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France-Algérie : nuages sombres et coups de tonnerre sur la « dynamique bilatérale »

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  • France-Algérie : nuages sombres et coups de tonnerre sur la « dynamique bilatérale »

    ANALYSE. La visite prévue courant juin du président algérien en France semble de plus en plus compromise.

    Par notre correspondant à Alger, Adlène Meddi

    Le report à une date ultérieure du déplacement en France du président ­algérien, Abdelmadjid Tebboune, initialement prévu les 2 et 3 mai, confirme à quel point la relation entre Paris et Alger est complexe

    Un mastodonte d'acier barre l'horizon du port d'Alger en ce dimanche 14 mai, attirant les curieux nombreux sur les rambardes du front de mer. L'impressionnant porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre, de classe Mistral, avec ses 21 300 tonnes à pleine charge, ses dimensions qui font de lui le plus important bâtiment après le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle(longueur de 199 mètres et une largeur de 32 mètres), accosta à Alger pour deux jours pour une « escale ordinaire ponctuée par un exercice de démonstration au profit d'une section des Forces navales de l´ANP [armée nationale populaire] qui doit embarquer à bord du bâtiment », selon le porte-parole des forces navales algériennes le lieutenant-colonel Slimane Defaïri, cité par des médias locaux.


    Un « symbole fort »


    Cette escale s'inscrit, explique l'ambassadeur de France à Alger, François Gouyette, dans son discours à bord du Tonnerre, « dans la perspective de l'élargissement de la relation défense souhaitée par les autorités de nos deux pays ». « L'un des objectifs est de développer l'interopérabilité qui est au cœur de la lettre d'intention signée par les deux chefs d'état-major français et algérien en janvier lors de la visite en janvier en France du général d'armée Saïd Chengriha », poursuit l'ambassadeur qui souligne qu'il s'agit là d'« un symbole fort du resserrement des liens entre nos deux pays » et d'une « occasion pour témoigner de la dynamique bilatérale entre la France et l'Algérie ». « Dynamique bilatérale » qui s'inscrit également, selon François Gouyette, « dans la perspective, que nous souhaitons tous la plus rapprochée, de la visite d'État du président Abdelmadjid Tebboune en France ». Cette escale, pour rappel, intervient dans la continuité des exercices communs franco-algériens (ou Activité de coopération opérationnelle [ACO] franco-algérienne), appelés « Raïs Hamidou », du nom du célèbre corsaire et amiral algérois tué par la marine américaine le 15 juin 1815 au large de l'Espagne. Le dernier volet de cette série d'exercices a eu lieu à Toulon pour des opérations de déminage, en septembre 2022, avec la participation du dragueur de mines algérien El Kasseh II.


    Visite compromise ?


    Pour l'expert algérien en questions de défense, Akram Kharief, « la visite de cet impressionnant bâtiment est une preuve de la relance de la coopération militaire entre les deux pays, il serait voulu par les autorités françaises comme un geste d'amitié et de collaboration sur le long terme et marque, peut-être, un retour de la confiance mutuelle sur les plans politiques et militaires ».

    Mais cette « dynamique bilatérale », évoquée par l'ambassadeur de France à Alger, ne semble pas répondre aux attentes après un réchauffement des relations entre Paris et Alger reboostées par la visite en août 2022 du président Macron en Algérie.

    L'un des indices d'un ralentissement de cette dynamique reste le flou entourant la visite programmée du président algérien en France. Prévue initialement pour ce mois de mai, la visite d'État a été reportée pour la deuxième quinzaine de juin, après un appel de Macron à Tebboune fin avril, mais pour, notamment, des questions d'agenda des deux présidents, même cette dernière date semble compromise.


