Un tortionnaire qui va rendre des comptes avec son créateur !
TÉMOIGNAGE ACCABLANT DE SADAOUI MAHFOUD, ANCIEN MOUDJAHID, CONTRE YAZID ZERHOUNI
Le quotidien "Le Matin" de Mohamed Benchicou (interdit) du dimanche 20 juillet 2003
« Ils m'ont déshabillé, insulté, donné des coups, infligé la gégène, la tête plongée dans l'eau savonneuse » Celui qui parle est un Algérien, moudjahid. Son tortionnaire n'est pas le général Schmitt. C'est Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, alors chef de la Sécurité militaire, qui voulait s'emparer de son local. Récit.
Le Matin : En quelle année votre local vous a été enlevé et dans quelles circonstances ?
Sadaoui Mahfoud : C'était fin décembre 1971, en fin d'après- midi. Je venais de fermer mon magasin au 26, rue Didouche-Mourad quand Yazid Zerhouni, trois de ses gardes du corps, son père, sa femme et deux de ses frères, ainsi que quatre policiers en tenue et trois agents de la brigade spéciale de l'Administration ont fait irruption dans mon local, une librairie médicale où j'effectuais des travaux. Ils ont commencé à faire l'inventaire des lieux, la liste de tout ce qui s'y trouvait, y compris une importante collection de gravures qui, aujourd'hui, vaut une fortune. Ils m'ont demandé de signer le document sur lequel il est mentionné : « Tous les objets trouvés dans le local sont sous la responsabilité de Mme Boualga Fatiha jusqu'à nouvel ordre. » J'ai refusé. L'inventaire a été signé par la dame, un agent de l'Administration et un policier. J'ai été brutalisé par les gardes du corps avant d'être jeté dehors.
Cela s'est fait comme cela, du jour au lendemain, sans préavis. Et n'étiez-vous pas un indu occupant ?
Je vous arrête là. Avant d'aller plus loin, je tiens à souligner que le local en question m'avait été attribué légalement par les autorités administratives en 1969. J'ai aussi acheté le fonds de commerce chez les domaines, et j'ai eu une attestation des contributions faisant valoir l'acquisition du fonds de commerce. Je n'ai donc jamais été un indu occupant. J'étais en règle avec l'Administration, c'était tout simplement de la hogra. L'indu occupante, c'est la femme de Zerhouni. Une semaine avant que je ne me fasse expulser manu militari de mon bien, Mme Boualga s'est présentée à moi, dans mon local, m'a menacé en utilisant le nom de Slimane Hoffman, alors wali d'Alger, et m'a intimé l'ordre de quitter les lieux et de lui remettre les clés. J'ai refusé. Elle m'a menacé. Deux ou trois jours après, le wali me convoque verbalement en m'envoyant un agent. Je me suis présenté à son bureau, la première des choses qu'il m'a demandé était de lui remettre les clés du local. J'ai essayé de comprendre. Il m'a répondu que je devais lui remettre les clés, sinon j'allais « le payer très cher ». Je ne me suis pas exécuté.
Vous n'avez pas eu peur ?
Je suis un moudjahid, un authentique. Quand il s'agit de mes droits, rien ne me fait peur. Une semaine après mon refus de donner les clés à Hoffman, Boualga Fatiha s'est représentée à moi dans mon local et m'a redemandé les clés. J'ai refusé. Elle m'a menacé avant de partir. Deux ou trois jours plus tard, c'est en compagnie de son mari, Yazid Zerhouni, et des personnes que j'ai déjà citées qu'elle est revenue pour occuper mon local. Elle voulait ce local et elle l'a eu. A cette époque, elle pouvait en prendre d'autres, mais elle a fait une fixation sur le mien.
Et pourquoi le vôtre ?
Cela va vous paraître invraisemblable, mais elle tenait à être installée face à la pharmacie Ben-Bouali dont la propriétaire a fait des études avec elle. Par caprice, madame voulait ce local. Grâce à son tortionnaire de mari, elle l'a obtenu.
Pourquoi tortionnaire, avez-vous été torturé ?
Avoir le magasin ne leur a pas suffi, ils ont tenu à avoir tous les documents administratifs y afférents. Après avoir occupé le local, un matin à l'aube, vers trois 3 heures du matin, ils sont venus me prendre chez moi. Après mon arrestation, ils ont fouillé la maison. Comme ils n'ont rien trouvé, ils m'ont emmené dans leurs locaux à Bouzaréah. J'y ai été séquestré un mois et torturé à mort par le cousin à Yazid Zerhouni, un certain Ferhat Zerhouni, et son collaborateur Chagra Abdelkader, dit Meftah, un harki, qui s'est fait passer pour un moudjahid. Ils m'ont exigé le désistement par écrit du local. Je ne l'ai pas fait.
