat pour la survie du peuple turc contre une agression multinationale, sans oublier de multiples tentatives d'abandonner le pouvoir aux civils, tentatives qui se sont terminés par le retour forcé de l'Armée à la tête de l'Etat. Finalement la société turque a atteint le stade où les institutions partisanes furent capables de prendre en charge les rênes du pays et de le faire évoluer tant politiquement qu'économiquement, culturellement et socialement. Le gouvernement d'Ordogan, quelles que soient les critiques qui lui sont adressées, a permis au pays de continuer son avancée et de consolider la société civile, et ceux qui lui reprochent ses tendances totalitaires oublient que la Turquie a connu dans le passé récent, mais encore présent dans les mémoires du peuple turc, des périodes de grande violence et de répression sauvage de la dissidence politique, et qu'elle se trouve dans un environnement géo-stratégique particulièrement menaçant, maintenu en ébullition permanente par des interventions armées extérieures, visibles ou clandestines.
▬ On ne Change pas de système politique par décret
Ce rappel n'a pas pour objet de faire connaitre l'histoire contemporaine de la Turquie, mais seulement de rappeler que les changements politiques sont des phénomènes complexes, qui ne demandent pas seulement la rénovation mécanique des institutions, la diffusion de nouvelles valeurs sociales, le rajeunissement de la classe politique, mais des bouleversements sociaux qui ne peuvent pas s'obtenir sans souffrances et sans luttes, sans ruptures avec les pratiques passées. Ces changements doivent impliquer toute la société, et cela ne s'effectue par décret, ou par des vœux pieux, ni même par des slogans, si porteurs soient-ils.
▬ Le peuple algérien a atteint la maturité politique
Le peuple algérien montre qu'il a atteint, malgré les tentatives de lui faire répéter son histoire, un niveau d'évolution qui demande un système politique en rupture totale avec le régime politique patrimonial qui a dominé la scène politique depuis l'indépendance. Les manifestations sont à la fois la révélation d'une volonté unanime de mettre fin à ce régime, mais également l'indicateur de la capacité du peuple à porter à fruit-ion ce projet politique.
• Les manifestants n'ont, certes, pas de porte-paroles officiels, ou de leaders désignés pour porter leurs revendications aux détenteurs du pouvoir. Ils n'en sont pas moins représentatifs des espoirs profonds du peuple algérien, dans toutes ses composantes.
▬ On continue à minimiser la signification et la profondeur du mouvement populaire
On ne peut pas ignorer leurs revendications, sous prétexte que, pour les exprimer avec clarté et concision, il n'y a pas un groupe représentatif nominalement désigné, ou une institution spécifiquement établie pour à la fois incarner et porter leur voix.
• Ignorer le peuple en marche, ou traiter ses manifestations comme de simples coups de colère passagère risquent de conduire le pays à des situations autrement plus compliquées que celle par laquelle il passe actuellement. Ces manifestations révèlent un bouleversement dans le climat politique du pays, qui a la volonté et la capacité de dépasser la phase de l'histoire de l'Algérie comme patrimoine d'un petit groupe au sommet de la hiérarchie politique.
• Les dirigeants actuels ne semblent pas avoir encore saisi l'ampleur du mouvement et son profond enracinement dans la société algérienne. Ils continuent à le traiter comme une fièvre passagère qui peut être estompée par les manœuvres dilatoires, et les remèdes dépassés de changement de personnel politique au sommet, sans modification dans le système.
▬ Les vieilles recettes de survie du système sont dépassées
La politique de survie, qui a caractérisé le système politique actuel, depuis sa création à l'Indépendance, a perdu de son efficacité. Pousser au devant de la scène des « jeunes, » recycler au sommet du pouvoir des chevaux de retour, serviteurs fidèles déçus d'avoir été éloignés du mangeoire politique, introduire quelques aménagements cosmétiques dans la gouvernance pour remédier aux dérives prédatrices des vingt années passées, lancer une opération d'épuration parmi les « profiteurs du système, » et autres ruses maintes fois utilisées au cours de ce demi siècle et plus, n'auront aucun effet sur l'élan populaire et ne calmeront pas le vent de changement qui souffle sur le pays.