    Raffarin et Rahmani à la rescousse


    D'autres raisons sont évoquées par des sources algériennes et françaises, surtout l'accumulation de dossiers non encore résolus, ou encore le manque de contenus concrets aux nombreux accords entre les deux pays… Des tentatives bilatérales ont été initiées ces dernières semaines pour conjurer ces blocages. D'un commun accord entre les deux présidents deux « facilitateurs » ont été désignés pour préparer la visite à Paris de Tebboune, mais aussi pour créer un « canal direct et efficace » entre l'Élysée et El Mouradia : l'ancien ministre Chérif Rahmani et l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

    Or les efforts des deux sherpas rencontrent de sérieux écueils. Le 11 mai, le Parlement européen adopte une résolution demandant « instamment aux autorités algériennes de libérer immédiatement toutes les personnes détenues arbitrairement et inculpées pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression, y compris le célèbre journaliste Ihsane El-Kadi ». La résolution, adoptée par 536 voix pour, 4 contre et 18 abstentions, demande également « à toutes les institutions de l'UE et aux États membres de condamner ouvertement la répression de la liberté de la presse en Algérie, tout en appelant la délégation de l'Union et les ambassades des pays de l'UE à demander l'accès aux journalistes emprisonnés et à assister aux procès ».


    « C'est inacceptable »


    Cette résolution a provoqué la colère des autorités à Alger et une dépêche de l'agence officielle APS, porte-voix étatique, en donne la couleur : « un ramassis de contre-vérités et de faux jugements qui dénotent clairement une volonté obstinée, de nuire à l'image de l'Algérie », « cette institution européenne, déchue de son piédestal par les affaires de corruption, prouve encore une fois, qu'elle n'a pas encore réussi à se défaire de l'emprise des faux menteurs et des corrupteurs », « tentative d'atteinte, grave, à la souveraineté de l'État »…

    Mais surtout, cette dépêche – suivie par une cascade de dénonciations sur le même ton indigné, notamment exprimées par les deux chambres du Parlement algérien – cible nommément les députés européens du parti Renaissance : « Cette résolution, qui émane apparemment des parlementaires du parti du président français Emmanuel Macron, pose encore plus de questions sur cette démarche et sur les relations que souhaite construire cette tendance politique avec l'Algérie ». « En apparence, ce parti veut renforcer ses relations avec Alger, mais d'un autre côté, il multiplie les coups bas à la construction d'une relation basée sur la confiance. On ne construit pas une relation avec un double langage », poursuit l'auteur anonyme de cette dépêche à charge. Pour le site d'information TSA, cette résolution « s'ajoute à la série d'obstacles qui se dressent sur le chemin de la visite d'État que devrait effectuer le président Abdelmadjid Tebboune en France en juin prochain ». Une « source » affirme à ce même média que « les députés macronistes au Parlement ont initié et adopté la résolution. Ils en ont profité pour attaquer l'Algérie. C'est inacceptable ».


    Alger peu pressé


    Mais, selon des sources officielles françaises contactées par Le Point Afrique, « l’idée que ce soit des députés du parti présidentiel qui auraient été principalement auteurs de cette résolution est tout à fait fallacieuse ». « La résolution a été mise à l’agenda de la plénière – après avoir déjà été repoussée une première fois – à la demande du groupe S & D (groupe dont la présidence est assurée par une députée espagnole, Iratxe Garcia Perez, PSO), soutenu par les Verts et la gauche », précise notre source. « Lors du débat sur la résolution, aucun député français n’a pris la parole dans l’hémicycle et le texte a ensuite été adopté à la quasi-unanimité de la plénière, avec les voix des eurodéputés italiens notamment, et sans amendement », précise encore la source.

    Ces démentis calmeront-ils l'ire d'Alger ? Pas si sûr, d'autant que des signes du peu d'empressement d'Alger pour la préparation de la visite ont été ressentis bien avant cet « incident ». Ajoutons que les autorités ont également omis de médiatiser une rencontre entre le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, et l'ambassadeur Gouyette jeudi dernier ! Et l'escale du Tonnerre de deux jours s'est déroulée dans un assourdissant black-out des médias officiels…
    lepoint.fr
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