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Le Pr Ali Bensaad répond à Kamel Daoud : Le devoir d’humilité s’impose à tous

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  • Le Pr Ali Bensaad répond à Kamel Daoud : Le devoir d’humilité s’impose à tous

    Ce n’est pas la première fois que l’apprentissage politique se fait en dehors de tout cadre formel, justement parce que ces cadres ont fait faillite. Il n’y aura pas de grand soir théorique, c’est en interrogeant le Hirak, en dialoguant avec lui, en l’écoutant et en en apprenant que s’élaboreront ces idées novatrices qui mèneront le mouvement social vers la bascule dans un autre devenir politique.”

    Il y a des tribunes qui résonnent comme des fetwas quand bien même se veulent-elles laïques. Comme celle lancée par le chroniqueur Kamel Daoud dans le journal “Liberté” contre les exilés algériens accusés d’avoir la parole et les critiques “excessives” contre le régime et l’état du pays. Cette fetwa qui se veut leur dénier moralement le droit à la parole sur le devenir du pays, intervient dans la suite et après le naufrage, dans la honte, de la fetwa du régime qui voulait leur dénier juridiquement ce droit par la menace de les déchoir de leur nationalité. Elle en prend le relais et lui fournit de fait, a postériori, la justification morale et la sauve à titre posthume. Bien sûr le chroniqueur ne parle pas de bâillonner la parole des exilés, il demande à cette parole de se fixer des limites, une façon politiquement correcte de l’amener à se taire, sur le mode de la “démocratie responsable”, concept par lequel, pendant des décennies, les régimes arabes autoritaires ont refusé les libertés collectives et individuelles.

    Il présente l’exil comme une sinécure qui ôterait donc aux exilés le droit à la critique réservée aux seuls “autochtones” en vertu d’un vécu qu’il qualifie de difficile, rejoignant en cela les “excès” des exilés. En utilisant le mot autochtone pour différencier les autres nationaux des exilés, le chroniqueur montre, qu’à l’instar des inspirateurs de la loi de déchéance de nationalité, il exclut les exilés de leur pays d’origine. Kamel Daoud va plus loin qu’Ouyahia qui a introduit un article dans la Constitution pour barrer aux membres de la diaspora l’accès aux postes de responsabilité. Lui, se pose explicitement et sans tabou comme il le dit, la question de contester aux exilés le droit de faire la politique (je le cite : “La question de savoir si l’exilé (au sens large) a le droit de faire de la politique pour l’Algérie, de si loin, se pose, malgré son caractère tabou.”). Cela veut aussi dire, pourquoi pas, leur enlever le droit de vote.

    En divisant les Algériens entre “autochtones” et “exilés”, le chroniqueur omet une catégorie importante, et il n’y a jamais de hasard dans les oublis. Il oublie cette catégorie bien illustrée par nos dirigeants mais où on retrouve dans leur sillage des privilégiés parmi lesquels des “lettrés”, la catégorie de ceux qui gardent bien sûr toujours un pied en Algérie pour en exploiter la ressource économique, le capital social et la légitimité, mais qui ont l’étranger pour résidence secondaire où ils se rendent et vivent le plus souvent même en temps de Covid et où ils peuvent se replier si nécessaire, en ayant déjà veillé à se faire binational. Ils ont le beurre, l’argent du beurre et la ferme Algérie où ils ne vivent pas les difficultés qui attribuent, selon le chroniqueur, la vertu de l’autochtonie. Pour eux, l’Algérie se réduit à un lieu de domiciliation de registre du commerce, étant entendu qu’on peut faire commerce de tout.

    Maintenant que la typologie initiée par le chroniqueur s’élargit à trois catégories, peut-il nous dire dans quelle catégorie il se situe ? Il faut reconnaître au chroniqueur d’avoir eu une idée audacieuse en rajoutant une nouvelle définition de l’exilé, celle du handicapé de la nationalité, d’Algérien incomplet, prédisposé par cette infirmité à être victime, je le cite, “de l’intox”, “de myopies souveraines” et “d’excès dérisoires et lamentables”. Les exilés, selon le chroniqueur, sont aussi étrangers à la réalité algérienne et incapables de la saisir que l’étaient les colons français. On croirait entendre un cheikh intégriste parler des laïques et de…Kamel Daoud. Il ne dirait pas autre chose.

    Réduire quelqu’un à une identité censée infamante (juif, laïque, homosexuel ou….exilé) qui dispense de discuter ses idées pour les disqualifier d’emblée, du fait de cette identité à laquelle il est assigné, est au fondement de la pensée totalitaire. C’est ce que fait M. Kamel Daoud avec Lahouari Addi (que je ne connais pas, que je n’ai croisé que deux fois dans ma vie, et dont je ne partage pas un certain nombre d’idées) et plus généralement les exilés. Il leur dénie le droit de parler de l’Algérie, leur parole étant disqualifiée, par avance, par leur statut d’exilés ne partageant plus le même vécu que celui de la communauté nationale et considérés de ce fait comme lui devenant étrangers. Leurs idées n’ont même pas besoin d’être discutées, entachées qu’elles sont par les infirmités consubstantielles au statut d’exilé.

    Retirer à l’exilé le droit de parole dans et sur sa communauté au motif qu’il n’en partage plus le vécu, s’apparente au bannissement dans l’ordre tribal ou à l’excommunication dans l’ordre théocratique, de celui qui s’écarte du vécu décrété devant être celui de la communauté. Cela procède de la même logique archaïque. C’est d’une banalité affligeante et des décennies d’études sur les migrations, dont font partie les exilés, ont illustré à la fois le caractère subversif et novateur de ces migrations et les résistances vaines et d’arrière-garde que leur oppose l’archaïsme de pans des sociétés de départ. Ce sont les mêmes que le chroniqueur, sans le savoir probablement, exhume et recycle. Il n’aura fait que reproduire un vieil atavisme qu’on peut faire remonter au mythe multimillénaire du fils prodigue. Je ne ferai pas injure au chroniqueur de lui rappeler que c’est dans l’exil qu’est né le mouvement national indépendantiste moderne qui a conduit à l’indépendance, ni la méfiance et la diabolisation par les Bachaghas et les colons, avec en partie les mêmes termes, des migrants porteurs de subversion au point où, malgré la demande de la métropole, ils ont réussi, longtemps, à bloquer les migrations sauf en Kabylie qui n’intéressait pas l’économie coloniale, ce qui explique, entre autres, l’origine kabyle des premières vagues d’émigration.
    C’est aussi la Fédération de France qui a servi de base de diffusion et de base-arrière aux idées de laïcité dont le chroniqueur fait son étendard. Et c’est par l’exil et la migration que la Kabylie en est devenue le vecteur principal (dois-je aussi rappeler que je ne suis pas un Kabyle ?). Jusqu’à aujourd’hui, ils sont nombreux les intellectuels et les militants en exil qui ont fait et font la richesse intellectuelle de l’Algérie et l’honneur de son histoire.

