La dernière sortie de Ali Belhadj condamnant la décision de fermeture des mosquées a fait réagir beaucoup de personnes et suscite un débat parmi les internautes.
Ce débat est intéressant et utile pour accompagner la sécularisation en cours dans la société et pour ouvrir un vrai débat sur l’état de la théologie musulmane qui continue d’avoir une influence sur les représentations culturelles de l’homme de la rue en lui enseignant ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». A cet effet, je voudrais commenter les propos tenus par Ali Belhadj à ce sujet.
1. Ali Belhadj adhère à une interprétation de l’islam qu’il a apprise chez des théologiens du passé, notamment Ibn Taymiyya. Il y a d’autres interprétations dans le passé (al mu’tazila, al Ach’ari, Ibn Roshd…) et plus proches de nous celle de la Nahda et de Mohamed Abdou qui a tenté au 19e siècle de moderniser la compréhension de l’islam.
L’interprétation médiévale de l’islam que défend Ali Belhadj met toute la responsabilité sur Dieu et déresponsabilise le croyant de ses actes. Elle est à contre-courant de versets explicites sur le sujet : « Tout ce qu’il y a bien qui arrive à l’homme, c’est grâce à Dieu, tout ce qui lui arrive de mal, c’est à cause de l’homme » (Coran, 4, 79), et « Dieu ne change pas la condition d’un peuple si lui-même ne la change pas » ((13, 11). (Je cite de mémoire). Le Coran donne une large responsabilité à l’homme et sur la base de ces versets, il est possible de construire une interprétation moderne de l’islam.
2. La théologie médiévale à laquelle est attaché Ali Belhadj repose beaucoup sur les hadiths. Sans ouvrir le débat sur leur authenticité, la référence aux hadiths pose problème.
Premièrement, le prophète lui-même s’était opposé à ce qu’on transcrive ses paroles, affirmant qu’il n’est qu’un être humain et donc susceptible de faire des erreurs. Or, la théologie médiévale a contrevenu à cette position et a sacralisé la personne du prophète en en faisant un pape infaillible comme dans la tradition chrétienne. C’est une déviation.
Deuxièmement, à travers les hadiths, le prophète appelait les musulmans à user du bons sens dans leur comportement quotidien. Il ne les a pas appelé à utiliser leur mémoire et à se rappeler ce qu’il a fait ou n’a pas fait. Un exemple parmi dix mille : « Un jour, un croyant est venu demander au prophète, s’il doit laisser libre son chameau et se fier à Dieu (tawwakulna ‘ala Alla), ou bien l’attacher ? Le prophète lui répond : attache-le et fie toi à Dieu ». Question de bon sens.
Par conséquent, il est inutile de se référer au hadith probablement faux évoqué par Ali Belhadj de l’ail et de l’oignon pour s’opposer à la fermeture des mosquées face à la pandémie. Il suffit d’utiliser le bon sens, et le bon sens impose d’éviter tout regroupement. Surtout que la prière à la mosquée n’est obligatoire que les jours de l’aïd.
3. Ali Belhadj se réfère à la charia qu’il confond, comme tous les islamistes, avec le fiqh. La chari’a est un idéal de justice que le Coran pose comme norme. Le fiqh est une construction juridique humaine faite sur la base de l’ijtihad. Tout ce que l’ijtihad des fouqaha du passé a construit peut être déconstruit par un nouvel ijtihad basé sur les connaissances scientifiques actuelles et sur ce concept fondamental de la culture juridique musulmane : ed-daroura (la nécessité).
Du point de vue du fiqh bien compris, il est nécessaire de fermer les mosquées et d’interdire tous les regroupements de quelque nature que ce soit pour sauver des vies humaines.
4. Le vendredi 57, les croyants n’ont pas été à la mosquée volontairement. Ceci signifie que le discours de Ali Belhadj n’est pas majoritaire parmi les croyants qui se sont fiés au bon sens, au sens commun que Dieu a donné à chacun. Ils se sont détournés de ce qu’aurait dit un théologien aliéné du 14e siècle. La sécularisation, c’est la foi vécue avec le bon sens.
5. Enfin, Ali Belhadj fait l’apologie de la vie future en dévalorisant la vie sur terre. Puisqu’il aime les hadiths, que fait-il de ce hadith qui dit : « Travaillez sur terre comme si vous alliez vivre éternellement, et pensez à Dieu comme si vous alliez mourir demain » ? N’est-ce pas un hadith de bon sens que n’importe quel musulman rationnel qui n’a jamais lu Boukhari ou Muslim aurait dit ?