Nous savons qu'il est pénible d'en parler, mais comment avez-vous été torturé et en gardez- vous des séquelles ?
Plus que des séquelles physiques, ce sont des séquelles morales que j'en garde. Je revis ces souffrances à chaque fois que je passe devant le local. Quand ils m'ont emmené à Bouzaréah, ils m'ont déshabillé, donné des vêtements en bleu de Chine puis m'ont mis dans une cellule au sous-sol qu'on a rejointe par des dédales. Ils m'ont mis deux gardiens qui m'accompagnaient même aux toilettes. J'ai été insulté ; je vous épargne les propos orduriers, les coups, la gégène, la tête plongée dans l'eau savonneuse Ce qui me faisait le plus mal, c'est que j'étais torturé par Meftah, un harki qui, pour m'humilier encore plus, me proposait des cigarettes, alors qu'il savait que je ne fumais pas. Ce que j'ai enduré, je l'ai supporté, mais je n'ai jamais supporté le fait d'avoir été, moi un moudjahid, torturé en plein indépendance par un harki.
Comment avez-vous été libéré puisque vous avez refusé de signer le désistement ?
Je l'ignore moi-même. Un mois après mon arrestation, un matin à l'aube, un officier avec un fort accent oranais est venu dans ma cellule pour m'informer qu'ils allaient me libérer. Il m'a dit ceci : « Nous allons te libérer, mais si tu parles, ce sera ta dernière erreur. » Ils m'ont bandé les yeux, j'ai quitté la cellule par les dédales, ils m'ont mis dans une voiture. Arrivés à hauteur de la rue Didouche-Mourad, ils ont ouvert la portière et jeté dehors. Pour l'anecdote, l'officier « oranais », je l'ai rencontré de nombreuses années plus tard. Il m'a reconnu et venu me saluer pour « leur avoir résisté ».
Après cela, avez-vous laissé tombé le local ?
Absolument pas. De 1972 à 1990, j'ai fait des requêtes à toutes les hautes instances de l'Etat, j'ai saisi tous les chefs, y compris les chefs militaires de l'époque et même Kasdi Merbah, le chef de Yazid Zerhouni. Je n'ai obtenu aucun écho. J'ai écrit à Boumediène, à Chadli Bendjedid, au Président du Haut- Comité d'Etat. J'ai sollicité Belhouchet, Beloucif et Chelloufi. Ils m'ont tous promis de récupérer mon local, mais personne n'a rien fait. Aucune des personnalités que j'ai sollicitées n'est intervenue en ma faveur.
Pourquoi ne pas avoir saisi la justice ?
Votre question me paraît naïve. A l'époque, je n'avais aucune chance ; introduire une plainte auprès du tribunal d'Alger aurait été le meilleur moyen pour eux de récupérer mes documents. J'y pensais mais j'attendais le moment propice. Après les évènements d'Octobre 1988, j'ai pensé à cette éventualité. En 1990, j'ai décidé de rendre l'affaire publique, j'ai écrit un article que j'ai transmis à Algérie Actualité, mais qui n'est jamais paru. J'ai donné le même écrit à l'Hebdo libéré, il a été publié sous le titre « Sar ya ma sar el hogra ». La même année, j'ai déposé plainte près le tribunal de Sidi M'hamed à Alger contre l'indu occupante Boualga Fatiha, l'épouse de Yazid Zerhouni. En première audience, la justice a décidé l'expulsion de l'indu occupante. J'ai transmis le jugement par huissier de justice à la concernée. Elle a constitué maître Belloula avocat et fait cassation. Depuis, c'est-à-dire plus de douze ans, l'affaire traîne en justice.
Avec tout ce qui vous est arrivé, tout en sachant que la personne en question est l'épouse d'un ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, vous ne voulez pas en démordre ?
Je vous l'ai dit, je suis un authentique moudjahid, je n'ai pas usurpé ce titre ni trafiqué des papiers pour l'avoir. J'ai été spolié, j'ai été victime d'une hogra et je ne compte pas abandonner mes droits. Néanmoins, sachant de quoi cette personne est capable, je prends à témoin la presse, je n'ai aucun autre adversaire, donc aucun ennemi. S'il m'arrive quoi que ce soit, le coupable est tout indiqué.
