Je comprendrais que certains considèrent L'Emir Abdelkader comme père spirituel par rapport à leur soufisme ou leur franc-maçonnerie mais de là à le considérer comme père de la nation, il faut vraiment être un illusioniste.
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188ème anniversaire de la création de l’Etat Algérien par l’Emir Abdelkader: l’unité nationale comme message éternel
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Dernière modification par infinite1, 01 décembre 2020, 19h27.
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La relation spéciale entre Napoléon III et l’Emir Abdelkader
VIDÉO du 29 nov. 2020
À écouter à la minute 4:00 !
La relation spéciale entre Napoléon III et l’Emir Abdelkader
« Bien qu’il connaisse mal le monde arabe, Napoléon III est
saint-simonien et a lu Prosper Enfantin : il sait qu’il a affaire à une
grande civilisation en Algérie ».
Entretien avec Éric Anceau
Biographe de Napoléon III et d’Abdelkader, Eric Anceau enseigne l’histoire
contemporaine à Sorbonne Université et à Sciences Po Paris. Il travaille sur
les pouvoirs des sociétés et de l’action publique en France et en Europe au
cours du grand XIXe siècle et a publié de nombreux livres, seul ou en
collaboration, en particulier sur le Second Empire dont il est l’un des
spécialistes reconnus internationalement. Il est le directeur de l’axe politique
du LabEx EHNE (Ecrire une histoire politique de l’Europe), le vice-président du
CHPP (Comité d’histoire parlementaire et politique) et le directeur adjoint de
la revue HES (Histoire, Economie et Société).
Qui est l’émir Abdelkader ?
Abdelkader est la grande figure de l’Algérie et,
au XIXe siècle, de l’Islam. Il est né en 1808
dans le village de Guelma, situé à proximité de
Mascara, à 100km d’Oran, dans l’Ouest de
l’Algérie. Il se trouve qu’il appartient à un milieu
assez particulier puisqu’il descendrait directement du prophète. Son père, Muhieddine, est
une figure très respectée de la région. Le jeune
Abdelkader, qui signifie « le serviteur du puissant », a un don : à 5 ans, il sait déjà lire et
écrire et demande à son père de faire le hadj, le
pèlerinage de La Mecque. A 18 ans, il l’a déjà
accompli.
Il va entrer dans l’histoire avec la conquête
française de l’Algérie à partir de 1830.
Le roi Charles X, qui connaît de grosses
difficultés intérieures, le pouvoir en place avec
la Restauration étant extrêmement contesté,
va se servir d’un prétexte pour lancer l’expédition d’Algérie. A partir de cette expédition punitive, les Français vont se lancer dans la
conquête. Muhieddine, le père du jeune
Abdelkader, va fédérer les tribus de l’Ouest
algérien. Malheureusement pour lui, il va
mourir très tôt dans cette rébellion. Les autres
chefs vont voir ce jeune homme, qui a 23 ans à
l’époque, et être séduits par son discours :
c’est donc Abdelkader qui va mener le djihad
contre les Français, afin de les chasser. Cette
guerre va être mêlée de victoires d’Abdelkader
et ses Arabo-musulmans d’un côté, des Français de l’autre. On assiste à scènes assez
terribles : c’est le maréchal Bugeaud qui est
envoyé par Louis-Philippe sur place. Sont
restées tristement célèbres les enfumages à
l’égard de certains guerriers algériens. De
l’autre côté, certains chefs, lieutenants d’Abdelkader, se livrent également à des exécutions de prisonniers. En revanche, il existe un
profond respect des chefs vis-à-vis des autres.
Bugeaud par exemple considère Abdelkader
comme un véritable génie. Le général Lamori
cière le compare à Jugurtha, qui avait lutté
contre les Romains. Il y a donc un grand
respect réciproque.
En 1837, est finalement conclue une convention de paix reconnaissant à Abdelkader la
souveraineté sur une partie du territoire algérien. Il a constitué un Etat dont il est le chef, et
qui présente la particularité d’avoir une capitale mobile. C’est la fameuse smala, pour
éviter d’être pris par ses adversaires.
