Ils sont très actifs, et même très inventifs en matière de communication sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube où leurs vidéos font sensation. Leurs blogs accueillent des milliers voire des millions de visiteurs à chaque fois qu’ils interviennent.
Ils sont devenus les porte-voix patentés d’une opposition politique incisive mais «virtuelle» qui, exit la langue de bois et les nuances diplomatiques, ne prend pas de gants pour dire les choses crûment. Certains n’hésitent pas à aller jusqu’à les qualifier de bête noire du régime.
Pour cause, c’est en soumettant ce dernier au feu nourri d’une critique permanente qu’ils ont réussi à capter l’attention. Virulents, sarcastiques et parfois détenteurs d’informations de première main, ils ne lui font aucune concession en s’attaquant à ses manifestations les plus sordides : la corruption, la hogra, l’injustice, l’abus de pouvoir, les atteintes flagrantes aux libertés.
Dans le sillage du hirak qui leur a donné une raison de vivre, ils ont trouvé matière à leurs offensives, un terrain idéal pour s’exprimer et se faire valoir. Ils sont donc au cœur d’une actualité brûlante.
«Ils», ce sont tous ces facebookers qui, à partir de l’étranger (France, Angleterre) où ils ont élu refuge, donnent du fil à retordre à nos dirigeants, les bousculant dans leur confort bureaucratique en dénonçant, souvent avec des arguments indestructibles, leurs mensonges et leurs pratiques despotiques. En leur compagnie, le hirak a énormément gagné en amplitude et en audience, trouvant en eux d’intransigeants défenseurs de sa cause.
Ils sont, à ce titre, le contrepoids médiatique offensif et nécessaire qui agit comme un électron libre et contre lequel le système algérien a toutes les peines du monde à trouver les bonnes parades pour les neutraliser. Bloggeurs, lanceurs d’alerte, influenceurs, quelle que soit l’appellation qu’on leur donne, ils se sont essaimés individuellement et parfois en groupe sur la Toile, chacun avec son style, chacun avec sa personnalité, chacun avec sa méthode de transmission, l’essentiel étant de trouver les mots justes et les formules chocs pour sensibiliser l’opinion.
S’ils sont nombreux à investir ce petit espace privilégié de la vidéo personnelle qui est tellement accessible sur simple clic, mais qui fait parfois chez l’adversaire des dégâts quand la critique est orageuse et bien structurée, seules quelques «têtes» ont réussi à émerger du lot avant de devenir des pôles d’opposition et de réflexion incontournables en mesure de fidéliser un large public grâce aux confidences et aux analyses pointues qu’ils délivrent sur les pontes du régime militaire.
On compte dans cette optique à peu près six influenceurs qui, sans se faire de la concurrence, sont arrivés à se forger une réputation de «justiciers médiatiques» croyant fermement en leurs intrépides capacités oratoires de pouvoir influer sur le cours des événements.
En d’autres termes, plus que des lanceurs d’alerte pour mettre en garde les citoyens algériens et l’opinion internationale contre les dérives du sérail, ces derniers ont le sentiment de se poser comme les jalons d’un contre-pouvoir réactif qui se donne comme objectif de combattre sans relâche les imposteurs, même s’il s’exerce dans la dissidence de l’exil, et qui finira par aboutir.
Celui qui se donne le plus ce rôle d’agitateur des consciences et dans lequel il s’investit sans compter est certainement Saïd Bensedira dont la production en vidéos s’avère parmi les plus prolifiques et les plus constantes.
Se réclamant de la corporation des journalistes qui a été forcé à l’exil il y a six ou sept ans en raison de son engagement politique anti-pouvoir, ce bloggeur fait un tabac à chacune de ses sorties sur le web chez ses admirateurs avec une recette percutante : pas de langue de bois, attaques frontales contre les barons gradés, et surtout de présumés scoops sur les scandales de malversations qu’il dit détenir à partir de sources sûres émanant de l’intérieur même du sérail.