    Ce n’est pas l’exilé qui est visé mais le Hirak

    Il ne faut pas se raconter d’histoire, du projet de déchéance de nationalité à la tribune en question du chroniqueur, l’objet n’est pas tant l’exilé que le Hirak qui ne fait pas seulement vaciller le pouvoir mais qui pulvérise les certitudes et les conforts des élites, toutes les élites. Il faut regarder et s’interroger sur le Hirak avec humilité. C’est un mouvement largement spontané dont l’irruption a été inattendue même pour ceux qui l’espéraient. Il a surgi en l’absence d’encadrement et à l’insu des élites, de toutes les élites, refusant ces élites. Il continue à leur échapper toutes.

    Aucun n’a de droit de donner des leçons. Chacun a par contre le devoir de s’interroger sur ses lacunes d’hier qui ont rendu cette déconnexion possible et celles d’aujourd’hui qui empêchent la jonction. Il ne suffit pas de crier (dans une sorte de “y a qu’à”), que le Hirak doit se structurer et négocier. Il ne se structurera pas sur injonction, il est rentré dans le temps de la maturation et le pouvoir ne souhaite pas, de toute façon, de partenaire mais des clients et même exclusivement des clients très contrôlables à l’image du président lui-même.
    Il faut arrêter, dans une sorte de ressentiment, de clouer sans cesse le Hirak au pilori. Partout ailleurs dans le monde arabe, et pas seulement en Algérie, les contestations qui se sont levées n’ont pas débouché sur un changement même si, y compris en Algérie, dans un mouvement de flux et reflux, les affirmations citoyennes ont tout de même érodé les marges de manœuvre des pouvoirs autoritaires sans pour autant démentir leur résilience. Une des principales raisons à ces impasses momentanées est le fait qu’au contraire d’autres phases révolutionnaires vécues par le monde arabe, celle dite des “printemps arabes” n’a pas été précédée, n’a pas surgi d’un terreau de fermentation d’idées nouvelles. Il y avait une très grande colère mais qui n’a pas trouvé de réceptacle intellectuel, des idées nouvelles qui auraient pu accompagner ces contestations et qui, en leur donnant du sens leur auraient donné un sens, une orientation, un projet, des idées qui auraient pu alimenter partis politiques et activistes.

    Rappelons-nous la phase des libérations nationales et des constructions des Etats-nations dans le monde arabe. Elle a été précédée d’un bouillonnement intellectuel exceptionnel resté jusqu’à ce jour indépassable. Mais elle a été le produit d’une longue fermentation de plusieurs décennies qui ont labouré même le champ théologique. N’en déplaise à certains, le Hirak est un grand chantier d’apprentissage politique.

    Ce n’est pas la première fois que l’apprentissage politique se fait en dehors de tout cadre formel, justement parce que ces cadres ont fait faillite. Il n’y aura pas de grand soir théorique, c’est en interrogeant le Hirak, en dialoguant avec lui, en l’écoutant et en en apprenant que s’élaboreront ces idées novatrices qui mèneront le mouvement social vers la bascule dans un autre devenir politique.

    Mais certains discours qui interpellent le Hirak sur le mode alarmiste, culpabilisateur, désenchanté et donneur de leçons, comme celui de certaines tribunes du chroniqueur, participent plutôt d’une fabrique du renoncement et de la prophétie auto-réalisatrice d’un échec souhaité.


    Contribution
    Par : Ali Bensaad
    Universitaire
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

  • #2
    Daoud s'en prend aux islamistes qui critiquent le pouvoir de l'étranger.

    Rachid ne mènera jamais le Hirak malgré l'aide de certaines officines.
    Dernière modification par Tizwel, 12 avril 2021, 17h43.

    Commentaire


    • #3
      Envoyé par Tiregwa
      Daoud s'en prend aux islamistes qui critiquent le pouvoir de l'étranger
      Ce n'est pas bien de mentir Ya Chibani pour défendre Kamel Daoud

      Kamel Daoud s'adresse à tous les exilés. Voilà ce qu'il dit dans son article : "Si le pouvoir a pensé l’impensable en imaginant une loi qui peut dépouiller un Algérien de sa nationalité, la question de savoir si l’exilé (au sens large) a le droit de faire de la politique pour l’Algérie, de si loin, se pose, malgré son caractère tabou"

      Le Pr Ali Bensaad est un communiste qui a été menacé de mort dans les années 90 par les islamistes du FIS. S'il ne se sentait pas visé, en tant qu’exilé, par l'article de Kamel Daoud, il n'aurait pas répondu !

      Voici l'article de Kamel Daoud au complet :


      L’exilé Algérien, ou le syndrome de l’enfant unique

      Entouré de quelques curieux de rue, l’universitaire oranais en exil harangue la foule avec passion. Il évoque, dans la verve d’une indignation monotone, les généraux de l’Armée algérienne, la démocratie absolue, les élections. Sa conclusion est qu’il faut “ouvrir”, organiser des élections propres et honnêtes, même si elles mèneront aux pouvoirs des islamistes ou des radicaux autonomistes. Si on est Suédois, on peut admirer cet amour tenace pour un pays, le rêve si puissant d’une démocratie. Mais quand on est Algérien d’Aïn Sefra, on lève le sourcil : cet universitaire a quitté l’Algérie durant les années 90 et enseigne à Aix, une ville française. Rêver alors de démocratie et d’islamistes au pouvoir est donc chose facile, sans facture ni conséquences sur sa propre vie. Le pays, quand il est quitté, est plus facile à rêver et à gérer. Il est plus commode de vivre les paupières fermées quand on n’a pas de soucis d’eau, de transports, de loisirs et de justice.