Le quotidien "Le Matin" de Mohamed Benchicou (interdit) du dimanche 20 juillet 2003
« Ils m'ont déshabillé, insulté, donné des coups, infligé la gégène, la tête plongée dans l'eau savonneuse » Celui qui parle est un Algérien, moudjahid. Son tortionnaire n'est pas le général Schmitt. C'est Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, alors chef de la Sécurité militaire, qui voulait s'emparer de son local. Récit.
Le Matin : En quelle année votre local vous a été enlevé et dans quelles circonstances ?
Sadaoui Mahfoud : C'était fin décembre 1971, en fin d'après- midi. Je venais de fermer mon magasin au 26, rue Didouche-Mourad quand Yazid Zerhouni, trois de ses gardes du corps, son père, sa femme et deux de ses frères, ainsi que quatre policiers en tenue et trois agents de la brigade spéciale de l'Administration ont fait irruption dans mon local, une librairie médicale où j'effectuais des travaux. Ils ont commencé à faire l'inventaire des lieux, la liste de tout ce qui s'y trouvait, y compris une importante collection de gravures qui, aujourd'hui, vaut une fortune. Ils m'ont demandé de signer le document sur lequel il est mentionné : « Tous les objets trouvés dans le local sont sous la responsabilité de Mme Boualga Fatiha jusqu'à nouvel ordre. » J'ai refusé. L'inventaire a été signé par la dame, un agent de l'Administration et un policier. J'ai été brutalisé par les gardes du corps avant d'être jeté dehors.
Cela s'est fait comme cela, du jour au lendemain, sans préavis. Et n'étiez-vous pas un indu occupant ?
Je vous arrête là. Avant d'aller plus loin, je tiens à souligner que le local en question m'avait été attribué légalement par les autorités administratives en 1969. J'ai aussi acheté le fonds de commerce chez les domaines, et j'ai eu une attestation des contributions faisant valoir l'acquisition du fonds de commerce. Je n'ai donc jamais été un indu occupant. J'étais en règle avec l'Administration, c'était tout simplement de la hogra. L'indu occupante, c'est la femme de Zerhouni. Une semaine avant que je ne me fasse expulser manu militari de mon bien, Mme Boualga s'est présentée à moi, dans mon local, m'a menacé en utilisant le nom de Slimane Hoffman, alors wali d'Alger, et m'a intimé l'ordre de quitter les lieux et de lui remettre les clés. J'ai refusé. Elle m'a menacé. Deux ou trois jours après, le wali me convoque verbalement en m'envoyant un agent. Je me suis présenté à son bureau, la première des choses qu'il m'a demandé était de lui remettre les clés du local. J'ai essayé de comprendre. Il m'a répondu que je devais lui remettre les clés, sinon j'allais « le payer très cher ». Je ne me suis pas exécuté.
Vous n'avez pas eu peur ?
Je suis un moudjahid, un authentique. Quand il s'agit de mes droits, rien ne me fait peur. Une semaine après mon refus de donner les clés à Hoffman, Boualga Fatiha s'est représentée à moi dans mon local et m'a redemandé les clés. J'ai refusé. Elle m'a menacé avant de partir. Deux ou trois jours plus tard, c'est en compagnie de son mari, Yazid Zerhouni, et des personnes que j'ai déjà citées qu'elle est revenue pour occuper mon local. Elle voulait ce local et elle l'a eu. A cette époque, elle pouvait en prendre d'autres, mais elle a fait une fixation sur le mien.
Et pourquoi le vôtre ?
Cela va vous paraître invraisemblable, mais elle tenait à être installée face à la pharmacie Ben-Bouali dont la propriétaire a fait des études avec elle. Par caprice, madame voulait ce local. Grâce à son tortionnaire de mari, elle l'a obtenu.
Pourquoi tortionnaire, avez-vous été torturé ?
Avoir le magasin ne leur a pas suffi, ils ont tenu à avoir tous les documents administratifs y afférents. Après avoir occupé le local, un matin à l'aube, vers trois 3 heures du matin, ils sont venus me prendre chez moi. Après mon arrestation, ils ont fouillé la maison. Comme ils n'ont rien trouvé, ils m'ont emmené dans leurs locaux à Bouzaréah. J'y ai été séquestré un mois et torturé à mort par le cousin à Yazid Zerhouni, un certain Ferhat Zerhouni, et son collaborateur Chagra Abdelkader, dit Meftah, un harki, qui s'est fait passer pour un moudjahid. Ils m'ont exigé le désistement par écrit du local. Je ne l'ai pas fait.