• Tenter de faire porter le débat sur le terrain juridique en insistant sur la nécessité de respecter une Constitution, qui n'a jamais reçu l'aval du peuple, et a été imposée par un jeu institutionnel entièrement dominé par l'ancien chef d'état, ne peut qu'enfoncer le pays dans une impasse, car le peuple n'est pas sorti dans la rue pour forcer les autorités à revenir à une légalité constitutionnelle qu'il rejette totalement, et à laquelle il n'est pas intéressé du tout. Le peuple demande le changement, et on lui offre, comme réponse à ses revendications clairement exprimées, de retourner à un texte qu'il ne reconnait pas, parce qu'il ne s'y reconnait pas.
▬ Un formalisme constitutionnaliste de mauvaise foi
Certains sont pris d'un brusque et inattendu accès de légalisme et s'abritent derrière un formalisme qu'ils n'ont jamais embrassé, en s'accrochant à la solution de suivre à la lettre l'article de la Constitution établissant le processus de succession à un président défaillant. Certains des partisans de ce légalisme à géométrie variable soulèvent l'éventualité d'une réaction négative des puissances étrangères, qui pourraient être choquées par les éventuelles violations de cette Constitution.
• Cette appréhension des réactions étrangères parait particulièrement hors de propos pour des dirigeants qui se sont toujours targués d'en faire à leur tête lorsqu'il s'agit de gérer le pays, et de refuser toutes pressions étrangères tentant d'intervenir, sous une forme ou une autre, dans les affaires intérieures du pays. Cette appréhension n'a rien de sincère et apparaît comme une tentative de bloquer le débat sur des solutions qui prendraient acte de la déliquescence des « institutions représentatives » et autres mises en place au cours de ces vingt années et entièrement dominées par l'ex président.
▬ Des institutions totalement dévalorisées et reflet d'un Etat déchu et sans moralité civique
Ces institutions, quel que soit leur nom, leur domaine d'intervention, leur composition et le mode de choix de leurs membres sont tellement décriées et décrédibilisées qu'il serait invraisemblable que le peuple algérien exige qu'elles soient préservées sous le prétexte que leur dissolution représenterait une violation de la Constitution.
• On vise par là les deux chambres du Parlement algérien, le Conseil Constitutionnel et le faux parti politique créé, de nuit, par les « décideurs » de l'époque pour pallier à la défection du FLN . Le RND, puisque c'est de lui qu'il s'agit est devenu obsolescent, d'autant qu'il a été incapable de constituer une alternative à un parti qui, malgré ses déviations actuelles, a une présence historique difficile à effacer.
▬ Dans le désert politique imposé par Bouteflika, une seule force encore entière : le commandement militaire
• Il est vrai que, dans le contexte actuel, la seule force présente sur la scène politique, et la dominant, reste le commandement militaire.
• Il est impossible de faire croire que, sans le soutien du commandement militaire, le gouvernement, composé de personnes sans racines populaires, composé exclusivement ou presque de fonctionnaires de carrières aux convictions politiques inconnues, s'ils en ont eu jamais, le présent détenteur du poste de chef d'état intérimaire, pourraient continuer à exercer leurs mandats, quels que soient celui ou ceux qui les leur ont donnés.
• On pourrait difficilement croire que les autres institutions «étatiques, » pourraient continuer à siéger sans l'assentiment du commandement militaire. L'armée est une institution d'état permanente et indispensable à la continuation de l'Etat dans toutes les circonstances et dans tous les régimes politiques.