      Si le pouvoir a pensé l’impensable en imaginant une loi qui peut dépouiller un Algérien de sa nationalité, la question de savoir si l’exilé (au sens large) a le droit de faire de la politique pour l’Algérie, de si loin, se pose, malgré son caractère tabou. Cette interrogation peut heurter le sens d’appartenance, souvent exacerbé chez ceux qui quittent, que chez ceux qui “restent”, introduire un mauvais doute le long du cordon ombilical et réinstaurer le vieux débat de la primauté de l’intérieur sur l’extérieur, si vivace, dit-on durant la guerre d’Indépendance. Mais cette réflexion est nécessaire sans autoriser le jugement sur le sentiment de patriotisme par le droit de sol. Ce débat doit être posé.

      Pour quelles raisons ?

      Tout d’abord l’autochtonie autorise la vertu, peut-être par défaut, de la mesure. Quand on vit dans ce pays, quand on y a ses enfants et ses pierres et ses cimetières, quand on partage le poids, la lenteur et la quotidienneté, on sait garder le sens de la prudence, mesurer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Rêver d’islamistes au pouvoir est une vision de la démocratie quand on habite Aix-en-Provence, une possibilité de se faire égorger quand on vit à Aïn Defla. Théoriser sur le chaos est de la philosophie autorisée quand on habite Montréal, un suicide collectif quand on habite Djelfa.

      Ensuite, et chacun a pu le constater sans jamais le dire : c’est chez nos exilés que les intox sur le “Régime” et les réalités algériennes ont le plus d’impact et de viralité, c’est chez les exilés (pas tous) que les myopies sont souveraines et les excès dérisoires et lamentables. C’est aussi dans le pays (imaginaire) de l’exilé que l’enthousiasme est le plus ravageur. Les raisons sont faciles à lister et l’on sait, de règle d’histoire, que pour l’Algérie, il y a à la fois la nostalgie des colons français algériens qui n’ont pas su/pu y vivre et la nostalgie des exilés algériens, d’aujourd’hui, qui ont choisi (et ils sont libres) de ne pas y vivre. Les deux sentiments sont parfois de même nature même s’ils n’ont pas le même sens. S’y mêlent, à chaque fois, le souvenir de la beauté, la souffrance du départ, la colère de la perte et le refus de laisser le temps au temps pour que se fassent l’œuvre de la réparation et le rejet du Présent.

      Les exilés ? Oui, le terme générique est maladroit mais inévitable. Comment évoquer à la fois, rassembler sans abus, sous la même chapelle, ceux qui ont quitté l’Algérie durant la guerre civile, les Français d’origine algérienne (souvent plus Algériens que les Algériens), les exilés intermittents et les refuzniks de l’absurdité algérienne et qui ont préféré la distance à la soumission ? Difficile. Alors, osons le générique pour faire court. Chacun y trouvera une part de vérité et une part de caricature.

      Aujourd’hui, l’Algérie vit mal, difficilement, slalome entre l’abîme et le retour au déni, le chaos et l’espoir. Ceux qui y vivent en vivent la chronique avec prudence et attention. Ils n’ont pas d’issue sauf un avenir pour tous. Ils mesurent chaque pas et se taisent parfois pour que la guerre ne revienne pas, se heurtent les uns aux autres. Curieusement, ce sont ceux qui ont quitté qui crient le plus fort, légitimement à cause de leur droit de rêver même de loin un pays, mais avec dérives car le pays quitté n’est jamais que le testament de ses démissions, forcées ou volontaires.

      Les “exilés”, on les espère, quand on vit en Algérie, proches de nous, mobilisés, heureux d’être partis, non méprisants en “off”, capables de nous aider sans renoncer à leur propre liberté ou choix d’exils. On les refuse quand ils se transforment en “hyper-Algériens” d’une Algérie imaginaire, de songes et de remords. Nous leur souhaitons d’aider le pays quitté, mais avec modestie, et d’aimer le pays qui les accueille et avec honnêteté. Le pays quitté a ses qualités et ses défauts et le pays de l’arrivée tout autant. Il n’est pas nécessaire de détester la France ou la Suède pour se croire super-Algériens et il n’est pas utile de se présenter ainsi, comme des aînés, face à ceux qui ont fait le choix idiot ou noble de rester.

      Chacun a le droit de construire ce pays, et l’avoir quitté n’est pas l’avoir trahi. Mais il y a un nécessaire apprentissage de la modestie, une initiation qui serait la bienvenue au sens de la mesure et une lucidité à respecter pour distinguer la nostalgie du remords, l’excès de la culpabilité. Cela nous aidera ici, en Algérie, et aidera ceux qui sont partis à être utiles et à se sentir en paix. Peut-être.

      L’Algérie ne viendra pas au monde par le forceps des fake-news, des exagérations, de la haine, de l’amertume et de cette culture de l’amplification de nos échecs (comme s’il s’agissait de justifier ses propres raisons de départ en amplifiant les échecs du pays quitté). Nos exilés doivent comprendre qu’ils peuvent rêver avec nous, mais pas à notre place. Qu’ils sont Algériens autant que nous, mais pas plus. Que ce pays ne se construira pas avec leurs grimaces, leurs moqueries numériques et leurs haines, mais avec une humble fraternité. Le tabou doit être dépassé et cette “fraternité” utopique ne peut conduire qu’à l’étouffement ou à la surenchère stérile. Nous avons besoin que nos exilés progressent, “grimpent”, s’imposent, se construisent dans leurs pays d’accueil pour mieux aider le pays de départ. Nous n’avons pas besoin de moqueries, de marches en rond, de rassemblements sans lendemain, ni de désespoirs, ni d’oppositions faciles, ni identités folklorisées. Le sentiment d’avoir trahi, même nié, devra cesser, et avec lui cessera le patriotisme zélé et de compensation. Nous avons besoin que nos exilés soient de bons Français, des Suédois d’excellence, des Japonais de prestige, des Sud-Africains de renom, des Argentins respectés. C’est le meilleur moyen d’être des Algériens d’exception. Pas le contraire. Et oser une semaine de bénévolat dans le pays profond vaut mieux que dix mille tweets sur l’identité fantasmée ou sur la fierté des racines de l’exilé.