Bensedira visiblement maîtrise parfaitement l’art de la communication en livrant d’abord des informations précieuses sur les personnes impliquées dans les affaires de corruption, et en jouant ensuite habilement sur les émotions de son public. Avec lui, beaucoup pensent apprendre des choses qui relevaient jusque-là du secret d’Etat. D’autant que ce lanceur d’alerte qui prend très au sérieux son rôle de redresseur des torts allant jusqu’à menacer de tordre le cou à tous ceux qui ont tendance à «glisser», affirme n’agir que dans l’intérêt du pays en traquant la mauvaise graine.
Le Pouvoir n’est jamais resté passif devant ses attaques répétées qu’il considère évidemment comme diffamatoires. La riposte a été de le décrédibiliser en permanence devant l’opinion en le présentant tantôt comme un ex-agent du DRS, tantôt comme un «traître» à la solde des services étrangers dont le Mossad.
Mais la réplique la plus efficace aura été de le «déloger» de la Toile en agissant sur la fermeture de ses pages dans les réseaux sociaux. Aux dernières nouvelles, Bensedira serait sérieusement en difficulté en voyant ses espaces d’expression se refermer un à un. La technique de «salir» l’image des opposants politiques en exil est vieille comme le monde et n’épargne personne.
L’ancien diplomate qui avait fait une brève carrière à Tripoli, en Libye, Mohamed Larbi Zeitout, l’a appris lui aussi à ses dépens depuis qu’il s’est mis à ouvrir les hostilités frontales contre les gouvernants à partir des médias électroniques.
D’obédience islamiste qui a frayé à l’époque avec le FIS en étant considéré comme une de ses têtes pensantes, il passe pour être un influenceur qui s’exerce à démanteler, avec des analyses de niveau, les grosses dérives politiques du système. Il défend aujourd’hui les principes sacrés de la démocratie et des libertés après avoir longtemps milité pour un État théocratique. Sur le web, il se range du côté du hirak mais sa personnalité reste très controversée.
A son opposé, Ilyas Rahmani, ancien haut officier de l’ANP et fondateur du parti Front des forces vives à Paris, donne l’image d’un opposant qui inspire plus la confiance de ses fans. L’homme semble lui aussi très bien introduit dans les méandres du sérail et se manifeste par une virulence inouie dans ses critiques du système et des hommes qui l’animent.
Il a particulièrement ciblé les candidats à la présidentielle pour leur «forfaiture» et demeure au service du hirak, avec lequel il a tissé un lien moral. Plus excentrique est Amir DZ, ce jeune dont le vrai nom est Boukhers qui attire du monde par ses interventions frondeuses et qui ne fait pas lui aussi dans la dentelle.
Exilé à Paris, il est traité par le pouvoir de «produit des laboratoires français», ce qui ne semble pas le déranger outre mesure. Il est en tout cas très suivi, même si ses «révélations» sont souvent tirées par les cheveux.
On a par ailleurs l’ancien chroniqueur d’Al Magharibia, et ex-candidat à l’élection présidentielle anté-hirak, Ghani Mahdi qui obtient un franc succès d’estime sur son site en tentant cette aventure médiatique. Calme et pondéré, le jeune bloggeur essaye surtout avec beaucoup de réalisme de réveiller les consciences sur les méfaits de la «bande» et comment les combattre.
Enfin, le plus impulsif de la liste reste sûrement l’ancien officier des services, Aboud Hichem, qui développe une offensive impartiale contre les corrompus et les corrupteurs de tout bord.
Journaliste, Aboud a créé sa chaîne télé Amel TV avec laquelle il a porté de foudroyants coups de boutoir aux dirigeant actuels. Le retour de manivelle a été sans appel : la chaîne a été arrêtée par le Pouvoir avec la complicité des autorités françaises.
Son ancien collaborateur, Abdou Semmar, aurait pu figurer dans ce «ghota» des influenceurs crédibles si sa grave accointance avec Tahkout n’avait pas été diffusée par les services. Un journaliste qui reçoit ses ordres d’un oligarque, c’est plutôt désastreux. Cela ne pardonne pas, les Algériens ne lui font plus confiance.
