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Série télé : « Alger confidentiel » se donne sur Arte

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    ENTRETIEN. Le scénariste Abdel Raouf Dafri et le comédien Sofiane Zermani se confient sur ce thriller géopolitique haletant entre l’Allemagne et l’Algérie.

    Propos recueillis par Mérième Alaoui
    Publié le 15/02/2022
    Avec la minisérie Alger confidentiel*, Abdel Raouf Dafri signe l'adaptation du livre très documenté Paix à leurs armes de l'auteur allemand Oliver Bottini. Il y est question d'une lourde commande d'armes de guerre entre l'Algérie et l'Allemagne qui tourne au rapport de force entre généraux algériens, services secrets, enquêteurs et gouvernements des deux pays. En cause, le kidnapping de deux Allemands, en visite à Alger, par un mystérieux groupe politique secret opposé au régime en place.

    Comme attendu, le texte haletant d'Abdel Raouf Dafri explore à merveille les méandres des contradictions algériennes. Tout y est : le rapport au pouvoir, celui à la liberté, à la famille, au peuple, à l'indépendance, à la religion… Un cocktail explosif servi par des répliques piquantes. L'intrigue est dopée par la réalisation rythmée de Frédéric Jardin, fin connaisseur du style Dafri, qui parvient à accélérer la tension crescendo, jusqu'au dernier épisode particulièrement réussi.

    Qui sont Abdel Raouf Dafri et Sofiane Zermani ?



    Abdel Raouf Dafri a retrouvé dans le best-seller d’Oliver Bottini qui a inspiré la mini-série "Alger confiddentiel" toutes ses obsessions à travers une intrigue fabuleuse sur la terre de ses parents .
    © ARD - Roger Arpajou
    Abdel Raouf Dafri, 57 ans, est le scénariste du film culte Un prophète, César du meilleur scénario original, du diptyque Mesrine ou encore des dernières saisons de la série Braquo sur Canal+. Il a écrit et réalisé début 2020 Qu'un sang impur, son premier long-métrage, qu'il a consacré à la guerre d'Algérie, sujet au cœur de son œuvre.



    Sofiane Zermani, alias « Fianso », 35 ans, est devenu célèbre grâce à ses nombreux albums de rap auréolés de récompenses en disques de platine et d'or. Producteur de jeunes artistes très populaires comme Soolking, Heuss l'Enfoiré, homme d'affaires à succès, il s'est fait récemment remarquer comme acteur dans les films Frères ennemis et Les Sauvages, mais aussi sur les planches, notamment au théâtre du Châtelet où, du 16 au 20 février, il va jouer dans Gatsby le Magnifique, produit par France Culture. Autant de facettes qu'il a choisi d'assumer dans son dernier album La Direction.



    Producteur de jeunes artistes, Sofiane Zermani s’est récemment fait remarquer comme acteur dans les films Frères ennemis et Les Sauvages. Il est sur les planches du théâtre du Châtelet où, du 16 au 20 février, il joue dans Gatsby le Magnifique, produit par France Culture.

    Avant le tournage de la minisérie Alger confidentiel, Abdel Raouf Dafri et Sofiane Zermani ne se connaissaient pas. Le véritable « coup de cœur » artistique et humain qui s'est opéré les conduit à ne plus se quitter et à multiplier les projets communs. À leur table se télescopent éclats de rire et débats sur différents sujets comme l'Algérie, le cinéma français, la puissance de l'art contre les préjugés, etc.

    Pour et avec Le Point Afrique, ils ont accepté d'échanger sur leur rencontre par la minisérie Alger confidentiel mais aussi sur l'Algérie et ce que celle-ci charrie pour eux.

    Le Point Afrique : Abdel Raouf Dafri, après la réalisation de votre premier long-métrage, Qu'un sang impur, sur la guerre d'Algérie, vous revoici avec une minisérie sur le business de l'armement entre l'Algérie et, c'est inattendu, l'Allemagne. Comment êtes-vous arrivé dans ce projet ?

    Abdel Raouf Dafri : C'est simple, mon agent m'a proposé d'adapter le best-seller d'Oliver Bottini pour Arte. J'ai retrouvé dans ce livre toutes mes obsessions : mon regard sur l'Algérie, la terre de mes parents, à travers une intrigue fabuleuse. Et j'ai appris des choses hallucinantes sur les rapports principalement militaro-industriels qu'entretiennent l'Allemagne et l'Algérie. L'Algérie est potentiellement son meilleur client, ultra-VIP. Dans mes recherches, j'ai appris par exemple qu'en 2014 l'Allemagne a ouvert des usines d'assemblage de véhicules tout-terrains militaires à 400 km d'Alger… alors que le peuple, lui, a besoin de bien autre chose. Oliver Bottini a construit une histoire où se mêlent plusieurs générations avec un regard sur les Algériens et les Algériennes, un regard ni caricatural, ni occidentalisé, ni paternaliste. Comment un Allemand a pu aussi bien percuter ce qu'est le mental des dirigeants algériens ? C'est parce qu'il ressemble à celui des Allemands, ce sont des pragmatiques.