      Ceux qui nous donnent des leçons de l’Extérieur et ceux qui nous interdisent d’évoquer l’Algérie que sous la censure de leur nostalgie, ceux qui confondent les réseaux sociaux avec le véritable engagement, ceux qui croient que moquer c’est construire et se dédouanent en confondant cultiver le rêve du retour et arroser une plante d’intérieur, ou font commerce du post-colonial, de la guerre civile, des arguments des minorités et du communautaire doivent cesser. L’exil est l’occasion de curieuses crises d’adolescence. Et c’est une misère, pas une identité.

      Tous les exilés ne sont pas ainsi, bien sûr. Mais la plupart nous fatiguent car ils nous ajoutent au poids du pays à vivre le poids du pays qu’ils s’imaginent.

      Kamel Daoud
      Liberté
      08-04-2021
      Dernière modification par shadok, 12 avril 2021, 18h50.
      Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

      Commentaire


      • #4
        Kamel Daoud, écrivain français : Les combats irrésolus d’un espace littéraire algérien dominé

        Par Abdellali Merdaci

        J’ai été vivement interpellé par l’opinion d’un lecteur du « Quotidien d’Oran » (« Kamel Daoud. L’arbre aux fruits mûrs », 31 mai 2020) relative à un supposé positionnement de Kamel Daoud sur l’algérianité et sur le patriotisme, deux marqueurs qui ne ressortissent pas de son discours habituel de « briseur de totems ». Je lis sous la plume de ce lecteur enthousiaste que cet écrivain serait dans notre pays l’actuel parangon de la vertu nationale et patriotique, se prévalant d’un « incommensurable amour de la patrie ». Mieux : « Il personnifie l’algérianité… ».

        S’agit-il, ici, d’une excessive idéalisation ? Elle peut induire en erreur les lecteurs du « Quotidien d’Oran », en particulier, et les Algériens, en général, car elle ne correspond pas à des faits et à des engagements prouvés de Daoud envers l’Algérie et sa littérature. Il convient de faire un nécessaire rappel sur ce qui a été un imprévisible parcours d’écrivain-chroniqueur.

        L’exception Daoud
        Le Kamel Daoud pour lequel beaucoup d’Algériens ont les yeux de Chimène est un pur produit de la France. En Algérie, il a été, le plus visiblement, un chroniqueur du « Quotidien d’Oran » (« Raïna Raïkoum ») et, sans doute a-t-il bénéficié sous le règne du président Abdelaziz Bouteflika d’un succès d’estime mesuré qui est celui du bouffon du roi, qui peut – sans risque assumé – lui cracher à la figure ses amères vérités. Et chacun de rire ou de s’attrister de ses imparables facéties et saillies. En termes d’audience, son irruption, en 2014, dans les champs littéraire et médiatique français (plus précisément germanopratins), qui l’ont porté et créé, est stupéfiant et sans précédent. Chroniqueur de presse, auteur de quelques textes sans prétention littéraire publiés par Dar El Gharb, à Oran, il n’a pas de profondeur réelle dans l’écriture littéraire et ses dispositions et ses capitaux dans ce domaine étaient (et restent) limités. Les conditions de sa réussite, autant expéditive que surprenante, sont connues et ont été diversement analysées, en Algérie même, dans le remarquable essai d’Ahmed Bensaada, « Kamel Daoud. Cologne, contre-enquête » (Tizi-Ouzou, Les Éditions Frantz Fanon, 2016), qui reste une lecture précieuse et incontournable et, en partie, à l’étranger, dans l’étude de l’Américaine Alice Kaplan revisitant le passage de Camus à Oran (« En quête de ‘‘L’Étranger’’ », Paris, Gallimard, 2016). Cette réussite ne tient pas de la génération spontanée : elle a été consciencieusement accompagnée. J’ai noté dans plusieurs contributions publiques que ce succès devait moins à une qualité éminemment littéraire des œuvres : six ans après son édition française, « Meursault, contre-enquête » (2013-2014) est entré dans une zone d’oubli après la bruyante réception critique qui a accueillie sa parution et « Zabor ou les psaumes » (2017), renouant avec les semblables techniques d’écriture, la répétition en filigrane d’une œuvre du patrimoine littéraire universel (dans ce cas le « Robinson Crusoé » (1719) de l’Anglais Daniel Defoe), a été sanctionné par une médiocre recension critique française et occidentale.

        Une stratégie d’écrivain payante
        La stratégie qu’a utilisée à l’envi Daoud pour s’imposer en France est celle du buzz viral qu’il a auparavant longuement expérimentée, en Algérie, dans les colonnes du « Quotidien d’Oran ». Ainsi qu’en témoignent ses chroniques sur le martyrologe palestinien, à Ghaza, et le sexe migrant, à Cologne (Allemagne). Au printemps 2014, alors qu’Israël lançait contre la bande de Ghaza son opération « Plomb durci », qui s’inscrit dans la lignée des terribles crimes génocidaires contre l’Humanité, Daoud affirmait crânement son indifférence au malheur des Palestiniens. Bien plus que l’hommage d’un « Arabe » au centenaire de la naissance de l’écrivain pied-noir, prix Nobel de littérature 1957, son propos, volontairement provocateur sur la souffrance de l’enclave palestinienne, lui apportera le soutien appuyé et inconditionnel de l’écrivain Pierre Assouline, chef de file du lobby sioniste du champ littéraire français, juré du Prix Goncourt, très actif dans les cuisines frelatées de l’édition germanopratine. Et par capillarité ceux des philosophes Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkrault, de l’Académie française, autres agents d’influence au-delà des milieux médiatique et littéraires. Mais aussi du philosophe Michel Onfray, affichant un chemin de singularité dans le champ intellectuel français, et de journalistes parisiens puissamment établis, Martine Gozlan, Natacha Polony, Raphaël Enthoven. Si son « Meursault » – dont plusieurs passages ont été réécrits par son éditeur français Actes Sud sous la pression des héritiers d’Albert Camus – a raté de peu le Goncourt 2014, il lui vaudra une consécration mondiale orchestrée par la France, ses institutions littéraires, universitaires et médiatiques unanimes. Et, grâce à ses nouveaux et illustres amis, une durable occupation de chroniqueur au magazine néolibéral parisien « Le Point » où exerce son protecteur Bernard-Henri Lévy, qui a à son actif d’avoir déstructuré la Lybie et installé un état de guerre permanente dans la région du Maghreb.

