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Alger la Blanche voilée de corbeaux

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  • Alger la Blanche voilée de corbeaux

    Une contribution de Mesloub Khider
    août 22, 2020
    saleté Alger
    Les immondices sont devenues partie intégrante du décor des villes algériennes. PPAgency
    Par Mesloub Khider – «Il vaut mieux garder la nostalgie d’un paradis en le quittant que de le transformer en enfer en y restant.» (Jacques Ferron.) «La nostalgie ? Ça vient quand le présent n’est pas à la hauteur des promesses du passé.» (Neil Bissondath.) Bien avant l’accession d’Abdelmadjid Tebboune à la magistrature suprême, notre suprême magistrale capitale avait déjà subi des outrages à l’honneur de ses emblématiques ouvrages. Depuis longtemps, Alger s’était métamorphosée. Elle a été convertie aux mœurs méphistophéliques de l’Orient. Alger la Blanche, glorifiée par les chanteurs et célébrée par les noceurs, s’était badigeonné sa sublime face immaculée de noirceurs. On avait flétri son splendide centre urbain. Altéré sa flamboyante architecture. Enténébré sa prestigieuse culture. Travesti ses normes vestimentaires locales. Acculé à l’exil nombre de ses nobles résidents. Perverti son âme populaire débonnaire. Démoli son légendaire sens de l’humour. Alangui sa fibre patriotique révolutionnaire. Détourné son caractère méditerranéen vers les sables mouvants du caractériel désert arabique. Dérouté son esprit universel vers le particularisme confessionnel orientalement borné.

    Aujourd’hui, même son éternel ciel bleu azur ne reconnaît plus sa terre natale algéroise, sa séculaire ville historique. Elle est devenue un affront urbanistique et culturel à ses yeux ensoleillés d’amour pour ses habitants. D’après certaines sources sûres, le ciel aurait demandé un visa d’installation à plusieurs pays européens où se sont exilés à contrecœur de nombreux Algérois, pour pouvoir réchauffer leur destin refroidi par les frimas du climat (social) glacial du pays d’accueil. Mais aussi pour trouver refuge auprès d’eux de manière à se blottir dans leur giron réputé pour sa fraternelle et affectueuse protection.

    De même, les frétillants et pétillants oiseaux de jadis ne pépient plus, ne chantent plus, car affligés de chagrin, accablés de tristesse par le sinistre spectacle offert sous leurs ailes au corps désormais décharné par manque de becquetance à se mettre sous le bec, accaparée par la population miséreuse, devenue avare à force de privations alimentaires infligées par le pouvoir établi. Beaucoup d’entre eux ont émigré vers d’autres cieux, plus cléments et plus généreux.

    Depuis lors, Alger, sous un ciel déchiré quotidiennement par des croassements lugubres catapultés fanatiquement d’Orient, s’est recouverte de voraces corbeaux noirs, se ruant, dans un tumulte assourdissant de frénésies dévotieuses vicieuses, sur sa culture bestialement dépecée, son architecture sauvagement défigurée, son esprit cosmopolite et tolérant scandaleusement mutilé.

    En effet, des nuées de silhouettes sombres, s’apparentant à de mystérieuses chouettes noires, au milieu d’autres flâneurs intrus, de jeunes à la vie déjà usée, sous les yeux hagards d’autochtones médusés, sillonnent les sombres artères jonchées de détritus, tapissées d’immondices empestant l’indigence, escortées de crasses d’ignorance. Tels des corbeaux, dès l’aube, ces silhouettes à la figure grimée de barbe noire ou attifée de turban wahhabite battent le pavé de la capitale d’un pas hésitant, irritant, débilitant, mais avec un esprit fanatiquement militant. Emmitouflées dans leur tenue de prière exhalant des relents de misère intellectuelle, elles s’aventurent dévotement dans l’espace urbain public algérois dégradé pour prendre d’assaut les chaussées défoncées, les trottoirs engoncés, dans une atmosphère polluée de détresses avec fatalisme assumées, saturée d’agressivité difficilement réprimée, emplie d’humeurs psychologiquement déprimées. Dans leurs pérégrinations monotones et insipides, elles traînent leur oisive vie avec une anxieuse nonchalance stupide. A croire que leur inénarrable hijab ou leur barbe hirsute leur sert de cuirasse pour camoufler les stigmates de leurs vacuités existentielles, les flétrissures de leur misérable vie.

