Politique migratoire en Algérie
Leila Boussaid
Enseignant-chercheur à l'Université d'Alger
29/06/2022
QUADERNS DE LA MEDITERRÀNIA
CIVIL SOCIETY IN THE MEDITERRANEAN MIRROR
et immigrants irréguliers
À une époque où les migrations sont de plus en plus nombreuses et diversifiées, on peut certainement dire que l’Algérie est à la fois un pays d’émigration et d’immigration, mais la nature de celles-ci a considérablement changé dans les dernières années. En effet, les migrations de peuplement ont cédé le pas à celles qui sont à caractère temporaire. Les femmes et les jeunes sont de plus en plus nombreux dans la population migrante, qui, jadis, était composée principalement de travailleurs masculins non qualifiés. D’autre part, le nombre d’immigrés a aussi augmenté, en raison, principalement, des conflits dans la région du Sahel. Ainsi, sur le sol algérien, de nombreux immigrés sont des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il s’avère donc nécessaire de mettre en œuvre une politique migratoire que l’Algérie doit envisager en tenant compte à la fois de l’émigration de ses ressortissants et de l’immigration d’étrangers sur son sol.
Les migrations internationales ont été, au début du xxie siècle, au centre des préoccupations des organisations internationales et régionales ainsi que des organisations inter et non gouvernementales. C’est dire l’importance de premier ordre d’un phénomène multi acteurs devenu mondial. Les projections des Nations unies pour les années 2000 avaient montré une tendance à la hausse des flux migratoires, en particulier ceux en provenance des pays du Sud vers les pays du Nord. Les données fournies par l’Organisation internationale pour les Migrations en 2017 ont confirmé ces prévisions.
Un autre constat s’impose : on assiste à une diversification des migrations, qui se traduit par une évolution de leur composante et l’élargissement de l’éventail des catégories de migrants. La première mutation des mouvements migratoires tient, d’abord, à la durée du séjour des migrants dans le pays d’accueil. Les migrations de peuplement ont cédé le pas à celles à caractère temporaire. Le second changement que l’on a pu observer a trait à la qualité des migrants. Les flux migratoires étaient, par le passé, composés surtout de travailleurs du sexe masculin. Les femmes sont, aujourd’hui, de plus en plus nombreuses au sein de la population migrante. Les jeunes en constituent, par ailleurs, une part croissante ; on compte parmi eux une proportion non négligeable d’étudiants. Enfin, le nombre de réfugiés et de migrants irréguliers a augmenté de façon tangible ces dix dernières années. Les premiers auraient atteint le chiffre de 65,6 millions selon le Haut Commissariat aux Réfugiés tandis que, pour les seconds, les estimations oscillent entre 2,8 et 6 millions de personnes (Ambrosini, 2010).
Un autre fait notoire mérite d’être souligné : la transformation du champ migratoire. Longtemps, les pays du Nord constituaient la destination privilégiée des migrants en provenance, le plus souvent, des pays du Sud. Si cette tendance continue d’être observée, il apparaît, néanmoins, que bon nombre de ces derniers reçoivent de nombreux migrants originaires d’autres pays du Sud (ou de la même région). On assiste, peu à peu à un changement de statut de certains pays. Les uns, connus pour être des pays d’émigration, deviennent dans le même temps, des pays d’immigration ; c’est notamment le cas de l’Italie. Inversement, d’autres qui étaient des pays d’accueil notoires deviennent également des pays d’émigration, comme on a pu le constater pour la France.
La même évolution concerne certains pays du Sud et c’est le cas particulièrement pour l’Algérie. Celle-ci a été longtemps un pays d’émigration et elle continue de l’être. Depuis quelques années, l’Algérie est devenue une destination pour les Africains, notamment ceux originaires des pays du Sahel. Ce nouveau phénomène auquel est confrontée l’Algérie a mis en évidence la nécessité d’en cerner les contours, c’est-à-dire d’en déterminer l’ampleur, d’en identifier les causes et d’en évaluer les incidences. Il s’agit là, d’un préalable pour la mise en œuvre d’une politique migratoire que l’Algérie doit envisager en tenant compte, à la fois de l’émigration de ses ressortissants et de l’immigration d’étrangers sur son sol.
