Que dire maintenant que compatir aux malheurs des innocents relève de l’hérésie ? Qu’est-ce que l’indignation sinon la dérobade la plus grossière de l’hypocrisie ? Il ne s’agit plus de dire, mais de FAIRE. Que faire pour que l’Humanité redevienne humaine ? Au fait, l’a-t-elle jamais été ? L’Histoire n’est que l’inventaire des horreurs et des représailles inassouvies, le bilan accablant de notre inaptitude à mériter de vivre dans la quiétude et dans la joie.
Déplorer ne suffit pas. Condamner n’a pas plus d’écho qu’un cri en apnée. La vocation de la sagesse est d'appeler à la raison. Il se trouve que la raison, pas plus que la Vérité, n’a plus voix au chapitre. On assiste aux atrocités et on se demande comment les encaisser, où les ranger dans notre désarroi déjà saturé. La Palestine s’inscrit dans cette absurdité désarmante qui trahit l’étendue de la faillite du bon sens. Elle est l’effarant remake d’un même épisode navrant, de plus en plus insupportable. Depuis presque huit décennies, elle n’est que tragédie, larmes et sang, haine chimérique et dévastations, martyre et vindictes. La terre des prophètes est devenue l’arène des temps modernes comme si les guerres de jadis n’ont pas suffi à faire comprendre aux uns et aux autres qu’il n’y a de vrai que la vie et de sacré que le devoir de vivre et de laisser vivre. Si je ne sais quoi dire, c’est parce que la polyphonie des armes se veut la seule parole qui compte et refuse catégoriquement d’être chahutée par le moindre sanglot, le moindre gémissement, la moindre prière. Malheur à celui qui blesse un enfant, s’alarmait la chanson. Qu’en serait-il pour celui qui les tue par milliers ? Bien sûr, des civils israéliens ont été massacrés sans quartier. Des familles israéliennes ont été décimées, sans préavis ni retenue, par le Hamas. Celui qui s’en réjouit n’est pas digne d’être un être humain. Mais la réaction d’Israel dépasse l’entendement.
Le penser est déjà le plus assourdissant des blasphèmes dans le mutisme des consciences. Consciences ? En existe-t-il encore ? J’en doute. Enfermer un peuple dans un ghetto pendant des éternités, le priver d’eau, d’électricité et de nourriture en le bombardant jour et nuit, sans distinction et sans trêve, broyant dans un même geyser de feu et d’acier des mères, des bébés, des vieillards, des patients, des enfants n’est pas la bonne réponse aux attaques, aussi cruelles soient-elles, du Hamas. Si cela répond à une logique, eh bien, il n’y a plus rien de bon à attendre des lendemains. La raison dans tout cela ? On pourrait en inventer des tonnes que cela n’en ferait pas une. Quant aux consciences - j’y reviens à mon corps défendant - l’avenir de l’Humanité semble en mesure de s’en passer. Pour l’instant, il n’en veut pas. C’est tout à fait logique pour un monde qui a choisi délibérément de courir à sa perte. Lorsqu’on est contraint de choisir un camp, on n’est pas obligé de céder. Dans ce cas, on est appelé à plier. A mordre la poussière. A être trainé dans la boue de toutes les opprobres. À disparaître sans trace ni sépultures. Ainsi naissent aux ténèbres les âmes en peine et nos propres fantômes.
Il n’y a plus de justice, plus de retenue, plus de compassion, plus de présence d’esprit lorsque la Guerre est persuadée qu’il n’existe point d’autres arguments d’entente que le sien. Et pourtant, il en existe à ne savoir où les engranger. Tout le drame est là. Que peut le poète lorsque sa souffrance est muselée ? Que peuvent les prophéties quand la folie des Hommes s’autoproclame légitimité ? Rien. Rien de rien. C’est aux Etats d'assumer leur responsabilité. Ils sont les seuls en mesure d’éviter le pire. Et non pas le poète, ni les marches pour la paix ni les prières de l’ensemble des obédiences. Les Etats sont faits pour trouver des solutions, pas pour chercher des coupables. Hier, on enterrait vivants les Juifs. Aujourd’hui, on enterre sous les décombres les Ghazaouis. Demain, il n’y aura plus personne pour enterrer qui que ce soit.
Commentaire