    Sur les principales rues commerciales algéroises sillonnées par de ténébreux zombies exsudant la mal-vie, dominent trois types d’établissements de commerce : les boutiques de vêtements bas de gamme pour dames dénudées de flouze mais heureusement couvertes des pieds à la tête de leur accoutrement de rigueur en vigueur dans toute l’Algérie à la pointe de la modernité islamique et des mondanités haillonneuses ; les boutiques cosmétiques fréquentées par de nonchalants chalands au corps étique couronné de figure mystique mais dénuée d’éthique ; et les établissements de restauration servant des repas à l’hygiène et à la diététique à telle enseigne douteuses qu’ils peuvent vous faire passer de vie à trépas.

    Ces trois types de commerce symbolisent l’Algérien moderne éborgné par l’islamisme. L’autre œil valide lui sert à lorgner l’Occident mécréant, son véritable paradis, convoité avec de suppliques prières adressées obséquieusement aux ambassades pour décrocher le béni visa salutaire, plus socialement lucratif que les «hassanate» renvoyées aux calendes grecques. Cela expliquerait l’aveuglement de son attitude vis-à-vis de son pays, livré à un peuple frappé de cécité qu’on appelle ignorance intellectuelle ou infirmité économique.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Aujourd’hui, sa vie se borne à se vêtir d’habits importés, à se divertir son épiderme à coup de produits cosmétiques importés et, enfin, à se bâfrer d’aliments importés. Chercher l’erreur existentielle et sociale. La production ne semble pas avoir été programmée dans le catalogue des revendications de l’Algérie indépendante. Depuis plus d’un demi-siècle, l’Algérie fabrique en série des enfants (on est passé de 11 millions d’habitants en 1962 à plus de 42 millions aujourd’hui), pourtant elle ne construit aucune industrie afin d’intégrer cette excédentaire population dans la production pour la transformer en force productive. Et pour cause ! Il est vrai que, croyance religieuse et fatalisme aidant, par la grâce de Dieu, le désert pourvoit aux besoins des Algériens au moyen de cet or noir. A quoi bon construire des usines, cultiver la terre ! En attendant, la bourgeoisie étatique et affairiste algérienne a accaparé cet or noir, source de sa richesse obscure. Offrant au peuple juste la bile noire, cette source de sa mélancolique existence désertique.

    Voilà les trois principales devantures commerciales ornant les artères algéroises. Ecrasés sous le poids de frêles immeubles vermoulus d’incuries jusqu’au sommet de leur Etat délabré, chancelants comme le régime actuel vacille sur ses fondements, arborant des façades lézardées de coupables négligences réhabilitatrices urbaines étatiques, ces bazars captivent les regards hagards des bizarres badauds impécunieux mais au tempérament impétueux, jamais parcimonieux d’esclandres courtois publics et de pugilats poignants de coups émotionnels et commotionnels.

    Dans cet Alger anciennement la Blanche, où jadis on ne pouvait y pénétrer sans costard et cravate, aujourd’hui tout le monde déambule en kamis et savates. Dans cette capitale enténébrée par la sombre idéologie religieuse mortifère salafiste, même les salles de cinéma ont disparu du paysage urbanistique, dépourvu également d’offices touristiques. Les salles de cinéma ont été remplacées par les salles de prière. Le grand écran du cinéma a été troqué contre l’immense tapis de la mosquée. Dans ces gigantesques salles de mosquée à l’entrée gratuite, à l’inverse de tous les autres rares divertissements et loisirs tous payants facturés à des tarifs prohibitifs, on ne diffuse qu’un unique programme. Le scénario est invariablement et immuablement identique aux cinq séances quotidiennes. Pas de péripéties. Pas de rebondissements possibles. Ainsi en a décidé le réalisateur céleste et son metteur en scène sur terre.