        Jusqu’à quel point Daoud a-t-il échappé aux agendas – strictement politiques – de ses protecteurs parisiens, principalement des affidés du sionisme mondial ? Au total, un parcours marqué davantage par les effets continus et cumulés de buzz qui survolent une œuvre littéraire sans qualité. Il faut insister sur le fait qu’en 2014 et en 2015, c’est plus le chroniqueur-buzzeur que le romancier-imitateur, qui n’a pas laissé d’impérissables souvenirs, qui a été convié à un hasardeux succès de scandale. Évidemment, en Algérie, il y a un grossissement de tout ce qui a été mis sous la lumière à l’étranger, particulièrement en France.

        D’un absolu repli à un Aller simple vers la nationalité française
        Venons-en à l’opinion du lecteur du « Quotidien d’Oran ». Ce lecteur introduit des critères de distinction, notamment l’algérianité et le patriotisme, qui devraient définitivement fonder la statue de Kamel Daoud en grand écrivain algérien. Il n’est pas inutile de reprendre, ici, le débat (inachevé) sur la question de l’identité et de la nationalité dans l’espace littéraire algérien en formation.

        J’ai constamment défendu dans mes ouvrages et dans mes interventions publiques une littérature nationale algérienne dans toutes ses langues, expression de la terre d’Algérie éloignée des tentatives de captation et de « périphérisation », qu’elles viennent d’Occident, ainsi la France, ou d’Orient. Et, j’ai aussi dénoncé le manque de clarté relativement à une insertion sans ambigüité nationale d’écrivains algériens adoubés par les lobbies littéraires germanopratins. Depuis les positions d’Assia Djebar, (1936-2015), membre de l’Académie française, sur la « littérature migrante », peu discutées en Algérie, et leur corolaire « la littérature sans résidence fixe » de l’Allemand Ottmar Ette, beaucoup d’écrivains français d’origine algérienne, notamment le typique Abdelkader Djemaï, se sont saisi de cette opportunité d’effacer prestement leur passé algérien. Ainsi, Kamel Daoud.

        Cette démarche de repli de l’écrivain est attestée par deux exemples, mais il y en a bien d’autres. 1°) Lorsque Régis Debray, encore juré du Prix Goncourt, lui remettant au printemps 2015 le Prix Goncourt du premier roman pour son « Meursault », avait proposé – est-ce seulement une douce formule protocolaire ? – de l’intégrer dans le Trésor de la littérature française, le natif de Mesra (Mostaganem) avait la possibilité dans cet échange, largement diffusé dans les médias français, de rappeler expressément et son algérianité et celle de son œuvre. Il ne l’a pas fait. 2°) En 2015, au plus fort de la pseudo-fetwa d’un faux imam illuminé, le journaliste et écrivain Gilles Herzog, longtemps rédacteur en chef de « La Règle du Jeu », la revue de Bernard-Henri Lévy, et soutien des révolutions colorées en Europe de l’Est, est monté en première ligne dans cette polémique algéro-algérienne pour déclarer qu’en la circonstance Daoud menacé par l’islamisme est un écrivain français. Là, encore, Kamel Daoud, a fait l’impasse sur ce qu’il est, sur ses origines et sur son algérianité. Il n’a pas désapprouvé cette surenchère française. Il le devait par respect aux lecteurs algériens qui croyaient en lui.

        Dernière modification par El_Hour1, 12 avril 2021, 19h27.
        Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

        Commentaire


        • #5
          Disons-le nettement : l’idée cruciale d’algérianité et de patriotisme est dévoyée par Kamel Daoud, récemment naturalisé français par un décret du gouvernement français publié au Journal officiel de la République française en date du 28 janvier 2020 (Réf. : DAOUD (Kamel), né le 17/06/1970 à Mostaganem (Algérie), NAT, 2019X 041176, dép. 99, Dt. 002/362.). Cette naturalisation française de l’écrivain et chroniqueur du « Point » (une aspiration aussi vieille que ses ambitions littéraires ?) a-t-elle échappé à la proverbiale sagacité des médias algériens ? Mais le retour – honteux – à la France d’un Algérien, quel qu’il soit, de l’anonyme ouvrier cantonnier au ministre d’Abdelaziz Bouteflika, renvoie toujours et inévitablement au passé colonial du pays et à ses violences traumatiques.

          Né après l’indépendance, formé davantage par l’idéologie islamiste que par l’École algérienne, Kamel Daoud n’a cessé de ressasser qu’il n’a pas de lien avec le passé de l’Algérie en guerre d’indépendance et qu’il ne conçoit aucune dette envers ceux qui l’ont menée. Cet entendement buté d’un Frère musulman repenti, injuriant le récit national, préparait sûrement un aller simple et obstiné vers la France d’Algérie, vers l’Algérie française remembrée, obsessionnelle et symptomatique. Il y a assurément, en l’espèce, un entrain naturel de supplétif, de harki et de déterreur de tombes de martyrs de la guerre de Libération nationale. Si les autres nationalités accordées à des Algériens d’origine restent malléables, celle de la France est une conjonction malheureuse.

          Cette information sur la naturalisation de Kamel Daoud, si elle avait été publiée et commentée en toute responsabilité par les médias nationaux, en son temps, n’aurait pas engagé ce lecteur, littéralement en transes, à reconnaître et à décerner à celui qui a renié son identité nationale un vain brevet de patriotisme et d’algérianité. L’écrivain-chroniqueur de Mesra n’a jamais cru ni en l’un ni en l’autre et il serait aujourd’hui dans l’imposture de s’attribuer la qualité d’écrivain algérien et des valeurs de patriotisme que lui prête son imprudent thuriféraire en catalepsie.