6. En conclusion, les Algériens ont besoin d’un Etat moderne, d’une économie moderne mais aussi d’une théologie moderne.
Lahouari Addi
Ce débat est intéressant et utile pour accompagner la sécularisation en cours dans la société et pour ouvrir un vrai débat sur l’état de la théologie musulmane qui continue d’avoir une influence sur les représentations culturelles de l’homme de la rue en lui enseignant ce qui est « bien » et ce qui est « mal ». A cet effet, je voudrais commenter les propos tenus par Ali Belhadj à ce sujet.
1. Ali Belhadj adhère à une interprétation de l’islam qu’il a apprise chez des théologiens du passé, notamment Ibn Taymiyya. Il y a d’autres interprétations dans le passé (al mu’tazila, al Ach’ari, Ibn Roshd…) et plus proches de nous celle de la Nahda et de Mohamed Abdou qui a tenté au 19e siècle de moderniser la compréhension de l’islam.
L’interprétation médiévale de l’islam que défend Ali Belhadj met toute la responsabilité sur Dieu et déresponsabilise le croyant de ses actes. Elle est à contre-courant de versets explicites sur le sujet : « Tout ce qu’il y a bien qui arrive à l’homme, c’est grâce à Dieu, tout ce qui lui arrive de mal, c’est à cause de l’homme » (Coran, 4, 79), et « Dieu ne change pas la condition d’un peuple si lui-même ne la change pas » ((13, 11). (Je cite de mémoire). Le Coran donne une large responsabilité à l’homme et sur la base de ces versets, il est possible de construire une interprétation moderne de l’islam.
2. La théologie médiévale à laquelle est attaché Ali Belhadj repose beaucoup sur les hadiths. Sans ouvrir le débat sur leur authenticité, la référence aux hadiths pose problème.
Premièrement, le prophète lui-même s’était opposé à ce qu’on transcrive ses paroles, affirmant qu’il n’est qu’un être humain et donc susceptible de faire des erreurs. Or, la théologie médiévale a contrevenu à cette position et a sacralisé la personne du prophète en en faisant un pape infaillible comme dans la tradition chrétienne. C’est une déviation.
Deuxièmement, à travers les hadiths, le prophète appelait les musulmans à user du bons sens dans leur comportement quotidien. Il ne les a pas appelé à utiliser leur mémoire et à se rappeler ce qu’il a fait ou n’a pas fait. Un exemple parmi dix mille : « Un jour, un croyant est venu demander au prophète, s’il doit laisser libre son chameau et se fier à Dieu (tawwakulna ‘ala Alla), ou bien l’attacher ? Le prophète lui répond : attache-le et fie toi à Dieu ». Question de bon sens.
Par conséquent, il est inutile de se référer au hadith probablement faux évoqué par Ali Belhadj de l’ail et de l’oignon pour s’opposer à la fermeture des mosquées face à la pandémie. Il suffit d’utiliser le bon sens, et le bon sens impose d’éviter tout regroupement. Surtout que la prière à la mosquée n’est obligatoire que les jours de l’aïd.
3. Ali Belhadj se réfère à la charia qu’il confond, comme tous les islamistes, avec le fiqh. La chari’a est un idéal de justice que le Coran pose comme norme. Le fiqh est une construction juridique humaine faite sur la base de l’ijtihad. Tout ce que l’ijtihad des fouqaha du passé a construit peut être déconstruit par un nouvel ijtihad basé sur les connaissances scientifiques actuelles et sur ce concept fondamental de la culture juridique musulmane : ed-daroura (la nécessité).
Du point de vue du fiqh bien compris, il est nécessaire de fermer les mosquées et d’interdire tous les regroupements de quelque nature que ce soit pour sauver des vies humaines.
4. Le vendredi 57, les croyants n’ont pas été à la mosquée volontairement. Ceci signifie que le discours de Ali Belhadj n’est pas majoritaire parmi les croyants qui se sont fiés au bon sens, au sens commun que Dieu a donné à chacun. Ils se sont détournés de ce qu’aurait dit un théologien aliéné du 14e siècle. La sécularisation, c’est la foi vécue avec le bon sens.
5. Enfin, Ali Belhadj fait l’apologie de la vie future en dévalorisant la vie sur terre. Puisqu’il aime les hadiths, que fait-il de ce hadith qui dit : « Travaillez sur terre comme si vous alliez vivre éternellement, et pensez à Dieu comme si vous alliez mourir demain » ? N’est-ce pas un hadith de bon sens que n’importe quel musulman rationnel qui n’a jamais lu Boukhari ou Muslim aurait dit ?
6. En conclusion, les Algériens ont besoin d’un Etat moderne, d’une économie moderne mais aussi d’une théologie moderne.
Lahouari Addi
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