Entre le coup d'Etat militaire qui a mis fin, en 1909, sous le leadership de Enver Pacha, au règne despotique du Sultan Abdelhamid, et la naissance d'un système politique démocratique, dans le sens plein du terme, il a fallu que la Turquie moderne passe par plusieurs épreuves sanglantes, d'une série de guerres dans les Balkans et en Libye, en passant par les dures batailles pour la défense de son territoire au cours du premier conflit mondial, sans compter le combat pour la survie du peuple turc contre une agression multinationale, sans oublier de multiples tentatives d'abandonner le pouvoir aux civils, tentatives qui se sont terminés par le retour forcé de l'Armée à la tête de l'Etat. Finalement la société turque a atteint le stade où les institutions partisanes furent capables de prendre en charge les rênes du pays et de le faire évoluer tant politiquement qu'économiquement, culturellement et socialement. Le gouvernement d'Ordogan, quelles que soient les critiques qui lui sont adressées, a permis au pays de continuer son avancée et de consolider la société civile, et ceux qui lui reprochent ses tendances totalitaires oublient que la Turquie a connu dans le passé récent, mais encore présent dans les mémoires du peuple turc, des périodes de grande violence et de répression sauvage de la dissidence politique, et qu'elle se trouve dans un environnement géo-stratégique particulièrement menaçant, maintenu en ébullition permanente par des interventions armées extérieures, visibles ou clandestines.
▬ On ne Change pas de système politique par décret
Ce rappel n'a pas pour objet de faire connaitre l'histoire contemporaine de la Turquie, mais seulement de rappeler que les changements politiques sont des phénomènes complexes, qui ne demandent pas seulement la rénovation mécanique des institutions, la diffusion de nouvelles valeurs sociales, le rajeunissement de la classe politique, mais des bouleversements sociaux qui ne peuvent pas s'obtenir sans souffrances et sans luttes, sans ruptures avec les pratiques passées. Ces changements doivent impliquer toute la société, et cela ne s'effectue par décret, ou par des vœux pieux, ni même par des slogans, si porteurs soient-ils.
▬ Le peuple algérien a atteint la maturité politique
Le peuple algérien montre qu'il a atteint, malgré les tentatives de lui faire répéter son histoire, un niveau d'évolution qui demande un système politique en rupture totale avec le régime politique patrimonial qui a dominé la scène politique depuis l'indépendance. Les manifestations sont à la fois la révélation d'une volonté unanime de mettre fin à ce régime, mais également l'indicateur de la capacité du peuple à porter à fruit-ion ce projet politique.
• Les manifestants n'ont, certes, pas de porte-paroles officiels, ou de leaders désignés pour porter leurs revendications aux détenteurs du pouvoir. Ils n'en sont pas moins représentatifs des espoirs profonds du peuple algérien, dans toutes ses composantes.
▬ On continue à minimiser la signification et la profondeur du mouvement populaire
On ne peut pas ignorer leurs revendications, sous prétexte que, pour les exprimer avec clarté et concision, il n'y a pas un groupe représentatif nominalement désigné, ou une institution spécifiquement établie pour à la fois incarner et porter leur voix.
• Ignorer le peuple en marche, ou traiter ses manifestations comme de simples coups de colère passagère risquent de conduire le pays à des situations autrement plus compliquées que celle par laquelle il passe actuellement. Ces manifestations révèlent un bouleversement dans le climat politique du pays, qui a la volonté et la capacité de dépasser la phase de l'histoire de l'Algérie comme patrimoine d'un petit groupe au sommet de la hiérarchie politique.
• Les dirigeants actuels ne semblent pas avoir encore saisi l'ampleur du mouvement et son profond enracinement dans la société algérienne. Ils continuent à le traiter comme une fièvre passagère qui peut être estompée par les manœuvres dilatoires, et les remèdes dépassés de changement de personnel politique au sommet, sans modification dans le système.