          Une monstrueuse appropriation française
          Il est indispensable de clarifier les faits pour éviter à des dineurs infatués des cantines huppées d’Alger de sauter au plafond. Je n’exclus pas Daoud de la littérature algérienne, puisqu’il en a librement décidé lui-même en devenant Français.

          Explication. Dans la tradition française sur la nationalité, semblable à celle du football international sous le contrôle de la FIFA, c’est toujours la dernière nationalité acquise qui est déterminante : nés Français et poussés dans leur art par la France, les talentueux footballeurs Ryad Mahrez, Sofiane Feghouli et bien d’autres sociétaires de l’équipe nationale de football, sont considérés par les instances mondiales du ballond rond et les médias de la discipline comme Algériens. Tout manquement à cette règle est dénoncé. Il en va de même en France pour la littérature. Mais aussi pour le sport, les arts et les sciences. La vocation enracinée de la France d’appropriation des biens culturels de ses anciennes colonies et d’assimilation des élites de tous horizons ne s’est jamais démentie.

          Français, Kamel Daoud appartient, désormais, à la littérature française comme tous ces écrivains étrangers qui ont fait cette littérature, qui l’y ont précédé ; je cite en vrac et à titre indicatif, de Russie (la comtesse de Ségur, O.V. de L. Milosz, Nathalie Sarraute, Arthur Adamov, Romain Gary, Henri Troyat, Elsa Triolet, Nina Berberova), de Pologne (Guillaume Apollinaire), de Roumanie (Eugène Ionesco, Émile-Michel Cioran, Panaït Istrati, Tristan Tzara, Paul Celan), des États-Unis (Julien Green, Jonathan Littell), d’Espagne (Jorge Semprun) de Tchéquie (Milan Kundera), de Grèce (Vassilis Alexakis), d’Afghanistan (Atik Rahimi) et même de Chine (Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature, 2000) et de beaucoup d’autres pays, plusieurs centaines d’écrivains scrupuleusement répertoriés dans les histoires et traités académiques de la littérature française depuis le XIXe siècle. Est-il imaginable de penser que la Russie et la Roumanie qui ont donné des contingents d’éminents écrivains et penseurs à la France et à sa littérature puissent les revendiquer aujourd’hui contre leur volonté d’être Français ? La République algérienne démocratique et populaire n’y pourra rien : Daoud est dans la littérature française en compagnie d’anciens Algériens, d’hier et d’aujourd’hui, qui ont choisi la France, entre autres Marie-Louise Amrouche, Mohamed-Aziz Kessous, Djamila Debêche, Ali Boumahdi, Ali Merad, Mohamed Arkoun, Anouar Benmalek, Nina Bouraoui, Abdelkader Djemaï, Salim Bachi, Lahouari Addi, et une foultitude d’auteurs moins connus (environ trois cents !) qui ont sauté allègrement la mer Méditerranée depuis l’indépendance. Et, parfois, en toute déloyauté, à chaque secousse sociale ou politique qui frappe leur ancien pays, ces néo-Français se rappellent au souvenir de l’Algérie et des Algériens pour leur faire la leçon, depuis Paris, Lyon et Marseille.

          Faut-il préciser que ces auteurs d’origine algérienne naturalisés français ne bénéficient pas, le plus souvent, de la plus basique citation dans les ouvrages et traités d’histoire et de critique littéraires françaises parce qu’ils ne répondent pas à d’impénétrables et insurmontables critères de consécration ? Et si, par un suprême hasard, Daoud, coutumier des farandoles germanopratines, y est admis dans leurs prochaines éditions revues et augmentées, il n’est pas certain de s’y maintenir car sa littérature sans vigueur relève davantage du phénomène de mode que du travail de la langue littéraire. Rien n’est aussi acquis pour son compère Boualem Sansal, détestable rabouilleur, maître dans l’esbroufe médiatique virale, qui attend, depuis 2015, comme il l’a déclaré au « Point », une nationalité française consentie sans aucune tracasserie administrative par l’État français. La romancière française d’origine algéro-marocaine, Leïla Slimani, conseillère à la francophonie et, accessoirement, chasseur de têtes du président Macron, qui a coaché Kamel Daoud dans sa démarche de naturalisation, devrait encore faire un effort pour Sansal.
          Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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          • #6
            Il y a quelques mois, Daoud et Sansal ont représenté la littérature française dans une grande manifestation d’hommage qui lui était rendu dans un pays nordique. Ils n’ont jamais failli lorsqu’il s’est agi de payer leur écot à la France. Ni le Français Kamel Daoud ni potentiellement Sansal, vil insulteur de martyrs de héros de la guerre d’indépendance qui n’en finit de lorgner un ticket français, ne sont des modèles d’algérianité et de patriotisme, pour autant qu’ils aient souhaité l’être. Que les Algériens, dans les médias et dans les Universités, cessent d’intoxiquer la jeunesse de notre pays avec ces succès fabriqués. À Paris, on ne demande pas à un écrivain qui vient d’Algérie (dont les manuscrits sont colligés par des « nègres ») d’avoir du talent, mais l’inentamable disponibilité à « taper » sur son pays, l’Islam et les Arabes, et subsidiairement, de montrer un intérêt ému pour Israël – la kippa, en sus, devant le Mur des Lamentations, à Jérusalem. Que l’on se remémore cet épisode épique, de l’été 2011, où Pierre Assouline, qui a introduit Daoud en France, défiait les ambassadeurs arabes pour réserver leur prix du roman à « Rue Darwin » de Sansal, au nom d’une indéfectible amitié et d’un attachement de l’auteur à Israël. Sortons aussi de ces pseudos-analyses universitaires à l’emporte-pièce sur un « Kamel Daoud, esquisse d’un phénomène postcolonial algérien », qui n’ont pas su prévoir son désaveu de la Nation algérienne et de sa littérature. Le postcolonial n’est pas à ce prix d’indignité.

