Chronique d'une garde au CHU d'ORAN: Bouleversant !
Par Farid Alilat - Jounaliste
Amine est médecin au CHU d'Oran. Sur sa page FB, il tient une chronique où il raconte ses gardes à l’hôpital en plein épidémie de coronavirus. Cette chronique, Amine l'a rédigée le 11 juillet dernier après une longue nuit de garde éprouvante. "La plus éprouvante émotionnellement parlant jusque-là", écrit-il. Cette nuit-là, une patiente de 55 ans est partie après plusieurs arrêts cardiaques. La malheureuse n’a pas été ramenée à temps pour les soins. On a préféré lui donner des tisanes et des herbes médicinales. Ses enfants n'ont pas pu lui dire au revoir. Même de loin. Lisez jusqu'à la fin. Elle est bouleversante. Pour l'illustrer, j'ai choisi cette photo prise hier, dimanche 12 juillet, dans un marché de Guelma.

J’émerge à peine de mon sommeil, la tête lourde et l’esprit encore brouillé, après une garde éprouvante, la plus éprouvante émotionnellement parlant jusque-là...
Les débuts de garde deviennent une routine, passation de consignes, tableau des admissions bien rempli, avec mention O2 (Oxygène) devant la plupart des noms...
L’équipe de la veille sort d’une nuit blanche après avoir passé la nuit à réanimer une patiente instable qui avait fait deux arrêts cardiaques, à l’âge de 55 ans...
Trois petits pincements au cœur au début de la garde...
- Notre infirmière est touchée et hospitalisée à notre niveau.
- Le père d’une de nos résidentes est touché aussi, sous oxygène...
- On passera la garde en effectif réduit, il nous manque un joueur, ou plutôt une joueuse, une résidente de mon équipe est touchée aussi...
Le virus contre lequel on se bat commence à gagner du terrain sur le personnel, malgré les mesures de protection, mais les gardes passées étaient tellement agitées qu’il serait difficile d’être méticuleux durant 24h non stop tout en assurant une médecine de guerre dans des conditions précaires...
D’où m’est venue la contamination ? À quel moment j’ai fait une faute? Qui ai-je pu contaminer? Comment je vais évoluer ? Des questions angoisssantes, mais ce n’est vraiment pas le moment de se les poser, on garde la tête froide et on active le mode « automatique ».
On entame la visite, les mêmes scènes se répètent encore et encore avec juste les visages qui diffèrent...je discute avec quelques patients, oui, ces gens qui ne croyaient pas au virus sont là...
L’esprit humain frustré te pousse un peu à penser « bien fait pour ta gueule », mais ton éthique ne te le permet pas...Je me demande si c’est bien qu’ils soient atteints, pour que ça leur serve de leçon...mais en même temps, ils occupent des lits et surtout des sources d’oxygène qu’auraient mérité d’autres qui respectaient le confinement...
L’éthique revient encore te secouer: Ce sont ces patients à traiter, quelles que soient leurs convictions. POINT.
On reste professionnel, on fait notre boulot et on descend...
D’autres collègues voient les contrôles...même si on ne fait plus de consultation, il y a encore beaucoup de monde...
La patiente instable refait encore un arrêt cardiaque récupéré, et encore un autre...à 55 ans... la malheureuse n’a pas été ramenée à temps pour les soins, on a préféré lui donner des tisanes et des herbes médicinales qui me sont inconnues (3choub). On fait ce qu’on peut, on s’acharne même mais on finit par la perdre, Allah yarhamha...
On a de la peine pour ses enfants qui veulent la voir une dernière fois, juste de loin...
Terrassés par la perte de leur mère, mais aussi angoissés d’être contaminés et de finir comme elle...on les rassure comme on peut.
Revient la question habituelle: Ma mère est suspecte mais non confirmée Covid...pourquoi la déclarer ainsi? On explique qu’on ne peut pas écarter le Covid sans PCR, que le tableau clinique et radiologique sont en faveur...
Mais...c’est une dame connue dans le quartier, que diront les autres?