La guerre reprend sans que l’on sache réellement qui est le fautif. Pendant six ans, une fois
encore victoires et défaites se succèdent
jusqu’à une trahison qui va livrer, en 1843, la
smala au duc d’Aumale, qui est le fils de
Louis-Philippe et se trouve avec le maréchal
Bugeaud. Abdelkader se réfugie au Maroc, qui
est indépendant vis-à-vis du Sultan de
Constantinople. Il sera trahi à nouveau. En
1847, il se livre au Duc d’Aumale avec l’espoir
d’obtenir une sauvegarde et un passeport lui
permettant de se rendre en terre saint d’Islam,
à La Mecque, à Médine ou Damas pour y finir
ses jours. Malheureusement, Louis-Philippe
ne va pas tenir sa promesse : un bateau
emmène Abdelkader vers ce qu’il croit être
l’Orient. Il sera en réalité enfermé en France à
partir de 1848, au fort de Lamalgue, à Toulon.
Quelques semaines plus tard, Louis-Philippe
est renversé et la République s’installe.
Dans les rangs républicains, on hésite :
certains voudraient libérer Abdelkader, ne
serait-ce que parce que son arrestation est
une décision de Louis-Philippe, d’autres au
contraire considèrent que la rébellion pourrait
reprendre dans la mesure où il est devenu une
figure symbolique. Il va être décidé de lui
envoyer un jeune préfet, Emile Olivier, 23 ans,
afin de discuter avec lui. Celui-ci va être séduit
et conseille à la République de libérer Abdelkader. Il ne le sera pas et on va seulement « améliorer » sa captivité en l’envoyant au château
d’Henri IV à Pau. Ce qui est très intéressant est
qu’Abdelkader ne connaissait pas l’Occident
avant cet emprisonnement. Sur ce trajet qui va
l’emmener de Toulon à Pau, il va découvrir des
merveilles et se demander pourquoi la France,
qui possède tant de richesses et un climat
favorable, a pu souhaiter envahir le Maghreb.
A Pau, il obtient la possibilité de recevoir les
grandes figures politiques du pays : Prosper
Enfantin, l’un des propagateurs du Saint-Simonisme, veut par exemple discuter des potentialités de développement de l’Algérie. Abdelkader a le sens de l’hospitalité, reçoit, mais se
considère toujours prisonnier et refuse donc
les promenades hors de Pau qui lui sont
proposées.
Dans un deuxième temps, il sera enfermé au
château d’Amboise où, là encore, sa captivité
sera dorée : il a autour de lui ses trois femmes
et deux fils ainsi que toute sa smala.
Dans quel contexte Napoléon III et
l’Emir se rencontrent-ils ?
Le contexte français de 1848 est très troublé :
une République s’installe et souhaite une
colonne vertébrale. Dans sa Constitution, elle
va inclure pour la première fois l’élection d’un
Président de la République au suffrage universel masculin. Louis-Napoléon Bonaparte est le
premier à être élu.
Devenu président, il s’installe à l’Elysée. Il a
énormément entendu parler d’Abdelkader, en
bien comme en mal, car en 1848 s’est développée une double propagande. Il est présenté
tantôt comme un grand seigneur de la guerre,
tantôt comme un Arabo-musulman et donc
digne de mépris. Louis-Napoléon n’a pas ce
mépris, bien qu’il connaisse mal le monde
arabe. Simplement, il est saint-simonien et a lu
les écrits de Prosper Enfantin. Il sait donc qu’il
a affaire à une grande civilisation en Algérie.
En janvier 1849, il va réunir un conseil au sein
duquel figurent le maréchal Bugeaud ainsi que
le maréchal Rullière, ministre de la guerre, et
va leur demander s’il ne serait pas bon de
libérer l’Emir Abdelkader. Unanimement, il va
lui être répondu que non, dans la mesure où il
est devenu un symbole.