            Le laudateur de Daoud, écrivain sans œuvre édifiante hors de la cacophonie médiatique collée à ses basques, n’évoque-t-il pas le Prix Nobel de littérature qui lui serait immanquablement promis, à l’image de Camus ? Il convient de raison garder. Ce prix mondial de littérature qui sélectionne au premier plan la langue est décerné à part égale à un écrivain au long cours (Camus, auteur d’une œuvre encore mince, était une exception : il n’y en aura pas d’autres) et au pays qu’il représente. Dans cette conjoncture restreinte, le Français d’origine algérienne Kamel Daoud, signant deux œuvres sans retentissement littéraire, ne figure pas dans le peloton nombreux d’écrivains français qui peuvent légitimement prétendre à cette consécration – en première intention, par la densité de leur littérature et son insertion dans les mutation socio-économiques et politiques de leur pays, Annie Ernaux, Pierre Michon, Patrick Chamoiseau, Jean Echenoz, Michel Houellebecq, Pierre Lemaître, Sylvie Germain, Éric Emmanuel Schmitt.

            Par ailleurs, Daoud, écrivain français répétant dans ses œuvres le thème algérien, sera relégué dans une insondable marginalité, car il n’a la longanimité ni de Hanif Kureishi ni de Salman Ruschdie, écrivains britanniques d’origines pakistanaise et indienne. Pour autant qu’il comprenne que la littérature n’est pas le méchant buzz et qu’il réunisse au gré des ans une solide œuvre littéraire renouvelée, par la seule force du travail et du talent, rien ne dit que la France officielle et souterraine ne jouera pas contre lui auprès des jurés de l’Académie suédoise. Comme elle l’a fait et continue de le faire pour barrer la récompense du Nobel au plus grand écrivain de langue française vivant dans le monde, aujourd’hui, l’Algérien Rachid Boudjedra. Si Boudjedra avait accepté de représenter la France dans cette compétition, son tour serait arrivé bien avant J.M.G. Le Clézio (2008) et Patrick Modiano (2014), sublimes écrivains, certes, qu’il surpasse par la créativité romanesque et langagière. C’est le seul scandale qui entache l’Académie suédoise, secouée récemment par l’épisode décrié de galipettes sexuelles de l’époux d’une responsable du Prix. Une intrigue, bien entendu, française.
            Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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            • #7
              Une identité et une allégeance sous le sceau d’une histoire qui ne passa pas
              Redisons-le. Ce n’est pas la liberté de Daoud de se faire Français qui est épiloguée ici. Et de toute manière, il s’en tire à bon compte, s’il y a des comptes à tirer de cette piteuse affaire. La doctrine algérienne sur la nationalité et son dispositif réglementaire ignorent ouvertement la double nationalité. Un Algérien le demeure de toute éternité, eut-il – cas extrême – demandé et obtenu la nationalité de l’État hébreu non reconnu. Cependant, les récentes moutures de la Constitution algérienne identifient implicitement l’existence de la double nationalité et en font un barrage pour l’accès à des postes de souveraineté de l’État. Or, beaucoup d’Algériens, principalement dans les cercles intellectuel, littéraire et artistique, exploitant cette faille réglementaire de la législation algérienne sur la nationalité, ont quitté le giron de la patrie pour différentes motivations – parfois peu honorables – pour rejoindre expressément la nationalité française, autrefois répudiée par referendum par leurs parents. Une identité et une allégeance, sous le sceau d’une histoire qui ne passe pas, souvent dans un esprit d’infâme mercenariat. Qui ne connaît les péripéties de ce célèbre dramaturge d’Alger exfiltré, en ces années 1990 au mitan de la guerre islamiste, dans une malle diplomatique par les « services » français et aussitôt naturalisé français, belle prise que la France culturelle escomptait ériger en nouveau Ionesco, Adamov ou Beckett ? Il est rentré nu et sans gloire dans le pays qu’il a abandonné. Peu avant de s’écrouler, le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika lui confiait de hautes responsabilités dans le champ culturel national. C’est dire…

              Comme pour le football, il n’y a que des littératures nationales. Kamel Daoud servira, dorénavant, la France, son pays d’adoption, et sa littérature. Il faut espérer qu’il sache, loin du buzz, conduire sa barque dans les eaux grumeleuses par gros grain du champ littéraire germanopratin où une virgule mal placée compromet un destin, qu’il préserve l’infime crédit d’écrivain néo-français qui lui est accordé par décret officiel de la République française. Dans quelle mesure sa décision de revêtir les couleurs de la France pourra-t-elle impacter l’espace littéraire algérien, toujours fragile et parasité par le champ littéraire français ? Il y aura régulièrement de jeunes et de moins jeunes postulants algériens à l’écriture littéraire en langue française qui voudront l’imiter. Car, il est patent qu’en Algérie la reconnaissance par les Algériens d’un de leurs écrivains – toutes langues confondues – est prononcée par Paris, ses institutions littéraires, médiatiques et universitaires. Une tutelle impériale, coloniale et néocoloniale, qui persiste. L’Algérie, comme la Belgique, d’Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck, Henri Michaux, Georges Simenon, Michel Ghelderode, Françoise Mallet-Joris, Félicien Marceau, Dominique Rolin, François Weyergans, Amélie Nothomb, la Suisse de Benjamin Constant, Germaine de Staêl, Blaise Cendrars, Charles-Ferdinand Ramuz, Charles-Robert Cingria, Henri-Frédéric Amiel, Jacques Chessex, Philippe Jacottet, Jean-Luc Bennoziglio, Joël Dicker, doit-elle abdiquer toute personnalité nationale et être réduite à un vivier d’écrivains pour grossir les rangs de la littérature française ? Une colonie littéraire française au XXIe siècle dans un pays qui n’est ni la Belgique ni la Suisse, qui arraché son indépendance par les armes ?

              Peu importe qu’il y ait présentement des écrivains algériens majeurs, succédant dans tous les genres littéraires à leurs ainés Omar Samar, Ferhat Abbas, Malek Bennabi, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Malek Haddad, Jean Sénac, Anna Greki, Mourad Bourboune, Rachid Boudjedra, qui écrivent et qui sont édités en Algérie, qui ne déparent pas dans la littérature universelle, qui sont supérieurs par leur travail de la langue littéraire aux Daoud, Sansal et à leurs épigones et qualitativement au-dessus de la production des auteurs français et francophones les plus côtés. Ils n’auront pas le droit d’accéder à la République mondiale des Lettres parce que leurs éditeurs n’ont pas les moyens de les faire connaître et de les défendre dans les rencontres internationales du livre et de porter leur voix dans le monde, la voix de l’Algérie littéraire. Ce combat pour l’émergence d’une littérature algérienne autonome, affranchie de la pesante tutelle de Paris et de ses institutions littéraires et académiques, auquel j’ai constamment invité les acteurs du livre, écrivains, éditeurs, libraires, critiques de journaux, enseignants et chercheurs universitaires, membres des académies de langues, jurés de prix littéraires, et principalement, les lecteurs, sera-t-il celui de l’Algérie nouvelle ?