    La masse moutonnière assiste passivement à la diffusion de sa vie en spectatrice prosternée devant un destin élaboré, selon elle, dans la salle de montage céleste. La vie muselée de cette masse moutonnière, remise entre les mains de Dieu, socialement immolée par le pouvoir musclé algérien sacrificateur, défile au ralenti, sans péripéties heureuses, ni rebondissements salvateurs. Elle défile dans le dénuement sans perspective de dénouement. Sans coups de théâtre, excepté les coups spectaculairement assénés par un régime toujours engagé sur le théâtre d’opérations de répression. Un régime dominé par de piètres acteurs de la politique spectacle, tout juste capables de représentation vaudevillesque jouée depuis 58 ans par les mêmes clowns, clones fécondés et manœuvrés tels des pantins par des parrains embusqués dans les coulisses du véritable pouvoir étatique autocratique.

    En guise d’ambitions, la jeunesse algéroise ne rêve que de conquêtes gauloises pour décrocher l’amour de long séjour résidentiel, d’accostages français pour s’immerger dans les eaux troubles de la vie précaire hexagonale, d’aventures européennes avec le risque certain de noyer définitivement son espoir en pleine embarcation échouée en mer méditerranéenne.

    Trompée par le pouvoir gérontocratique FLNnesque, en attendant la majorité de la jeunesse trempe son ennui dans les eaux glacées du désarroi, du désespoir, du suicide social et existentiel. Paradoxalement, dans ce pays méditerranéen pourtant baigné d’eau, ces forces vives de la nation ne peuvent même pas s’adonner à la natation. En effet, pour tromper son ennui suintant d’afflictions, la jeunesse algéroise ne trouve aucune piscine pour tremper son corps déshydraté par la sécheresse de sa monotone vie, mais détrempé de sueurs de ruminations anxieuses.

    Même la plage n’est plus à la page. Le splendide littoral de la mer a subi des ravages, des outrages, sur ses rivages. Une chose est sûre : nos plages ne connaissent pas le chômage, devenues sources de profits et d’agiotages, pour les spéculateurs spécialistes du traficotage, ces requins qui ont pris l’Algérie en otage. Les anciennes paisibles plages du littoral algérois à la mer pure et cristalline ont été transformées en décharges publiques où viennent s’échouer et s’agglutiner des hordes de vacanciers sauvages et d’estivantes affublées de scaphandres salafistes, probablement pour éviter le naufrage de leur corps doctrinal encombrant leur petite cervelle congestionnée d’archaïsmes stérilisants.

    Dans cette capitale outrancièrement bétonnée, anarchiquement dilatée, même les routes sont devenues aujourd’hui des cimetières à ciel ouvert où circulent sauvagement des cercueils ambulants conduits par des fous du volant, probablement des fous de Dieu pour qui la vie sur terre n’a aucune saveur, la vie d’un être humain n’a aucune valeur ; de là s’explique leur propension à devenir tueur.

    Dans cette capitale, jadis pépinière de bibliophiles, peuplée de librairies (comme l’a résumé un ami journaliste «la belle époque où même le vendeur de tissu était un intellectuel ! Aujourd’hui, même le détenteur d’un doctorat de l’université est inculte !»), les derniers grands lecteurs de naguère ont brûlé leurs dernières cellules grises lumineuses à l’époque de la décennie noire, consumées d’abord par l’islamisme rompant, ensuite terrorisant et désormais envahissant.

    Dans ce sombre portrait des Algérois, une lueur d’espoir commence à jaillir. Dans le même temps que les Algérois ont fâcheusement cessé d’être des lecteurs actifs, ils ont consciencieusement cessé d’être des électeurs passifs. Certes, ils ont renoncé à leur devoir de lire, mais ils ont exercé concomitamment leur droit de refus d’élire. Aussi ont-ils pris la résolution politique de ne plus participer aux mascarades électorales remportées constamment par la même inamovible classe politique maffieuse avec des scores brejnéviens et des records de truquage des scrutins.

    Ironie du sort, dans cette belle capitale, ville de mon enfance et de ma jeunesse, de tous les édifices encore provisoirement debout, seule la gigantesque dispendieuse mosquée algéroise, érigée par l’ancien grabataire roi-président Boutef IV, royalement destitué par le valeureux peuple algérien lors du Hirak, est solidement bâtie aux normes modernes. Les autres bâtiments tombent en ruines, à l’instar de l’institution étatique gâtée par les crises économique, sociale, politique, corrodée par l’indéfectible dissidence subversive du peuple algérien, lui toujours bravement debout.