Il faut savoir que Louis-Napoléon Bonaparte,
dans les premiers mois de sa présidence, n’a
pas les mains libres. Il faudra attendre
décembre 1851 pour qu’il instaure, par un
coup d’Etat, un régime ressemblant beaucoup
au consulat de son oncle. Il se souvient alors
d’Abdelkader et que Napoléon, son oncle, était
lui-même très ouvert vis-à-vis de l’Islam. Lorsqu’à l’été 1852, il va accomplir un grand tour de
France pour consulter la population, il
prononce un discours à Bordeaux. Il y dit, en
substance que la conquête a été faite d’un très
grand territoire, sous ses prédécesseurs :
l’Algérie. Celle-ci mérite d’être développée. De
même qu’il sera bientôt Empereur des Français, il veut être Roi des arabes. Quelques
jours après ce discours, il se rend à Amboise
et libère Abdelkader. Ce dernier assiste à Paris
à toutes les festivités du passage au second
Empire : le 2 décembre 1852 il est l’un des
hôtes de marque du Palais des Tuileries. Il lui
fait également bénéficier de sa loge à l’Opéra.
Tout le monde voulait voir ce fameux Emir
dont on parlait. Abdelkader a beaucoup entendu parler de Napoléon Ier et demande à voir
son tombeau aux Invalides et à participer à
une revue militaire. Napoléon III lui offre, à
cette occasion, un magnifique cheval blanc. Il
tient également sa promesse et accepte que
l’Emir s’installe en Orient, à Brousse. L’un des
propagandistes de Napoléon III va publier un
livre intitulé Napoléon III et Abdelkader,
mettant les deux figures sur le même plan,
figures de la modernité, hommes d’Etat. En
1855, Abdelkader se rend en France pour
l’exposition universelle. A cette occasion,
Napoléon III le décore. Une médaille sera
également frappée en son honneur. Les deux
hommes se considèrent donc comme de
véritables amis.
En 1860, Abdelkader a quitté Brousse et s’est
installé en Syrie où son rayonnement fait que
beaucoup de Maghrébins l’ont suivi. On trouve
même à Damas un quartier des Algériens. Se
produit une catastrophe humanitaire : les
druzes vont massacrer les chrétiens maronites. Le massacre, qui a lieu dans les montagnes du Liban, va prendre une grande
ampleur autour, y compris à Damas, avec le
consentement du gouverneur pour le compte
d’Istanbul. Abdelkader va ouvrir généreusement les portes de son palais pour que les
chrétiens viennent s’y réfugier. Les histoires
estiment qu’entre huit et douze milles chrétiens ont eu la vie sauve grâce à lui. Le premier
à lui témoigner sa sympathie est Napoléon III
qui va le décorer de la grand-croix de la Légion
d’Honneur. Il reçoit des distinctions de toute
l’Europe et même le grand ordre de l’Empire
Ottoman. On voit donc les liens extrêmement
étroits entre Napoléon III et Abdelkader.
Ces liens perdurent : en 1860, Napoléon III va
visiter l’Algérie. Il est le premier chef de l’Etat à
le faire depuis la conquête de 1830. Ce voyage
est extrêmement important car il va se rendre
au contact des tribus arabo-musulmanes pour
établir un pied d’égalité entre eux, les colons et
les militaires. Cela aboutira, dans plusieurs
décrets de 1863, à la fondation du fameux «
royaume arabe ». Il a une idée en tête : qu’Abdelkader devienne le souverain de l’Algérie aux
frontières de l’Empire Ottoman. Ce dernier, qui
s’est beaucoup tourné vers un islam repensé
et inspiré par le soufisme de son père, va refuser cette proposition.
Pourquoi l’Emir est-il hissé au rang
de figure nationale en France
d’abord et en Algérie plus tard ?
A partir des années 1860, Abdelkader s’est
profondément tourné vers la religion mais a
gardé le contact avec la France. Il reviendra en
1867 pour visiter une nouvelle exposition
universelle à Paris. Il sera très ému de la chute
de son ami Napoléon III en 1870. Il continuera
à entretenir des liens avec la République,
même s’il s’en détachera quelque peu
lorsqu’elle deviendra extrêmement laïque et
durcira son combat contre la religion.