Cette phrase de son fils me secoue, à quel moment l’Algerien a commencé à considérer le covid comme tabou? En quoi c’est une maladie de la honte? Je garde mon sang froid, réponds à toutes ses questions et lui demande d’être fort et de ne pas penser à ce côté « malade » de la société, il repart les yeux larmoyants mais les idées un peu moins brouillées.
On profite d’une petite période d’accalmie pour prendre un café...à 17h, c’était trop tard pour déjeuner, et le frigo était vide alors...
On reprend le travail à notre rythme, on voit le virus dans toute sa splendeur et sa force, un poumon détruit, un rein malmené, un corps abîmé, un moral anéanti...beaucoup de complications à gérer chez nos patients...
Je râle sur mes collègues car personne n’a pris le temps de sortir acheter un truc à manger pour le dîner...[les repas étaient assurés par les donateurs mais malheureusement depuis la fin du Ramadan ce n’est plus évident, les donateurs ont tout donné, Rabbi yjazihom) la ftour la 3cha...et voilà qu’un de nos étudiants passe nous voir pour nous ramener un festin pour le diner, Rabbi yahafdo w yjazih...nos étudiants qui pensent à nous, ça fait tellement chaud au cœur !
Entre temps, on repasse voir notre jeune infirmière, c’est triste de voir son nom sur le tableau, mais Dieu merci, son état s’améliore...ce qu’elle nous dit? Hed le virus wa3er, wa3er bezzef...on le disait avant mais elle, elle l’a ressenti.
La nuit passe,tout le monde semble plus ou moins stable... il reste juste le père de la résidente qui a un problème de déséquilibre diabétique qui se stabilise vers 3h30...4h du matin, c’est peut-être l’heure de se reposer un peu, le croyait-on...c’est à ce moment que le cauchemar commence.
Quand il s’agit d’un proche ou le proche d’un confrère, on n’est plus vraiment objectif, on a peur d’oublier un détail, de ne pas être efficace...bref, les médecins comprendront.
La glycémie fait un pic, le patient a du mal a respirer...devant les yeux tristes de sa fille qui a l’habitude de gérer ça, pour d’autres patients, mais voir son père ainsi...Malgré nos tentatives de l’éloigner, elle voulait rester.
À ma grande surprise, elle a gardé la tête froide, restée professionnelle et prenait en charge son père avec un tel courage, un courage contaminant. Pour elle, pour son père , il fallait oublier le relationnel et activer son mode ROBOT . Les sentiments, on les garde pour plus tard!
Le patient manque d’oxygène malgré la dose maximale de la source...il fallait encore du débit...on ramène une bouteille mobile et on tente, j’aurais aimé filmer le bricolage qu’on a dû faire, à coller des tuyaux avec du sparadrap pour colmater les brèches et les fuites...! On devait chercher un autre manomètre avec une autre bouteille...ils sont branchés à une autre patiente qui était stable durant la garde et à qui on a pu diminuer le débit vu qu’elle s’améliorait...Par miracle, elle n’avait plus besoin d’oxygène ... une joie courte, même son manomètre était colmaté avec du sparadrap...
On change de stratégie et on passe à un autre type de ventilation, un masque qu’on serre sur le visage qui délivre une forte pression d’oxygène mais que peu supportent, autant ce masque vous donne de l’oxygène, autant il vous procure une sensation d’oppression et d’étouffement...ce qui agite beaucoup de patients... mais le brave monsieur l’a supporté, pour sa fille qui le calmait en caressant son front...NON, on ne doit pas se voir dans cette scène, on doit garder sa concentration tout en priant Dieu qu’il s’en sorte...on réussit à le stabiliser avec l’aide du réanimateur... Entendre le mot REA est devenu lourd pour les patients, c’est comme une sorte de condamnation...
La résidente part quelques secondes et revient avec une chaise...POUR MOI! Elle refusait de s’asseoir tant que je reste debout...on s’asseoit et on surveille, les yeux fixés sur la saturation en oxygène...
6h du matin, des gémissements de douleur à peine audibles de la chambre d’à côté.
