Député RCD de Tizi-Ouzou et vice-président de l’APN, Nouredine Aït Hamouda est un personnage atypique dans l’échiquier politique national. Bête noire attitrée des islamistes et cible permanente de leurs alliés du «qui-tue-qui ?», le fils du colonel Amirouche a été, pour cause, à la tête du premier groupe des Patriotes qui ont empêché l’Algérie de sombrer dans une théocratie chaotique. L’homme est connu et redouté pour son franc-parler et ce sera sans concession — c’est le moins que l’on puisse dire — qu’il dresse, ici, le bilan de l’actuelle Assemblée. Mais pas qu’elle…
Entretien réalisé
par Kamel Amarni
Le Soir d’Algérie : L’actuelle Assemblée nationale vient de boucler sa première année de mandat. Quel bilan en faites-vous, vous qui en êtes vice-président et néanmoins membre de la direction nationale du parti le plus frontalement opposant qui y siège ?
Nouredine Aït Hamouda : Je suis en effet très à l’aise pour en parler : le bilan de cette Assemblée est globalement négatif. Le système du parti unique que je croyais à jamais révolu refait surface dans toutes les institutions, à l’APN particulièrement. Il est d’usage dans toutes les assemblées démocratiques de par le monde que l’opposition soit respectée. Mieux, elle est même encouragée à assumer son rôle d’opposant pour un meilleur équilibre des pouvoirs. Or, chez nous, au sein du Bureau de l’Assemblée dont je fais partie et, au-delà, au sein de toute l’Assemblée, toute idée qui ne va pas dans le sens des orientations «officielles » est perçue comme «une atteinte à l’unité nationale». Pire encore, nous sommes perçus comme des extraterrestres qui empêchent la terre de tourner. Un exemple pour vous dire quel type d’ambiance règne au sein du Bureau de l’APN : un vice-président d’obédience FLN, qui est en même temps président de l’Union des paysans algériens (UNPA), m’a récemment interpellé en ces termes : «Tu ne représentes qu’une minorité» ! Devais-je lui faire remarquer qu’effectivement, c’est une minorité qui a libéré le pays. Et c’est encore cette même minorité qui a imposé le multipartisme et le début de démocratisation du pays. Ceci dit, j’ai, juste après cet incident, suggéré au groupe parlementaire du RCD de demander l’ouverture d’une enquête sur toutes les terres agricoles qui ont été volées, squattées et vendues illégalement à travers tout le territoire national.
On a comme l’impression que le RCD est de plus en plus isolé à l’intérieur de l’APN et même à l’extérieur.
Au RCD, nous ne nous sommes fait aucune illusion sur ce que nous allions trouver à l’intérieur de l’Assemblée. Par contre, c’est avec fierté que les 19 députés du RCD assument leur rôle de seuls opposants à ce pouvoir. Etant malheureusement les seuls à représenter l’opposition démocratique, nous faisons tout pour être dignes de la confiance que la population a placée en nous. Nous avons commencé à militer dans les prisons du régime, déjà à l’époque du parti unique. La situation est autrement plus facile aujourd’hui. C’est dire que certains responsables se trompent lourdement sur les capacités du RCD. Qu’ils sachent que nous continuerons à être des opposants à ce régime conformément à la loi, et ce, non pas par infantilisme mais parce que ce régime est dangereux et pour l’unité nationale et pour l’avenir du pays tout court.
Le pouvoir de son côté vous renvoie la balle et, souvent, vous accable des mêmes accusations. Dernier épisode en date : les émeutes de Chlef et de Berriane.
