
Entretien réalisé par NABIL M.
Dans un contexte dans lequel les relations commerciales entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) se dirigent vers un changement, Ali Bey Nasri, vice-président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), explique dans l’entretien qu’il nous a accordé l’aspect défavorable de l’accord d’association entre l’Algérie et l’UE, signé en 2005, détaillant les menaces qui pèsent sur les exportations algériennes et appelle à une refonte globale des relations commerciales entre les deux parties.
Vous affirmez que la vision stratégique de l’accord avec l’UE n’est pas favorable aux produits exportés par l’Algérie. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Absolument. L’UE considère que l’énergie fossile est destinée à être blacklistée et surtaxée au niveau européen. Or, nos exportations hors hydrocarbures, à contenu énergétique, sont destinées à 50% vers l’Europe. Prenez les fertilisants, par exemple : nous exportons de l’urée, de l’ammoniac et de l’ammonium hydraté, des produits qui seront taxés au nom de la décarbonation. A partir de 2026, ces produits seront soumis à une taxe de 25%. Cela signifie que nos exportations seront frappées de plein fouet. L’acier et le ciment seront également touchés. En réalité, cette taxation enrichira le Trésor européen, sans aucun bénéfice pour nous.
Vous parlez d’un déséquilibre dans cet accord. Quels sont les autres aspects qui posent problème ?
Le problème est double. D’un côté, l’UE impose des taxes et des quotas sur nos produits, et de l’autre, nous ne voyons aucun investissement européen en retour. Cet accord est strictement commercial et ne profite pas à l’Algérie. Par exemple, pour les produits agroalimentaires, l’Europe bloque nos exportations sous prétexte de normes sanitaires.
Neuf produits sont concernés : les bovins, les ovins, la volaille, les poissons d’aquaculture, le lait, les œufs et tous les dérivés animaux. L’UE exige un Plan de surveillance des résidus, ce que nos voisins maghrébins ont mis en place pour certains produits, mais pas nous.
Pour les autres produits, comme les pâtes, nous avons des quotas dérisoires : 2000 tonnes par an, ce qui est insignifiant. Et pour les jus de fruits, par exemple, la taxe est calculée en fonction du fruit contenu dans le produit. Le sucre est taxé à 419 euros la tonne, alors qu’il est exporté pour une valeur de 350 à 400 euros, soit une taxe de 110% ! L’Europe se protège, mais nous, nous perdons.
Vous évoquez également des problèmes pour les produits sidérurgiques. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, l’UE a imposé des quotas pour protéger son industrie sidérurgique. La Turquie, l’Ukraine, la Russie et la Chine ont reçu des quotas, mais pas l’Algérie, car nous n’exportions pas à l’époque. Aujourd’hui, nous avons droit à des quotas, mais cela reste insuffisant. L’article 2 de l’accord d’association parle d’équilibre des relations, mais en réalité, cet équilibre n’existe pas.
L’UE s’est élargie depuis la signature de l’accord en 2005. Est-ce un facteur aggravant ?
Tout à fait. Lors des négociations, l’UE comptait 15 pays. Aujourd’hui, elle en compte 27, et quatre autres vont bientôt la rejoindre. Cet élargissement a réduit l’intérêt de l’Europe pour les produits étrangers, y compris les nôtres. L’UE privilégie désormais ses propres membres, ce qui rend encore plus difficile l’accès de nos produits à leur marché.
Que proposez-vous pour améliorer cette situation ?
Il faut un accord de nouvelle génération, basé sur un véritable partenariat stratégique. L’Algérie est un pays clé pour l’Europe, notamment grâce à nos exportations de gaz. La vision européenne doit changer. Nous ne pouvons pas continuer avec un accord qui ne profite qu’à une seule partie. L’Algérie doit être considérée comme un partenaire stratégique, pas comme un simple fournisseur de matières premières. Cette relation doit être mutuellement bénéfique. Sans cela, nous n’avons aucun intérêt à rester dans cet accord.
lalgerieaujourdhui . dz/