A. Merad
El Watan - date : 28-11-2019
Ils sont devenus les porte-voix patentés d’une opposition politique incisive mais «virtuelle» qui, exit la langue de bois et les nuances diplomatiques, ne prend pas de gants pour dire les choses crûment. Certains n’hésitent pas à aller jusqu’à les qualifier de bête noire du régime.
Pour cause, c’est en soumettant ce dernier au feu nourri d’une critique permanente qu’ils ont réussi à capter l’attention. Virulents, sarcastiques et parfois détenteurs d’informations de première main, ils ne lui font aucune concession en s’attaquant à ses manifestations les plus sordides : la corruption, la hogra, l’injustice, l’abus de pouvoir, les atteintes flagrantes aux libertés.
Dans le sillage du hirak qui leur a donné une raison de vivre, ils ont trouvé matière à leurs offensives, un terrain idéal pour s’exprimer et se faire valoir. Ils sont donc au cœur d’une actualité brûlante.
«Ils», ce sont tous ces facebookers qui, à partir de l’étranger (France, Angleterre) où ils ont élu refuge, donnent du fil à retordre à nos dirigeants, les bousculant dans leur confort bureaucratique en dénonçant, souvent avec des arguments indestructibles, leurs mensonges et leurs pratiques despotiques. En leur compagnie, le hirak a énormément gagné en amplitude et en audience, trouvant en eux d’intransigeants défenseurs de sa cause.
Ils sont, à ce titre, le contrepoids médiatique offensif et nécessaire qui agit comme un électron libre et contre lequel le système algérien a toutes les peines du monde à trouver les bonnes parades pour les neutraliser. Bloggeurs, lanceurs d’alerte, influenceurs, quelle que soit l’appellation qu’on leur donne, ils se sont essaimés individuellement et parfois en groupe sur la Toile, chacun avec son style, chacun avec sa personnalité, chacun avec sa méthode de transmission, l’essentiel étant de trouver les mots justes et les formules chocs pour sensibiliser l’opinion.
S’ils sont nombreux à investir ce petit espace privilégié de la vidéo personnelle qui est tellement accessible sur simple clic, mais qui fait parfois chez l’adversaire des dégâts quand la critique est orageuse et bien structurée, seules quelques «têtes» ont réussi à émerger du lot avant de devenir des pôles d’opposition et de réflexion incontournables en mesure de fidéliser un large public grâce aux confidences et aux analyses pointues qu’ils délivrent sur les pontes du régime militaire.
On compte dans cette optique à peu près six influenceurs qui, sans se faire de la concurrence, sont arrivés à se forger une réputation de «justiciers médiatiques» croyant fermement en leurs intrépides capacités oratoires de pouvoir influer sur le cours des événements.
En d’autres termes, plus que des lanceurs d’alerte pour mettre en garde les citoyens algériens et l’opinion internationale contre les dérives du sérail, ces derniers ont le sentiment de se poser comme les jalons d’un contre-pouvoir réactif qui se donne comme objectif de combattre sans relâche les imposteurs, même s’il s’exerce dans la dissidence de l’exil, et qui finira par aboutir.
Celui qui se donne le plus ce rôle d’agitateur des consciences et dans lequel il s’investit sans compter est certainement Saïd Bensedira dont la production en vidéos s’avère parmi les plus prolifiques et les plus constantes.
Se réclamant de la corporation des journalistes qui a été forcé à l’exil il y a six ou sept ans en raison de son engagement politique anti-pouvoir, ce bloggeur fait un tabac à chacune de ses sorties sur le web chez ses admirateurs avec une recette percutante : pas de langue de bois, attaques frontales contre les barons gradés, et surtout de présumés scoops sur les scandales de malversations qu’il dit détenir à partir de sources sûres émanant de l’intérieur même du sérail.