Nous savons qu'il est pénible d'en parler, mais comment avez-vous été torturé et en gardez- vous des séquelles ?
Plus que des séquelles physiques, ce sont des séquelles morales que j'en garde. Je revis ces souffrances à chaque fois que je passe devant le local. Quand ils m'ont emmené à Bouzaréah, ils m'ont déshabillé, donné des vêtements en bleu de Chine puis m'ont mis dans une cellule au sous-sol qu'on a rejointe par des dédales. Ils m'ont mis deux gardiens qui m'accompagnaient même aux toilettes. J'ai été insulté ; je vous épargne les propos orduriers, les coups, la gégène, la tête plongée dans l'eau savonneuse Ce qui me faisait le plus mal, c'est que j'étais torturé par Meftah, un harki qui, pour m'humilier encore plus, me proposait des cigarettes, alors qu'il savait que je ne fumais pas. Ce que j'ai enduré, je l'ai supporté, mais je n'ai jamais supporté le fait d'avoir été, moi un moudjahid, torturé en plein indépendance par un harki.
Comment avez-vous été libéré puisque vous avez refusé de signer le désistement ?
Je l'ignore moi-même. Un mois après mon arrestation, un matin à l'aube, un officier avec un fort accent oranais est venu dans ma cellule pour m'informer qu'ils allaient me libérer. Il m'a dit ceci : « Nous allons te libérer, mais si tu parles, ce sera ta dernière erreur. » Ils m'ont bandé les yeux, j'ai quitté la cellule par les dédales, ils m'ont mis dans une voiture. Arrivés à hauteur de la rue Didouche-Mourad, ils ont ouvert la portière et jeté dehors. Pour l'anecdote, l'officier « oranais », je l'ai rencontré de nombreuses années plus tard. Il m'a reconnu et venu me saluer pour « leur avoir résisté ».
Après cela, avez-vous laissé tombé le local ?
Absolument pas. De 1972 à 1990, j'ai fait des requêtes à toutes les hautes instances de l'Etat, j'ai saisi tous les chefs, y compris les chefs militaires de l'époque et même Kasdi Merbah, le chef de Yazid Zerhouni. Je n'ai obtenu aucun écho. J'ai écrit à Boumediène, à Chadli Bendjedid, au Président du Haut- Comité d'Etat. J'ai sollicité Belhouchet, Beloucif et Chelloufi. Ils m'ont tous promis de récupérer mon local, mais personne n'a rien fait. Aucune des personnalités que j'ai sollicitées n'est intervenue en ma faveur.
Pourquoi ne pas avoir saisi la justice ?
Votre question me paraît naïve. A l'époque, je n'avais aucune chance ; introduire une plainte auprès du tribunal d'Alger aurait été le meilleur moyen pour eux de récupérer mes documents. J'y pensais mais j'attendais le moment propice. Après les évènements d'Octobre 1988, j'ai pensé à cette éventualité. En 1990, j'ai décidé de rendre l'affaire publique, j'ai écrit un article que j'ai transmis à Algérie Actualité, mais qui n'est jamais paru. J'ai donné le même écrit à l'Hebdo libéré, il a été publié sous le titre « Sar ya ma sar el hogra ». La même année, j'ai déposé plainte près le tribunal de Sidi M'hamed à Alger contre l'indu occupante Boualga Fatiha, l'épouse de Yazid Zerhouni. En première audience, la justice a décidé l'expulsion de l'indu occupante. J'ai transmis le jugement par huissier de justice à la concernée. Elle a constitué maître Belloula avocat et fait cassation. Depuis, c'est-à-dire plus de douze ans, l'affaire traîne en justice.
Avec tout ce qui vous est arrivé, tout en sachant que la personne en question est l'épouse d'un ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, vous ne voulez pas en démordre ?
Je vous l'ai dit, je suis un authentique moudjahid, je n'ai pas usurpé ce titre ni trafiqué des papiers pour l'avoir. J'ai été spolié, j'ai été victime d'une hogra et je ne compte pas abandonner mes droits. Néanmoins, sachant de quoi cette personne est capable, je prends à témoin la presse, je n'ai aucun autre adversaire, donc aucun ennemi. S'il m'arrive quoi que ce soit, le coupable est tout indiqué.
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