Je jette un coup d’œil, une patiente à terre devant les sanitaires, en sueurs,confuse et...cyanosée! Le hic, c’est qu’elle est très obèse et que...je ne suis pas le plus musclé des médecins, sans oublier que le lit ne se baisse même pas (lits d’hôpitaux à l’ancienne). Je fais appel à la résidente pour essayer de la mettre tant bien que mal sur une chais, et surtout lui remette son oxygène en urgence...elle reprend sa conscience, et son souffle...commence à pleurer...je voulais juste aller aux toilettes, à deux pas de mon lit...(elle avait sa couche mais elle voulait devenir autonome, malgré notre interdiction de quitter le lit ou d’enlever l’oxygène)...elle pleure encore, et me dit: 3leh srali kima hak? Je la rassure comme je peux et la remet sur son lit, elle finit par se rendormir.
Je reviens à mon patient, qui ne supporte plus son masque...seule solution, essayer un autre dispositif à la réanimation...
Je repars voir le reanimateur qui venait vraisemblablement tout juste d’enlever sa combinaison, les cheveux en pétards, le visage blême en sueurs...il palit en me voyant arriver et me regarde d’un air abattu, lui aussi avait passé une garde à courir dans tous les sens entre plusieurs services...Je viens en paix, juste poue discuter...on on négocie comme d’habitude et on a l’accord de transfert.
La relève arrive, on est encore en tenue...je ne sens plus mes jambes, ni mon nez avec ces satanées pinces de masques... mais moi, j’ai fini 24h de garde, je vais me reposer après, alors qu’elle, elle reste encore à son chevet alors qu’elle n’a pas fermé l’œil de la nuit.
Elle me remercie et me dit: Smahli li ghbebtek m3aya...
Je retiens difficilement mes larmes, je souris et lui réponds ki l3ada: Awah nti baghya nsawtek! Je n’ai fait que mon devoir...
C’était moi qui devais la remercier de m’avoir laissé puiser mon courage en elle pour pouvoir tenir et faire mon travail correctement.
Je sors le cœur serré, priant pour elle, pour son père et pour tous nos collègues touchés [Priez pour eux s’il vous plaît], priant pour que nos proches soient épargnés, priant pour mon pays ne soit pas dévasté...
[...]
NB: Une garde sans eau pour se laver les mains, merci SEOR!!!
Par Farid Alilat - Jounaliste
Amine est médecin au CHU d'Oran. Sur sa page FB, il tient une chronique où il raconte ses gardes à l’hôpital en plein épidémie de coronavirus. Cette chronique, Amine l'a rédigée le 11 juillet dernier après une longue nuit de garde éprouvante. "La plus éprouvante émotionnellement parlant jusque-là", écrit-il. Cette nuit-là, une patiente de 55 ans est partie après plusieurs arrêts cardiaques. La malheureuse n’a pas été ramenée à temps pour les soins. On a préféré lui donner des tisanes et des herbes médicinales. Ses enfants n'ont pas pu lui dire au revoir. Même de loin. Lisez jusqu'à la fin. Elle est bouleversante. Pour l'illustrer, j'ai choisi cette photo prise hier, dimanche 12 juillet, dans un marché de Guelma.

J’émerge à peine de mon sommeil, la tête lourde et l’esprit encore brouillé, après une garde éprouvante, la plus éprouvante émotionnellement parlant jusque-là...
Les débuts de garde deviennent une routine, passation de consignes, tableau des admissions bien rempli, avec mention O2 (Oxygène) devant la plupart des noms...
L’équipe de la veille sort d’une nuit blanche après avoir passé la nuit à réanimer une patiente instable qui avait fait deux arrêts cardiaques, à l’âge de 55 ans...
Trois petits pincements au cœur au début de la garde...
- Notre infirmière est touchée et hospitalisée à notre niveau.
- Le père d’une de nos résidentes est touché aussi, sous oxygène...
- On passera la garde en effectif réduit, il nous manque un joueur, ou plutôt une joueuse, une résidente de mon équipe est touchée aussi...
Le virus contre lequel on se bat commence à gagner du terrain sur le personnel, malgré les mesures de protection, mais les gardes passées étaient tellement agitées qu’il serait difficile d’être méticuleux durant 24h non stop tout en assurant une médecine de guerre dans des conditions précaires...