Je vais vous répondre par une anecdote. Le 10 octobre 1980, j’étais à Chlef (El Asnam) à l’époque, lors du séisme. J’ai immédiatement appelé le Dr Saïd Sadi et le wali de Tizi- Ouzou pour les informer du désastre. La première équipe médicale dont faisait partie Saïd Sadi était la première arrivée sur les lieux. Et, tenez-vous bien, les services de sécurité à l’époque avaient fait des rapports pour dire ceci : «C’est Nouredine Aït Hamouda qui a appelé Saïd Sadi. Donc il était au courant que le tremblement de terre allait avoir lieu» ! Trois décennies après, je constate que les méthodes n’ont pas changé. Or, je tiens à affirmer que les émeutes de Berriane et de Chlef, comme toutes émeutes en Algérie d’ailleurs, ne sont pas l’œuvre de la main de l’étranger, mais bien celle des Algériens. Au RCD, nous avons une tout autre opinion des Algériens. Si, hier, les Algériens ont pris les armes pour faire sortir le colonisateur français, ce n’était certainement pas pour qu’aujourd’hui ils se laissent manipuler par «la main de l’étranger ». C’est une insulte pour ce peuple que de soutenir le contraire. Surtout si cela émane de ceux qui s’étaient planqués au Maroc pendant la guerre de Libération et qui étaient encore à l’étranger quand le terrorisme islamiste tuait et égorgeait les Algériens. Si l’on remonte aux faits, je me rappelle bien que lors de la confection de la liste RCD à Berriane, le wali de Ghardaïa, en accord avec son ministre de l’Intérieur, avait, déjà, pris la décision de supprimer la tête de liste sous prétexte «qu’il représente un danger pour la sécurité de la région». Tout en oubliant de dire que ce même militant tant redouté est… cadre à la wilaya de Ghardaïa ! Dès le lendemain de l’élection, remportée par le RCD, le chef de daïra claironnait à qui voulait bien l’entendre que cette APC ne tiendrait pas six mois ! Depuis, le chef de daïra et son wali n’ont pas cessé d’entraver le bon fonctionnement de cette APC. Le lendemain des émeutes, je me suis rendu à Berriane où j’ai rencontré le chef de daïra qui me disait qu’il ne s’agissait que d’«un chahut de gamins.» Quant au wali, il se demandait, rien que cela, ce que faisait «un étranger» dans la wilaya ! Quand un wali se permet de tels propos racistes, sans qu’il soit relevé de ses fonctions par son responsable hiérarchique, c’est qu’il y a connivence entre eux. Aussi, ce sont les mêmes propos et les mêmes méthodes utilisés à Chlef. Je suis donc fondé de croire que ces mêmes propos, tenus à 400 km d’intervalle par des responsables différents, ont été suggérés de très haut niveau. Surtout quand on sait que ces deux walis appartiennent à ceux que les gens appellent aujourd’hui «la secte de M’sirda». Et là, je comprends parfaitement le ministre de l’Intérieur quand il dit que ces deux walis n’ont fait que leur travail. Pour clore ce sujet, je vais encore aggraver le cas : j’informe le ministre de l’Intérieur que dans mon microordinateur, je suis toujours connecté avec l’étranger. Et que nous avons eu et aurons toujours des contacts avec les organisations internationales des droits de l’homme. Quant aux évènements de Chlef, le malaise a commencé lorsque le chef de l’Etat s’est permis de traiter toute une région de traîtres lors de la campagne de septembre 2005 pour le référendum sur la «réconciliation». Et lorsque, d’autre part, un ministre annule, seul, une disposition de la loi qui prévoyait l’octroi d’une aide de 1 000 000 DA qui concerne des milliers de sinistrés. A quoi vous attendiez- vous dans de telles conditions ? Mais personnellement, je constate que les wilaya historiques III et IV sont les cibles privilégiées de ce qui reste du clan d’Oujda. En un mot, la crise de 1962 n’est pas encore terminée. C’est pour cela qu’il est impératif de changer de génération au pouvoir.
Entretien réalisé
par Kamel Amarni
Le Soir d’Algérie : L’actuelle Assemblée nationale vient de boucler sa première année de mandat. Quel bilan en faites-vous, vous qui en êtes vice-président et néanmoins membre de la direction nationale du parti le plus frontalement opposant qui y siège ?
Nouredine Aït Hamouda : Je suis en effet très à l’aise pour en parler : le bilan de cette Assemblée est globalement négatif. Le système du parti unique que je croyais à jamais révolu refait surface dans toutes les institutions, à l’APN particulièrement. Il est d’usage dans toutes les assemblées démocratiques de par le monde que l’opposition soit respectée. Mieux, elle est même encouragée à assumer son rôle d’opposant pour un meilleur équilibre des pouvoirs. Or, chez nous, au sein du Bureau de l’Assemblée dont je fais partie et, au-delà, au sein de toute l’Assemblée, toute idée qui ne va pas dans le sens des orientations «officielles » est perçue comme «une atteinte à l’unité nationale». Pire encore, nous sommes perçus comme des extraterrestres qui empêchent la terre de tourner. Un exemple pour vous dire quel type d’ambiance règne au sein du Bureau de l’APN : un vice-président d’obédience FLN, qui est en même temps président de l’Union des paysans algériens (UNPA), m’a récemment interpellé en ces termes : «Tu ne représentes qu’une minorité» ! Devais-je lui faire remarquer qu’effectivement, c’est une minorité qui a libéré le pays. Et c’est encore cette même minorité qui a imposé le multipartisme et le début de démocratisation du pays. Ceci dit, j’ai, juste après cet incident, suggéré au groupe parlementaire du RCD de demander l’ouverture d’une enquête sur toutes les terres agricoles qui ont été volées, squattées et vendues illégalement à travers tout le territoire national.
On a comme l’impression que le RCD est de plus en plus isolé à l’intérieur de l’APN et même à l’extérieur.