    Pour conclure, advienne que pourra : à nos yeux nostalgiques embués de larmes de rage tragique, Alger demeure toujours blanche. Toujours cette capitale admirée du monde entier. Cette ville baptisée autrefois La Mecque des révolutionnaires. Mais devenue aujourd’hui le Goulag islamiste des Algériens.

    Alger vaut bien toujours une déambulation flâneuse, un séjour prolongé, une habitation pérenne. Une nouvelle reconstruction. Un blanchiment pour effacer les noirceurs de sa vie architecturale, urbanistique, culturelle.

    Cette captivante capitale vaut bien une prière capiteuse ! Un copieux plat de fruits de mer partagé avec les copains !

    M. K.

    Nota bene : N’y voyez aucun snobisme ni «algéroinisme». J’aime toute l’Algérie. Il s’agit juste d’un hommage personnel rendu à Alger de mon enfance, de ma jeunesse, en ces temps sombres, marqués par la pandémie et la fermeture des frontières, où les souvenirs affluent à la surface de ma mémoire. Et les dégâts décrits d’Alger s’appliquent en vrai à toute l’Algérie. A travers Alger, c’est toute l’Algérie glorieuse de jadis que je pleure, mais de larmes de fierté d’avoir côtoyé cette ancienne Algérie postindépendante, peuplée d’hommes et de femmes valeureux qui, partout, par leur prestance et leur noblesse, forçaient le respect, suscitaient l’admiration, attiraient l’affection !
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      La nouvelle Algérie va tout nettoyer au karcher comme dirait l'autre
      Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
      (Paul Eluard)

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      • #4
        Mesloub Khider
        22 août 2020 - 23 h 56 min
        Bonjour à tous les lecteurs et commentateurs d’AP. Merci pour vos commentaires et votre participation au débat mémoriel sur Alger la Blanche de naguère.

        Je partage avec vous, mes chers frères lecteurs, ce petit texte de Maupassant rédigé lors de son séjour en Algérie. En 1881, le journal Le Gaulois envoie en Algérie Maupassant. Il réalise une série de reportages très critiques sur la réalité coloniale. Dans un de ces reportages, il parle de son séjour à Constantine. Il décrit la ville de Constantine, après avoir visité Alger, Sétif. Il termine son périple à Bône (Annaba) qu’il appelle la « ville blanche ». Au passage, il cite un vieux dicton algérien qui glorifie la ville de Constantine. Paradoxalement, dans ce dicton il est fait mention de Corbeaux : « Bénissez, dit-il à ses habitants, la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville sur un roc. Les corbeaux fientent ordinairement sur les gens, tandis que vous fientez sur les corbeaux. » Aujourd’hui, les Corbeaux du sol fientent sur toute l’Algérie. Au passage, admirez comment Maupassant, avec un soupçon d’orientalisme, décrit nos femmes algériennes du XIXème siècle
        « Du Chabet jusqu’à Sétif on croit traverser un pays en or. Les moissons coupées haut et non fauchées ras comme en France, pilées par les pieds des troupeaux, mêlant leur jaune clair de paille au rouge plus foncé du sol, donnent juste à la terre la teinte chaude et riche des vieilles dorures. Sétif est une des villes les plus laides qu’on puisse voir. Puis on traverse, jusqu’à Constantine, d’interminables plaines. Les bouquets de verdure, de place en place, les font ressembler à une table de sapin sur laquelle on aurait éparpillé des arbres de Nuremberg.

        Et voici Constantine, la cité phénomène, Constantine l’étrange, gardée, comme par un serpent qui se roulerait à ses pieds, par le Roumel, le fantastique Roumel, fleuve de poème qu’on croirait rêvé par Dante, fleuve d’enfer coulant au fond d’un abîme rouge comme si les flammes éternelles l’avaient brûlé. Il fait une île de sa ville, ce fleuve jaloux et surprenant ; il l’entoure d’un gouffre terrible et tortueux, aux rocs éclatants et bizarres, aux murailles droites et dentelées.

        La cité, disent les Arabes, a l’air d’un burnous étendu. Ils l’appellent Belad-el-Haoua, la cité de l’air, la cité du ravin, la cité des passions. Elle domine des vallées admirables pleines de ruines romaines, d’aqueducs aux arcades géantes, pleines aussi d’une merveilleuse végétation. Elle est dominée par les hauteurs de Mansoura et de Sidi-Meçid.