L’émigration algérienne essentiellement composée, par le passé, d’une main-d’œuvre non qualifiée, compte, aujourd’hui, un nombre de plus en plus important de personnes « compétentes » établies dans diverses régions du monde, constituant ainsi une véritable diaspora. Plus récemment, est apparu un phénomène nouveau qui tend à prendre de l’ampleur et qui consiste à quitter illégalement le territoire. Ce phénomène touche essentiellement les jeunes gens, communément appelés les haragas.
L’immigration en Algérie, si l’on excepte le fait colonial, a été de peu d’importance durant la période post indépendance. Pourtant, au cours de cette dernière décennie, l’Algérie a dû faire face à un afflux d’immigrants cherchant asile pour certains, fuyant la pauvreté, pour d’autres. L’immigration de transit que les autorités algériennes avaient tenté de contrôler, jusqu’ici, a évolué, depuis quelques années, en une immigration durable marquée par son caractère irrégulier. L’impact de ces migrations pose deux questions essentielles, celle du développement d’une part, celle de la sécurité d’autre part. C’est en s’appuyant sur ces deux axes que l’Algérie devra penser sa politique migratoire qui, jusqu’ici, n’a pas été à la mesure des défis à relever. Elle a eu à préciser sa position au sujet des migrations clandestines et des moyens d’en réduire l’ampleur grâce à une coopération régionale et internationale. Celle-ci aura pour priorité de s’attaquer aux causes profondes qui sont à l’origine de ces mouvements de personnes. Si l’Algérie refuse de faire de son sol un vaste camp de rétention, elle ne peut, en revanche, continuer à éluder la question des droits humains intimement liée au phénomène migratoire.
Notre travail se limitera à l’étude de l’immigration sous ses différents aspects, la question de l’émigration algérienne ayant déjà fait l’objet de nombreuses études, par ailleurs.
Leila Boussaid
Enseignant-chercheur à l'Université d'Alger
29/06/2022
QUADERNS DE LA MEDITERRÀNIA
CIVIL SOCIETY IN THE MEDITERRANEAN MIRROR
et immigrants irréguliers
À une époque où les migrations sont de plus en plus nombreuses et diversifiées, on peut certainement dire que l’Algérie est à la fois un pays d’émigration et d’immigration, mais la nature de celles-ci a considérablement changé dans les dernières années. En effet, les migrations de peuplement ont cédé le pas à celles qui sont à caractère temporaire. Les femmes et les jeunes sont de plus en plus nombreux dans la population migrante, qui, jadis, était composée principalement de travailleurs masculins non qualifiés. D’autre part, le nombre d’immigrés a aussi augmenté, en raison, principalement, des conflits dans la région du Sahel. Ainsi, sur le sol algérien, de nombreux immigrés sont des réfugiés et des demandeurs d’asile. Il s’avère donc nécessaire de mettre en œuvre une politique migratoire que l’Algérie doit envisager en tenant compte à la fois de l’émigration de ses ressortissants et de l’immigration d’étrangers sur son sol.
Les migrations internationales ont été, au début du xxie siècle, au centre des préoccupations des organisations internationales et régionales ainsi que des organisations inter et non gouvernementales. C’est dire l’importance de premier ordre d’un phénomène multi acteurs devenu mondial. Les projections des Nations unies pour les années 2000 avaient montré une tendance à la hausse des flux migratoires, en particulier ceux en provenance des pays du Sud vers les pays du Nord. Les données fournies par l’Organisation internationale pour les Migrations en 2017 ont confirmé ces prévisions.
Un autre constat s’impose : on assiste à une diversification des migrations, qui se traduit par une évolution de leur composante et l’élargissement de l’éventail des catégories de migrants. La première mutation des mouvements migratoires tient, d’abord, à la durée du séjour des migrants dans le pays d’accueil. Les migrations de peuplement ont cédé le pas à celles à caractère temporaire. Le second changement que l’on a pu observer a trait à la qualité des migrants. Les flux migratoires étaient, par le passé, composés surtout de travailleurs du sexe masculin. Les femmes sont, aujourd’hui, de plus en plus nombreuses au sein de la population migrante. Les jeunes en constituent, par ailleurs, une part croissante ; on compte parmi eux une proportion non négligeable d’étudiants. Enfin, le nombre de réfugiés et de migrants irréguliers a augmenté de façon tangible ces dix dernières années. Les premiers auraient atteint le chiffre de 65,6 millions selon le Haut Commissariat aux Réfugiés tandis que, pour les seconds, les estimations oscillent entre 2,8 et 6 millions de personnes (Ambrosini, 2010).