▬ Les vieilles recettes de survie du système sont dépassées
La politique de survie, qui a caractérisé le système politique actuel, depuis sa création à l'Indépendance, a perdu de son efficacité. Pousser au devant de la scène des « jeunes, » recycler au sommet du pouvoir des chevaux de retour, serviteurs fidèles déçus d'avoir été éloignés du mangeoire politique, introduire quelques aménagements cosmétiques dans la gouvernance pour remédier aux dérives prédatrices des vingt années passées, lancer une opération d'épuration parmi les « profiteurs du système, » et autres ruses maintes fois utilisées au cours de ce demi siècle et plus, n'auront aucun effet sur l'élan populaire et ne calmeront pas le vent de changement qui souffle sur le pays.
• Tenter de faire porter le débat sur le terrain juridique en insistant sur la nécessité de respecter une Constitution, qui n'a jamais reçu l'aval du peuple, et a été imposée par un jeu institutionnel entièrement dominé par l'ancien chef d'état, ne peut qu'enfoncer le pays dans une impasse, car le peuple n'est pas sorti dans la rue pour forcer les autorités à revenir à une légalité constitutionnelle qu'il rejette totalement, et à laquelle il n'est pas intéressé du tout. Le peuple demande le changement, et on lui offre, comme réponse à ses revendications clairement exprimées, de retourner à un texte qu'il ne reconnait pas, parce qu'il ne s'y reconnait pas.
▬ Un formalisme constitutionnaliste de mauvaise foi
Certains sont pris d'un brusque et inattendu accès de légalisme et s'abritent derrière un formalisme qu'ils n'ont jamais embrassé, en s'accrochant à la solution de suivre à la lettre l'article de la Constitution établissant le processus de succession à un président défaillant. Certains des partisans de ce légalisme à géométrie variable soulèvent l'éventualité d'une réaction négative des puissances étrangères, qui pourraient être choquées par les éventuelles violations de cette Constitution.
• Cette appréhension des réactions étrangères parait particulièrement hors de propos pour des dirigeants qui se sont toujours targués d'en faire à leur tête lorsqu'il s'agit de gérer le pays, et de refuser toutes pressions étrangères tentant d'intervenir, sous une forme ou une autre, dans les affaires intérieures du pays. Cette appréhension n'a rien de sincère et apparaît comme une tentative de bloquer le débat sur des solutions qui prendraient acte de la déliquescence des « institutions représentatives » et autres mises en place au cours de ces vingt années et entièrement dominées par l'ex président.
▬ Des institutions totalement dévalorisées et reflet d'un Etat déchu et sans moralité civique
Ces institutions, quel que soit leur nom, leur domaine d'intervention, leur composition et le mode de choix de leurs membres sont tellement décriées et décrédibilisées qu'il serait invraisemblable que le peuple algérien exige qu'elles soient préservées sous le prétexte que leur dissolution représenterait une violation de la Constitution.
• On vise par là les deux chambres du Parlement algérien, le Conseil Constitutionnel et le faux parti politique créé, de nuit, par les « décideurs » de l'époque pour pallier à la défection du FLN . Le RND, puisque c'est de lui qu'il s'agit est devenu obsolescent, d'autant qu'il a été incapable de constituer une alternative à un parti qui, malgré ses déviations actuelles, a une présence historique difficile à effacer.
▬ Dans le désert politique imposé par Bouteflika, une seule force encore entière : le commandement militaire
• Il est vrai que, dans le contexte actuel, la seule force présente sur la scène politique, et la dominant, reste le commandement militaire.
• Il est impossible de faire croire que, sans le soutien du commandement militaire, le gouvernement, composé de personnes sans racines populaires, composé exclusivement ou presque de fonctionnaires de carrières aux convictions politiques inconnues, s'ils en ont eu jamais, le présent détenteur du poste de chef d'état intérimaire, pourraient continuer à exercer leurs mandats, quels que soient celui ou ceux qui les leur ont donnés.
• On pourrait difficilement croire que les autres institutions «étatiques, » pourraient continuer à siéger sans l'assentiment du commandement militaire. L'armée est une institution d'état permanente et indispensable à la continuation de l'Etat dans toutes les circonstances et dans tous les régimes politiques.
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