D’où m’est venue la contamination ? À quel moment j’ai fait une faute? Qui ai-je pu contaminer? Comment je vais évoluer ? Des questions angoisssantes, mais ce n’est vraiment pas le moment de se les poser, on garde la tête froide et on active le mode « automatique ».
On entame la visite, les mêmes scènes se répètent encore et encore avec juste les visages qui diffèrent...je discute avec quelques patients, oui, ces gens qui ne croyaient pas au virus sont là...
L’esprit humain frustré te pousse un peu à penser « bien fait pour ta gueule », mais ton éthique ne te le permet pas...Je me demande si c’est bien qu’ils soient atteints, pour que ça leur serve de leçon...mais en même temps, ils occupent des lits et surtout des sources d’oxygène qu’auraient mérité d’autres qui respectaient le confinement...
L’éthique revient encore te secouer: Ce sont ces patients à traiter, quelles que soient leurs convictions. POINT.
On reste professionnel, on fait notre boulot et on descend...
D’autres collègues voient les contrôles...même si on ne fait plus de consultation, il y a encore beaucoup de monde...
La patiente instable refait encore un arrêt cardiaque récupéré, et encore un autre...à 55 ans... la malheureuse n’a pas été ramenée à temps pour les soins, on a préféré lui donner des tisanes et des herbes médicinales qui me sont inconnues (3choub). On fait ce qu’on peut, on s’acharne même mais on finit par la perdre, Allah yarhamha...
On a de la peine pour ses enfants qui veulent la voir une dernière fois, juste de loin...
Terrassés par la perte de leur mère, mais aussi angoissés d’être contaminés et de finir comme elle...on les rassure comme on peut.
Revient la question habituelle: Ma mère est suspecte mais non confirmée Covid...pourquoi la déclarer ainsi? On explique qu’on ne peut pas écarter le Covid sans PCR, que le tableau clinique et radiologique sont en faveur...
Mais...c’est une dame connue dans le quartier, que diront les autres?
Cette phrase de son fils me secoue, à quel moment l’Algerien a commencé à considérer le covid comme tabou? En quoi c’est une maladie de la honte? Je garde mon sang froid, réponds à toutes ses questions et lui demande d’être fort et de ne pas penser à ce côté « malade » de la société, il repart les yeux larmoyants mais les idées un peu moins brouillées.
On profite d’une petite période d’accalmie pour prendre un café...à 17h, c’était trop tard pour déjeuner, et le frigo était vide alors...
On reprend le travail à notre rythme, on voit le virus dans toute sa splendeur et sa force, un poumon détruit, un rein malmené, un corps abîmé, un moral anéanti...beaucoup de complications à gérer chez nos patients...
Je râle sur mes collègues car personne n’a pris le temps de sortir acheter un truc à manger pour le dîner...[les repas étaient assurés par les donateurs mais malheureusement depuis la fin du Ramadan ce n’est plus évident, les donateurs ont tout donné, Rabbi yjazihom) la ftour la 3cha...et voilà qu’un de nos étudiants passe nous voir pour nous ramener un festin pour le diner, Rabbi yahafdo w yjazih...nos étudiants qui pensent à nous, ça fait tellement chaud au cœur !
Entre temps, on repasse voir notre jeune infirmière, c’est triste de voir son nom sur le tableau, mais Dieu merci, son état s’améliore...ce qu’elle nous dit? Hed le virus wa3er, wa3er bezzef...on le disait avant mais elle, elle l’a ressenti.
La nuit passe,tout le monde semble plus ou moins stable... il reste juste le père de la résidente qui a un problème de déséquilibre diabétique qui se stabilise vers 3h30...4h du matin, c’est peut-être l’heure de se reposer un peu, le croyait-on...c’est à ce moment que le cauchemar commence.
Quand il s’agit d’un proche ou le proche d’un confrère, on n’est plus vraiment objectif, on a peur d’oublier un détail, de ne pas être efficace...bref, les médecins comprendront.
La glycémie fait un pic, le patient a du mal a respirer...devant les yeux tristes de sa fille qui a l’habitude de gérer ça, pour d’autres patients, mais voir son père ainsi...Malgré nos tentatives de l’éloigner, elle voulait rester.