Abdelkader a une aura absolument inouïe
dans le monde musulman et arabe, mais en
particulier en Algérie. Il a demandé à être
inhumé dans le grand cimetière de Damas, à
côté du lieu où venait méditer Ibn Arabi, un
grand soufi du moyen-âge. Au moment de
l’indépendance de l’Algérie, Abdelkader, qui est
un véritable symbole de la lutte contre l’occupant français et du patriotisme, sera rapatrié à
Alger par le FLN et y sera inhumé. Pourtant, il y
a un autre Abdelkader : Abdelkader le musulman, soufi. Le FLN taira longtemps cet aspect
religieux. Parallèlement, en France, Abdelkader bénéficie d’une aura qui s’est maintenue
tout au long de l’histoire mais qu’on ne
retrouve pas forcément dans l’enseignement
primaire, seconde ou supérieur français. C’est
davantage l’élite qui a placé Abdelkader sur un
piédestal au point de nommer l’un des plus
beaux paquebots français de la compagnie
générale transatlantique à son nom, ainsi que
de nombreuses places publiques. La République a même édité un timbre à la figure d’Abdelkader. Pourquoi ? Car il a été perçu par
l’élite comme celui faisant le mieux le pont
entre les civilisations arabo-musulmane et
occidentale. Au milieu des années 1850, il a
écrit une lettre à tous les Français, ce qui est
d’une grande modernité pour l’époque. Qu’y
dit-il ? Qu’il est pour que les civilisations
travaillent entre elles à pacifier le monde
entier. Il se désolait déjà de ce qui allait advenir ensuite, sachant que son message ne
serait pas entendu.
Il se trouve que depuis plusieurs années, le
travail des historiens et de fondations permet
de redécouvrir la figure d’Abdelkader, y compris en Algérie. On s’aperçoit qu’il a toujours un
message à nous porter, un message de fraternité entre les civilisations.
.../...Dernière modification par wahrani, 01 décembre 2020, 23h22.
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Pour aller plus loin
- Eric Anceau, Ils ont fait et défait le Second
Empire. Vingt-six personnalités majeures du
milieu du XIXe s., Tallandier, 2019
- Eric Anceau, Napoléon III. Un Saint-Simon à
cheval, Tallandier, 2008, rééd. Tallandier, Texto,
201, prix Drouyn de Lhuys de l’Académie des
sciences morales et politiques et grand prix du
Mémorial.
- Bruno Etienne, Abd El Kader. Le magnanime,
Gallimard, 2003
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Forcément lorsqu'on sait que la France d'un simple Caïd de douar elle en fait une icône bombardée de médailles, d'oripeaux, et de titres élogieux ...
Que dire alors d'un rallié d'une grande tente qui de part son ralliement met fin à la guerre, vous offre enfin la conquête du pays convoité à moindre frais ...
Il est claire et évident qu' à travers la glorification d’Abdelkader par la France, l’objectif visé était la servitude du pays ...Dernière modification par infinite1, 02 décembre 2020, 08h39.
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Que dire alors d'un rallié d'une grande tente qui de part son ralliement met fin à la guerre, vous offre enfin la conquête du pays convoité à moindre frais ...ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)
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il ne s'est pas rallié, il a capitulé ,et puis, personne n'a combattu ni résisté autant de temps que lui ,ni de son époque ni du siècle d'après, c'est un fait .
Après qu'il ait capituler d'autres résistants, comme d'autres résistances (soulèvements) se sont organisées, un cheminement d'une lute jusqu'à l'indépendance. A travers ce cheminement d'autres figures emblématiques ont émergées (j'ai citer BEN M'HIDI qui pour moi est l'une des figures les plus nobles), et surement moins entachée que celle d’Abdelkader...
Un personnage occulté aussi par l'histoire est l’Émir Khaled (petit fils du premier), lui avait politiquement continuer à revendiquer l'indépendance de l'Algérie...
Sinon Abdelkader et sa suite depuis qu'il s'est placer sous l'a33-naya de la France à toujours servie celle ci jusqu'à sa mort... et d'ailleurs celle ci le lui rend bien; n'est-il pas parmi les personnages illustres au coté des officiels Français lors de l'inauguration du Canal de Suez ? ...
N'es ce pas un paradoxe que d’être le héros de son peuple, et un allié de son ennemie ? ...Dernière modification par infinite1, 02 décembre 2020, 11h33.
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