              Il naîtra, peut-être un jour d’entre les jours, longtemps rêvé par les Marcheurs, une Algérie qui ne se doit qu’aux seuls Algériens qui vivent et qui luttent dans leur pays, pour le rendre meilleur, au risque parfois d’y laisser leur vie et de subir la prison. Ceux-là savent que dans toutes les aubes qui se lèvent sur leur terre, dans la sérénité de leurs croyances et de leurs convictions, dans le bruissement des mots de leur littérature et de leurs langues, il y a un seul emblème, recru du sang et de la douleur de ses martyrs, qui réunit toutes les espérances d’un pays qui survit à ses adversités. Que vivent l’Algérie, sa littérature nationale libérée et ses écrivains qui la feront grandir.

              * Écrivain, critique et historien de la littérature. Dernier ouvrage publié : Étienne Nasreddine Dinet. Une conjuration néocoloniale, Constantine, Médersa, 2020.
              Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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              • #8
                Ce n'est pas bien de mentirYa Chibani pour défendre Kamel Daoud
                T'as ptêt l'habitude de mentir mais pas moi..

                Il y a deux catégories d'opposants : les islamistes et les séparatistes.

                Daoud est un laïc qui est la bête noire des islamistes... Le reste c d bobards
                Dernière modification par Tizwel, 12 avril 2021, 20h39.

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                • #9
                  Il y a deux catégories d'opposants : les islamistes et les séparatistes.
                  Yakhi Hala ! Il n y a pas de démocrates à l'étranger qui soutiennent le Hirak ? Dans quelle catégorie tu classes le Pr Ali Bensaad ?

                  Kamel Daoud a confirmé qu'il était un anti-Hirakiste, rien de plus. Ce n'est pas nouveau, il s'est retourné contre le Hirak en 2019

                  Le Pr Ali Bensaad a bien compris le but de son article. Ce ne sont pas les exilés qui sont visés mais le Hirak

                  Kamel Daoud se la joue autochtone alors qu'il a un pied en Algérie et un autre en France ! Il a même été récemment naturalisé français
                  Dernière modification par shadok, 12 avril 2021, 20h50.
                  Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

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                  • #10
                    Envoyé par shadok Voir le message

                    Yakhi Hala ! Il n y a pas de démocrates à l'étranger qui soutiennent le Hirak ? Dans quelle catégorie tu mets le Pr Ali Bensaad ?

                    Kamel Daoud a confirmé qu'il était un anti-Hirakiste. Ce n'est pas nouveau, il s'est retourné contre le Hirak en 2019

                    Le Pr Ali Bensaad a bien compris le but de son article. Ce ne sont pas les exilés qui sont visés mais le Hirak

                    Kamel Daoud se la joue autochtone alors qu'il a un pied en Algérie et un autre en France !

                    Il a été récemment naturalisé français par un décret du gouvernement français publié au Journal officiel de la République française
                    Je parle de l'opposition partisane.
                    les démocrates c'est le cas de tout le monde.. Mais en réalité les partis politiques veulent tous surfer sur la vague.. Après, c'est autre chose car l'idéologie reprend le dessus.

                    Arrête la calomnie ! Je n'aime pas Kamel Daoud mais faut bien reconnaître que très peu de gens ont eu le courage de critiquer autant qu'il a fait..

                    Ali Ben saad s'oppose à Daoud car il critique l'intervention de dhina déclenchée par Kadhi ihsene.

                    Daoud à un pont en or en France.. Ils lui ont ouvertement proposé. Je ne sais pas pourquoi mais il a refusé.. Il y a deux autres écrivains algériens qui a refusé Tahar Djaout et Rachid mamouni. Le premier a été assassiné par les islamistes sanguinaires et le deuxième est mort d'une hépatite..
                    Dernière modification par Tizwel, 12 avril 2021, 20h53.

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                    • #11
                      Arrête la calomnie ! Je n'aime pas Kamel Daoud mais faut bien reconnaître que très peu de gens ont eu le courage de critiquer autant qu'il a fait..

                      Ali Ben saad s'oppose à Daoud car il critique l'intervention de dhina déclenchée par Kadhi ihsene.
                      J'aime bien Kamel Daoud en tant qu'écrivain, je l'ai rencontré au SILA et je l'ai encouragé pour sa nomination au prix Goncourt. Kamel Daoud m'avait dédicacé son livre : "Meursault, contre-enquête"

                      Mais aujourd'hui, je suis déçu pour ses positions vis-à-vis du Hirak. Ce n'est pas le Kamel Daoud que j'ai connu à travers ses chroniques incendiaires contre Bouteflika au Quotidien d'Oran. Kamel Daoud est devenu un anti-Hirakiste et un soutien du pouvoir. Après le 12/12, il soutient aujourd'hui les élections législatives !

                      https://www.algerie-dz.com/forums/al...on-kamel-daoud

                      Tu n'as pas compris l'article de Kamel Daoud. Il ne visait pas Kadi El Ihsane mais Lahouari Addi et tous les exilés que nous sommes. La question soulevée par Kamel Daoud n'est pas nouvelle. Il y a des personnes sur FA qui pensent comme lui que les algériens qui vivent à l'étranger n'ont pas le droit de faire la politique pour l'Algérie et s'impliquer dans le Hirak

                      Malheureusement, Kamel Daoud n'est pas la bonne personne pour critiquer les immigrés. Il vit entre la France et l'Algérie et a été naturalisé français le 28 janvier 2020 dans le Journal Officiel français

                      https://www.algerie-dz.com/forums/al...34#post8060034
                      Dernière modification par shadok, 13 avril 2021, 03h24.
                      Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

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