Bensedira visiblement maîtrise parfaitement l’art de la communication en livrant d’abord des informations précieuses sur les personnes impliquées dans les affaires de corruption, et en jouant ensuite habilement sur les émotions de son public. Avec lui, beaucoup pensent apprendre des choses qui relevaient jusque-là du secret d’Etat. D’autant que ce lanceur d’alerte qui prend très au sérieux son rôle de redresseur des torts allant jusqu’à menacer de tordre le cou à tous ceux qui ont tendance à «glisser», affirme n’agir que dans l’intérêt du pays en traquant la mauvaise graine.
Le Pouvoir n’est jamais resté passif devant ses attaques répétées qu’il considère évidemment comme diffamatoires. La riposte a été de le décrédibiliser en permanence devant l’opinion en le présentant tantôt comme un ex-agent du DRS, tantôt comme un «traître» à la solde des services étrangers dont le Mossad.
Mais la réplique la plus efficace aura été de le «déloger» de la Toile en agissant sur la fermeture de ses pages dans les réseaux sociaux. Aux dernières nouvelles, Bensedira serait sérieusement en difficulté en voyant ses espaces d’expression se refermer un à un. La technique de «salir» l’image des opposants politiques en exil est vieille comme le monde et n’épargne personne.
L’ancien diplomate qui avait fait une brève carrière à Tripoli, en Libye, Mohamed Larbi Zeitout, l’a appris lui aussi à ses dépens depuis qu’il s’est mis à ouvrir les hostilités frontales contre les gouvernants à partir des médias électroniques.
D’obédience islamiste qui a frayé à l’époque avec le FIS en étant considéré comme une de ses têtes pensantes, il passe pour être un influenceur qui s’exerce à démanteler, avec des analyses de niveau, les grosses dérives politiques du système. Il défend aujourd’hui les principes sacrés de la démocratie et des libertés après avoir longtemps milité pour un État théocratique. Sur le web, il se range du côté du hirak mais sa personnalité reste très controversée.
A son opposé, Ilyas Rahmani, ancien haut officier de l’ANP et fondateur du parti Front des forces vives à Paris, donne l’image d’un opposant qui inspire plus la confiance de ses fans. L’homme semble lui aussi très bien introduit dans les méandres du sérail et se manifeste par une virulence inouie dans ses critiques du système et des hommes qui l’animent.
Il a particulièrement ciblé les candidats à la présidentielle pour leur «forfaiture» et demeure au service du hirak, avec lequel il a tissé un lien moral. Plus excentrique est Amir DZ, ce jeune dont le vrai nom est Boukhers qui attire du monde par ses interventions frondeuses et qui ne fait pas lui aussi dans la dentelle.
Exilé à Paris, il est traité par le pouvoir de «produit des laboratoires français», ce qui ne semble pas le déranger outre mesure. Il est en tout cas très suivi, même si ses «révélations» sont souvent tirées par les cheveux.
On a par ailleurs l’ancien chroniqueur d’Al Magharibia, et ex-candidat à l’élection présidentielle anté-hirak, Ghani Mahdi qui obtient un franc succès d’estime sur son site en tentant cette aventure médiatique. Calme et pondéré, le jeune bloggeur essaye surtout avec beaucoup de réalisme de réveiller les consciences sur les méfaits de la «bande» et comment les combattre.
Enfin, le plus impulsif de la liste reste sûrement l’ancien officier des services, Aboud Hichem, qui développe une offensive impartiale contre les corrompus et les corrupteurs de tout bord.
Journaliste, Aboud a créé sa chaîne télé Amel TV avec laquelle il a porté de foudroyants coups de boutoir aux dirigeant actuels. Le retour de manivelle a été sans appel : la chaîne a été arrêtée par le Pouvoir avec la complicité des autorités françaises.
Son ancien collaborateur, Abdou Semmar, aurait pu figurer dans ce «ghota» des influenceurs crédibles si sa grave accointance avec Tahkout n’avait pas été diffusée par les services. Un journaliste qui reçoit ses ordres d’un oligarque, c’est plutôt désastreux. Cela ne pardonne pas, les Algériens ne lui font plus confiance.
A. Merad
El Watan - date : 28-11-2019
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