    Et vous, Sofiane Zermani, comment avez-vous rejoint ce projet ?

    Sofiane Zermani : J'y entre par une sollicitation du producteur et du réalisateur Frédéric Jardin. En général, je suis plus guidé par les rencontres, les humains qui incarnent les sujets, que par autre chose. Mais, en réalité, le propos m'a plu immédiatement. J'étais aussi concrètement très flatté de jouer du Dafri !

    C'est la première fois que je me prête au jeu d'un propos politique. Pour le coup, j'étais complètement en phase. Pourquoi ? Parce que j'ai trouvé le ton juste. J'ai aimé me mettre dans la peau de Sadek Tadjer. Ce personnage n'a aucune ambiguïté. Il est clair dans ce qu'il essaie d'empêcher et ce qu'il essaie de faire.

    Dans ma génération, on a idéalisé l'Algérie. Pour nous, c'était la Lune. Et on est arrivé à un âge, ou du moins à une lucidité, qui nous permet de regarder le pays de nos parents à travers des faits et des éléments concrets. Avec Abdel Raouf Dafri, on n'est pas tout le temps d'accord, mais la vérité, c'est que j'adore sa manière d'être droit dans ses pompes. J'aime que lui, avec toute sa culture, affirme : « L'Algérie est le pays de mes parents; moi, je suis français. »



    Intéressant de confronter vos deux générations, vos deux visions de l'Algérie…

    A. R. D. : Il faut comprendre que le peuple algérien a gorgé de son sang sa propre terre et que, pourtant, il y reste attaché et la sublime. L'amour que les Algériens ont pour leur pays et leur drapeau est un amour aveugle qui me fascine. Mais ma mère, qui m'a bien élevé, m'a dit une chose très claire quand j'étais petit. « Je suis née algérienne et je mourrai algérienne. Toi, tu es né français, tu mourras français. » Pendant très longtemps, je me suis insurgé contre tous les Français d'origine algérienne comme moi qui allaient deux mois en vacances en Algérie sans partager les souffrances du peuple à l'année. Puis ils revenaient ici et d'un coup se décrétaient algériens avant d'être français.

    S. Z. : Moi, je peux être fier d'être aussi du pays de mes parents, d'être algérien. J'ai une famille très marquée par l'histoire de ce pays et de cette guerre. Oui, je suis un fils de chouhada (martyr), petit-fils de chouhada… Mais je suis aussi de cette génération qui subit l'Algérie sans réellement la connaître en vérité. Et en plus on se permet parfois d'avoir des positions, de critiquer le pouvoir ou des décisions prises ou une histoire.

    Mais, en réalité, quelle est notre légitimité ? Je produis Soolking, un artiste algérien qui est, je pense, le plus grand porte-drapeau de la diaspora algérienne dans le monde actuellement. Il ne prend aucune position politique aujourd'hui car il a conscience de son influence et de sa responsabilité. Mais, quand il écrit « La liberté » et que cela devient le chant du hirak, il est à sa place. Soolking peut me parler des heures de son adolescence, de sa jeunesse passée en Algérie, de son positionnement contre le quatrième mandat de Bouteflika… Mais, moi, je peux beaucoup plus facilement lui parler des années Chirac, des années Sarkozy, des émeutes de 2005 en Seine-Saint-Denis que des années Bouteflika.



    Abdel Raouf Dafri, vous avez toujours imposé un droit de regard sur les comédiens qui incarnent vos scénarios. Il semble que les prestations de Sofiane Zermani vous ont séduit.

    A. R. D. : Si je suis devenu scénariste, c'est parce que je n'en pouvais plus de la vision socialiste, paternaliste, néocolonialiste des Français d'origine maghrébine. Jusqu'à ce que j'arrive avec Un prophète, les Arabes et les Noirs avaient toujours un Blanc pour leur montrer la voie.