À ma grande surprise, elle a gardé la tête froide, restée professionnelle et prenait en charge son père avec un tel courage, un courage contaminant. Pour elle, pour son père , il fallait oublier le relationnel et activer son mode ROBOT . Les sentiments, on les garde pour plus tard!
Le patient manque d’oxygène malgré la dose maximale de la source...il fallait encore du débit...on ramène une bouteille mobile et on tente, j’aurais aimé filmer le bricolage qu’on a dû faire, à coller des tuyaux avec du sparadrap pour colmater les brèches et les fuites...! On devait chercher un autre manomètre avec une autre bouteille...ils sont branchés à une autre patiente qui était stable durant la garde et à qui on a pu diminuer le débit vu qu’elle s’améliorait...Par miracle, elle n’avait plus besoin d’oxygène ... une joie courte, même son manomètre était colmaté avec du sparadrap...
On change de stratégie et on passe à un autre type de ventilation, un masque qu’on serre sur le visage qui délivre une forte pression d’oxygène mais que peu supportent, autant ce masque vous donne de l’oxygène, autant il vous procure une sensation d’oppression et d’étouffement...ce qui agite beaucoup de patients... mais le brave monsieur l’a supporté, pour sa fille qui le calmait en caressant son front...NON, on ne doit pas se voir dans cette scène, on doit garder sa concentration tout en priant Dieu qu’il s’en sorte...on réussit à le stabiliser avec l’aide du réanimateur... Entendre le mot REA est devenu lourd pour les patients, c’est comme une sorte de condamnation...
La résidente part quelques secondes et revient avec une chaise...POUR MOI! Elle refusait de s’asseoir tant que je reste debout...on s’asseoit et on surveille, les yeux fixés sur la saturation en oxygène...
6h du matin, des gémissements de douleur à peine audibles de la chambre d’à côté.
Je jette un coup d’œil, une patiente à terre devant les sanitaires, en sueurs,confuse et...cyanosée! Le hic, c’est qu’elle est très obèse et que...je ne suis pas le plus musclé des médecins, sans oublier que le lit ne se baisse même pas (lits d’hôpitaux à l’ancienne). Je fais appel à la résidente pour essayer de la mettre tant bien que mal sur une chais, et surtout lui remette son oxygène en urgence...elle reprend sa conscience, et son souffle...commence à pleurer...je voulais juste aller aux toilettes, à deux pas de mon lit...(elle avait sa couche mais elle voulait devenir autonome, malgré notre interdiction de quitter le lit ou d’enlever l’oxygène)...elle pleure encore, et me dit: 3leh srali kima hak? Je la rassure comme je peux et la remet sur son lit, elle finit par se rendormir.
Je reviens à mon patient, qui ne supporte plus son masque...seule solution, essayer un autre dispositif à la réanimation...
Je repars voir le reanimateur qui venait vraisemblablement tout juste d’enlever sa combinaison, les cheveux en pétards, le visage blême en sueurs...il palit en me voyant arriver et me regarde d’un air abattu, lui aussi avait passé une garde à courir dans tous les sens entre plusieurs services...Je viens en paix, juste poue discuter...on on négocie comme d’habitude et on a l’accord de transfert.
La relève arrive, on est encore en tenue...je ne sens plus mes jambes, ni mon nez avec ces satanées pinces de masques... mais moi, j’ai fini 24h de garde, je vais me reposer après, alors qu’elle, elle reste encore à son chevet alors qu’elle n’a pas fermé l’œil de la nuit.
Elle me remercie et me dit: Smahli li ghbebtek m3aya...
Je retiens difficilement mes larmes, je souris et lui réponds ki l3ada: Awah nti baghya nsawtek! Je n’ai fait que mon devoir...
C’était moi qui devais la remercier de m’avoir laissé puiser mon courage en elle pour pouvoir tenir et faire mon travail correctement.
Je sors le cœur serré, priant pour elle, pour son père et pour tous nos collègues touchés [Priez pour eux s’il vous plaît], priant pour que nos proches soient épargnés, priant pour mon pays ne soit pas dévasté...
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NB: Une garde sans eau pour se laver les mains, merci SEOR!!!
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