Au RCD, nous ne nous sommes fait aucune illusion sur ce que nous allions trouver à l’intérieur de l’Assemblée. Par contre, c’est avec fierté que les 19 députés du RCD assument leur rôle de seuls opposants à ce pouvoir. Etant malheureusement les seuls à représenter l’opposition démocratique, nous faisons tout pour être dignes de la confiance que la population a placée en nous. Nous avons commencé à militer dans les prisons du régime, déjà à l’époque du parti unique. La situation est autrement plus facile aujourd’hui. C’est dire que certains responsables se trompent lourdement sur les capacités du RCD. Qu’ils sachent que nous continuerons à être des opposants à ce régime conformément à la loi, et ce, non pas par infantilisme mais parce que ce régime est dangereux et pour l’unité nationale et pour l’avenir du pays tout court.
Le pouvoir de son côté vous renvoie la balle et, souvent, vous accable des mêmes accusations. Dernier épisode en date : les émeutes de Chlef et de Berriane.
Je vais vous répondre par une anecdote. Le 10 octobre 1980, j’étais à Chlef (El Asnam) à l’époque, lors du séisme. J’ai immédiatement appelé le Dr Saïd Sadi et le wali de Tizi- Ouzou pour les informer du désastre. La première équipe médicale dont faisait partie Saïd Sadi était la première arrivée sur les lieux. Et, tenez-vous bien, les services de sécurité à l’époque avaient fait des rapports pour dire ceci : «C’est Nouredine Aït Hamouda qui a appelé Saïd Sadi. Donc il était au courant que le tremblement de terre allait avoir lieu» ! Trois décennies après, je constate que les méthodes n’ont pas changé. Or, je tiens à affirmer que les émeutes de Berriane et de Chlef, comme toutes émeutes en Algérie d’ailleurs, ne sont pas l’œuvre de la main de l’étranger, mais bien celle des Algériens. Au RCD, nous avons une tout autre opinion des Algériens. Si, hier, les Algériens ont pris les armes pour faire sortir le colonisateur français, ce n’était certainement pas pour qu’aujourd’hui ils se laissent manipuler par «la main de l’étranger ». C’est une insulte pour ce peuple que de soutenir le contraire. Surtout si cela émane de ceux qui s’étaient planqués au Maroc pendant la guerre de Libération et qui étaient encore à l’étranger quand le terrorisme islamiste tuait et égorgeait les Algériens. Si l’on remonte aux faits, je me rappelle bien que lors de la confection de la liste RCD à Berriane, le wali de Ghardaïa, en accord avec son ministre de l’Intérieur, avait, déjà, pris la décision de supprimer la tête de liste sous prétexte «qu’il représente un danger pour la sécurité de la région». Tout en oubliant de dire que ce même militant tant redouté est… cadre à la wilaya de Ghardaïa ! Dès le lendemain de l’élection, remportée par le RCD, le chef de daïra claironnait à qui voulait bien l’entendre que cette APC ne tiendrait pas six mois ! Depuis, le chef de daïra et son wali n’ont pas cessé d’entraver le bon fonctionnement de cette APC. Le lendemain des émeutes, je me suis rendu à Berriane où j’ai rencontré le chef de daïra qui me disait qu’il ne s’agissait que d’«un chahut de gamins.» Quant au wali, il se demandait, rien que cela, ce que faisait «un étranger» dans la wilaya ! Quand un wali se permet de tels propos racistes, sans qu’il soit relevé de ses fonctions par son responsable hiérarchique, c’est qu’il y a connivence entre eux. Aussi, ce sont les mêmes propos et les mêmes méthodes utilisés à Chlef. Je suis donc fondé de croire que ces mêmes propos, tenus à 400 km d’intervalle par des responsables différents, ont été suggérés de très haut niveau. Surtout quand on sait que ces deux walis appartiennent à ceux que les gens appellent aujourd’hui «la secte de M’sirda». Et là, je comprends parfaitement le ministre de l’Intérieur quand il dit que ces deux walis n’ont fait que leur travail. Pour clore ce sujet, je vais encore aggraver le cas : j’informe le ministre de l’Intérieur que dans mon microordinateur, je suis toujours connecté avec l’étranger. Et que nous avons eu et aurons toujours des contacts avec les organisations internationales des droits de l’homme. Quant aux évènements de Chlef, le malaise a commencé lorsque le chef de l’Etat s’est permis de traiter toute une région de traîtres lors de la campagne de septembre 2005 pour le référendum sur la «réconciliation». Et lorsque, d’autre part, un ministre annule, seul, une disposition de la loi qui prévoyait l’octroi d’une aide de 1 000 000 DA qui concerne des milliers de sinistrés. A quoi vous attendiez- vous dans de telles conditions ? Mais personnellement, je constate que les wilaya historiques III et IV sont les cibles privilégiées de ce qui reste du clan d’Oujda. En un mot, la crise de 1962 n’est pas encore terminée. C’est pour cela qu’il est impératif de changer de génération au pouvoir.
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