    Ce que je cherche ? Des gens marqués par le déterminisme social. Je veux qu'ils respirent la rue, qu'ils soient très intelligents et très talentueux. Qu'ils se sentent français tout en respectant l'héritage de leurs parents. Et j'ai eu un bol monstrueux de rencontrer Sofiane Zermani (rires ). J'ai vu en lui une intelligence à la fois de salon et de la rue. Ce mélange que l'on retrouve chez les artistes américains comme Jay Z, Denzel Washington, qui ont quitté le ghetto mais qui ont gardé en eux l'odeur du béton liquide de la rue.

    Sofiane Zermani, vous êtes très admiratif du travail d'Abdel Raouf Dafri. Ce qu'il dit de vous est très flatteur !

    S. Z. : Oui ! J'ai refusé tout ce que j'ai refusé et j'ai patienté tout ce que j'ai patienté pour que cela puisse arriver. J'ai une énorme chance de jouer sur un scénario d'Abdel Raouf Dafri et une réalisation de Frédéric Jardin.

    En réalité, j'ai juste essayé d'être à la hauteur de l'appel de la Ligue des champions et je m'estime très chanceux ! Au-delà du boulot, des œuvres, il y a vraiment une rencontre avec Abdel, un truc humain et fusionnel qui se passe depuis quelques mois, voire un an. Un coup de cœur, c'est clair.

    Cette rencontre a donné lieu à plusieurs projets en cours. Pouvez-vous nous en parler ?

    A. R. D. : Je développe une série intitulée Les Authentiques. Elle est produite par Marc Missonnier. C'est l'histoire vraie de deux mecs d'Aubervilliers qui ont fait partie d'un groupe d'amis où la fraternité n'est pas un vain mot. Dans les années 1980, ils ont volé des œuvres d'art pour la mafia japonaise. Pour récupérer une créance non payée, ils ont braqué un fourgon blindé à Tokyo… Une femme qui les poursuit va faire tomber deux d'entre eux : Nordine et Philippe, dit Gros Phiphi. Sofiane sera Nordine. Ils se sont déjà vus, et j'ai été très rassuré de constater que c'était encore une fois une rencontre forte et humaine !

    Sofiane Zermani, le hasard fait que le jour de la diffusion de la minisérie Alger confidentiel sur Arte.tv le 16 février, vous serez sur les planches du théâtre du Châtelet pour rejouer Gatsby le Magnifique, après le succès à Avignon.

    S. Z. : Oui, c'est une production de France Culture sous la direction musicale d'Issam Krimi. Je pourrais signer trois albums, rigoler, dire que la « cité c'est chaud ». Je n'arrive pas à me cantonner à ce qu'on attend de moi. J'attends beaucoup trop de moi-même en réalité. Être seul face à du monde, peu importe le domaine, cela m'aide beaucoup. Le partage avec le public, c'est ce qui me fait vibrer. Si on a l'humilité qui va avec, l'abnégation, le temps de boulot, la concentration, quelle que soit la prestation de l'artiste, il se passe toujours quelque chose de naturel.

    Abdel Raouf Dafri, ce passage par le théâtre vous a forcément plu…

    A. R. D. : C'est une prise de risque qu'on ne s'imagine pas. Cela ne rapporte pas beaucoup d'argent, demande trois fois plus de travail et on ne peut pas truquer. Cela demande une discipline de commando. Si on dévie de trois centimètres, on se prend la balle. Beaucoup d'acteurs jouent sur leur nature et sur le fait qu'on peut refaire les prises. Cela ne fait pas d'eux, à mes yeux, de vrais acteurs. Sofiane Zermani, et j'en suis si heureux, est un acteur de théâtre. Tous les grands acteurs américains, Al Pacino, Dustin Hoffman, Robert De Niro… et la liste est longue, sont tous montés sur les planches.

    Justement, Sofiane Zermani, on loue souvent votre force de travail, votre implication dans tous vos projets…

    S. Z. : Je l'ai vécu avec l'école et dans pas mal de contextes de ma vie… Il y a une catégorie de personnes qui, dans la vie, fournira deux à trois fois le boulot des autres pour avoir comme les autres. Alors, on va me dire « mais c'est injuste » ! OK, mais une fois que c'est digéré, que c'est accepté, compris, on se dit : « Je vais faire deux fois, trois fois plus et je vais être le meilleur. » Par exemple, quand j'arrive sur Gatsby à Avignon en 2018, c'est une lecture à la base, pas une pièce. Mais je me suis mis une telle pression que j'ai appris le texte par cœur. Du coup, la lecture s'est transformée en pièce ! Cette phase de travail est douloureuse, mais, quand elle est passée, on commence réellement à kiffer. Et là, je m'oublie totalement sur scène.
    Dernière modification par Anzoul, 17 février 2022, 08h07.
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