Un autre fait notoire mérite d’être souligné : la transformation du champ migratoire. Longtemps, les pays du Nord constituaient la destination privilégiée des migrants en provenance, le plus souvent, des pays du Sud. Si cette tendance continue d’être observée, il apparaît, néanmoins, que bon nombre de ces derniers reçoivent de nombreux migrants originaires d’autres pays du Sud (ou de la même région). On assiste, peu à peu à un changement de statut de certains pays. Les uns, connus pour être des pays d’émigration, deviennent dans le même temps, des pays d’immigration ; c’est notamment le cas de l’Italie. Inversement, d’autres qui étaient des pays d’accueil notoires deviennent également des pays d’émigration, comme on a pu le constater pour la France.
Depuis quelques années, l’Algérie est devenue une destination pour les Africains, notamment ceux originaires des pays du Sahel. Ce nouveau phénomène auquel est confrontée l’Algérie a mis en évidence la nécessité d’en cerner les contours, c’està-dire d’en déterminer l’ampleur, d’en identifier les causes et d’en évaluer les incidences
La même évolution concerne certains pays du Sud et c’est le cas particulièrement pour l’Algérie. Celle-ci a été longtemps un pays d’émigration et elle continue de l’être. Depuis quelques années, l’Algérie est devenue une destination pour les Africains, notamment ceux originaires des pays du Sahel. Ce nouveau phénomène auquel est confrontée l’Algérie a mis en évidence la nécessité d’en cerner les contours, c’est-à-dire d’en déterminer l’ampleur, d’en identifier les causes et d’en évaluer les incidences. Il s’agit là, d’un préalable pour la mise en œuvre d’une politique migratoire que l’Algérie doit envisager en tenant compte, à la fois de l’émigration de ses ressortissants et de l’immigration d’étrangers sur son sol.
L’émigration algérienne essentiellement composée, par le passé, d’une main-d’œuvre non qualifiée, compte, aujourd’hui, un nombre de plus en plus important de personnes « compétentes » établies dans diverses régions du monde, constituant ainsi une véritable diaspora. Plus récemment, est apparu un phénomène nouveau qui tend à prendre de l’ampleur et qui consiste à quitter illégalement le territoire. Ce phénomène touche essentiellement les jeunes gens, communément appelés les haragas.
L’immigration en Algérie, si l’on excepte le fait colonial, a été de peu d’importance durant la période post indépendance. Pourtant, au cours de cette dernière décennie, l’Algérie a dû faire face à un afflux d’immigrants cherchant asile pour certains, fuyant la pauvreté, pour d’autres. L’immigration de transit que les autorités algériennes avaient tenté de contrôler, jusqu’ici, a évolué, depuis quelques années, en une immigration durable marquée par son caractère irrégulier. L’impact de ces migrations pose deux questions essentielles, celle du développement d’une part, celle de la sécurité d’autre part. C’est en s’appuyant sur ces deux axes que l’Algérie devra penser sa politique migratoire qui, jusqu’ici, n’a pas été à la mesure des défis à relever. Elle a eu à préciser sa position au sujet des migrations clandestines et des moyens d’en réduire l’ampleur grâce à une coopération régionale et internationale. Celle-ci aura pour priorité de s’attaquer aux causes profondes qui sont à l’origine de ces mouvements de personnes. Si l’Algérie refuse de faire de son sol un vaste camp de rétention, elle ne peut, en revanche, continuer à éluder la question des droits humains intimement liée au phénomène migratoire.
Notre travail se limitera à l’étude de l’immigration sous ses différents aspects, la question de l’émigration algérienne ayant déjà fait l’objet de nombreuses études, par ailleurs.
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