        Elle apparaît debout sur son roc, gardée par son fleuve, comme une reine. Un vieux dicton la glorifie : « Bénissez, dit-il à ses habitants, la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville sur un roc. Les corbeaux fientent ordinairement sur les gens, tandis que vous fientez sur les corbeaux. »
        Les rues populeuses sont plus agitées que celles d’Alger, grouillantes de vie, traversées sans cesse par les êtres les plus divers, par des Arabes, des Kabyles, des Biskris, des Mzabis, des nègres, des Mauresques voilées, des spahis rouges, des turcos bleus, des kadis graves, des officiers reluisants. Et les marchands poussent devant eux des ânes, ces petits bourricots d’Afrique hauts comme des chiens, des chevaux, des chameaux lents et majestueux.
        Salut aux juives. Elles sont ici d’une beauté superbe, sévère et charmante. Elles passent drapées plutôt qu’habillées, drapées en des étoffes éclatantes, avec une incomparable science des effets, des nuances, de ce qu’il faut pour les rendre belles. Elles vont, les bras nus depuis l’épaule, des bras de statues qu’elles exposent hardiment au soleil ainsi que leur calme visage aux lignes pures et droites. Et le soleil semble impuissant à mordre cette chair polie.
        Mais la gaieté de Constantine, c’est le peuple mignon des petites filles, des toutes petites. Attifées comme pour une fête costumée, vêtues de robes traînantes de soie bleue ou rouge, portant sur la tête de longs voiles d’or ou d’argent, les sourcils peints, allongés comme un arc au-dessus des deux yeux, les ongles teints, les joues et le front parfois tatoués d’une étoile, le regard hardi et déjà provocant, attentives aux admirations, elles trottinent, donnant la main à quelque grand Arabe, leur serviteur.

        On dirait quelque nation de conte de fée, une nation de petites femmes galantes ; car elles ont l’air femme, ces fillettes, femmes par leur toilette, par leur coquetterie éveillée déjà, par les apprêts de leur visage. Elles appellent de l’oeil, comme les grandes ; elles sont charmantes, inquiétantes, et irritantes comme des monstres adorables. On dirait un pensionnat de courtisanes de dix ans de la graine d’amour qui vient d’éclore.
        Mais nous voici devant le palais d’Hadj-Ahmed, un des plus complets échantillons de l’architecture arabe, dit-on. Tous les voyageurs l’ont célébré, l’ont comparé aux habitations des Mille et Une Nuits.
        Il n’aurait rien de remarquable si les jardins intérieurs ne lui donnaient un caractère oriental fort joli. Il faudrait un volume pour raconter les férocités, les dilapidations, toutes les infamies de celui qui l’a construit avec les matériaux précieux enlevés, arrachés aux riches demeures de la ville et des environs.

        Le quartier arabe de Constantine tient une moitié de la cité. Les rues en pente, plus emmêlées, plus étroites encore que celles d’Alger, vont jusqu’au bord du gouffre, où coule l’Oued-Roumel.
        Huit ponts jadis traversaient ce précipice. Six de ces ponts sont en ruine aujourd’hui. Un seul, d’origine romaine, nous donne encore une idée de ce qu’il fut. Le Roumel, de place en place, disparaît sous des arches colossales qu’il a creusées lui-même. Sur l’une d’elles, fut bâti le pont. La voûte naturelle où passe le fleuve est élevée de quarante et un mètres, son épaisseur est de dix-huit mètres ; les fondations de la construction romaine sont donc à cinquante-neuf mètres au-dessus de l’eau ; et le pont avait lui-même deux étages, deux rangées d’arches superposées sur l’arche géante de la nature. Aujourd’hui, un pont en fer, d’une seule arche, donne entrée dans Constantine.

        Mais il faut partir, et gagner Bône, jolie ville blanche qui rappelle celles des côtes de France sur la Méditerranée.
        Le Kléber chauffe le long du quai. Il est six heures. Le soleil s’enfonce, là-bas, derrière le désert, quand le paquebot se met en marche.
        Et je reste jusqu’à la nuit sur le pont, les yeux tournés vers la terre qui disparaît dans un nuage empourpré, dans l’apothéose du couchant, dans une cendre d’or rose semée sur le grand manteau d’azur du ciel tranquille. »
        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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